20 août 2006

Le Gobi : etoiles et chameaux au pays des fremens

Ulaan Baatar - Dimanche 20 Aout - 21h30

Jeudi. Noemie se leve tot, elle a encore son groupe en charge jusqu'au lendemain sur Oulan Bator. On decide d'en profiter pour faire un peu de tourisme ! Le probleme c'est qu'on est pas vraiment au taquet. Apres un long decrassage necessaire, on se pointe au Gandan Temple au moment ou le groupe se barre. Normal. Bon, on profite quand meme de ce temple boudhiste colossal renfermant une statue d'or (ouais, bon,doree), de 26 m de haut ! Eh, quand j'avais lu ca sur le Lonely, c'etait passe a trav', j'avais pas tilte. Mais je vous jure, 26 m de haut c'est vachement impressionnant pour des cons de touristes impressionnables comme moi. A cote de ca plein de petits temples, des lamas qui deambulent, des jolies stupas, des moulins a priere et des boutiques d'antiquite. On entre dans un temple pour assister a une ceremonie, ca fait tinter de la cloche pour attirer les esprits et divinites en murmurant de longues phrases monocordes, a plein en meme temps. Ca fait du boucan et du bien aussi, c'est apaisant. Bon, on va tenter de rejoindre Noemie et ses touristes a leur etape suivante, le grand marche de la ville. On saute dans un taxi : "Zar", prononce-t-on de pleins de manieres differentes jusqu'a ce que le chauffeur ait l'air de comprendre. On deboule dans un marche gigantesque, genre Souk qui part dans tous les sens. On marche tellement longtemps sans voir autre chose que des chaussures qu'on pense que c'est juste un marche a pompes, et puis non, apres c'est au tour des T-Shirts, des fournitures, des tapisseries, des CD, des fruits, des accessoires de cuisine... c'est immense et on perd vite l'espoir de retrouver Noemie dans ce dedale. J'en profite pour racheter une serviette (grande et bleue, avec un petit poisson dessus) et des stylos (qui s'averent ne pas marcher). Je marche tranquillement, mais en faisant super attention a mon portefeuille dans ma poche arriere, car on m'a prevenu que c'etait blinde de pick-pockets. Et ca ne loupe pas. A un moment je sens mon portefeuille se soulever legerement le long de ma fesse droite... je l'arrete immediatement d'un geste brusque de la main et fais volte-face en repoussant le petit gars qui tentait sa chance : il me regarde d'un air un peu timide et hebete, genre j'ai rien fait. Je lui fait comprendre un "qu'est-ce que t'essayais de faire, la ?" avec un air le plus mechant possible (c'est dur, ce con arrive a m'attendrir !), il me repousse tres timidement et s'en va. Les mongoles sont pas les meilleurs voleurs du monde. Heureusement, mon portefeuille contenait quand meme tous mes papiers (dont passeport avec visas), ma carte de credit, ma thune... bref c'aurait ete un desastre. Me rendant compte que je cherche un peu la merde (avouons-le, parfois je me demande si je ne le fais pas expres pour attirer les peripeties), je range mon portefeuille dans une poche avant, mettant un terme a la tentation facile pour le tout venant.

Retour en centre-ville. Allez on se fait un autre temple, plus petit, plus charmant. Pleins de mini-temples en fait, emplis de tas de boudhas d'or et autres divinites top la classe avec des tetes de demons bien foutraques, du genre qui donnent de l'importance aux plaisirs, a la jouissance... un autre discours que celui de "nos" chers saints. On y apercoit aussi la fin d'une autre representation de danses, musiques et contorsions. Dans la boutique d'a cote, j'essaye de negocier le prix d'une peinture sur feuille de riz representant une femme nue ailee autour de laquelle virevoltent des chauves-souris par une nuit de pleine lune. La vendeuse propose 15000 Togrod (10 Euros). Je baisse a 10000. Elle dit non, je fais mine de me casser, sur de mon coup... elle ne me rattrape pas ! Ma fierte m'empeche de revenir, j'ai l'air con, je le voulais ce truc. Je me console en entreprenant la visite des pubs branches : Irish pub a deux etages et scene live, English pub avec quizz organise... on est presque en Europe, les etrangers se croisent et se melent a la population. La biere locale n'est pas excellente mais elle fait du bien apres 10 jours (necessaires) sans alcool. Vers 23h, on rejoint enfin Noemie et son groupe dans un autre pub. C'est leur derniere soiree avant depart, ils ont l'air ravis mait un peu extenues. Les plus braves (trois mecs) se decident a aller "cluber" avec nous. Taxi jusqu'a une boite connue pour ses strip-teases torrides... fermee. Deuxieme tentative dans une boite branchee, trois pelerins se tatent sur la piste. Troisieme tentative : la ca a l'air d'etre le feu. Seules des filles bien appretees dansent de maniere lascive sur le dance-floor, et l'arrivee de bellatres occidentaux semblent raviver leur flamme. Du coup on commande des bieres et on embrase a notre tour la piste. Plus rien ne peux nous arreter, on donne tout ce qu'on a, nos corps se contorsionnent et trouvent une energie nouvelle dans les rythmes discos-transes que le DJ enchaine avec ferveur. Les touristes de Noemie suivent le rythme, T-shirt club Med rentre dans le jean a l'appuie, la grande classe a la francaise quoi. Et puis deux filles mongoles tout en cuir et mini-jupes se mettent a se chauffer sur la piste et a s'embrasser langoureusement sur la bouche. A ce moment, un gars assis a une table me fait signe de venir et me pose des questions en Anglais, puis m'invite a profiter au maximum du voyage. Noemie m'explique que c'est un gars tres haut place au gouvernement ! Du coup, je n'ose plus trop faire le con sur la piste avec mes lunettes roses. Un taxi nous depose devant chez Noemie a une heure bien avancee de la nuit. Juste avant de sortir, la radio entonne un hymne national francais qui nous est cher : "Helene, je m'appelle Helene... ". J'adore l'image de la France a l'etranger.

Noemie n'a dormi qu'une heure, elle s'est leve a 6 pour accompagner son groupe a l'aeroport. A son retour a 10h45, elle essaye de nous lever pour qu'on s'occupe de notre future entree en Chine... avec peu de succes. Les bureaux de l'ambassade ont pourtant des horaires capricieux, et si on ne s'en occupe pas ce matin on n'aura peut-etre pas nos visas a temps. Elle y arrive malgre tout en criant un "Tcho ! " (cri pour faire avancer les chevaux) qui nous fait bondir et galoper en dehors de la chambre comme des cons... elle a compris que seule une connerie avait une chance de fonctionner avec nous. Bon, et la c'est l'efficacite. On file au departement store ou Leo se fait tirer le portrait pour avoir une photo d'identitee. Pas via un vulgaire photomaton, non, un vrai photographe qui se fait une joie de lui retoucher le visage sur photoshop en decoupant les epis et tout ! A 11h30, on est a l'ambassade. A 11h55, nos deux dossiers sont poses (ca fermait a midi !). On doit retirer nos visas le Vendredi 18 suivant, ca nous laisse de la marge pour organiser notre depart. On passe le reste de la journee a flaner en ville de magasin en resto en librairie, pendant que No se repose grassement. J'en profite pour m'acheter le dernier album des Strokes, histoire de decouvrir la culture d'ici, quoi. Et puis ca fait des semaines que je dis a tout le monde que le concertdes Strokes aux Eurockeennes, ca n'apportait rien par rapport a l'album... encore faudrait-il que je le connaisse, l'album ! On rejoint Noemie et Emeline (une amie "expat") au City Cafe, qui sert de superbes brochettes de viande de mouton en terrasse. On decouvre petit a petit le monde des expat francais de Mongolie, un tout petit monde assez particulier, a la fois solidaire et oppressant. Noemie a ete reveillee par une mauvaise nouvelle : la soeur d'un copain lyonnais qui faisait un stage en Mongolie a fait une chute en montagne et s'est casse des vertebres, la hanche, tout ca... elle va etre rapatrie mais en attendant No est alle la voir a l'hopital pour la reconforter et pouvoir donner des nouvelles a sa famille. En plus de ca elle est elle meme bien malade et a besoin de se soigner. Profitons-en pour dresser un petit bilan intestinal des troupes : Leo s'est progressivement liquefie depuis notre passage a Terelj (meme s'il soutient a qui veut l'entendre qu'il est atteint d'une sorte de "constipation chiasseuse" - pardonnez la vulgarite), alors que votre serviteur s'est reconstruit progressivement et contre toute attente (bravant courageusement les pieges a l'airag tendus par les nomades) une flore intestinale de reference. Mais veuillez pardonner cette coupure. On rentre tous les deux chez elle pendant que Leo ecrit des mails en ville, c'est l'occasion de se retrouver un peu, de se raconter aussi. Je lui commente des photos et videos prises en Russie, on parle de pleins de choses, ca fuse, ca rigole. Je suis content d'etre avec elle, de vivre un bout de son quotidien, d'essayer de comprendre ce qui l'a pousse a faire le grand saut pour faire sa vie ici. Elle finit par s'ecrouler quand meme. Moi aussi.

Samedi 12 Aout. Leo se leve, regarde la date et s'exclame : "tiens, j'ai 28 ans aujourd'hui ! " Ah. Bon, je m'etais jure de m'en rappeler, il m'a devance. Du coup je m'empresse de l'inviter "Chez Bernard ", un resto francais repere la veille, avec l'argent commun. C'est pas tous les jours son anniversaire, faut ce qui faut. C'est pas tres bon, per contre ca raque. Allez, on s'autorise meme une petite patisserie au dessert en guise de gateau d'anniversaire. On a pas de bougie. A table, on reparle de nos annees lycees, on se replonge avec delectation dans les histoires de St-Just, des "groupes", des amourettes et de l'arrivee des "gars d'la Tour " (dont je faisais parti) en seconde, avec leurs cheveux longs, leurs guitares et leur fric. On va ensuite passer des heures dans un cafe Internet pour enrichir nos blogs d'eloquents recits. Une chouette journee d'anniversaire non ? Le soir, Noemie va manger avec Emeline et Cecile, les deux tenancieres de la guest-house "Ciel Mongole", et deux suisses clients de la dite guest-house. On les rejoint, je commande un goulash alors qu'un groupe mongole tres statique joue tres fort du Robbie Williams et autres denrees consommables pop-rock, sans conviction ni fausse note. Apres ca, on suit le mouvement... on est quand meme Saturday night, c'est l'anniv' de Leo, pas mal de raisons de se lacher une fois de plus ! Le petit pub reglementaire passe (et sa consommation de Chinggis Khaan Energy Drink), c'est au Medusa qu'on debarque devant des ouvreurs meduses (ouais d'accord, elle est facile), tellement qu'ils me font payer l'entree au mi-tarif feminin ! Moi, me prendre pour une fille, alors que j'ai une taille de barbe et de moustache absolument inegalee ! J'oscille entre vexation naturelle et satisfaction de payer moins cher. Bon, j'expie finalement mes tourments sur la piste dans une deferlante d'energie debridee. Les filles sont vraiment fringuees et maquillees pour l'occasion, la ca rigole pas. Mais les mecs aussi, et c'est la que ca devient drole. La Mongolie, c'est aussi l'empire des kekes ! polos a col remontes, lunettes fashions, jeans plies / dechires a la mode, coupe a la dragon ball avec colori du moment et gel a outrance. Du vrai bonheur. Et a la fois ca fait bizarre. Dans pays si vaste, si proche de la nature, si peu denature par l'exces de civilisation, on a l'impression que tous les tracas lies a la modernite prennent corps dans cette seule ville, de maniere tres ciblee. Comme partout, le monde de la nuit devient ici aussi cette ode a la superficialite deshumanisante, ce repere d'alcooliques et de decerebres ou l'on se tremousse alcoolise sur des rythmes binaires et syncopes pour appater son alter-ego, si possible repondant aux memes codes a la mode, exhibant les memes marques insignifiantes et reproduisant les memes gestes desuets pour se sentir appartenir a cette meme meute de pantins degeneres qui ne voit pas l'interet de communiquer autrement. Bon allez, on peut bien m'accorder parfois quelques coups de gueules incontroles, non ? Et puis moi aussi j'aime jouer de ca, moi aussi je bois des bieres et me dandine sur la piste avec des gestes evoquateurs. Et oui. Mais peut-etre y prends-je part avec un brin de cynisme en plus, qui sait. En tout cas ca me rend triste que ces comportements se retrouvent meme dans les pays ou l'on va pour s'inspirer d'autre chose. Noemie est allee se coucher un peu plus tot, on ne tarde pas a lui emboiter le pas. Mes reflexions mises entre parentheses, on a quand meme passe une super soiree d'anniversaire ! Dodo, donc.

La, on a droit a une vraie grasse mat' du Dimanche et a un reveil lent et progressif. Zoub (autre surnom de Noemie que je dois etre le seul a usiter parfois) nous propose une ballade avec une amie mongole dans la campagne environnante. Bien sur qu'on est partant. Damba, un chauffeur de taxi ami, passe nous prendre avant d'aller chercher Tchana. Elle parle tres bien francais, et pour cause, elle vient de passer un mois a voyager en France ! Elle nous raconte donc notre pays pendant ce mois ou nous n'y etions pas, la canicule, tout ca. Elle est allee a Montpellier, dans les Cevennes, en Bretagne, a Strasbourg, a Paris... un long voyage qu'elle a "gagne" a l'universite en ayant des bons resultats scolaires ! Damba nous conduit jusqu'a la banlieue proche d'Oulan Bator et ses sortes de camps de yourtes delimites en terrains. On s'arrete pour crapahuter en haut des collines et avoir une vue d'ensemble. On croise des Ovos, ces amoncellements de pierres decores de tissus bleus dont on doit faire trois fois le tour avant de deposer une nouvelle pierre dessus, afin de montrer du respect aux esprits de la nature, dans la plus pure tradition animiste. D'en haut, on voit toute une partie de la ville se recroqueviller dans la vallee alors que de l'autre cote, d'autres collines entierement nues et vertes et belles et innombrables prennent leur elan vers la campagne. Cette fois, les nuages semblent de reproduire les uns les autres a l'infini, comme si le ciel etait une usine a nuage. Moins creatifs quoi. Mais ils sont pour autant dissolus et leurs ombres jouent une fois de plus avec les creux et les bosses, et ca j'aime bien. On rigole beaucoup tous les quatre, on discute des differents modes de vie francais et mongoles, on apprend, on respire.

