08 septembre 2011

La Possibilité d'une île...

Jeudi 25 août

On est davantage le 23 juillet 2012 que le 25 août 2011, mais bon, c'est bien ce 25 août que les 90% de ce post ont été rédigés ! Il ne me restait qu'à relire, rédiger quelques notes et foutre les photos, ça m'a pris presque une année. Et oui, le quotidien m'a explosé à la figure sans m'avertir et sans discontinuer depuis ce fameux 25 août 2011, et il m'a fallu tout ce temps pour retrouver l'envie de me projeter dans ce petit paradis terrestre et sa collection de personnages romanesques, au large de Madagascar et de l'île Sainte Marie. En vérité, cette dernière semaine m'a accompagnée toute l'année, mais la douce nostalgie d'une image peut survenir à la dérobée, on peut se réfugier dans un fou rire lointain ou revivre une majestueuse danse de baleine au ralenti... de là à poser son cul devant l'ordi, décortiquer les sensations et faire l'effort de les "écrire", il y a là un pas qu'il m'a été impossible de franchir ! Mais me revoilà, au seuil d'un nouveau voyage (et d'une nouvelle histoire), prêt à me défaire des si beaux démons d'un passé pas si lointain ...


Mardi 16 août

Grasse matinée dans le bungalow en bord de plage, avec en guise de réveil le son des vagues qui s’échouent à intervalles réguliers à quelques petits mètres. Il fait beau, l’eau est cristalline et la vue des cocotiers se penchant au dessus de l’océan a quelque chose de surréaliste. L’image idyllique contraste tellement avec la pauvreté de l’île… et pourtant c’est fou comme elle nous fait sentir bien. Petit déjeuner en terrasse, les yeux scotchés vers l’océan. Une barrière de corail protège le littoral des grosses vagues, on peut donc s’y baigner aisément, on ne s’en prive pas.


Notre ami Joel "Si vous voulez" nous parle de la pêche : lui et ses amis descendent en apnée à 15 mètres environs pour ramener poissons et crustacés. Il nous montre un gros coquillage "Sept Doigts" qu’il vient de trouver.


On décide de louer des vélos pour parcourir les routes de l’île. Une seule route goudronnée a été construite récemment sur le littoral Ouest (où nous nous trouvons), le reste n’est que piste pourrie. Les vélos de location sont eux aussi pourris, on reste donc sur le goudron. A 4km au nord en longeant les plages, la ville d’Ambodifotatra (prononcer Ambodifoutre !), son port, ses échoppes de souvenir, son petit marché et  ses deux banques. A la recherche de masques et de tubas dans les magasins, on fait doucement rigoler un français résident qui nous explique que le premier supermarché de l’île ayant ouvert il y a deux ans seulement, et qu’il ne faut pas pousser en cherchant des produits si précis.


L’île est en pleine pénurie de carburant, ça fait monter les prix de l’essence, qui s’achète à environ 2€ le litre sur les marchés « parallèles ». Le prix habituel est déjà à plus d’1€ le litre, incroyablement élevé si on le compare au salaire moyen pratiqué ici, autour de 30€ par mois. Les chauffeurs de taxis sont d’autant plus en colère qu’ils estiment que la grande majorité du carburant est réquisitionné pour les besoins des « safaris baleines » organisés pour les touristes sur des zodiacs qui consomment un max. Ambiance à la station.

On réenfourche les VTT chinois en direction du sud. Il fait beau et le littoral est de toute splendeur. Connue pour être un ancien repère de corsaires, l’île Sainte-Marie, en plus d’abriter un célèbre cimetière de pirates, renferme l’île des Forbans, un petit îlot dans un bras de mer, à l’abri des regards, autour duquel les pirates pouvaient mouiller. La route n’est parfois plus qu’une fine bande entre deux eaux. La promenade à deux roues est un régal, on descend encore bien au sud de l’île avant de rejoindre La Palourde où un taxi vient nous prendre à 14h : on déménage.

Le taxi nous dépose à la pointe sud, ou des dizaines de piroguiers sont en lutte pour être choisi pour la traversée vers l’île aux Nattes, séparée de Sainte-Marie par un gué infranchissable à la nage et un peu tumultueux. Willy l’emporte haut la main.


Depuis la pirogue, l’eau parait encore plus translucide et les plages d’autant plus belles qu’elles sont quasiment vides, un bout de paradis déserté. Willy pagaye une bonne demi-heure le long d’étendues paradisiaques pour nous débarquer plus au sud, sur son côté ouest, Chez Sica. On se fait accueillir par une femme au grand sourire qui nous présente tranquillement le havre de paix dans lequel on s’apprête à élire domicile pour plusieurs jours. Pas de route, de l’électricité provenant de l’énergie solaire, seulement entre 18h et 22h, peu de réseau tél, pas d’internet. L’île, la vraie. Notre bungalow est ultra coquet, petits objets artisanaux, tentures, canapé de bambou, figurines et autres bougies, avec vu sur un jardin à la végétation tropicale et sur l’océan.


Sur le terrain concomitant, La Robinsonnade, avec d’autres chambres d’hôtes et des préparations de plats, ce qui n’est pas le cas Chez Sica. Un français haut en couleurs et bien connu des environs tient le bazar. Vêtu d’un simple moule-bite noir, cheveux longs grisonnants, plutôt bien bâti, accent du sud : un cocktail efficace. Ici on l’appelle Mathias, nom d’un méchant qui tue tout le monde dans un film que tout le monde a vu. D’après ses dires, certains malgaches sont même persuadé qu’il est vraiment Mathias et fuient à son approche ! Certains l’appellent aussi Tarzan. En réalité, c’est Robert.


On tchatche un peu. Il me raconte sa vie. Après avoir passé son enfance à Arles avec les Gipsy Kings (!), il s’est réfugié dans des cabanes qu’il a construites à Beauduc, sur une pointe reculée au sud de la Camargue. Il dit, avé l’accent, y être connu comme le loup blanc et nommé "l’Indien". Je lui parle un peu de mon boulot dans les concerts, il me répond qu’il a côtoyé "en toute simplicité" la jet set souhaitant passer du bon temps dans un coin reculé, loin des paparazzi, Miou-Miou, Clémentine Célarié, Michel Drucker, "et beaucoup d’autres". Il est parti, le coin devenait trop fréquenté et il y avait tellement de reportages sur lui…

Il me raconte ensuite sa vie dans une île déserte dans les Philippines, à vivre uniquement de fruits, de chasse et de pêche. On l’appelai Rambo. Il s’est installé sur Sainte-Marie il y a 12 ans, il vit peinard ici avec sa femme Véro et ses 2 enfants, Wacanda, 7 ans, et Jahyon, 18 mois. Son pote Yann (Arthus Bertrand) vient parfois le voir pour prendre quelques clichés sympas du coin. Il a arrêté de boire il y a 20 ans, "sinon je ne serais plus là pour le raconter. C’est une question de volonté, bien sûr. Mais de destin aussi. Et puté, le destin, il est parfois plus fort que la volonté !".