Lundi s'ouvre encore sur une matinee paresseuse, puis on se decide a repartir quelques jours a la campagne avant de bifurquer vers la Chine... le desert de Gobi, ca sonne pas mal non ? Zoub nous emmene a l'ONG Ger to Ger que j'ai deja mentione et qui organisent des sejours itinerants chez les nomades. L'un des sejours cle-en-main est de 5 jours et prend racine dans le Nord du Gobi, pres de la ville MandalGobi, a 260 km au Sud d'Oulan Bator. La brochure nous aleche comme il faut, cons d'occidentaux que nous sommes, en nous parlant de chameaux, de rock proches des forteresses Fremen de Dune et d'autres paysages a la Seigneur des Anneaux. Il ne nous en faut pas plus pour signer. On paye, on nous donne une double page de traductions anglais-mongol pour pouvoir communiquer avec les familles la-bas. Les gens de Ger to Ger sont tres sympa et sont partenaires de Wind of Mongolia (l'agence de Joel et Noemie) sur de nombreux sejours. Au sortir des bureaux, a peine booke le voyage dans le Gobi, Leo a subitement envie de de-Gobi-er. Il sort rapidement... fausse alerte. On file a la gare routiere acheter des tickets pour MandalGobi le lendemain matin, ca nous fait partir du 15 au 20, tout roule ! Direction un resto vegetarien excellent ou on nous serre un assortiment de legumes, riz et tofu en sauce avec quelques buzz, vegetariens eux aussi. On y mange avec Elodie et 2 autres copains francais, des expat' vraiment sympas qui ont beaucoup voyage et ont des projets super interessants. On file ensuite dans un lieu "branche" pour continuer a remplir ces lignes. Au bout d'une heure, Leo a vomi deux fois... il ne se sent pas bien du tout et rentre a l'appartement pour se reposer. Je suis de retour juste apres Noemie, a 22h. Dans le taxi qui me ramene, je tombe sur un texto envoye par Leo un peu plus tot : "Je me sens vraiment pas top Dead, ca serait peut-etre bien que tu passes ou appelles Noemie : le gobi pr moi ca me semble rape... ". Merde, j'espere que ca va quand meme. Il a passe toute la journee au lit a grelotter quand il ne se levait pas pour vomir. On peut pas dire que ca aille fort. A la fois il a tellement envie d'aller dans le Gobi qu'il propose quand meme qu'on mette le reveil a 6h, pour voir si ca va mieux !

6h. Ben oui, ca va mieux... c'est a dire, c'est autre chose que l'agonie de la veille. Mais il a encore besoin de repos. On appelle le taxi (Damba, prevenu la veille) pour decommander, et on se recouche. Plus tard, avec Noemie, on retourne a Ger to Ger pour expliquer la situation, ils sont ok pour reduire le trip a 4 jours si Leo est d'attaque le lendemain. En attendant on le laisse se reposer bien comme il faut a l'appart, pendant qu'on se passe une journee a silloner la ville tous les deux. C'est bien aussi de passer cette journee ensemble. Avec Noemie, on a quand meme une amitie de 15 ans, ca rechauffe une amitie comme ca, c'est pas rien. On alterne les rires, les souvenirs et les debats avec l'aisance propre a ces amities de longues dates justement. Comme si on se voyait tous les jours, alors que c'est loin d'etre le cas. Et c'est parti pour quelques brochettes de moutons, un rachat de tickets de bus pour le lendemain, une visite a la pharmacie, chez le disquaire, a la boutique d'antiquite, au magasin d'artisanat en feutre, au supermarche... bon, notre fievre consommatrice finit par se tarir et on se decide a aller voir si Leo s'en est sorti, de la fievre. Et bien oui, il est veritablement mieux. Transforme. Il est alle puiser toutes les forces qu'il lui restait pour surmonter le mal et pouvoir aller dans le Gobi. Oh Yeah. Noemie repart voir un ami et nous propose de les rejoindre plus tard dans un bar donne. Nous on prend notre temps. Leo est pret a sortir, il en veut le bougre. A ce moment le vieux proprietaire de l'appartement, celui-la meme qui ne voulait pas nous laisser rentrer quelques jours plus tot, rentre dans la chambre et s'assoit. Il empeste l'alcool. Il se releve, se tape la glote avec son doigt pour nous faire comprendre qu'il veut boire et nous tend des billets, genre : "Allez me cherchez de la vodka, jeunes gens " On lui fait des gestes que non, qu'on doit sortir rejoindre Noemie, qu'on a pas le temps. Mais lui insiste, et se met a danser, et se met a chanter. On ecoute des albums de chanteurs traditionnels que j'ai achete dans la journee, le vieux monsieur se greffe dessus et chante, et chante encore. Leo va se doucher et me laisse seul avec le bonhomme. Il a des yeux un peu bleux, un peu tristes. Il a l'air un peu seul, un peu perdu. Il veut passer la soiree avec nous. Je ne peux faire autrement que d'etre touche par ce gars, d'avoir un peu de ressentiment pour sa solitude alcoolisee. Il insiste, veut que je sorte. Je me souviens qu'il reste un fond de vodka dans la premiere bouteille achetee dans le Transsiberien... je la sort, lui sert un verre. Il me sourit, trempe son doigt dedans, l'appose sur son front puis fait gicler une goutte en l'air avant de boire. Il me demande de repeter ses gestes. Je bois tres peu. Leo sort de la douche et reitere le ceremonial en feignant de boire (il en avale quand meme une goutte au passage). Mais c'est quand meme le vieux qui se torche la bouteille. On lui dit que ca y est, qu'on a bu et danse et chante ensemble (ce qui est le cas), qu'on doit partir. Il dit ok, mais refuse de se lever, il reste assis dans la chambre de Noemie, imperturbable. Finalement Leo arrive a le tirer de la pendant que je "reflechis" aux toilettes et a fermer a cle la chambre vite fait... bon. On arrive a sortir en laissant ce vieil homme au regard morne et le coeur serre de voir partir ses nouveaux amis...

Dans le pub, Noemie est en compagnie de Moudjik, un ami qui parle anglais et Elodie, une de ses copines francaises. On discute entre le francais et l'anglais. A la tele, Gasquet est en train de mettre une derouillee a Federer dans le premier set d'un match qui a l'air important... on doit etre dans un monde parallele (j'apprendrai par la suite que c'etait une finale des masters et que Gasquet avait finit par s'effondrer dans les 2 sets suivants... tout est normal donc). On se met a jouer au jeu des petits cochons, la au moins pas de barriere de langue. On se marre bien et, le croirez-vous, c'est Leo qui fait sensation cette fois. Retour a casa, il faut qu'on dorme un peu, c'est le desert de Gobi qui nous attend, les chameaux, le seigneur des anneaux, Dune, tout ca ! Je m'endors des reves pleins la tete, et comme a l'accoutumee pendant ce voyage, je m'en souviens le lendemain. J'aime bien me souvenir de mes reves...

C'est Mecredi 16 Aout a 7h que Damba gare son taxi devant l'appart' pour nous prendre. On le voit d'en haut (ha ha) et on descend. Au revoir brumeux mais chaleureux avec Noemie, remerciements emus, tout ca. Elle devrait revenir en France avant la fin d'annee, ce sera pas trop long. A la gare routiere, on monte dans le car d'une trentaine de places indique par Damba et c'est parti pour 7h de trajet cahoteux. Cahoteux est ici un doux euphemisme, ca ressemble plus au Paris-Dakkar avec un vehicule sans suspension. Pas de dodo possible, ni meme de lecture... on n'a plus qu'a se cramponner au siege et a essayer de limiter les degats du fessier a chaque bond provoque par un soubresaut plus vif. Quelques pauses toutefois. Au cours de l'une d'elle, une nana avec une casquette Ger to Ger, qui connait exactement notre situation, nous reecrit tout en mongol sur une feuille a montrer aux interlocuteurs concernes pour qu'il n'y ait aucun malentendu. Rassurant. Arrive a MandalGobi, on est tout de suite pris en main par une autre casquette Ger to Ger, un mec cette fois, qui ne parle pas anglais. On refait le point avec lui, on paye l'ensemble. Dans le petit bureau nous rejoignent une allemande (35 ans ?) et un americain (tiens, ils voyagent, donc), qui font le meme trajet que nous, mais sans sauter la premiere nuitee en Ger comme on s'apprete a le faire. Quelques courses (pain, chocolat, biscuits sucres et apero...) histoire de ne pas crever de faim en cas d'indigestion a la bouffe nomade. Une Jeep vient nous cueillir, conduite par un moustachu bonne gueule, et c'est parti tout droit vers l'Est, au coeur de la steppe. Ah oui, la on est vraiment dans la steppe. Dans un post precedent j'en parle deja, bien sur, j'ai tellement envie d'en voir que j'en vois partout, de la steppe. Mais la non, c'etait juste des prairies en fait, la cette fois c'en est vraiment. Rappelez-vous vos cours de geographie en CE2 : la steppe, c'est quand il y a des touffes d'herbes disjointes separees par de la terre ou du sable. La on fonce, tantot sur une piste, tantot carrement a meme la steppe. Il y a aussi des multitudes de petites fleurs blanches qui donnent une impression de leger tapis blanc pose sur le terrain aride, et puis beaucoup de cailloux. On passe a cote d'une premiere Ger arborant le symbole Ger to Ger, ca doit etre celle qu'on saute. On s'arrete devant la suivante. La famille nomade est super gentille et accueillante, et super surprise aussi de voir des gens arriver au milieu de l'apres-midi et voulant se diriger vers la Ger suivante en chameau... ben oui, pas facile de les prevenir avant. Mais ca les fait marrer et ils envoient des jeunes chercher les dits-chameaux en moto et a cheval... bon, genial. On a droit a une platee de yaourt maison "un peu fermente mais pas trop". Je le trouve pas degueu, Leo non plus manifestement : a peine sorti de convalescence, il se bascule son bol en quelques instants. La famille est tres souriante, on sort notre lexique de 2 feuilles et on leur explique d'ou on vient, tout ca. On essaye de faire pote quoi. Ca marche pas mal, on se retrouve meme a jouer a un jeu avec un moustachu (le pere ? l'oncle ? on n'a pas bien compris). C'est un jeu de hasard qui se joue en dessinant avec des osselets une vache par terre, de maniere methodique, avec un nombre different pour les doigts, les pattes, le ventre, le coeur, la queue, la tete, etc... apres on jette un de et on doit enlever une partie du corps de la vache possedant le nombre d'osselets indique par le chiffre tire, ou redessiner une partie manquante du bovin avec les osselets en notre possession. Bon, en tout cas c'est drole. Bon, on se fait plumer. Apres quelques heures et autant de thes au lait, c'est l'allemande et l'americain qui debarquent ! En fait ils vont passer la nuit dans cette Ger car le nomade en chef de la precedente est mort pendant l'ete... ok. Nous on attend toujours les chameaux. On demande quand meme s'ils sont loins, on nous montre en riant : 20 km ! Ah oui, c'est pour ca qu'ils etaient un peu affoles a notre arrivee. Du coup on monte sur une colline et on se met a guetter l'arrivee du troupeau de chameaux avec des jumelles qu'on fait tourner. Soudain l'americain montre du doigt une direction : "one camel there !". Il passe les jumelles a l'allemande : "Three camels !". Je m'en empare : "7 !". A chaque fois que quelqu'un jette un oeil, il en voit d'avantage. Finalement, c'est 28 chameaux qu'on voit arriver au galop dans notre direction. Eh, des chameaux c'est quand meme vraiment loin de l'homme physiquement, c'est plus entre le monstre et l'animal. Quand t'as 28 chameaux te foncent desssus, ca fait bizarre, je vous jure. Arrive a notre niveau, on les voit secouer la tete, se frotter les uns les autres et baver une mousse verdatre puante. On va donc monter dessus. On s'est bien amuse avec tout le monde, on a passe un bon moment, mais la fini de rigoler, on va grimper sur des betes definitivement pas du meme monde que nous. Les bestioles s'accroupissent en deux temps, on monte sur la couverture posee entre les deux bosses en guise de selle, puis elles se relevent en deux temps... meme pas peur. Leo part devant accompagne d'un cavalier a cheval et je lui emboite le pas avec notre pote de jeu qui monte un autre chameau. L'ambiance etait aux rires, c'est le silence qui s'impose maintenant. Le soleil est deja tres bas a l'Ouest et les nuages, comme filandreux et elances, semblent comme aspires dans sa direction, formant une spirale rougeoyante vaporeuse. Devant moi, plein sud-est, il n'y a plus rien, Leo est au loin et l'obscurite s'installe. Les cailloux jallonant la steppe reflettent l'orange des derniers rayons de soleil a ma gauche, alors que ceux de droite sont deja terne comme la nuit dans lequel tout le paysage ne va pas tarder a sombrer. En haut a droite, l'etoile polaire brille deja. Je leve la tete : 2, 3, 4, 5... 6 etoiles surnagent deja dans cet entre chien et loup desertique. Le chameau avance, je m'y sens bien, et mon cul a peine moins. Je prend conscience de la chance que j'ai de voir la nuit tomber sur le desert de Gobi a dos de chameau, et je me demande combien de temps l'homme pourra encore preserver ces endroits. Et puis je revois des images de ma vie passee et presente, je fais un point. C'est marrant de faire un point sur sa vie a dos de chameau. C'est comme ca, ca previent pas ces choses la. J'ai l'impression de vivre quelque chose de fort, y compris avec le nomade qui m'accompagne, meme si plus une parole n'a ete prononcee depuis le debut de la ballade. Je leve encore la tete : ca y est, le ciel est completement etoile. Je ne veux plus baisser les yeux. Le sol n'est plus qu'une immense tache d'ombre du haut de ma monture. Je laisse mon regard bringueballer sur la voute celeste (a cause des mouvements perpetuels provoques par la bete), je flotte un peu entre deux monde. "On est arrive", doit me dire mon accompagnateur. Je sursaute, retour a la realite. Le chameau s'abaisse, je reprend pied sur terre. On a fait 8 km, je n'ai aucune idee du temps ecoule. Une Ger entrouverte laisse filtrer une raie de lumiere. Leo est deja assis devant un bon bol de the au lait, entoure par toute une petite famille chaleureuse. On se met vite a communiquer tant bien que mal entre mots (eux aussi ont un lexique personnalise), mimes (on gesticule un peu dans tous les sens) et dessins (tres beaux). Une femme de quarante ans un peu fofolle, sa soeur de 20 ans un peu mignone, deux gamins de 11 et 12 ans un peu timides, une chaleur un peu rapide a s'installer. Comme il fait deja nuit, ils nous propose de dormir dans la Ger sur le tapis. Quand tout le monde est alle se coucher, on refait une sortie avec Leo pour regarder les etoiles : quelques nuages empechent une parfaite visibilite mais c'est pas mal quand meme. Du coup on parle croyances, mysticisme et sciences, OVNIs, sens de la vie, tout ca. Ben oui, dans ces atmospheres la, ces sujets se lancent sans meme qu'on s'en rende compte.