Baignade avec masque et tuba prêté par Sica. Corail, gros oursins, Murène, pleins de petits poissons, certains gros et multicolores. De l’eau, une petite maison rose fait penser à celle de « Tortue Génial » dans Dragon Ball Z.


Le soir, dîner à La Robinsonnade. Plusieurs nanas malgaches travaillent à la cuisine, excellente.


Mercredi 17 août

Grasse mat, tour d’horloge. Il a plus cette nuit, de petites averses. Après un début de matinée incertain, le soleil réaffirme sa présence avec de belles percées.

En fin de matinée, Christine et Olivier nous rejoignent. On passe du temps dans l’eau à faire du snorkeling avec masque et tuba.


Après un bon repas tous ensemble à La Robinsonnade, Mathias nous propose de nous conduire voir les baleines avec son propre bateau. On hésitait à partir en bateau suite aux problèmes de carburant soulevés hier, mais la proposition est plutôt tentante, et son approche de respect de la nature et des baleines en ne s’approchant pas trop et en les laissant tranquilles colle bien avec nos aspirations. On embarque, Alice, Christine, Olivier, Mathias, Wacanda et moi. Lolo ne souhaite pas nous accompagner.


On navigue un bon moment, s’éloignant de l’île en longeant sur une bonne partie la barrière de corail. On aperçoit des baleines qui sautent au loin, on se rapproche progressivement. Un premier groupe de baleines est bien en vue, mais s’éloigne dès que le moteur est coupé. Mathias : « J’ai l’impression qu’on  les emmerde, on se casse ». Autres plongeons beaucoup plus loin. On approche. De plus en plus prêt. On coupe le moteur. On est à une trentaine de mètres seulement des imposants cétacés. Deux baleines à bosse de 15 m de long environ, accompagnées de deux baleineaux.


Et contre toute attente, la petite famille se rapproche en tournant sur eux même, en sortant leurs grosses nageoires caudales et en les agitant en dehors de l’eau avant de les replonger en fouettant puissamment la mer. On est tous comme estomaqués, sans voix, et les quatre baleines se rapprochent encore, arrivant à quelques petits mètres de l’embarcation, on a presque l’impression de pouvoir les toucher. Immenses, elles pointent leur tête hors de l’eau, plongent ou font tourner leur corps, leur imposante majesté s’exprime  comme au ralenti. Une fontaine d’eau jaillit dans un souffle sonore.


Ces créatures marines sont capables de tuer un orque avec un coup de queue, pourtant l’instant chargé d’émotions fait dresser les poils et naitre une chair de poule sur tout le corps, mais ne peut à aucun moment être assimilé à la peur. Nous pensions avoir tout vu en Argentine, nous nous étions une fois de plus trompés. A Dance with Whales. On remercie vivement Mathias. Les yeux brillants, il nous répond « C’est pas moi qu’il faut remercier, c’est elles, puté. Elles vous ont fait un beau cadeau. Elles savaient qu’on était là, elles nous ont accepté et se sont approché pour qu’on passe un moment ensemble ». Retour sur la terre ferme, comblé. Je ne peux pas m’empêcher d’être dégouté pour Lolo, j’aurai aimé pouvoir partager avec lui aussi ce sentiment de connexion avec une nature qui nous dépasse.

Le soleil déclinant, Christine et Olivier finissent par rentrer sur l’île Sainte-Marie. On emprunte avec Alice et Lolo un petit sentier pédestre passant entre champs, forêt et rizières pour rejoindre le nord de l’île aux Nattes. Sur la fin, l’obscurité est complète et on essaye de se repérer à la frontale. Une seule petite gargote est ouverte aux abords d’un petit village. On mange encore un excellent poisson fraichement pêché, tout en se délectant d’un film malgache au jeu d’acteur véritablement incroyable et à la réalisation véritablement psychédélique, allant jusqu’à 4 plans différents à la seconde sans que rien ne se passe. Fous rires.



Jeudi 18 août

Petit déj décontracté à La Robinsonnade avec Tarzan et sa petite famille. Wacanda est très jolie, toujours souriante, et son petit frère Jahyon n'arrête pas de se péter la gueule en riant. La légende raconte qu'il ne pleure jamais, et qu'il serait né avec une dent ! Deux québecoises, forcément cool, sont aussi de la partie.

On a Rendez-vous avec Christine et Olivier qui veulent nous présenter Richard, un français qui habite aussi sur Sainte-Marie et qu’ils ont rencontrés complètement par hasard en se perdant dans les chemins. On franchit le gué en pirogue avec Willy et on loue des vélos (Lolo et moi) et un scooter (Alice) sur la pointe sud de l’île, afin de rejoindre nos amis à La Palourde, 7km plus au nord. Ils prennent également des vélos et on part ensemble en direction de l’Est sur des chemins tantôt terreux, caillouteux ou boueux, jusqu’au petit village d’Ambodifouraha. Alice regrette presque d’avoir pris un scooter tant le trajet est difficilement praticable.


Une allée de traverse débouche sur un grand jardin surplombant la mer de quelques mètres : c’est là que vit Richard et sa famille. Ils habitent une petite maison faite de bois et de bambou. Sur les à côtés, quelques cultures de poivre, d’ananas, de patates douces et de vanille. Il nous explique que la vanille est en fait le fruit de la rencontre entre un bourgeon mâle et un bourgeon femelle d’une certaine orchidée qu’il faut entortiller d’une manière particulière pour que la jonction se produise.

Sa femme tient un bar-resto qui donne sur le jardin, et s’occupe également de trois bungalows indépendants, principalement loués par la population Saint-Marienne cherchant à « fréquenter » en toute discrétion. Une discrétion inutile d’ailleurs, les ragots sur les relations extraconjugales faisant le tour de l’île en un rien de temps ! Aucun touriste ne passe jamais ici, et Richard a été très surpris de voir Christine et Olivier débarquer sur son terrain.