Le reveil du lendemain n'est pas trop matinal, on se repose de la longue journee de la veille. Petit-dej revitalisant suivi d'une partie de Beach-Volley qui restera dans les annales de la famille. On est Leo, fofolle et moi contre mignone et un autre jeune. Des lignes approximatives sont tracees sur le sol et une cordelette tendue entre un poteau et une cabanne. Globalement ca joue tres mal et ca ne construit rien, avec fofolle qui hurle a chaque point gagne en sautant comme une hysterique, mais on rigole bien. Apres ca on apprend un nouveau jeu avec des osselets, proche des billes avec des regles marrantes. Il faut reconnaitre les moutons, les chevres, les chevaux et les chameaux dans les positions des osselets lances pour jouer en consequence... bon, on se fait plumer. Je crois bien que mignone (son vrai prenom ? faut que je le retrouve, imprononcable) a un petit begain pour Leo. On doit repartir. Programme du jour : 23 km a cheval pour rejoindre la Ger suivante. Nos chevaux ont tous deux des selles mongoles, les pires. Bon, c'est qu'un jour. On dit au revoir a la famille, on leur promet qu'on leur fera passer des photos... le contact a vraiment ete genial ici. C'est parti. Au bout de... 30 secondes, ca me fait deja mal. Les selles mongoles ont la particularite d'avoir un gros montant en fer a l'avant dont la base saillante entaille les cuisses au niveau de l'aisne a chaque mouvement du cheval. Charmant. Meme au pas, ca fait mal. Je prend mon mal en patience en essayant de trouver des positions accepatables, mais je passe encore le plus clair du temps debout sur les etriers, preferant pousser sur les jambes que continuer le supplice. J'essaye aussi des techniques simples, du genre penser au peu de souffrance que c'est compare aux juifs morts etouffes dans des wagons blindes etc... ca marche, ca, quand meme. Je me concentre sur le vent, sur les paysages, sur la chance d'etre la. Ca marche, mais ca fait mal. Alors je me met a chanter, du Aznavour, du Polnareff, des trucs bien envoles. Ca marche mieux encore, ca. Chanter, c'est un peu le remede miracle. Leo a l'air de s'en sortir bien mieux que moi alors qu'il a lui aussi une selle mongole. On change de cheveaux pour les 9 derniers km et, effectivement, sa selle fait moins mal. Le temps est de plus en plus sec, le vent s'amenuise et le soleil tappe tres fort. On est dans une zone tres desertique, pas de dunes de sable mais toujours cette steppe vertigineuse. Des aigles tournoient... waouh, on est dans le far-west. Pendant une pause, je m'allonge et m'endors quelques instants... suffisament pour me prendre un bon coup de chaud. Arrive a la troisieme Ger, je vacille de soif. Nos hotes sont pleins d'attention et de generosite, mais je n'ai plus envie de the au lait chaud ni de creme maison ni de yaourt fermente... j'ai juste envie d'eau fraiche, et ici l'eau est d'abord bouillie (pour tuer les saloperies dedans), donc c'est pas pour tout de suite. Je n'ai rien envie d'avaler, je mange quand meme un peu de riz le soir, on va pas se laisser abbatre. On est maintenant des bons baroudeurs de la communication en mongol, on a compris les techniques qui marchaient pour expliquer ou on vivait, ce qu'on faisait, tout ca. Pour simplifier je me fais passer pour un grand guitariste de rock. Pour simplifier. On a plante la tente a quelques metres du campement. Le vent a ete tres peu present aujourd'hui et c'est une nuit etoilee d'anthologie qui s'ouvre devant nous. Leo a sa carte des constellations, on la prend et on marche un peu plus loin. Il restait encore une faible lueur de crepuscule a l'ouest, mais quand on revient tout est plonge dans le noir. On ne voit plus rien a quelques metres. Pas une lumiere de ville, pas une lampe de poche, rien. Leo n'a pas du tout confiance en son sens de l'orientation (et il a raison !) et s'inquiete un peu de ca. Moi je lui dis t'inquietes, en montant sur les collines la-bas ca risque rien. Bon. On marche un petit peu, et puis on arrive au sommet. On se pose sur des cailloux et on leve la tete : c'est prodigieux. La voie lactee est blanche, les moindres petites etoiles visibles, c'est epoustouflant. Des etoiles filantes scindent par instants la voute en deux. Et puis avec Leo, on aime bien les etoiles. On connait deja pas mal de constellations. Alors on les retrouve une a une, on les remet a leur bonne place. On se reraconte les mythologies (Percee, Cephe, Hercule, Andromede, Pegase...), on se projete dans d'autres mondes et d'autres temps. On se raconte la vie des etoiles et des galaxies, on se dit que, finalement, on est bien peu de choses, et on assume pleinement notre role de philosophe de comptoir. Et puis ensuite, a l'aide d'une lampe frontale passee sous un T-shirt pour en diminuer l'intensite, on essaye de reperer de nouvelles constellations qu'on ne connaissait pas... et on en decouvre des dizaines ! Des tas d'animaux et de symboles etranges, et puis aussi des signes astrologiques qui sont proches de l'horizon, donc difficilement visibles : le poisson, le scorpion, le belier, le capricorne, le sagitaire... on arrete pas de tourner sur nous meme, les yeux rives vers cette si dense concentration de merveilles. Quand on reprend un peu les pieds sur terre, il est peut-etre 2h... ou 4h du matin, on ne sait pas. Je demande a Leo "Alors, elle est ou la tente ?". Il se tourne et m'indique une direction. Pour moi, c'est absolument a l'oppose ! C'est assez effrayant, on n'eat plus du tout sur de retrouver notre chemin... on suit quand meme ma direction , je suis a peu pres sur de moi alors que Leo ne l'est pas du tout. J'eclaire un peu le chemin avec la frontale (qui n'eclaire pas bien loin dans la steppe), Leo me demande de l'eteindre pour ne pas user trop la batterie "au cas ou"... on marche un peu au hasard, on essaye un peu de se reperer avec l'etoile polaire. Et puis on finit par tomber sur la tente. Ouf.

Le Vendredi pas de quartier, on nous tire d'un court sommeil a 9h. Journee marche, 13 km. On dejeune une platee de riz, sucree, acide et laiteuse... Leo n'arrive pas amanger, moi je parviens avec peine a la moitie. Comme la veille avec les chevaux, nos bagages sont attaches a l'arriere d'une moto qui suit notre trajet par courts segments tout au long de l'etape. On part a pied avec la nomade en chef, bien la forme pour ses 58 ans et malgre une inflammation a la gorge. On s'enfile les premiers kilometres, et le paysage se met a changer : les cailloux deviennemt des gros amas de roches aux formes variees, puis de longues chaines de rocailles s'erigent, de plus en plus denses, de plus en plus singulieres le long du chemin. Les rapaces y sont chez eux. Plus on avance et plus le vent souffle fort, et plus on voit de montagnes de roches stries aux contours surnaturels. On plonge petit a petit dans un univers fantasmatique : effectivement, les Fremens du roman Dune pourraient bien avoir pose leurs guetres ici. Leo prend une photo magnifique d'un aigle en plein envol. On arrive a bon port dans la Ger finale. En plus de la famille nomade (1 femme de 50 ans, un homme de 60, une fille de 22 et une autre de 13), de nombreuses personnes sont deja protegees du vent a l'interieur, dont une anglaise qui est ici pour planter des arbres. On va tous prendre l'air. Le campement est entoure de petites montagnes et les gamins grimpent dessus comme ils marchent. Du haut de son rocher, le vieux nomade se met a declamer des vers mongoles qui s'envolent au vent a mesure qu'il les recite. Le gros de la compagnie s'en va et nous on retourne discuter avec les nomades dans leur yourte. A un moment, la femme nous dit "Venez voir, je vais vous montrer quelque chose", genre posez vos affaires en cours, je vous montre juste un truc. Resultat : une ballade de 10 km dans les environs pour nous faire visiter ! Le tour du pathe de maison, quoi. On marche face au vent. Le vent de Mongolie, j'en avait deja parle aussi ? Ah... encore un emportement attif. Je n'avais rien vu jusque la. Pendant toute la premiere traversee, le vent souffle tellement fort qu'il est tres difficile de s'entendre parler. Les oreilles sifflent et on avance avec peine. Tout au bout s'erige en haut d'une colline une immense dale blanche en forme de cercle traversee par une arche blanche tres sobre. En son sentre, une haute stelle de pierre avec des inscriptions en vieux mongole dessus. On se croirait vraiment dans 2001 l'odyssee de l'espace ou dans la planete Tatouine de Star Wars. C'est une vision etonnante. On croit comprendre que cet "edifice" a ete construit pour celebrer les 800 ans de Gengis Khan. On continue notre boucle. On voit des tas de formes etranges dans les rochers, des guerriers, des animaux. En fait, il y a des millions d'annees, cette partie du Gobi etait entierement recouvert par les eaux ! Ces roches viennent donc de l'erosion des fonds marins, c'est fou. Comme il n'y a encore rien d'autre aujourd'hui que ces visions lunaires, une simple projection mentale nous emmene au fond de l'eau. On imagine aussi facilement des dinausores se mouvoir pesamment entre ces montagnes... bon, on part un peu loin, la. On admire aussi un theatre naturel dans la roche, au sein duquel on a egalement coule de grandes dalles de beton circulaires peintes en blanc pour pouvoir vraiment donner des representations. On dirait une piste d'atterrissage a OVNI. Un peu plus loin, on grimpe en haut d'une petite montagne rocheuse qu'on traverse via une grotte a double entree. D'en haut, on se rend compte de l'immensite de tout cela, de l'etendue fantastique qui s'etale devant nous. Plus on y est, moins on se sent dans un endroit connu. Retour au campement, la les jambes se font sentir. Je suis creve. Memes symptomes que la veille, grosse fatigue et la tete qui tourne. Je me couche plus tot que Leo qui retourne un moment avec la famille. Il me reveille en trombe en rentrant dans la Ger ou nous dormons, en pleine crise d'arachnophobie ! Il a toujours eu peur des ariagnees, et la il en voit plein, partout. Moi ca me fait une peu rire, lui pas. Il en tue 25 en hurlant, en tapant, en fremissant, et je sens son angoisse persister meme la lumiere eteinte et le silence reignant.

J'ai passe une sale nuit et suis d'humeur assez irrascible le lendemain matin. Mal dormi, un peu de fievre sans doute, vu les delires qui m'ont suivis dans l'entre-sommeil. Ca fait plusieurs jours qu'un bouton infecte me faisait mal a la cuisse, mais la il est carrement immense, gonfle de pue (desole ames sensibles). C'est peut-etre cette infection qui m'a fatigue... un peu plus tard l'allemande et l'amerloc arrivent a leur tout a pied et me filent des antiseptiques, pansements, tout ca. On laisse couler la journee pepere, on se repose. A 16h, notre chauffeur est la. Retour a MandalGobi, a une debut de semblant de civilisation. Nuit dans la guest house de Ger to Ger (une Ger, bien sur) apres que le personnel nous ai prepare a manger.

Lever 6h. Depart du bus a 7. Et encore 7h de tape cul "entre 2 sieges" avant de rejoindre Ulaan Baatar. Le reste de la journee nous permet de prendre (enfin) une douche, de ranger nos affaires et de s'atteler de nouveau a la tache de raconter. Et nous sommes aujourd'hui. Ce matin Joel est passe reprendre les affaires qu'il nous avait prete, j'ai file a un bureau pour recuperer nos billets de train et bus pour rejoindre Beijing. Entre temps Joel avait gere nos visa : tout est en regle, pas de piege en vue ! Un petit tour au grand marche pour acheter 2-3 souvenirs, et c'est ici, dans ce cafe Internet (qui nous aura bien dorlote pendant ce sejour), que j'ecris ces dernieres lignes. Dans 2 heures, c'est le grand depart pour Pekin.

UlaanBaatar - Lundi 21 Aout - 18h09

12 août 2006

La Mongolie : l'empire des mouches

Ulaan Baatar - Vendredi 11 Aout 2006 - 23h00

Encore un titre un peu racoleur, mais bon, faut bien vendre du papier. Et en plus c'est vrai, ya plus de mouches que de chevaux ici, je ne comprends vraiment pas pourquoi il n'y en a toujours que pour eux... mais mettons ma mauvaise foi de cote un instant. Il nous faut encore y arriver, en Mongolie...

La petite gare de Naouchki est assez sordide. Precisons : pas tres accueillante, vide de chaleur et plongee dans une relative obscurite. Les quelques personnes qui descendent en meme temps que nous tracent leur route, du coup on se sent un peu seul, peut-etre parce qu'on l'est. Un guichet est toutefois ouvert... mais manifestement pas aux etrangers, la porte de prison russe qui le tient prenant a peine le temps de nous envoyer chier sans repondre a nos questions. Les russes, quand ils ont pas envie, ils ont pas envie. Tentative de sortie : on n'est pas du tout dans le centre-ville (s'il y en a un), une grande place de gravats devant nous, et au dela une sorte de parc avec quelques tentes, des canettes de biere et des bagnoles d'ou nous parviennent des echos des tubes de l'ete russes qui nous sortent par les oreilles. On finit par trouver dans la gare une nana attentive qui accepte d'ecouter Leo et qui nous donne des indications : il y a bien un train pour Oulan Bator (Ulaan Baatar ecriture locale) a 17h30 le lendemain, sinon des bus passent peut-etre la frontiere aussi, a partir du matin, la gare routiere etant le terrain vague d'en face. On pose nos gros sacs en consigne, il ne nous reste plus qu'a attendre le petit matin dans l'hotel 3 etoiles qu'est la grande salle d'attente. Une salle sombre dont la hauteur de plafond fait resonner le moindre bruit. Il est dans les 2h. Leo essaye de s'assoupir sur une chaise, moi je m'affale sur le sol un peu crade avec mon fidele petit coussin Aeroflot (toujours le meme que l'anne derniere, une benediction en de telles circonstances). On est pas seuls : dans un coin de la la salle, un gars decide d'ecouter a fond toutes ses sonneries de portables. Un excellent trip qui fait un boucan d'enfer. Un peu plus tard, un grand nombre de femmes bouriates (mongoles ?) surgissent avec de gros sacs pleins de marchandises, a grands renfort de cris d'enfants. Des militaires se pointent aussi. J'arrive a faire de courts sommeils profonds par moments, entrecoupes de reveils en sursauts pas tres agreables sur le sol dur et poussiereux. Je dors toujours mieux que Leo qui a beaucoup de mal a fermer l'oeil.