Lui, il vient d’avoir 30 ans, il vit ici depuis 2004 et il a construit le premier et seul studio d’enregistrement musical de l’île ! A l’époque il était venu voyager  dans le coin... il n’est jamais revenu. Très calme, souriant, un peu allumé naturellement, il ne fume pas, ne boit ni alcool ni café, et se refuse à toute forme de dépendance, jusqu’à l’utilisation d’Internet, qu’il est heureux de capter si mal. Il dit passer plusieurs heures chaque jour à s’assoir sur sa terrasse naturelle, face à l’océan, et à observer les reflets bleus changeants du lagon et les vagues se cassant sur la barrière de corail au loin. Pas pire.

Sa femme, super vive et très sympa, nous a préparé un repas malgache traditionnel. On est invité à s’assoir par terre, sur une nappe, sur laquelle une grosse platée de riz est amenée, déposée sur des feuilles de l’arbre du voyageur, larges résistantes et lisses comme du PVC. Des cuillers ont également été confectionnées à l’aide de ces feuilles et de bouts de ficelles. Un plat est amené avec trois gros poissons tout droit sortis de la mer, à la chair exquise, mélangée dans la cuiller avec du riz et de la délicieuse sauce pimentée maison.


Les discussions avec Richard continuent, de "passionnantes" à "bien perchées". Ça parle politique, économie, virtualité de l’argent, faim dans le monde, comment vivre en adéquation avec la nature, ça vole assez haut mais dans ce cadre là, ça passe. On discute du gros problème de déforestation à Madagascar et du fait que paradoxalement, la population n’a souvent pas d’autre choix que d’abattre la forêt pour cultiver de nouvelles terres, parfois après avoir mis le feu pour faire de la culture sur brulis, appauvrissant le sol par la même occasion. Une fois encore le serpent se mord la queue.

Le côté insulaire de Richard est marrant, il oppose systématiquement dans ses propos les malgaches aux Saint-Mariens ! On dirait qu’il n’aime pas bien Madagascar, qu’il connait par ailleurs très peu.

Vient la visite du petit studio à la bordure du chemin. Une petite pancarte avec écrit à la  main « Musique Studio » sur la porte. Une petite pièce de prises pleine de boitiers d’œufs vides collés sur les murs, avec un micro et une guitare posée dans un coin. Une minuscule pièce de mix avec pour seul matériel un ordi portable, un disque dur externe, et une mixette. Incroyable. Il nous fait écouter les productions du cru : pour l’installation, le son est bluffant. Tous les courants de la musique traditionnelle Saint-Marienne y passent (à ne surtout pas confondre avec de la musique malgache bien sûr, ça n'a RIEN à voir).


De la world très dansante aux rythmes soutenus, du reggae plutôt coloré et très efficace, avec quelques jolies perles mélodiques. Mais aussi de la chanson française par un vieil expat’ de l’île aux Nattes : Jean-Claude Rémy, pote de Pierre Perret. Il enregistre aussi des slaps, rencontre entre le slam et le rap, qui ne sont finalement rien d’autre que des poèmes lus sur fond musical. En voici plutôt sympa :  Notre Carla. Et puis hop, son site. Pendant qu’on écoute, son fils de 18 mois n’arrête pas de danser, de jouer du tam tam en rythme...


On finit par prendre congé de nos hôtes, du studio du petit coin de paradis. On repasse à l’ouest par un chemin à peine moins cabossé qui nous amène plus au nord dans la ville d’Ambodifoutr, avant de récupérer l’axe goudronné pour longer le littoral jusqu’à La Palourde. Christine et Olivier rentrent sur Tana le lendemain et sur Le Man le jour suivant, c’est donc l’heure de se dire au revoir… avec un bon petit punch coco. On aura passé un paquet de temps ensemble et c’était vraiment une belle rencontre, il est à peu près certain qu’on va se recroiser. J’espère qu’on n’aura pas trop foiré leur voyage de noces.

Coup de fil sur mon portable malgache, la meuf du bureau de location des deux roues qui s’inquiète : on a dépassé l’horaire, la nuit tombe et on est à 7km du point de chute. On part donc précipitamment en pédalant à fond. On termine le trajet dans le noir, faiblement éclairé par nos frontales. Les vélos et scooter rendus, Willy nous récupère et nous fait à nouveau naviguer jusqu’à Chez Sica et La Robinsonnade, sur notre île aux Nattes.


Ambiance détendue chez Mathias, on partage un bon dîner (gratinée de crabe farci) autour d’une même table avec les deux québécoises qui se détendent ici après deux mois de volontariat éco-responsable, un couple d’anglais très cool, et la petite famille. Véro, la femme de Mathias, est vraiment sympa, pleine d’humour, on sent bien qu’ils sont ensemble par amour et pas pour des histoires de pognon.  Elle n’est pas non plus si jeune que ça. On apprend que lui a 62 ans… on lui en donnerait facilement 10 de moins. Bon ok, leur différence d’âge doit quand même être considérable.

Ils nous racontent les guéguerres récurrentes et ridicules entre les vieux français installé ici, querelles sur le bruit des groupes électrogènes et autres futilités. Mathias nous lit une lettre d’insulte envoyé par le tenant de l’hôtel Les Lémuriens à celui qui se fait appeler "le Baron", et qui n’aurait selon le premier aucun titre, pas même pas son BAC. Réponse du Baron sous forme de lettre ouverte tout aussi basse de plancher. Puis nouvelle lettre de Jean-Claude Rémy (encore lui, le chanteur) avec des caricatures hilarantes des deux protagonistes et un pamphlet ironique sur leur concours de "celui qui pisse le plus loin". Il nous parle aussi de Fifou, propriétaire du Bora Bora (hôtel 3 étoiles), descendant d’une riche famille de colons et faisant des tours au dessus de l’île avec son petit avion personnel.

S'ensuivent de sombres histoires judiciaires impliquant des vasahas. Une de ses copines est en prison suite au prétendu viol sur mineur perpétré par son mari. Une machination, d’après lui. Il évoque une justice à deux vitesses, une corruption systématique, et le fait qu’il faut beaucoup d’argent pour qu’une enquête soit ouverte. Lorsque des preuves amènent à la culpabilité d’une personne, cette dernière peut d'ailleurs s’en tirer sans trop de problème en payant les enquêteurs.

Il continue avec l’évolution des mœurs dans l’île, la pauvreté, la construction de routes goudronnées… il trouve que ça va dans le bon sens, mais déplore le nombre d’accidents causé par des automobilistes qui tracent sans se soucier des gamins au milieu de la route, qui eux n’ont pas changé leurs habitudes. Il nous parle aussi des fadhis interdisant à certaines ethnies malgaches de pratiquer la transfusion et laissant crever leur famille, ou encore des anesthésiesmortelles de gamins allant se faire circoncir. Et de bien d’autres traditions et coutumes allant à l’encontre du bon sens et causant de graves dommages.

En parlant de dommages, il nous raconte aussi la violence du cyclone Ivan qui a dévasté une bonne partie de l’île en 2009 : « puté, ça c’est la nature qui s’exprime ! Et ça tue beaucoup moins de personnes que les antidépresseurs en France, ça je peux vous le dire ! » Touché.

La discussion vire sur 2012 et la fin du monde présumée, sujet abordé avec pas mal de légèreté et d’humour par les convives. Je raconte aussi à Mathias les recherches du trésor de l’abbé Saunière à Rennes-le-Château, il en rigole d’autant plus que Le Baron et Loulou, le voisin de Chez Sica, viennent tous deux de Limoux, à deux pas de l’embrouille, en plein pays cathare dans l’Aude. A creuser !

La soirée se termine en regardant tous ensemble un documentaire d’Arte sur Sainte-Marie sur le portable de Mathias, retraçant l’histoire, la culture, les mœurs, les croyances, avec au passage une petite interview de... Mathias, évidemment.


Vendredi 19 août

Réveil encore une fois tranquille, presque paresseux, dans ce bungalow du bord de mer aux arrières goûts de bout du monde. Les brumes matinales s’estompent paisiblement au gré des exhalaisons iodées, du feulement des vagues, du bruissement des longues feuilles recourbées des cocotiers, du scintillement cristallins du soleil sur les reflets bleus de l’océan… comme chaque matin, je ne suis pas tout à fait certain d’être là, vague sensation que je vais me réveiller, qui ne s’éloigne jamais totalement au cours de la journée.

A peine quelques pas en direction du lagon, des filles à l’affût nous proposent un massage à l’Ylang-Ylang, un ananas frais, une baleine en bois sculpté ou encore de la vanille. Les canards de Chez Sica sortent en troupeau et courent sur la plage avant de plonger dans l’eau en piaillant, à la recherche de planctons et autres friandises à boulotter. Ils s’imitent tellement les uns les autres qu’on croirait un cours de natation synchronisée !

Petit déjeuner à La Robinsonnade avec nos amies québécoises, Mathias, sa famille… un peu notre famille aussi, on se sent partiellement adopté. Rigolades diverses et anecdotes locales égrainent un petit déjeuner bienfaisant.


Au retour, en passant à côté de Chez Sica, "Loulou de Limoux" est en train de se siffler un petit pastaga, torse poils, impressionnante toison grise apparente. Je le salue en lui souriant, le stratagème fonctionne : invitation à l’apéro. On parle vite de ses origines, Limoux, le pays cathare, Rennes-le-Château, nos amis communs chercheurs, les théories fumeuses, les secrets de polichinelle, les pistes mortes dans l’œuf. Il m’apprend qu’il était très ami avec le notaire de l’abbé Saunière, décédé il y a peu. Curieux quand même, le gars qui prétend « ne pas croire à ces conneries » et qui vient finir sa vie dans un petit paradis éloigné après avoir bien connu le légataire des biens de l’abbé aux milliards ! Je dirai même Loulouche.

Willy vient nous chercher avec sa pirogue et nous conduit plus au nord le long du littoral, un peu au large, derrière la barrière de corail. On plonge avec masques et tubas pour observer de magnifiques fonds marins avec l’eau claire qui permet d’admirer dans toutes leurs splendeurs de nombreux poissons, oursins, et surtout une large variété de coraux multicolores.


En tentant de franchir à nouveau la barrière de corail en direction de la plage, la pirogue est poussée au cul par de grosses vagues et l’une d’elle rentre à grands flots dans l’embarcation ! Trempés, on s’échoue sur le sable pour écoper l’eau comme on peut. Une mésaventure qui sonne le glas de mon téléphone malgache chinois, qui ne sonnera plus jamais, lui.


On décide de faire le tour de l’île aux Nattes en pirogue, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Willy nous emmène d’abord plus au sud, où on fait une pause aux Lémuriens, tenu par l’un des vieux français légendaires (mais pas bien héroïque) de l’île. Le nom ne vient pas de nulle part : des "lémuriens de compagnie" se prélassent sur la table, à côté de nous et dans les arbres alentours ! Rencontre avec un chanteur un peu rasta à qui on achète un disque enregistré chez Richard tout en sirotant une THB de rigueur.


Willy nous parle de ses expériences avec les vasahas de l’île. Il nous raconte tellement d’histoires dingues qu’on a du mal à ne pas y voir un peu de mytho. Avec probablement un gros fond de vérité ! Il raconte que tous les français sont vieux et sont mariés avec des filles de 40 ou 50 ans de moins, tout en ayant des maitresses à tout va. L’un d’eux aurait tué un malgache mais aurait payé sa liberté à la justice. Un autre aurait violé une fille de 7 ans, mais aurait racheté lui aussi sa liberté. En ce qui concerne Mathias c’est différent, il le respecte et le craint beaucoup à la fois... d’après lui, celui que tout le monde surnomme Tarzan ou Rambo est capable de soulever une grosse moto et de la déposer tranquillement sur une pirogue, ou encore de soulever une voiture sans aucune difficulté, il l’a vu il nous le jure ! La légende est en marche.

Il nous dépose au nord de la petite île aux Nattes, face à la pointe sud de l’île Sainte Marie. Quelques mangroves subsistent. Une grande pancarte annonce le resto Chez Tyty, 2 étoiles au Michelin, 2 étoiles au Gault et Millau. On réserve direct pour le soir. Comment ça naïf ?


Alice et Lolo prennent le petit chemin en direction de Chez Sica, pendant que je décide de me faire masser au Baboo village, espèce d’hôtel aux bungalows trois étoiles, extrêmement cher, pour à peine plus de confort que Chez Sica. Sauf que la masseuse du truc, elle a un diplôme et tout. Elle me fait un massage de tout le corps pendant 50 bonnes minutes, un vrai bien tonique et tout.