Vers 6h20, la nana "sympa" de la gare nous "reveille" en nous beuglant de nous lever, on se sait pas trop pourquoi. Il fait un peu jour, toujours plus que dans nos tetes apres cette courte nuit a la dure. Recuperation des bagages, et puis attente avec tous les autres devant le terrain vague. Un premier car se pointe, ca se bouscule pour rentrer dedans, ca fait tomber des marchandises au passage. On essaye de demander s'il va a "Soukhe-Bator", premiere ville de Mongolie... c'a pas l'air. 7h20, 2
eme car. Meme question, le chauffeur nous dit de monter, on verra bien. On rejoint en fait Kiakhta, autre petite ville, plus a l'Est mais carrement frontaliere. Le chauffeur pose tout le monde, on fait mine de descendre mais non, il nous dit de remonter... il ramene le car jusqu'a une baraque un peu plus loin et on traverse un jardin, probablement le sien. Il nous dit de monter dans une grosse Jeep qui attend dans un garage. Parfois faut faire confiance... pas bien le choix, et puis il a une tete plutot sympatique. Il nous trimballe comme ca jusqu'a une longue file d'attente avec notamment des tas de camions (sur)charges de longs troncs d'arbre, qu'il double sans gene en empruntant un petit chemin de cote. On le remercie (en russe ca veut dire "lacher un billet") et il nous dit de monter dans la voiture la plus proche de la zone frontaliere grillagee. On s'execute un peu vite et on se retrouve empetre dans une veille carcasse, coinces entre nos bagages, des vieilles fringues et quelques grosses pasteques. A l'avant, le chauffeur et une autre nana qu'il "fait passer". La grille s'ouvre pour laisser passer l'etrange convoi que nous formons... la voiture ne demarre pas, et c'est poussee par 3 gars derriere que la premiere barriere est franchie. On n'a pas le droit de passer a pied, mais pousse a l'interieur d'une voiture qui ne marche pas semble accepte ! On remplit un formulaire de sortie avec declaration de biens et de devises (le chauffeur nous conseille de tout inscrire exactement, les douaniers ayant tendance a se mettre dans la poche tout ce qui depasse la somme declaree). Un premier poste de controle russe verifie bagages, passeports et bagnole. Un douanier ouvre le coffre (qui lui reste dans les mains au passage !!) et trifouille un peu dans l'enchevetrement d'affaires en vrac de l'habitacle branlant. En attendant, la nana nous demande si on aime Jesus et ne cesse de chanter des "Alleluia", ce qui semble fort peu a propos mais confere a l'ambiance une etrangete toute particuliere. Ca passe. Deuxieme controle, les passeports sont epluches, nos tetes aussi. Il semble y avoir un probleme, ca parlemante, il manque des papiers... on montre notre "faux" Voucher d'agence suisse, ils prennent des notes et finissent par nous laisser passer. On est plus en Russie ! Zone mongole rebelote, la voiture se faufile entre des camions puis s'arrete. On suit les gens dans des bureaux, le chauffeur nous amene nos bagages... la situation nous file une fois de plus entre les doigts, on se sent assez peu maitre des choses. File d'attente, verification de passeports et visas ok, declaration de biens tamponnee, puis attente a l'autre bout des bureaux. La vieille bagnole nous recupere, arrive a demarrer dans une descente et traverse la derniere portion de ce no man's land chaotique. Derniere grille, derniere verification des passeports. On s'arrete juste derriere, on paye le chauffeur le prix conseille par le Lonely... il en veut plus, nous engueule un peu. Pendant ce temps, la religieuse hysterique nous dit de lui faire passer nos bagages de l'autre cote d'une grille pour les mettre dans un taxi en direction de Souke-Bator (Sukhbaatar). On fait tout passer sans trop reflechir. On se depeche de contourner le grillage sur 50 m pour rejoindre la route et faire volte-face... plus rien. On ne voit plus ni bagages, nini nana... et merde. Ah si, une bagnole s'arrete, c'est eux qui nous font signe de monter. Ouf. Pendant le trajet, Leo s'apercoit que le tumulte, la fatigue et le stress de l'instant ont eu raison de son chapeau qu'il a laisse sur la plage arriere de la voiture de passe... arghh, il l'aimait bien son chapeau. Le taxi nous debarque devant la gare de Sukh-Baatar. Ca y est, on est vraiment en Mongolie !

La gare est paisible. Pas grand monde, pas particulierement belle, mais paisible. Achats de biscuits et autres trucs a picorer, on est mort de faim (rien avale depuis la veille au matin), changement de Roubles en Togrod. Pas de train pour la capitale avant 21h45 le soir, le meme train qui passait a Naouchki... on esperait pouvoir attraper un train local mais non, on n'a pas gagne une seconde avec le manege du passage de frontiere. Leo s'ecroule sur une chaise et s'endort immediatement, comme reconforte par l'air mongol (alors qu'une certaine tension l'empechait de se laisser completement aller dans les gares russes). Je reste un moment a observer. Une mere et ses trois gamins arrivent dans la salle d'attente. Deux gamins dans les 7-8 ans, une petite dans les 3 ans. Je leur donne des biscuits dont ils se goinfrent et ils commencent a jouer avec la tete de Leo qui continue a dormir. Un autre mongol arrive, discute avec la femme, puis me propose de nous emmener a Ulan Baatar en taxi. Je souris et lui demande d'ecrire le prix propose, sans trop y croire : 10 000 Togrod chacun, soit 7 Euros environ ! Leo se reveille et on part immediatement dans la voiture du gars. On est quand meme 8 en tout (la femme et ses trois gamins, le chauffeur, un autre gars et nous deux), ca fait beaucoup mais on est en bonne compagnie. Les garcons s'endorment sur nos genoux apres avoir mange tous nos gateaux, pendant que la petite, surexcitee, passe son temps a sauter du siege passager (ici a gauche) a la banquette arriere et a nous raconter des histoires en bavant joyeusement. Le chauffeur a une tete geniale et inspire la sympathie. Il me dit qu'on est a 3h de route d'UB, on en mettra donc 8, mais ici, le temps n'a pas tant d'importance ! A peine sortis de Sukhe Bator, la voiture fait un detour pour s'arreter devant un amas d'arbres du genre magiques ou sacres ou shamanniques ou animistes, decores d'une centaine de rubans bleus accroches aux branches. Des pigeons (par centaine aussi) viennent picorer la mixture laiteuse que des gens envoient tout autour en l'air avec des petites cuilleres en psalmodiant des trucs bizares. C'est mieux que le train, on est en peine nature en train de profiter d'endroits perdus et envoutants. De nouveau sur la route, on se delecte du paysage... entre les villes, il n'y a tout simplement rien... pas un champs cultive en vue, pas une maison, rien. Que des plaines verdoyantes sans fin qui ondulent de part et d'autre de la route. Parfois une ou deux yourtes perdues au loin, un troupeau de vaches en liberte... ou un cavalier seul traversant la steppe. Le soleil brille, la radio diffuse des chants mongols magnifiques, on est bien quoi. Arret au milieu de rien : le chauffeur siffle une fille au loin qui sort d'une yourte pour nous amener de l'airag, du lait de jument fermente connu pour ses vertues "purgatrice". Un gout tres fort, tres amer, mais ca se boit (enfin, une gorgee). Pause pour manger dans un resto de bord de route solitaire issu de nul part : une bonne assiette garnie avec steak, oeuf a cheval, riz, carottes rapes, puree, choux... un "repas-rateur". La famille mange des "Buzz", les bons beignets juteux de viande hachee. Plus tard, la voiture s'arrete encore a cote d'une yourte, on nous fait monter sur un cheval (je m'errafle au passage toute la jambe sur l'etrier en sortant de selle), on boit l'eau de la riviere. Enfin surtout moi, Leo me le deconseillant. Et il a raison : entre ca et l'airag, ca commence a glouglouter severe la dedans.

On arrive a Ulan Baatar vers 18h. Traversee de longues avenues poussiereuses bordees de grands batiments a la russe qu'on aurait du mal a qualifier de jolis. Ici, les cabines telephoniques sont des personnes sur le bord de la route avec des telephones blancs a antennes et des masques blancs sur le visage. Ouais je sais c'est flippant. J'appelle Joel, le gars francais avec qui bosse Noemie, qui est cense nous filer ses cles. Pas de soucis, on se donne RV dans le centre. La petite famille finit par s'eloigner et c'est a notre tour d'etre depose a l'endroit convenu. Nouvelle dissolution. Joel nous accueille avec le sourire. Sympa et decontracte, accent toulousain, la quarantaine grisonante. On enfourne tout dans la Jeep, il passe chez lui chercher les cles et nous emmene jusqu'a chez Noemie dans un quartier peu entretenu et sans route, avec des immeubes numerotes qui semblent poses de maniere hasardeuse sur un grand terrain vague. 3eme etage, ca s'ouvre. L'appartement est partage en 3 chambres, Noemie en a une. Les parties communes sont composees d'un vestibule, d'une salle de bain et d'un chiotte, ce dernier ne tardant pas a servir, les differents liquides ingurgites ayant eu raison de mon intestin. Joel nous propose de nous organiser un petit sejour a la campagne avant le retour de Noemie le 9, on reprendra contact avec lui. Un petit mot nous attend, expliquant notament le fonctionnement de la colloc' et tout. Et puis Noemie a prepare des petits papiers pre-decoupes a montrer aux taxis pour aller au centre-ville, au department store (grand magasin) ou revenir ici. Sympa tout ca. On prend nos aises et une bonne douche, et puis c'est le contre-coup. Apres une breve lutte contre le sommeil a coups de bouquins, la fatigue accumulee ne tarde pas a nous mettre a terre. J'adore passer des frontieres, mais... il est vrai que je ne le ferai pas tous les jours.

Les trois jours qui suivent sont principalement consacres a des activites apaisantes et reparatrices : reprendre des forces, un rythme de vie saint, contact avec les autres, nos marques dans la ville, tout ca. Une grande ville avec des batiments "fonctionnels" et massifs, comme parachutes au milieu de la steppe, entouree par des colines progressivement prises d'assaut par des especes de "bidonvilles" de yourtes... rien de veritablement charmant, il faut l'avouer, mais on s'y sent bien et la vie s'y deroule a un rythme raisonnable. La grande place SukhBaatar en est le centre nevralgique, entouree de nombreux pubs, restos, banques, cafes Internet, magasins, musees... tout ce qui caracterise une grande ville.
On y mange bien et pas cher, des assiettes garnies la plupart du temps, avec priorite a la bonne viande (grasse) si possible. Meme les fast-food locaux font de la bouffe correcte. Et puis des restos etrangers pullulent, on tente un coreen, pas degueu. Les cafes normaux (en poudre, sucres au lait) sont pas chers et pas bons, les expressos chers et pas bon, tout est normal.
Ici la combinaison de mots "plaque d'egout" n'existe pas vraiment, on lui preferera "bouche d'egout", tant il est rare d'en voir une refermee. On fait des theories sur le nombre de morts par an tombant bourres dans ces trous urbains (la population mongole etat elle aussi tres encline a l'alcoolisme), ca doit etre colossal. Noemie nous apprendra par la suite que des gens habitent dans les conduits d'egout...
Les mongols sont globalement souriants et nous mettent a l'aise, meme si beaucoup empestent l'alcool et reagissent de maniere parfois particuliere a notre passage. Le lendemain de notre arrivee, un des premiers petits vieux qui nous voit nous interpellent avec un gros sourire en nous parlant, le seul truc qu'on comprend est "Adolf Hitler"... en fait les mongols ont une espece d'admiration etrangement placee pour tous les grands conquerants, a l'instar de leur legendaire Gengis Khan qui fut maitre de l'un des plus grands empires que le monde ait jamais connu (englobant Russie, Chine, Moyen orient...) au XIIIeme siecle. Du coup ils considerent comme des genies Cesar, Alexandre le grand, Napoleon et... Hitler. Plus tard, nous verrons une voiture avec un rond blanc pourvu d'une croix gammee sur bande rouge, peinte sur la carosserie. Certains mongols pensent donc a Hitler en nous voyant et c'est sense nous flatter. C'est pas gagne.
Globalement on se sent en securite par rapport a la Russie. On n'a pas peur de trainer tard dans la rue, de prendre le taxi (n'importe quelle voiture pouvant servir de taxi)... et pourtant il y a tres peu d'eclairages publics par endroits. Le premier soir de sortie, on parvient a retrouver chez Noemie en revenant du centre a pied grace aux indications de mongols muets ! Ca c'est le top, plus de barriere de langue (moi, cynique ?). Ca ne nous empeche pas de nous tromper 3 fois d'entree d'immeuble (ils se ressemblent tous), chaque tentative etant accompagne d'un "chui sur que c'est la" de ma part bien sur.
Les cafes Internet coutent dans les 40 cts d'euro l'heure et sont bien equipes, certains passent du rock (Radiohead, Metaloche...), on y est pas mal, et c'est pas un luxe vu le temps qu'on y passe (ces satanes blogs nous prennent un temps fou... !)
La langue mongole est super dure a prononcer, avec des sonorites entre le russe et le chinois mais en plus dur a prononcer encore. Apres 10 jours ici, je sais dire seulement "merci" et me fait comprendre une fois sur trois... c'est la debacle.
Les feux sont la a simple titre indicatif mais les voitures roulent absolument n'importe comment, se faufilent a droite ou a gauche sur n'importe quelle file et a n'importe quel moment, franchissent des lignes interdites, klaxonnent pour faire peur au pietons afin qu'ils les laissent passer. Personne ne met sa ceinture evidement. Il n'y a plus de doute, nous sommes en Asie. Au debut on attendait les feux verts pour traverser, mais on a vite compris que ca ne servait a rien. Tout le monde fait n'imp', mais on a l'impression qu' il n'y a jamais d'accident, que tout le monde fait suffisament attention dans ce merdier... moi ca me fascine pas mal. Il y a aussi des mini-bus avec une personne qui fait monter les gens en criant la destination du vehicule. Parfois il y en a plein a la suite et c'est a celui qui crie le plus fort (certains chantent meme le nom, d'une maniere probablement racoleuse ?). Un minibus part quand il est plein ou que le crieur en a ras-le-cul. Plein, c'est officiellement dix personnes, mais ils sont souvent plein a craquer. Une copine de Noemie nous dira plus tard qu'elle a deja fait un trajet de 3h dans un minibus a quarante !
La population chante beaucoup, dans la rue, en conduisant. C'est un indice de bonne sante d'un peuple je trouve. la musique plus traditionelle se melange pas mal a des melodies plus modernes. Les chants sont assez lanscinants, avec des melodies trainantes a la fin de chaque phrase et des tremolos dans la voix. Mais il y a aussi 1 ou 2 groupes de rock a tendance un peu rock-goth chante en mongol, ca vaut le detour. On va voir un spectacle traditionnel : de la musique folklorique avec plein d'intruments etranges (a cordes et archets souvent), des danses energiques ou des cavalcades de sons immitant la course des chevaux, des contorsionistes a la souplesse aberrante, des danses avec masques traditionnels symboliques, des chants polyphoniques avec voix de gorge...
Ces trois jours sont tres ensoleilles, on se sent beaucoup plus en ete qu'en Russie avec des temperatures avoisinant toujours les 30 degres. Ca tape (sans doute moins qu'en France) mais ca fait du bien un bon bain de soleil. Un orage quand meme, assez violent mais vite passe.
Le 3eme jour, on decide qu'on a passe assez de temps a trainasser et on se rencarde avec Joel a son bureau : il nous organise un trip a cheval de 4 jours a la campagne avec les nomades, pas cher et en un coup de fil ! Il nous prete au passage des sacs de couchage, une tente, un sac de bats (pour mettre nos affaires sur le dos d'un cheval) et nous dit qu'il viendra nous chercher le lendemain matin a 9h pour nous aider a prendre le bus local qui nous emmenera a Telrej, a 80 Km au nord-est, ou un gars viendra nous recuperer. Le top. Le soir on le retrouve dans un pub tenu par des francais, il nous dit que seulement 80 francais vivent a UB dont 25 de maniere permanente ! Noemie est une des 25. On rentre et on se couche apres avoir lave 2 T-shirts et achete 2-3 conneries a offrir aux nomades. Cette fois c'est la veritable Mongolie qui nous attend...

Dimanche 6 Aout. Joel se pointe chez nous (enfin chez No je voulais dire) un peu avant 9h avec sa jeep remplie de toutes les affaires qu'il nous prete. Il nous conduit jusqu'a un vague arret de bus ou le notre est cense passer aux alentours de 10h... je dis bien aux alentours car ici ca peut etre 1/2 heure avant ou apres, ca ne pose de probleme a personne. On attend jusqu'a 10h, une gonzesse a un guichet dit qu'elle "est sure" que le bus passera bien ici, mais elle ne sait pas quand. Joel passe un coup de fil... ah, finalement c'est a 11h. Une nana nous propose par hasard une chambre dans une guest-house... quand elle apprend ou on va, elle affirme que l'arret est a une centaine de metres, de l'autre cote de la rue ! C'est finalement elle qui a raison et on monte dans le car. Heureusement que Joel etait la pour nous aider, sinon on ne partait sans doute pas. Globalement, ici, il faut se mefier des gens qui donnent des informations, a plus juste titre s'ils "sont surs" (ca me rappelle quelqu'un...). Bon, le bus est plein, on s'assoit par terre sur nos bagages, puis tout le monde se leve pour se serrer encore un peu. Deux autres francais dont un qui vit entre Montauban et Ulan Bator et qui connait Joel, ca discute sympa. Les paysages sont dingues, a la western, avec des grosses roches multiformes aggripees aux colines.

A l'arrivee, un gars nous lance un "French ?" et on a a peine le tend d'acquiescer que nos bagages sont deja balances sur une carriole tiree par un dzo, croisement entre le yak et la vache. On grimpe aussi, deux allemands (blonds, souriants) nous accompagnent. Le convoi sort vite de la zone "en dur" de Terelj, traverse quelques guets (l'eau n'etant pas bien loin de submerger la carriole) et debarque sur une immense prairie ou se cotoient quelques yourtes (des "Ger" selon l'appellation locale), qui occupent une place minuscule dans le vide qui les entoure. Sothvo, nomade responsable du bazar, ne tarde pas a nous rejoindre a cheval : la quarantaine, un T-shirt releve devoilant un bide bien portant, une casquette avenante devoilant un sourire bien porte, on ne peut rever meilleur accueil. Une femme lave du linge a la main, un petit de 2-3 ans tout nu fait le mariole, un gars qui parle un peu anglais nous explique un peu le fonctionnement des 4 jours. Sothvo nous file des barquettes de pates a la chinoise (ramolies avec de l'eau chaude et agrementees de quelques epices) pour ne pas crever la dale. Un peu apres 15h, des chevaux nous sont donnes et nous montons en selle. Un troisieme cheval porte nos bagages et tente, un quatrieme est monte par notre guide, un jeune mongol intrepide et fougueux. Un poil trop fougueux peut-etre : apres quelques secondes au pas, il part un peu comme un fou au trot, ce qui ne laisse pas vraiment le temps d'une prise de contact avec la bete, surtout pour Leo qui n'a quasiment jamais monte. Et en plus de ca, son cheval a l'air d'une vraie tete de mule qui n'avance que tres lentement au pas et ne cesse de combler son retard au petit trot, ce qui lui vaudra rapidement le surnom de "Canasson". Mon cheval est lui un petit nerveux, et je passe plus de temps a tirer sur les rennes pour ne pas qu'il s'embale qu'a cravacher pour qu'il avance. On trace suffisament pour rattraper rapidement les deux allemands et leur guide, partis 20 minutes avant nous, puis on fait chevauchee commune. Le paysage est epoustouflant. On chevauche dans une large plaine bordee de colines a gauche et d'arbres a droite, au pied desquels coule une riviere. Le ciel bleu est parseme de plusieurs strates de nuages mouvants aux formes improbables, voire qui n'existent pas. Ca a beaucoup d'imagination, un nuage. Et leurs ombres dansent sur les colines a mesure que le vent les emporte, zones sombres aux contours changeants qui contrastent beaucoup avec l'intense luminosite d'un soleil a l'apogee de sa course. Les plaines deroulent leurs tapis verts sans fin dont les courbes se perdent a l'horizon. Le vent nous souffle aussi a la figure : je vous laisse m'imaginer, svelte, beau, cheveux aux vents, montant avec classe un fier destrier mongol au poil dore (et a la crete punk). Je suis un peu le chevalier errant (a la pilosite faciale devenue sauvage), le cowboy solitaire (au chapeau bien ajuste), l'indien mystique (aux cheveux longs reveches). Une pause dans une yourte pour gouter l'airag local et c'est reparti pour encore 2h de chevauchee folle. Au bout d'un moment, je m'ecarte un peu du convoi et part finalement seul au grand galop en direction des colines ! La c'est juste le bonheur, le grisement absolu. Le cheval fonce et je me prend en pleine gueule le vent de la liberte. Je ne fais qu'un avec mon cheval, c'est un peu moi qui galope, je suis Thorgal sur Fural, Zorro sur Tornado, tous les autres aussi. Apres cette cavalcade, je retourne vers Leo pour lui faire partager ma joie... et c'est les dents serres qu'il vocifere un "ah, c'est cool pour toi". Pour lui, soyons francs, c'est l'horreur. Il a le cul totalement en compote, Canasson n'en fait qu'a sa tete et il peine a eprouver le moindre plaisir. Du coup on n'est pas vraiment dans le meme etat d'esprit, c'est dommage. On arrive enfin vers 19h aupres de la famille qui nous "recoit" pour la nuit, alors que les allemands rejoignent une Ger un peu plus lointaine. Leo a pris un coup de chaud (l'absence de chapeau est fatal dans ces contrees...) et ne se sent pas bien. Les nomades qui nous accueillent sont eleveurs de vaches, de moutons et de chevres, et on cotoie beaucoup les troupeaux qui traversent alegrement le campement (compose de 2 yourtes, quelques cabanons en bois et notre tente). On a aussi d'autres voisins de palier : des chiens, des chats, quelques poules et bien sur des chevaux. Une femme assez agee nous prepare a manger, un espece de platee de pates avec des morceaux de viande, de patate, de carottes et vient nous l'apporter dans une ecuelle devant la tente ou on se repose. C'est assez bon et surtout bien nourissant. On rentre dans une nouvelle phase assez calme, absorbe par la lecture et la contemplation de la nature. Le soleil se couche. La lune, presque pleine, se leve au dessus de la montagne, juste en face. Endormi dehors, le vent frais me reveille. Les etoiles scintillent au dessus de ce petit paradis de nature. La lune est un peu plus haute. Au loin, on entend les jeunes guides cavaler a toute vitesse dans les plaines, assenant des "Tcho ! " ininterrompus (sorte d'onomatopee tres difficile a prononcer et pourtant tres efficace pour faire accelerer les chevaux) a leurs montures en pleine course.

Le lendemain, le reveil est aussi tranquille que le lieu semble l'imposer. Quand la famille voit qu'on est reveille, elle nous sert rapidement du pain, des biscuits et ce qu'on pense etre du lait (et qui est en fait du the au lait un peu sale), puis dans la foulee une nouvelle assiette des pates de la veille, cette fois baignee dans du bouillon. Notre guide nous fait signe de demonter la tente, reselle les chevaux et attache le sac de bats sur le 4eme avec toutes les affaires. Vers 11h, nous sommes repartis. Bien sur, on a change de cheval, histoire de voir si ca va mieux... ben pas mieux, pour moi en tout cas ! Je comprend vite l'ennervement de Leo : Canasson est vraiment un canasson. C'est a mon tour d'etre a la traine, de plus en plus loin derriere. Parfois, une bonne demi-heure de trot me permet de recoller aux autres pour quelques courts instants. Un trot tres lent, tres desagreable, que je prefere effectuer debout sur les etriers pour ne pas me peter le cul comme Leo la veille, avec cette selle chinoise ultra dure comparee a la selle russe a coussinet de l'autre. J'essaye de prendre mon mal en patience, d'etre dans l'acceptation. Je me surprend meme a echaffauder des theories febriles sur une hypothetique depression nerveuse de ce pauvre cheval qui n'a rien demande a personne... mais rien n'y fait, ca commence quand meme a me taper sur les nerfs. Leo est bien sur beaucoup mieux sur son nouveau cheval et mort de rire de me voir faire la gueule comme lui la veille ! Avec du recul, c'est vrai que c'est tres drole. Sur le coup, je n'arrive pas du tout a avoir de l'humour. La vegetation est ici un peu plus dense. On passe un pont avant d'arreter nos chevaux dans un simulacre de foret au bord de la riviere. Longue pause agreable, notre guide rejoint un terre-plein au milieu de la riviere et se met a pecher, puis se lave dans l'eau claire. Leo bouquine tranquillement, pendant que je profite du silence pour me laisser envahir par la nature. Je reprend contact avec l'eau, l'air et la pierre... bon ok, je jete des cailloux dans l'eau, c'est une premiere prise de contact, non ? On remonte a cheval, et on tourne a droite. Canasson est au sommet de sa mauvaise volonte. Je me sens vite deprime, comme si je faisais un tout petit peu trop corps avec mon cheval. Je perd plusieurs fois mon chapeau avec le vent, suis oblige de descendre pour le rechercher. Plus tard, je rattrape les autres et c'est a ce moment que je gobe une mouche qui vient se ficher en plein dans ma gorge... s'ensuit une toux intensive et un fou rire du guide. En fait la mongolie c'est vraiement l'empire des mouches, il y en a en permanence des centaines aglutines a chaque cheval et des dizaines aglutinees a chaque homme, de partout. On ne peux juste pas s'en defaire. Mouches, moucherons, moustiques, taons, abeilles... les instectes pullulent et rien ne les tient a distance, pas meme le spray anti-moustique ultra puissant special zones tropicales. A certains moments on s'en rend a peine compte. La, j'en chie. On s'apercoit qu'on est revenu par la foret a la plaine de l'allee, on fait donc marche arriere. On s'arrete devant un petit supermarche en bois au milieu de la steppe, on achete de l'eau. Je n'en peux plus, je demande au guide combien il reste de km : 9, me montre-t-il avec les doigts. Voyant ma mine peu glorieuse, il me propose d'echanger de monture avec lui. Ok ! A peine sur Canasson, il le fait partir au galop... et moi je ne m'en sors qu'avec un trot timide sur son habituel bolide ! Ok, j'ai compris. A peine 200 m plus loin, on s'arrete a la meme yourte que la veille... et il nous dit que c'est la qu'on dort. Bon, on n'a pas tout compris (surtout pourquoi on a demonte et trimballe la tente toute la journee), mais rien n'est grave ! Pour diner, on nous sert la meme chose que la veille, avec en cadeau un peu de fromage de yak seche au gout tres fort... on met tout ca dans notre sac, on n'ose pas leur montrer qu'on aime "qu'un peu". Et puis encore leur the au lait a profusion. On commence a s'y faire, a celui la. On monte a pied en haut de la colline la plus proche pour admirer le coucher de soleil. Je vais beaucoup mieux et la journee, avec un poil de recul, commence a me faire bien marrer. Leo a lui aussi passe une journee bien meilleure que la veille, il va mieux. D'en haut, on a une superbe vue de la campagne environante et sa vegetation luxuriante. On se croirait presque un peu en Ardeche ou dans une chaine de montagnes basses en France. "C'est beau", s'apercoit-on. Mais une nuee persistante de moustiques et leurs potes insectes ont raison de nous. "Ca pique", nous mettons nous vite a crier en devalant la pente en direction du campement. Dans la tente, le sommeil nous attaque lui aussi en traitre.