Je commence à rentrer à pied mais voyant l’heure, je décide d’attendre dans un petit rade du village au centre de l’île. Le lieu a la particularité de diffuser deux musiques complètement différentes en même temps sur deux paires de mauvaises enceintes différentes, à fond. Absorbé par Tolstoï, je me rends compte que l’heure du RV est arrivée et que je n’ai pas vu mes compagnons de voyage repasser. Il fait maintenant nuit noire, je me rends donc Chez Tity avec la seule lumière de mon portable à travers les bois. Un peu flippant. Ils sont bien sûr là-bas, depuis un moment.

Tity n’est autre que la femme de Jean-Claude Rémy, le chanteur, qui est en ce moment en France pour refaire son site Internet ! On goûte un poisson cuisiné à la Tahitienne, avec la chair à peine cuite par l’acidité de la sauce dans lequel il baigne, principalement composée de jus de citron et de lait de coco. Délicieux. Petit rhum arrangé pour la route, une demi-heure pour rentrer à pied à la frontale par les petits chemins traversant l’île.


Samedi 20 août

Aussi agréable qu'il soit, un petit pincement au cœur accompagne un réveil bercé comme chaque matin par le murmure de l'océan : c'est aujourd'hui que commence le grand retour, aujourd'hui pour Sainte Marie, demain pour Madagascar, le lendemain pour la France. A cela s'ajoute un nouveau tracas : on n'a pas assez d’arriary pour payer Chez Sica. Plans sur la comète pour planifier un Aller-Retour à Amboudifoutr, long et compliqué. Au final, Sica prend les Euros !

Le temps est plus indécis ce matin, des averses alternent avec des rayons de soleil. On fait le tour du propriétaire, c'est l'heure des adieux à La Robinsonnade, Sica, Mathias, Wacanda, Loulou… on quitte une sacrée équipe. Willy, fidèle jusqu'au bout, nous conduit en pirogue jusqu’à la pointe sud de Sainte Marie, puis un Taxi jusqu'à La Palourde, où on pose à nouveau nos sacs pour une dernière nuit.


Avec Lolo, on a décidé de faire un baptême de plongée au large d'Ambodifoutr. La plongée, ça fait plus de 10 ans que je projette d'en faire, sans grand succès. Au Vietnam, j'avais déjà annulé mes plans pour suivre Anelor au Laos (c'était par ailleurs une des meilleures idées de ma vie). Depuis, toutes les tentatives sont restées mortes. Jusqu'à la veille, on avait réservé un baptême avec un autre gars qui nous a rappelé (dans les derniers souffles de mon portable local) pour annuler pour cause de cheville foulée ! Aujourd'hui, la malédiction arrive à terme, grâce à Eric Laurent (ça ne s'invente pas), du Lémurien Palmier (ça non plus).

Ce dernier arbore le style décontracté-pro qui sied bien à la tâche : le mec veut rassurer les inexpérimentés que nous sommes, tout en détendant l'atmosphère. Bêtisier des baptêmes de plongées antérieurs, récit du canular fomenté par guide du routard pour tester son professionnalisme... il se la raconte même un poil, mais n'en est pas moins sympathique. Il est aussi l'un des seuls agréés par les autorités de l'île à prendre des photos sous-marines des baleines à bosse, il nous explique que l'exercice n'est pas sans danger, vu la force herculéenne des dits mammifères.

Après avoir revêtit une sublime combinaison en néoprène, on embarque dans un bateau à moteur avec toute une famille parisienne, les parents et leur trois gamins, compagnons de fortune qui vont s'avérer plutôt reulous. Chacun plonge avec Eric à tour de rôle, environ 30 minutes, après quelques consignes précieuses : comment se mouvoir dans l'eau, respirer avec des bombonnes de gaz,  communiquer avec des gestes simples pour faire passer les messages les plus courants.


Je passe en avant-dernier, l'attente est longue mais on a des masques et tubas faire du snorkeling alentours. Finalement la patience est plus que récompensée, l'expérience est véritablement incroyable. Passés les premiers instants, où on se sent dans un environnement presque hostile, avec une façon d'inspirer et d'expirer dans le masque assez peu naturelle, on commence à s'y faire, à comprendre comment s'orienter en se servant des bras, descendre en jouant sur l'air dans le gilet, capter le regard d'Eric et lui répondre à ses questions parles gestes prévus... et puis, en suivant ses signes, on commence à s'enfoncer et à regarder alentours. Un autre monde, comme dans les documentaires sous-marins mais en 3D, avec des sensations inédites, et puis la caméra c'est nous quoi. On tourne autour d'un grand massif de corail de toutes les formes, toutes les couleurs, toutes les textures. Traversée de bancs de poissons multicolores minuscules, d'autres gros zebrés, des plus longs... je ne suis pas assez calé en poisson pour savoir ce que j'ai pu voir, même sans nul doute des espèces extrêmement rares et totalement endémiques ! Un hippocampe flotte juste devant moi, Eric me fait signe de le prendre dans les mains, il y glisse tranquillement, sensation particulière. On descend à 7m environ, le fond sous-marin, même pas profond, offre juste un spectacle hallucinant. J'ai envie de prendre dans mes mains tous les coquillages aux formes étranges, et de rester encore des heures à faire des rencontres sous l'eau d'un autre type. Mais Eric me fait signe, il faut remonter, Lolo attend son tour ! Le retour à l'air libre est presque aussi étrange que l'immersion première, et je n'ai qu'une envie à ce moment là : passer le niveau 1 de plongée et remettre le couvert. Lolo est tout aussi enchanté que moi, il a même vu un calmar, fait assez rare.

De retour à La Palourde, notre ami Joel nous accueille avec... une langouste immense qu'il a péché
dans la journée et qu'il nous propose pour le dîner !


Il nous demande comment on la veut : l'option grillée prend la corde. Ils sont trois à veiller sur la cuisson du crustacé géant, après avoir coupé la bestiole en deux dans le sens de la longueur et l'avoir badigeonné d’huile avec un pinceau.


Pendant ce temps, la petite de la maison hurle de joie en regardant Dora l’exploratrice à la télé.
Le met finit dans nos assiettes puis dans nos ventres, il y en a tellement qu'on a presque du mal à tout terminer, malgré la présence de Lolo ! C'est juste délicieux. On profite du bruit des vagues juste à côté, de l'ambiance apaisée et du goût unique de ce repas de chef, sous le regard bienveillant de la famille et de Joël.