Apres avoir mange le meme plat que tout le temps, et avoir defait la tente, c'est reparti, en selle ! Il est midi cette fois. J'ecope du "bon cheval" et Leo monte celui qui portait le sac de bats jusqu'a present, tache qui incombe desormais a Canasson. Bien fait. A part une aerophagie persistante, rien a signaler a priori. Mais le pauvre Leo va vite s'apercevoir qu'il n'a rien gagne au change. Il a toujours la selle chinoise ultra dure (ce qui ne fait pas du bien aux croutes qui ont commence a se former sur son cul) et la bete est elle aussi completement stupide. Elle ne tarde pas a gagner son petit nom : "Con d'cheval". Moi ca va beaucoup mieux avec le petit nerveux, sauf qu'il est bien nerveux. On s'engage dans une vallee assez fleurie aux herbes plus hautes que les jours precedents, et mon cheval ne tient plus, il veut tracer. Je me dis "allez, pourquoi pas, un bon petit galop...". Je me mets a filer vers l'avant, a galoper comme un malade. Les 30 premieres secondes, c'est que du bonheur. Ensuite il se met a accelerer, accelerer... j'essaye de le calmer mais rien n'y fait, il cavale au triple galop comme un dingue. Je n'ai tout simplement jamais galope aussi vite et aussi longtemps de ma vie... genial mais flippant a la fois. J'arrive finalement a l'arreter en me mettant debout sur les etriers et en tirant sur les rennes le plus fort possible... wahou, ca decoiffe. Le guide m'aide un moment a le tenir ensuite, puis il se calme. Du coup je fais un peu moins le mariole a partir au galop par la suite ! Le paysage est vraiment beau toute la journee (est-ce la peine de la preciser ?), on passe un col puis on longe la montagne a gauche. Dans les champs, des paysans s'occupent de leurs plantations sous un soleil de plombs. On chevauche une longue distance et on est tres fatigue : les fesses endolories, les muscles qui calent, et le guide qui speede sans reflechir, qui semble preferer faire tout le trajet de la journee en 2h a fond plutot qu'en 4h en profitant des paysages. Je lui demande combien de Km avant la pause : 3, me montre-t-il. 7 Km plus loin, je lui redemande : 1. On s'arrete environ 4 Km plus loin dans les bois, ou on retrouve des potes de Sothvo qu'on avait vu le premier jour. Apres 20 minutes, on est de nouveau en selle. Combien de Km avant la ou on dort ? 4, me montre-t-il. Ca me parait si loin... a peine 1 Km plus loin, nous sommes arrives ! En fait ils repondent n'importe quoi, ils s'en foutent un peu. Et on est de retour chez Sothvo ! Sa famille nous installe dans une Ger cette fois, dans de vrais lits. Une Ger c'est vraiment top confort. Il y fait frais quand il fait chaud grace a un systeme d'aspiration d'air par le bas super efficace, et bon quand il fait froid grace au feutre qui les entoure et a un chauffage central au feu (un poele quoi). La on est un peu les rois, une fille d'une dizaine d'annees tres sympa nous amene des trucs a boire et a manger tout le temps. On a droit a une salade de patates et choux et a des buzz bien juteux a la viande, c'est bon. Le soleil est encore haut, on trouve une riviere avec un peu de profondeur, on se trempe (elle est quand meme bien froide) et on se pose a cote, ca fait du bien. Trois mongols completement bourres (ils puent l'alcool) s'amenent et se baignent a leur tour. Ils viennent ensuite nous voir en rigolant, on ne sait pas trop ce qu'ils veulent. Leo vient vers eux, et l'un le defie a la lutte mongole !! Leo accepte, c'est super rigolo. En une minute, il met le mongol KO sur la tete... ca a l'air d'aller, il eclate de rire. du coup son pote veut a son tour defier Leo, et il se retrouve a son tour par terre en moins de deux ! Ils sont toujours morts de rire. Bon, l'alcool y est peut-etre pour quelque chose, mais il est quand meme fort mon copain, faut pas le faire chier, Leo. Retour au campement, la nuit commence a tomber. On apercoit des tentes plantees un peu plus loin a cote d'autres yourtes : c'est le campement de "Ger to Ger", une ONG qui organise des treks avec des nomades, un peu comme on fait. On y rencontre un canadien anglophone qui travaille en Coree du Sud, une anglaise et une Quebecoise ! C'est tres sympa, on discute un peu de nos voyages et de nos pays et de nos galeres en anglais. Je parle bien sur de groupes quebecois avec Marie-Laure (ca fait du bien d'entendre cet accent), qui connait un musicien de Polemil Bazar qu'on fait jouer en France en Novembre ! Et puis ils nous racontent qu'une vache est entierement rentree dans la tente de leur guide pendant la journee et a pose une enorme merde bien fraiche sur son sac de couchage avant de repartir ! Ca nous fait bien sur beaucoup rire, encore plus quand on voit la tete du dit-guide apres etre ressorti de sa tente. On apprend aussi qu'il n'y a plus du tout de place dans les trains pour Beijing jusqu'a septembre... ah. On verra bien ! On va se coucher avec l'arrivee de la fraicheur nocturne apres avoir souhaite une bonne nuit a toute cette charmante compagnie. C'est vrai qu'ici, les differences de temperature entre la nuit et le jour, c'est le jour et la nuit.

Le lendemain, on se reveille tard. Notre jeune guide est parti, c'est Sothvo en personne qui s'occupe de nous. Il amene un gros bout de viande de mouton qu'il coup en fines tranches, remplit des assiettes d'assortiments de legumes, de feuilles de choux et de sauces epicees, et se met a preparer minutieusement un barbecue de tueur. Une bonne grillade de mouton "a la correenne"... c'est delicieux. On discute pas mal (tant bien que mal) avec Sothvo qui nous apprend des mots de mongols. Ce gars est vraiment excellent. On joue aussi beaucoup avec son fils de 2-3 ans, qui a deja une classe folle avec ses cheveux noirs hirsutes. On nous file 2 chevaux inedits pour la balade du jour, et on nous demande si on veut ou non un guide ! En fait c'est la journee free-style, on fait ce qu'on veut, on va ou on veut... le programme me plait. Sothvo nous accompagne un bout pour rejoindre ses potes qui fauchent les champs plus loin. On est tous les deux mieux avec Leo, et on commence a se faire plaisir. Apres une courte pause, Sothvo nous propose de partir avec un jeune du coin. Ce dernier part comme une trombe, les chevaux suivent. Apres, c'est une bonne heure se pur bonheur a fond dans les champs ! On se fait des allers-retours, des va-et-vient au galop, c'est une vraie tuerie. Le cheval de Leo semble un peu moins prompt que le mien a partir en fleche, mais il se fait quand meme des bonnes accelerations. Apres de grandes cavalcades, on revient vers Sothvo qui nous apprend a faucher les herbes hautes. Bien sur on n'y arrive pas. Bien sur on a l'air con. Bien sur on a pris des photos. Une petite pause, et puis c'est reparti ! On repart en direction du camps a fond... je tente de maitriser les "Tcho !", avec difficulte mais j'arrive quand meme a passer des vitesses au galop pour aller le plus vite possible. Ben oui, ca fait vraiment du bien cette connerie. A un moment mon cheval freine tres vite et la selle se retrouve... sur son cou !! Tout est normal. Un nomade le resangle. De retour au camp, je refile mon cheval a Leo qui comprend le bonheur et qui part a son tour au galop, seul dans la vaste plaine. C'est vraiment le jour ou on se sera fait le plus plaisir, les meilleures sensations. On nous dit que notre bus pour rentrer sur UB part a 19h. Il est 16h, on decide de grimper en haut de la petite montagne qui surplombe la prairie. On chante des conneries dans toutes les langues, on arrive essoufle en haut. La vue est encore folle, la plaine immense vue de haut, le vent souffle fort. On redescent et on apercoit une jeep qui zigzague dans notre direction : c'est Sothvo avec un gars au volant qui se propose de nous redescendre a Oulan Bator ! On a pas vraiment le choix, toutes nos affaires sont deja dans le coffre. Ok ! On dit au revoir a toute la petite famille et on rentre a toute allure a la capitale. Pour ne pas avoir trop peur et pour passer le temps, Leo se met a parler en russe avec le gars... qui, incroyable, a l'air de le comprendre parfaitement ;-)

De retour chez Noemie... elle est la ! Cheveux courts, totalement noire de bronzage, grand sourire... ca fait trop plaisir de la voir, on se prend dans le bras. Elle doit vite repartir pour manger au resto avec son groupe. Pendant ce temps, on trainasse. Bouquins, repos et pommade sur les fesses. No rentre en soiree. Elle est crevee de son parcours de 3 semaines et un peu malade du ventre, ce qu'il ne l'empeche pas de rayonner. Quelques bribes de recits de voyages decousus nous font tenir un peu... on a tellement de choses a se dire. Ca ne nous empeche pas de nous vautrer avec delice dans un sommeil de brique.

Ulan Baatar - Lundi 14 Aout 2006 - 21h00

04 août 2006

Le Baikal : noyade dans un lac de splendeur et de Vodka

Ulan Oude - Mardi 1er Aout - 17h

Encore un titre allechant, mais qui colle quand meme pas mal a la realite des faits ! Au passage savez-vous qu'en Russe, le mot "Eau" se dit "Voda" ? On prononce un petit "k" en plus sur un malentendu, on repete l'erreur quelques fois, et a 16 ans on est alcoolique comme un russe. J'apprendrai par la suite que "Vodka" veut tout simplement dire "Petite eau". Vous le saviez deja ? Bon ben j'ai une fois de plus l'air con. Gare d'Irkoutsk.

Cette matinee pluvieuse s'avere etre une matinee d'attente. Pas le genre d'attente des plus crispantes, plutot le genre d'attente tranquille sereine dans une gare un peu bruyante, en l'aimable compagnie d'Alec le baroudeur. On regarde des cartes, on discute itineraires. Une maman change sa petite (toute pleine de boutons de varicelle) sur un drap de fortune a meme le sol. De nombreuses personnes passent, a l'instar du temps, et on voit beaucoup plus de profils asiatiques qu'auparavant. Leo, Martin et Martha finissent par revenir : ils ont reussi a nous degoter des chambres d'etudiants a super bon prix (160 roubles = 5 euros) dans l'univertsite d'Irkoutsk, a quelques km de la. A priori ca n'a pas ete facile a obtenir mais ces polonais parlent suffisament bien russe et ont negocie comme des Dieux. Nous voila de retour dans la jungle urbaine avec tous nos sacs. Le trajet en tram nous plonge dans l'ambiance d'Irkoutsk : beaucoup de profils mongols ou russo-mongols, un code de la route tres peu respecte, des tas de vieilles grosses bagnoles russes rafistolees d'il y a 30 ans (genre LADA), des marchands dans la rue tout autour de la gare,... la Russie a pris un serieux coup d'Asie dans le nez dans son ambiance de rue, et ca n'est pas pour me deplaire.

Apres avoir marche un moment dans les dedales du campus, on se pose dans notre chambrette d'etudiant... c'est a ce moment que et les effluves suaves de nos corps s'exprimant eveillent en nous l'idee d'une bonne douche. On se retrouve chacun dans un box un peu miteux. L'eau est... froide. Pour le moins. Au debut c'est supportable, mais ca devient vite un calvaire. Comme si l'eau vemait directement des profondeurs du lac Baikal. Je me lave les cheveux, ca ne fait plus froid, ca fait mal ! Je crie de douleur en essayant de m'enlever le shampoing pendant que Leo alterne lui aussi cris et crises de fou rires a m'entendre hurler... c'est le cerveau retreci qu'on rentre dans la piaule, tellement que j'en oublie dans les douches ma serviette (en fibre de bambou ultra-absorbant de chez carrefour) et mon gel douche (Axe, avec un pouvoir au CO2-stimulant-Hx56-revitalisant machin). Bien sur je m'en rendrai compte un peu (beaucoup ?) trop tard. On grignotte un peu de pathe avec du pain noir et de la salade ches nos amis polaks (abreviations des plus amicales, bien entendu), et puis on part en ville. Il est deja 16h. Tram encore. On traverse l'Angara, le fleuve qui se jete dans le lac Baikal quelques 70 Km au Sud-est de la ville, pour rejoindre le centre-ville forme par deux axes principaux : la rue Lenina et la rue Karl Marx ! Un brun de net dans un cafe. En sortant j'apercois en face la statue de Lenine et... serait-ce Olga sur le banc ? Il n'est que 17h mais elle a pris un peu d'avance. On la retrouve et on part en ballade dans la ville avec elle et sa mere. Dans les axes principaux tous les batiments sont imposants et bien decores, avec des facades XIXeme bien conservees, des fleurs dans les rues, et tous les bars/restos rivalisent de modernite dans leurs decos interieures. Ca contraste beaucoup avec les petites rues adjacentes ou s'alignent des vieilles maisons en bois completement bancales, avec le Rez-de-chaussee completement enfonce dans le sol ! Comme si la ville avait continuer a grossir et le niveau de la rue a monter sans jamais se decider a detruire ces vieilles maisons. Il n'est pas rare de voir un trottoir arriver a une moitie de hauteur de fenetre sur une maison ! C'est incomprehensible mais ca degage.

On discute avec Olga de l'eventualite qu'elle nous accompagne en Mongolie mais on se rend compte que ca risque de pas mal compliquer les choses, qu'il est impossible de joindre Noemie pour savoir si ca peut s'envisager. On ne peut lui donner que peu de garantie et sa mere freine aussi des quatre fers. Du coup elle sent que ca ne pourra sans doute pas se faire et plonge dans une grande tristesse, qu'on essaye tant bien que mal de calmer en la faisant rire avec des enchainements de conneries objectivement tres droles. On la quitte en lui disant qu'on l'appellera le soir meme pour lui donner notre programme des jours a venir. On rejoint nos amis polonais, on va manger dans un lieu tres moderne et du coup tres froid, puis on continue a baguenauder dans les petites ruelles delabrees de l'arriere ville pour s'en impregner. C'est pauvre. Ces maisons en bois qui s'ecroulent sous terre, elles ont vraiment un charme fou. On est plus completement en Russie, on sent vraiment le choc des cultures. Alec va parler avec les gens, j'aime bien sa facon de decouvrir et de rencontrer. Retour avec un des derniers trams au campus. Vers 23h, on a decide de partir le lendemain dans l'ile d'Olkhon sur le lac Baikal, en bus. On doit en informer Olga, on essaye de sortir pour telephoner mais les concierges ne semblent pas l'entendre de cette oreilles, on se fait engueuler parce qu'on ne parle pas assez bien russe. Ca c'est souvent quand meme. Les gens ont du mal a comprendre ce qu'on fout la si on ne parle pas leur langue. Excusez-nous de nous interesser a votre pays. On rentre dans la chambre et on finit par se decider a telephoner de mon portable... on se dit "on appelle pas longtemps". Resultat, le temps qu'on passe Olga (qui dort deja) a Leo et qu'il lui explique nos plans, ca prend quand meme 9 minutes. D'apres des infos qu'on obtient un peu plus tard, ca devrait couter la broutille de 45 euros... sans commentaire. C'est dur parce qu'on a un peu l'impression de la laisser tomber avec ca, mais on a aussi besoin d'aller de l'avant et on n'a pas trop envie de rester des jours a Irkoutsk. On informe les polonais et on leur souhaite une belle route, et puis dodo.

Reveil 7h, pas tres frais. On file en direction de la gare routiere a la recherche d'un bus du matin... plus de place, il faudra attendre midi. Bon. Le ticket de bus est a un prix acceptable. On a besoin d'un cafe la, d'un vrai. Alors on part a sa recherche mais meme dans les rues principales rien n'est ouvert avant 10h ! On marche super longtemps avant de s'affaler au "Fiesta", une espece de fast-food-cafe-resto pour djeun's ouvert 24/24. Discussion precieuse avec Leo sur des sujets un peu sensibles de nos vies autour d'un cafe et d'une part de tarte aux fruits rouges. L'ambiance est un peu a la Twin Peaks. On refile a la gare routiere a temps pour grimper dans un mini-bus 12 places et c'est partit. On parcourt les 300 Km qui nous separent de l'ile en moins de 5h sur des routes caillouteuses et terreuses. Et la on doit attendre notre tour pour qu'un ferry transporte le vehicule sur l'ile. La vue du lac a l'eau pure et cristaline est deja splendide, mais on attend quand meme... 5h30 avant d'embarquer ! C'est un peu long mais ca me permet de bien avancer mon livre et de connaitre par coeur la dizaine de tubes pop russes insupportables qui tournent en boucle dans l'habitacle depuis le debut de la journee. La traversee nocturne de la bande d'eau qui nous separe de l'ile est excitante, surtout qu'on a aucun plan logement et qu'il se fait tard ! Encore 1h de route cahoteuse dans le noir le plus total, et c'est l'arret final. Nous sommes a Koujhir, seul village du coin.

On a sympathise pendant le voyage avec 2 anglais de Birmingham, Simon et John, qui ont booke une guest-house a l'avance, on decide donc de les suivre. Le car fait un petit detour en direction de la coline qui surplombe un peu la ville et nous pose devant un feu entoure d'une vingtaine de russes qui entonnent des chants, accompagnes par un jeune a la guitare. Derriere se dessinent des tas de petites baraques en bois, bien espacees les unes des autres. Une jolie brune avec un grand sourire nous acceuille, se presente, Jane, et nous serre la main. Elle nous fait nous faufile r tous les 4 entre les cabanes jusqu'a une maison un peu grande qui fait office de refectoire et de bureaux, et on nous sert un repas chaud (cereales du coin, legumes, viande, the...). On finit par expliquer qu'on n'a pas reserve, ca n'a pas l'air de poser un probleme insurmontable. A ce moment une sorte de tornade survient : 4 irlandais (que les anglais avaient deja rencontre au cours de leur voyage) debarquent en trombe dans le refectoire en hurlant et en riant. Le calme relatif de l'endroit rend l'ame. Ils s'empressent de faire des blagues, se mettent a draguer les filles qui passent et sortent plusieurs grosses bouteilles de vodka ! On a un peu l'impression d'etre au Club Med. Ils racontent leurs folles nuits d'ivresse dans les boites de nuit de Moscou et des autres villes, et globalement notent les villes a leur ambiance nocturne. Leurs anecdotes sont assez edifiantes : l'un d'eux, pendant le voyage en Transsiberien, n'est pas remonte a temps dans son wagon car il essayait de negocier un pack de 8 bouteilles de vodka... du coup il s'est retrouve seul sur le quai et s'est siffle une bonne partie de sa nouvelle acquisition avant de pouvoir rejoindre ses potes via un autre train ! Une bonne anecdote, il met la barre haute ce salaud. Jane et une autre fille (typee asiatique et qui vient de Vladivostok, j'ai mange son nom) nous emmene tous en minibus un peu plus bas dans le village ou on va loger dans des maisonettes en bois similaires gerees par une habitante, car il n'y a plus de place au campement meme. On se pose, nous et la question suivante : il est 00h30, est-ce qu'on se repose pour profiter du lendemain ou est-ce qu'on va faire "un peu" la fete ? Leo semble motive... c'est parti, le minibus nous remonte.

A partir de la, les choses deviennent bien sur beaucoup plus sympas, beaucoup plus simples, beaucoup plus festives, beaucoup plus... floues. On achete une bouteille de vodka, la "Baikal" bien sur, faire a partir de l'eau du lac. 1/2 litres, on tempere un peu. Le probleme, c'est que les irlandais ont chacun une bouteille, et puis les anglais aussi j'ai l'impression. Quelques toasts purs pour se mettre en jambe, et puis on commence les melanges ave c le coca. C'est jamais bon ca, ca passe tout seul. Les russes comtinuent de scander leurs hymnes autour du feu. Le feu n'est pas la seule source de chaleur, et ces chants sont d'une beaute qui donnent les larmes aux yeux. Retour au "bar-Karaoke"... le karaoke est installe ! Des russes chantent (faux) des tubes un peu mievres accompagnes au synthe avec des images d'oiseaux et des paysages a la con... leur karaoke sont les memes que les notres. Pacha, un russe, nous presente ses amis. Ils ont l'air completement bourres mais completement sympas. Ils nous serrent dans leur bras, nous remplissent nos verres, nous offrent des cornichons. Comme ca ca sonne pas terrible, mais sur le coup c'est touchant, je vous jure. Une femme de 30-40 ans au visage de folle furieuse un peu demoniaque danse sur la piste sans aucune retenue, me prend mon chapeau et le fait essayer a tout le monde. L'ambiance monte encore d'un cran, les irlandais s'enfilent les bouteilles et Leo n'a pas l'air en reste en se mettant a danser comme un con sur de la merde en riant. On reclame un Karaoke en fr ancais... on est assez chaud, et c'est en donnant tout ce qu'on a de passion, d'amour et de talent qu'on enchaine brillament "A toi" puis "Et si tu n'existais pa s" de Joe Dassin. Le patron de la guest-house, Antonina, a l'air super emu. Ils sont pleins a chanter derriere nous ! C'est bie n sur un triomphe lourdement applaudi. On tente un "Desenchante" de Mylene Farmer, mais la difficulte est manifestement un poil trop haute pour notre etat et c'est un petit carnage, heureusement etouffe par l'ambiance et les chants russes exterieurs. Une fille commence a m'entrainer dehors pour parler avec moi en me faisant des grands sourires. Encore un toast. Retour a l'interieur, discussion autour de la table avec Jane, super sympa (et mignone) la fille. Un pote de Pacha vetu d'un treilli militaire (comme plein de jeunes russes...) et coiffe d'un bandeau noir me regarde dans les yeux, me montre son crane rase et me dit : "Ya, Skin Head ! Pognimaieche ?". Ben oui je comprend, enfin je crois. Il me le redit, puis leve la main droite tout droit comme un salut nazi... Pacha, a cote de moi, a l'air super gene, me dit en anglais de ne pas faire attention, que ce sont des "russian things" et qu'il vaudrait mieux que je sorte dehors un moment. Merde, un fasho au milieu d'une fete, ca degrise un peu. Au bout d'un moment j'oublie, re-rentre. Le gars, toujours pareil : "Yo Redskin !" Je suis cette fois a sa portee. Et soudain il me serre dans ses bras de toutes ses forces en me disant : "I love France !". Cest beaucoup mieux. En fait tous les russes adorent la France, et parfois ca calme le jeu. La soiree continue, je rebascule au coin du feu, au bar. Et le jour commence deja a pointer ! C'est la que je retrouve Leo dans un etat assez deplorable. Il se dirige vers moi en titubant et me disant : "Aide moi a marcher, je n'y arrive pas." C'est le moins qu'on puisse dire. Je le soutient d'un cote et Pacha de l'autre, on se dirige pas a pas vers le village. Leo essaye de vomir sans trop de succes, il n'arrive plus a se porter, il n'est pas bien du tout, la. Arrive tant bien que mal a destination, il s'ecroule dans son lit, j'ai juste le temps de trouver dans le jardin une grosse marmitte que j'installe a cote du lit. Ca peut servir. Et en l'occurence, ca sert. Je m'endors d'un lourd sommeil alors qu'un coq chante le lever du jour.

On pensait partir en expedition ce jour ! Plan avorte, bien sur. J'ouvre un oeil a 14h30 et Leo ne tarde pas non plus a donner signe de vie. Dire qu'il n'est pas bien est un pleonasme : le pauvre est encore completement defonce et affronte un terrible mal de ventre, des lancees feroces dans la tete et des vertiges incessants. Il est pale et articule peniblement les quelques mots d'usage "L'alcool, c'est horrible... plus jamais ca...". En fait je ne m'en suis pas rendu compte, mais il a bu enormement. Il faut dire que pendant un bon moment, je l'ai laisse seul avec les russes. Il prend de l'aspirine et se recouche. Apres m'etre assure qu'il aie des conditions de repos acceptables, je m'en vais prendre l'air du cote du lac et decouvrir les environs. Je remonte vers la guest-house (ou les russes de la veille sont encore a la vodka...), puis suit de vagues sentiers dans la plaine pour rejoindre la rive. Ca me permet de jeter un oeil sur le petit village de Koujhir qui respire la serenite et la simplicite. Pas tres grand (1500 habts), une grande rue principale (dans la continuite de la seule route qui y mene), uniquement des petites habitations en bois. Il n'est relie a l'electricite que depuis tres peu de temps. Il n'y a aucun route a proprement parler, quelques chemins en terre quand meme, et les quelques voitures prennent un peu n'importe quel chemin. Beaucoup de vaches se promenent en liberte dans la rue. L'ile est grande de 76 Km de long, avec 70% de forets, et les vues qu'elle offre sur le lac Baikal sont reputees des plus belles. Allez, quelques infos : le lac Baikal a une eau si pure qu'on peut la boire. Il mesure 636 Km de long, 60 de large. C'est le lac le plus volumineux du monde (il contient plus d'eau que les 5 grands lacs nord-americains reunis) avec jusqu'a 1637 m de profondeur ! Il est sur un rift qui ne cesse de s'appronfondir avec la tectonique des plaques et il devrait a terme (mais dans pas mal de temps) former un 6eme ocean qui scinderait le continent asiatique en deux. Son eau est si claire qu'on peut y voir jusqu'a 40 m de profondeur, si on a le courage de braver sa temperature glaciale (jamais plus de 15 degres). Bon, sur le papier ca impressionne. Passe une espece de ligne de decharge publique en pleine nature (?), on arrive enfin en vue du lac. Il semble immen se. Je suis en hauteur et le panorama est sublime. L'eau scintille, le soleil est tres haut. J'arrive en haut des falaises. En contrebas, une mince bande de terre fait une avancee et s'elargit a nouveau pour laisser se dresser deux enormes et hauts rochers aux formes un peu fantastiques. On les appelle "Les Rochers du Chaman". Ca ferait un joli nom de lieu-dit rolistique, ca. Ah oui, parce que l'ile d'Olkhon es aussi 'un des hauts lieux chamaniques du peuple Bouriate, ethnie russe d'origine mongole aux fortes croyances animistes qui vit principalement a l'Est du lac. On peut meme aller voir un chaman dans la foret dans des circuits touristiques, mais bon... il se peut bien que le "chaman" sorte de sa jeep a 100 m plus loin. Bon, mais la, c'est beau. Les quelques arbres en haut des falaises sont penches en direction de l'eau. On voit des montagnes se dessiner au loin, sur la rive opposee. Des gros oiseaux tourbillonnent en masse autour des falasies. Il y a des des messages ecrits a l'aide de cailloux sur les plaines vertes surplombant les hauteurs. La, une jeep arrive bruyamment, se pose au milieu de tout ca, un gros gars ouvre les portieres, met de la musique dance a fond de chez fond, s'installe sur une chaise longue et s'ouvre une canette de biere. Bon trip le gars. Pas le mien, je me casse.

De retour au village, j'ouvre la porte principale qui donne acces a notre logement, et un chien noir me regarde en avancant vers moi en silence, le regar d fixe. J'ai deja vu cette attitude chez un chien, c'etait en Andalousie, juste avant de me faire mordre ! Je reste devant lui, sur la defensive, en essayant de le calmer, mais... rien n'y fait, il me saute dessus ! Je met tout de suite devant moi mon pied droit (j'ai par chance mes chaussures de marches, pas mes sandales) qu'il s'empresse de saisir avec force. Je me debat le pied en poussant une sorte de cri assez masculin, ca le fait lacher prise et reculer. Il reste un moment prostre a 2m de moi et me tourne le dos. J'attend un moment, je retente un petit pas. Il se retourne et me montre les dents en grognant, genre "tu fais ca j'te bouffe". Pas moyen de rejoindre Leo ! Je ne sais pas quoi faire. Je tourne un peu, entre dans un magasin adjacent et essaye d'expliquer ma situation en mimant un chien, en aboyant et en attrapant mon pied avec ma main... j'ai l'air super con, et en plus la nana comprend rien et me dit de sortir du magasin ! Finalement j'ouvre une autre porte exterieure qui me donne acces par un jeu de cours interieures a l'emplacement de notre baraque. C'est celle qu'on utilisera par la suite. En entrant, je retrouve un Leo super febrile... qui continue a vomir methodiquement tout ce qui lui reste dans le ventre. J'essaie de le consoler en lui disant que quand meme, se prendre une vraie cuite a la vodka avec des vrais russes une fois dans sa vie, c'est la classe. Etrangement, ca ne le console pas. Il ne veut pas manger, je repars en direction de la guest-house en lui promettant de ne pas le laisser seul trop longtemps.

Au refectoire, je me retrouve a une grande tablee avec les 4 irlandais et les 2 anglais, plus un groupe d'une dizaine de russes d'age mur qui font un boucan dur a supporter un lendemain de cuite (faut pas croire, c'est pas facile pour moi non plus). Deux des irlandais jouent au ping-pong dans la meme salle, "La croisiere s'amuse" continue pour eux. Ils se sont leves a 16h30, bon score. On ne mange pas super bien mais au moins le pain (noir) est bon. J'en ramene pas mal a Leo pour le moment ou il pourra avaler quelque chose. De retour aupres de lui, il a l'air de se sentir un peu m ieux, il a envie de faire l'effort de se lever. Passer toute une journee couche, enferme dans une chambre alors qu'il est dans un lieu paradisiaque, c'est quand meme con. Alors il se leve, et fait quelques pas. Je le vois rescuciter progressivement sous mes yeux. Il a l'air de revenir de loin. Il arrive a marcher jusqu'au haut des falaises. C'est l'heure du coucher de soleil. C'est tout simplement beau, le genre de beaute qui peut se passer de commentaires, qui force le respect et qui te donne envie de sauvergarder ce genre de coins sur la terre.