Ça va nous manquer.


Dimanche 21 août

Lever 4h30. Ouch. Le taxi est à l'heure. En ville, quelques viennoiseries françaises (lire grasses) sortent juste du four « Au Bon Pain ». Tout le village est déjà levé, endimanché, prêt pour la messe.

La traversée en bateau dure environ 1h, le soleil est déjà bien levé, des baleines plongent au loin. A l’embarcadère, on rachète de la vanille à la petite vieille. Elle nous demande aussi de poster des lettres en France, elle ne sont pas affranchies. On lui fait la remarque, elle nous regarde en souriant et nous rajoute une poignée de vanille dans le sac.

Premier bus jusqu’à Tamatave. Le dimanche, les départs de taxi-brousse y semblent hasardeux, c'est la merde. On prospecte pour tenter de partager les frais d’une loc. de minibus qui nous ramènerait à Tana direct. On se retrouve à huit : un jeune couple anglais (fille mignonne et mec uuuuultra baraqué), un couple allemand d’une quarantaine d’années, un étudiant français et nous trois. A huit, c’est à peine plus cher que le taxi-brousse, environ 10€ par personne, chauffeur et essence compris. Let's go, trop facile.

Et bien oui, trop facile justement ! Au bout de 3h, embrayage à terre. Les yeux de Lolo et d'Alice se tournent immédiatement vers moi, avec des regards qui en disent long, comme si j'étais une fois de plus responsable de la panne ! Tout se passait trop bien. Le Chauffeur parle une langue probablement morte il y a longtemps, en tout cas pas le français, on ne comprend rien. Il se met à faire une marche arrière ultra longue pour redescendre toute la côte de la montagne qu'il avait commencé à gravir. Les passagers se mettent à stresser, certains ont un vol de Tana le soir même. Le chauffeur ne stresse pas, lui, il accueille la tuile avec beaucoup de fatalité et de décontraction (un peu comme moi). Les anglais parviennent à faire du stop pour rentrer à temps surTana : notre ami le chauffeur crie au miracle en levant les mains au ciel... un peu too much quand même. On se pose tous dans un hameau au bord de la route, assailli par les habitants qui n'ont pas l'habitude de voir des voyageurs s'arrêter ici.


3h plus tard, un nouveau minibus arrive. Le chauffeur nous prévient : « pas problème ! même couleur, même qualité ! ». Dans ce cas je ne vois pas ce qu'il pourrait nous arriver effectivement.

Arrivée à Tana by night, sans encombre. Installation dans l'hôtel Saint-Antoine, dans la même chambre que le premier soir. La boucle est presque bouclée.


Lundi 22 août

Lever 6h. Taxi pour l'aéroport. Dernier coup d’œil aux rizières depuis l'habitacle bancal.
L'avion décolle comme prévu à 9h45, et atterrit à La Réunion vers midi. On a 8h à poireauter, autant aller se balader sur l'île. La différence avec Mada est juste aberrante, le taxi nous prend 25€ pour 10 petites minutes, et a le temps de se plaindre de la chaleur et des radars… welcome back in France.

Raf ne nous ayant pas dépêché le comité d'accueil espéré, on va se débrouiller seuls. Balade à St-Denis, par un temps pas très avenant. Sieste dans le Parc de l’Etat, emplettes au grand marché de l’artisanat (les mêmes trucs qu’à Mada), rue piétonne marchande, cocktails de jus de fruits frais délicieux. On trouve un bus qui nous ramène à l’aéroport pour 1,60€, aussi rapidement que le taxi : mieux.

Dans la salle d’embarquement de l'aéroport Roland Garros, rencontre avec Franck d’Oh Lord productions et les Fishbone, qui se retrouvent juste devant nous dans l’avion ! Rigolo.

C'est une fois de plus dans l'avion, les yeux prenant par instants le large de l'écran diffusant je ne sais plus quel nanar, que les souvenirs de ces quatre semaines réaffluent sans prévenir. Les images s'entrechoquent dans un méli-mélo d'émotions, je retrace dans ma tête chaque journée de ce parcours, avec son lot de visages marquants, de voix qui font écho, et de paysages qui se remodèlent déjà. Les souvenirs, si proches, résonnent pour mieux s'éparpiller, s'enfuient chaque seconde un peu plus, sans doute par coquetterie, pour être mieux rattrapé, et finalement plus à même d'être sublimé. Les sensations se faufilent par toutes les brèches, celles que je tente aujourd'hui de combler par ces mots peut-être vains, mais qui ont au moins l'avantage de pouvoir faire goûter par procuration aux saveurs de ce voyage à Madagascar.

Probablement l'un des plus marquant de ma vie.
Un pays qui me tend encore les bras, et qui laisse un goût de reviens-y.

Lu pendant ce voyage :

-    Les Aventuriers de la mer - tome n°7 (The Liveship traders III – part 1) de Robin Hobb
-    Les Aventuriers de la mer - tome n°8 (The Liveship traders III – part 2) de Robin Hobb
-    Les Aventuriers de la mer - tome n°9 (The Liveship traders III – part 3) de Robin Hobb
-    Anna Karénine de Léon Tolstoï

-    Lonely Planet « Madagascar »
-    Guide du Routard « Madagascar »



Jeudi 25 août - Lyon, France

22 août 2011

De Manakara à Sainte-Marie...

Lundi 22 août

Déjà la fin ! C'est de l'aéroport de Tana que j'écris ces lignes, au milieu de la salle d'embarquement. Les dix derniers jours ont filé, on ne les a pas vu passer. Mais on en a profité comme rarement, on a pris notre temps. Moins de temps à écrire, plus à vivre l'instant. J'ai quand même réussi à raconter cette fameuse remontée vers le nord en minibus avec Christine et Olivier, nos compagnons de presque tout le voyage. Et, promis, je vais essayer de finir le récit cette fois ci. Surtout que les derniers jours à Sainte-Marie ont vraiment été le clou du spectacle, coin de paradis et rencontres improbables... mais je raconterai ça plus tard. Nous en étions encore à Manakara, beaucoup plus au sud...