De nouveau vers la guest-house, on s'assoit en compagnie des russes qui ont elu domicile autour du feu. Pas les memes que la veille, plus ages. Un moustachu a la voie grave et au toucher de guitare sensible enchaine les chansons tres belles dans un registre plustot triste. Elles sonnent comme de veilles chansons francaises, on pourrait tout a fait imaginer qu'elles ont ete composees par un Brassens. C'est un sentiment etrange, je n'avais jamais rien entendu qui m'aie paru si proches de notre tradition de chansons a texte a la francaise. Tout le monde chante et le repertoire est sans fin. Je lui demande s'il connait Vladimir Vissotski, le seul chanteur a texte russe que je connaisse par l'intermediaire de Kev (qui m'a d'ailleurs souffle son nom grace a un echange express de texto... des fois on crache pas sur la modernite). Le chanteur est tres emu que je connaisse Vissotski, et tres fier de m'en jouer. Du coup il ouvre la vodka... bon, juste un toast, on va pas se facher non plus ! Encore un moment fort aupres du feu. Une femme s'empare de la guitare a son tour. Elle, elle plutot dans le trip chansons guilleretes a la colos de vacances. Les gens se mettent a rire et l'ambiance s'egaye un peu. Nous ca nous fait partir ! La fete c'etait hier. On se dirige a nouveau dans les plaines verdoyantes. La lune n'est qu'une virgule a l'horizon et les etoiles brillent de mille feux. On s'allonge sur le dos, les reveries reprennent le dessus. On se souvient des constellations, on voit des etoiles filantes d'une longueur et d'une intensite que je n'avais jamais vu. On partage, on extrapole, on se raconte. Et puis on laisse aussi de la place au silence, de celui qui donne tout son sens a l'instant. Pour un lendemain de cuite, c'est quand meme une journee riche. C'est le sourire au levres qu'on rentre bucoliquement jusqu'a nos lits, ou le royaume des reves continue a nous tendre les bras.

Dimanche ! Cette fois on va se la faire, cette excursion. On prend un petit dej qui fait du bien (surtout a Leo) et on attend midi, l'heure de depart prevue. On croise Pacha totalement amoche, l'arcade sourciliere explosee, des bleus et contusions pleins le visage. On lui demande si ca va. "Russian things, you kmow", qu'il repond. On croit comprendre que la veille en boite, il a essayer de defendre les irlandais (!!) dans une baston, bataille dans laquelle Mike, l'un d'eux, a perdu ses 2 bequilles... bon, passons. On doit aller jusqu'au cap Khoboi, la pointe Nord de l'ile. On n'est pas loin d'une quarantaine en tout (nous et que des russes), du coup ca fait un sacre merdier. 4 matroutchka au depart (les fameux mini-bus du coin). On se fait bringballer dans des minis sentiers super tappe-cul pendant pas mal de temps. On traverse des forets. Quelques pauses pour admirer le paysage aux abords du lac. Une brume epaisse est comme posee sur le lac alors qu'il fait grand soleil dans le ciel. Ca donne des paysages nebuleux, pleins de mysteres. On pourrait tourner un film, tiens. Genre une scene de "Breaking the Waves" un peu triste. Ou, plus flippant encore, un plan a la David Lynch. Mais la j'ose meme pas y penser, ca me donne la chaire de poule. On finit par arriver au cap. Moins brumeux, le lac s'etend de toute sa majeste, se la pete meme un peu. Un bateau est echoue sur la rive, c'est le bateau qui a acueilli la moitie du groupe pour l'aller et qui nous acceuillera pour le retour. Cool. En grimpant un peu sur les falaises environnantes, on suplombe des vues qui donnent vraiment le tourni. L'air est pur, l'eau cristaline... j'y vivrai bien, moi, sur cette ile. Les chauffeurs de bus s'affairent a lancer un gros feu pour faire cuire du poisson et des legumes dans des grandes marmites. En attendant on se joint a un groupe de russes qui nous interpellent joyeusement et nous proposent du sauc' et des chips en guise d'apero. Et puis, bien sur, de la vodka. Il y a des nanas d'une quarantaine d'annees qui boivent des bieres a la bouteilles depuis le petit matin... on a beau dire que les francais sont alcooliques, les russes ils sont quand meme plus forts ! C'est drole aussi cette facon d'etre completement indifferent a nous pendant des heures, et d'un coup de se mettre a nous parler, a partager nourriture et vodka. Le russe est insondable. Dur d'approche, aggressif et triste. Mais genereux, accue illant et simple a la fois. Dans son roman "Les Ruskoffs", Cavanna essayent de les definir : "...ces yeux braques d'enfants curieux de tout, ces sourires grands offerts qui quetent ton sourire et volent au devant de lui, cette amitie toujours prete a croire a l'amitie, cette terrible misere qui cherche quelle babiole t'offrir pour materialiser l'amitie, cette violence dans le rire et dans les larmes, cette gentillesse, cette patience, cette ferveur, tout ca". Pour ma part, j'ai l'impression de comprendre beaucoup mieux la langue. Bien sur c'est imbitable, mais j'arrive mieux a reperer les quelques mots que je connais dans les phrases, a comprendre les intonations... du coup j'interprete tout ce qu'on me dit avec beaucoup d'assurance et en me trompant souvent, ce qui fait marrer Leo qui comprend quand meme 100 fois mieux que moi et qui fait des progres chaque jour il me semble, meme s'il est loin d'etre vraiment a l'aise. Cavanna encore : "Le russe, je m'en suis vite apercu, est aux autres langues ce que les echecs sont a la petanque" (!!). Mais revenons au cap Khoboi. Pendant l'apero, un homme grand et trappu, cheveux blancs, la cinquantaine, une toque de marin sur la tete, nous propose de la vodka. Leo essaye d'esquiver, puis fait semblant de boire au vu des cris "Traditione ! Traditione !" proferes a son encontre. Moi je me laisse un peu faire. Mon verre est re-rempli. Ou la la, vivement qu'on parte de Russie, ca devient dangereux pour le foie. Le grand homme me serre lui aussi dans ses bras et me dit avec les larmes aux yeux combien il est heureux d'etre ici, dans son pays, dans un lieu aussi beau, avec des francais. Il leve son verre a la prosperite de la planete et a la paix dans le monde, il est heureux, il me dit qu'il voudrait toute sa vie vivre des moments comme ca avec sa famille, ses amis et des gens du monde entier, pour admirer ce lac en buvant de la vodka. C'est peut-etre con, mais je vous jure que c'est emouvant.

On se retrouve pour manger du bon poisson cuit au feu de bois. Une fille nous offre une biere. Je crois que c'est avec elle que j'ai discute pendant la grosse fete. Leo aussi croit la reconnaitre ! Une guitare. Je la prend et me mets a jouer "Champs-Elysees" de Joe Dassin. Tout le monde se retourne, les gens connaissent beaucoup mieux les paroles qu'un francais moyens (Leo par exemple) ! Ca fait de l'effet d'etre appuye par pleins de russes avec leur accent. La nana "colo de vacances" prend la suite... et enchaine encore du Joe Dassin ! Incroyable ce mec quand meme. C'est l'heure du retour, on monte sur le bateau et on s'eloigne de la cote, juste suffisament pour la longer de loin et avoir de superbes vues des rivages de l'Ile. Il fait grand soleil depuis notre arrivee ici, c'est vraiment une chance. On se laisse porter, on prend le vent, on admire le lac et les paysages qui l'entourent. Et puis on discute avec la nana qui m'a offert une biere et sa copine, elle sont bien tarees et bien a fond. Treillis, tatouages partout. Elles nous ecrivent pleins de noms de groupes de rock russes, on fait de meme. Une autre nana discute avec moi et me demande ce que je fais dans la vie. Je lui explique un peu l'organisation de concerts, tout ca. Du coup elle me dit qu'elle connait un groupe ethnique genial a Moscou et qu'il faut absolument les aider, elle s'emballe, me donne des coordonnees. Encore un coucher de soleil au dessus des montagnes, et puis retour a la terre ferme. Il est 22h passees. On dine (rien d'extraordinaire une fois de plus...) et on explique a Antonina (le "chef") qu'on voudrait partir le lendemain. Antonina est rigolo, il est bien type asiatique et parle mieux allemand qu'anglais, du coup on se lance dans une discussion avec des mots en russes, en anglais, en francais et en allemand ! Mais bon on finit par se comprendre. Retour a la "cabane en bois". Leo est en pleine phase de recuperation, il va beaucoup mieux. On hesite a remonter aupres du feu pour la derniere nuit, et puis... on passe finalement 2h a jouer a un jeu video sur mon portable ! J'ai vraiment honte.

Le lendemain la matroutchka part a 12h30. On est accompagne par la jolie Jane, celle qui nous avais accueilli a notre arrivee. Le voyage est plus rapide qu'a l'allee. On emprunte le ferry a pied et une autre matroutchka nous attend de l'autre cote, ca fait gagner un temps fou. Jane nous offre des cafes et des patisseries. On discute avec un couple d'allemands dans le vehicule, ils sont sympas mais un peu ranges, un peu allemands quoi. Arrive a Irkoutsk, on va retirer du pognon pour pouvoir payer nos trois nuits de guest-house en pension complete, notre excursion et tout a Jane. Elle avait d'ailleurs oublie qu'on devait la payer. C'est fou comme ca donne pas envie d'etre malhonete quand les gens vous font confiance. Elle nous emmene a la gare en Taxi (qu'elle paye) et c'est la qu'on se dit au revoir. On est un peu rendu a nous meme, on ne sait pas trop quoi faire ni ou aller exactement. Trouver un train direct pour Oulan Bator ? Moins galere. Y aller par etapes, en passant dans les petites villes ? Plus complique mais peut-etre moins cher et plus sympa. On fait 40 minutes de queue a un guichet, la nana nous dit qu'elle peut nous vendre un billet pour Oulan Oude, la ville a l'Est du lac Baikal ou le transmongolien bifurque au sud en direction de la Mongolie et de Pekin... bingo ! On rentre dans ce train de nuit, toujours en 3eme classe. On a 2 voisins : Nikita, un gars assez tranquille, dont les passions semblent se resumer aux trains, a la musique classique, aux femmes a poil et aux cathedrales. Pourquoi pas. L'autre est un bouriate qui habite un village du cote de Tchita, plus a l'Est. Et lui n'est pas loin d'etre un psychopate, categorie terrorisant. Il m'oblige a regarder sur son portable des videos de gars qui se font tabasser au ralenti, en me regardant avec des yeux ronds et un petit sourire sardonique... puis des derapages de bagnoles... puis des femmes a poil... puis des sports de combat... et puis des photos de lui avec un flingue... puis des photos de lui avec un flingue et un habit de flic... ah merde, c'est un flic. Il me demande de lui montrer des euros. Je lui dit que je n'en ai pas. Il me fait vraiment peur ce mec. En fait les seules personnes qui me font flipper dans ce voyage sont les flics et les militaires, beaucoup plus que les habitants. Etrange, non ? J'arrive quand meme a trouver le sommeil, plus que Leo qui n'est pas rassure non plus !

Ca y est, nous sommes en Aout. Le 1er. Le train arrive en gare d'Oulan Oude. Nikita nous aide a prendre un billet de train pour la suite... pas de place pour Oulan Bator, on decide donc d'aller en train jusqu'a la ville frontiere avec la Mongolie, Naouchki. Le depart est a 17h30, ca nous laisse le temps de nous promener dans le centre. On se retrouve rapidement nez-a-nez avec la plus grosse tete de Lenine sculptee du monde... a part un tres leger strabisme, il a quand meme de la gueule. En russie, Lenine a beaucoup plus de visibilite que le Christ. La ville a aussi une grande artere pietonne super bien entretenue avec fontaines, fleurs et boutiques un peu chics. Les habitants sont definitivement types mongols, on ne se sent plus guere en Russie. Un grand tank trone en haut d'un imposant monument aux morts bolcheviks. Bon ok on est en Russie. On se promene aussi le long de la Selenga, le fleuve du coin. Un chien nous aboie dessus et nous montre les dents... on se casse, je me suis deja tape l'episode du "bequetage par un chien russe", ca n'apporterait rien de nouveau au recit. On finit par trouver un cafe, c'est aussi fastidieux qu'a Irkoutsk. A propos, les cafes russes ne sont... pas bon. Ca, ca me manque, le bon expresso francais. On s'enfile un burger aussi. Et puis on va se poser sur un banc, et on ecrit pas mal. La ville est paisible et agreable mais un detour d'une journee semble amplement suffisant. En remontant vers la gare, on emprunte des petites ruelles. La, un homme du genre ultra-costaud et ultra-amoche et ultra-bourre nous dit quelque chose. On fait comme si on n'avait rien entendu et on continue. Le gars nous suit et continue de nous interpeller. Un petit regard en arriere.... ce mec fait peur, et il a l'air d'avoir des potes a qui il parle derriere lui. On accelere. Petite montee d'adrenaline. J'ai l'impression qu'il nous suit encore un peu mais sans courir, puis qu'il laisse tomber. Bon, on devrait arriver en Mongolie si tout se passe bien. Le train est bien a la gare... on recupere nos gros sacs qu'on avait laisse en consigne, et hop. Le train qui nous emmene jusqu'a la frontiere est assez vide et l'atmosphere n'y est pas vraiment joviale, elle a meme un petit quelque chose d'oppressant avec des gars ennerves qui gueulent pendant tout le trajet, ce dernier etant d'une lenteur aberante. Par contre on a vraiment l'impression que le paysage se transforme, prend de la profondeur. De vastes plaines vides se deroulent devant nous, on est deja un peu en Mongolie. Deja un peu, mais pas completement. Il nous reste encore de nombreux obstacles a franchir (a commencer par une frontiere...) avant de pouvoir enfin fouler le pied de la terre mongole. Mais, a ce moment la, nous ne le savons pas encore...

Oulan Bator - Samedi 5 Aout - 00h42