Jeudi 11 août

Le minibus est bien devant l’hôtel au petit matin, vers 7h, comme prévu. On a deux chauffeurs pour le prix d’un, un jeune s’est joint pour apprendre le métier. Les sacs sont chargés, on est parti pour cinq jours de totale liberté dans un minibus 12 places. Le plan est de monter jusqu’à Tamatave… pour le reste aucune obligation, on s’arrête où on veut pour dormir ou se balader, no stress.



Avant de filer vers le nord, va faire un tour au Trou du Commissaire, le fameux spot qui nous avait échappé la veille en l’absence de vélo. Le cadre y est plutôt idyllique. Un muret de pierre cercle une zone baignable. Le soleil est déjà haut, l’eau est bonne et il est difficile d’en sortir. Des enfants se baignent avec nous en habit d’Adam, ils jouent avec des mini pirogues confectionnées avec des feuilles de bananiers.



En sortant de l’eau, un gars du coin nous montre trois langoustes dans un seau, dont une énorme, et nous propose d’aller nous les faire griller ! On s’en régale assis à une petite table sous un porche, à deux pas de la plage. En allant commander des cafés au petit bar sur pilotis qui fait face à l’océan, je tombe sur la serveuse en train de se faire tripoter par un gars derrière elle, elle se défait de son étreinte en rigolant, un peu gênée, et part faire chauffer de l’eau. Sans chercher à leur trouver des excuses, il faut avouer que le cadre se prête pas mal aux galipettes. On agrémente le goûter avec des pains malgaches, petits beignets au manioc. Il est n’est que 10h quand on reprend la route.



Le minibus nous conduit en 4h environ à Ranomafana. Plutôt confort, mais les chauffeurs kiffent la vieille daube française et on se tape en boucle Sheila, Mireille Mathieu et autres Garou. Le décor extérieur se transforme à mesure qu’on grimpe dans les montagnes, avec l’apparition forêts denses, vallonnées, tropicales. Bananiers, palmiers, forêts de bambous…

En traversant un petit village, une troupe de gentils poussins piaillent derrière leur maman au milieu de la route. PAF le poussin ! Dans la même lignée, Moï et Linda nous avaient raconté avoir shooté un chien lors de leur venue express de Tana à Miandrivazo

On se pose à La Palmeraie, petit hôtel avec quelques chambres en Rez-de-Chaussée dans un petit havre de paix. Une balade en "ville" nous entraine de manière hasardeuse dans un atelier de tissage. A côté d’un grand terrain de foot, une fête bat son plein, avec un manège et de la techno à burne sur des enceintes pourraves qui saturent.

Le chemin nous entraine vers la rivière, qu’on franchit sur un pont manifestement provisoire, fait de bric et de broc, suite à l’effondrement du gros pont métallique, décimé par un cyclone dévastateur en 2007. Les vestiges métalliques en disent long sur la violence du truc. La côte Est de l’île est régulièrement dévastée par des cyclones, principalement pendant la saison des pluies, de novembre à mars.



Juste après la rivière, une grande piscine accueille une population dense, composée autant de touristes que de malgaches. La piscine est totalement naturelle, avec une eau thermale à 39°C ! La douche obligatoire est presque trop chaude, mais la baignade fait terriblement du bien. Olivier et Catherine font leur apparition. On se casse.

De retour à La Palmeraie, Lolo nous découpe un ananas acheté dans la rue… tiède, sucré, juteux… explosion en bouche. On se parle de records pourris, Olivier nous narre l’exploit d’un pote à lui qui a réussit à engloutir 7 camemberts et demi en 3 min 30… on reste français.

La nuit se met à tomber, on part avec le minibus quelques km plus au nord pour tenter d’observer la faune nocturne aux abords du parc naturel, accompagné par un guide du bled. C’est pour ce parc qu’on a décidé de rester dans le coin. En scannant les branchages à l’aide de lampes, on découvre un gros gecko, des grenouilles arboricoles et des minuscules caméléons qui ont vraiment la couleur et la texture de l’écorce d’arbres et des feuilles.



On ne tarde pas à aller se coucher avec quelques écrevisses dans l’estomac. Dans la chambre d’à côté, des malgaches font la fête. Ça chante et ça décapsule de la THB.



Vendredi 12 août

Après un petit déjeuner à La Palmeraie, servi par une famille aux petits soins, ‘est parti pour une balade dans le parc Ranomafana toute la matinée. Un guide local nous accompagne pour nous éclairer sur la faune et la flore, principalement endémique, probablement inconnue. Traversée d’une rivière. Forêt. Pas de la petite forêt de tata, de la bonne vieille forêt bien dense et sauvage, à la végétation tropicale qui agrippe chaotiquement chaque cm² d’un terrain immense et vallonné. Le guide nous explique les applications médicinales de chaque plante, les propriétés de l’arbre du voyageur et des fougères aborigène, nous fait repérer les manguiers, cocotiers, palmiers, bananiers, figuiers, nous fait goûter du poivre sauvage. Les chemins se perdent entre les arbres, ça grimpe. Un pisteur est parti devant nous et crie pour nous faire bifurquer quand il dégotte des bestioles sympas. On voit quatre espèces différentes de lémuriens, des petits insectivores et herbivores en famille, des grands mangeurs de bambou, très près de nous, et d’autres encore. Plutôt rigolotes les bestioles.



Sur un arbre un gecko minuscule trop bizarre, sur un autre un plus gros, couleur mousse, qui se fond à un arbre comme un caméléon. Perdu au milieu de cette jungle, un texto de Thomas m’apprend que Tsonga a encore battu Federer à Montréal. Incroyable.



De retour en ville, petite bouffe dans une gargote du centre, avant de repartir avec Lolo à la piscine d’eau chaude. Plus aucun vasaha dans l’eau, on se dit que le taux d’étranger doit dépendre des jours d’arrivée du train à Manakara. Beaucoup de malgaches en vacances par contre, assurément aisés, prenant des photos et se filmant. Les malgaches sont physiquement vraiment distincts des africains, l’influence asiatique et indonésienne saute aux yeux.

On décide de se faire masser dans une petite case, à côté de la piscine. Un orage éclate en plein massage, des rafales de vent s’engouffrent dans la case ouverte, ça a le mérite de mettre un peu de piment à un massage plutôt fade et manquant cruellement de tonicité. On en ressort pas si détendu, mais la peau nourrie à l’Ylang Ylang (essence naturelle locale) et sentant la citronnelle. C’est déjà ça.

De retour à La Palmeraie, je reviens à un de mes passe-temps préféré : tenter de me connecter à Internet. Le réseau Moov, celui de ma nouvelle clé 3G+ salvatrice, ne passe pas dans le village. Je manque encore de me faire embrocher par un zébu qui s’échappe dans la rue principale. Je finis par me connecter au cyber-café du coin. J’abandonne après avoir téléchargé 15 mails en 30 minutes.

Encore un bon repas bien sympa tous ensemble, que des produits frais, y compris le rhum arrangé.


Samedi 13 août

Lever 6h, on a passé deux nuits ici et il reste de la route. Le trajet sinueux continue entre les montagnes. Petite traversée de village… PAF la poule. Et de deux. Un village plus loin, arrêt devant une maison pour remettre du carburant de contrebande dans le moteur, bouteille après bouteille. C’est long mais significativement moins cher. Le moteur reste allumé, comme d’habitude. C’est leur trip ici. Encore un arrêt, les chauffeurs achètent sur le bord de la route des litres de vin local vendu dans des bouteilles d’eau. Pour être sûr.





Vers 11h, arrivée à Amboustr. La ville est en effervescence, en plein marché hebdomadaire. Dans une boutique d’artisanat, je suis à deux doigts d’acheter une bonbonnière trop classe en bois de palissandre. 20 Kg. 500€. Un regard "tendre" d’Alice suffit à me faire lâcher l’affaire. Dans la rue, petit check avec Julien, notre guide d'il y a quelques jours, croisé par hasard.

Pause déjeuner après 2h de route supplémentaire à Antsirabé. Retour au Pousse-Pousse, Christine et Olivier ne connaissaient pas. On se régale entre autre de choux farci et de coteaux du Tricastin. Difficile de résister à une carte de vin français. La Françoise nous raconte que le fromage est en plein essor ici, avec un agriculteur français qui s’est mis au reblochon et au fromage à raclette. Va pas tarder à faire bon y vivre.

Je me rends dans une boutique TELMA, l’opérateur téléphonique de ma clé 3G+. Super difficile de comprendre leur système, je demande une formation minute. Résultat : mon compte a un problème incompréhensible, ça n’arrive jamais. Mais pas de souci à se faire, en envoyant un formulaire de réinitialisation de mot de passe par courrier, je devrais avoir une réponse positive d’ici deux à trois petites semaines. Tout va bien alors. Je suis dans l’obligation de racheter une carte et créer un nouveau compte qui semble fonctionner. Hum.

Depuis le minibus, à l’approche de Tana, on admire le soleil couchant et la pleine lune qui surgit du sommet des collines.

Il fait nuit noire à notre arrivée dans la capitale. Le Saint-Antoine plein, on se rapatrie sur le Jean Laborde. Un Hôtel sordide tenu par un vieux français acariâtre, tenue stricte et cheveux blancs gominés, se plaignant des malgaches, des taxes et nous répondant avec dédain. L’ambiance glauque a quelque chose de l’après-guerre, des relents colonialistes, on se croirait dans un roman de Céline.

Une bonne bouffe au Outcool nous détend avec un fond sonore trusté par Nirvana, Vampire Week-end et Coldplay, avant qu’un expat’ bien entamé ne décide de mettre à fond un vieil album de Thiéfaine, « Soleil cherche futur ». Et d’expliquer bien fort que le soleil, en fait, c’est une planète en fusion. Un champion. Il enchaine ensuite les diatribes à la con du genre « les malgaches sont tous rigides, bornés et abrutis, de toute façon ». J’aimerai savoir pourquoi la majorité des expatriés sont des cons.


Dimanche 14 août

Lever 6h pour prendre un petit déj à la terrasse du Saint-Antoine. Internet gratuit et rapide, ça n’est qu’à la capitale, autant en profiter. Je prends le temps d’écouter de nouvelles versions de titres de Fake Oddity et de répondre à trois mails. La télé diffuse BFM TV : en une, Noah personnalité préférée des français. Il ne se passe donc rien.

Devant le Jean Laborde, ça s’embrouille un peu avec les chauffeurs pour une histoire de pognon, ils n’ont pas récupéré assez de sous de la part d’Eric qui semble injoignable. sa femme finit par arriver en moto, ça s’arrange après une bonne heure d’attente et de blabla.

Le minibus repart, direction Tamatave. Encore un long trajet sur des routes sinueuses mais goudronnées. Pause bouffe dans la ville de Moramanga dans une cantine locale, avec grosse plâtrée de riz accompagnée d’un peu de poisson. Dans la rue, une procession festive débaroule, rythmes et danses endiablées, drapeau agité. Peut-être un retournement aux morts ?



En fin de journée, arrivée à Tamatave, grosse ville portuaire. La ville semble étendue, avec de longues et larges avenues empruntées par d’innombrables véhicules. Les pousses-pousses sont remplacés par des vélos triporteurs. On a du mal à trouver un hôtel n’affichant pas complet, mais on finit par poser nos valises aux Flamboyants, essentiellement fréquenté par la communauté chinoise.

Petite balade longeant de nombreuses "baraques à Rhum" avant de prendre place dans un resto avec vue sur la plage, le port et l’océan indien. On invite les chauffeurs, pas très loquaces, réservés, mais qui semblent ravis de notre attention et nous remercient maintes fois. Spécialités de la mer dans un cadre assez clean, limite glauque, avec plusieurs vieux vasahas sirotant des cocktails accompagnés de jeunes malgaches plantureuses et sexy.

Les chauffeurs n’ayant pas eu le temps de se trouver une chambre à leur portée, ils dorment dans le minibus, devant l’hôtel.


Lundi 15 août

Lever 5h30. De pire en pire. N’empêche, on s’habitue à ces conneries. On va de suite au bureau de Cap Ste-Marie, l’un des prestataires organisant des traversées en bateau pour joindre la Grande île à la plus petite. Les tickets en poche pour le bateau de 13h, on a le temps de rouler tranquillement vers le nord.

On rejoint donc en 4h de route dégueulasse Soanierana-Ivongo, bled de embarcadère face à l’île Sainte Marie. L’attente est plus longue que prévue, les horaires sont toujours donnés à titre vaguement indicatifs à Madagascar. Pendant ce temps, Olivier gère les formalités obligatoires : paperasse au bureau local de Cap Ste-Marie, paperasse à la gendarmerie, paperasse à la police. On achète des gros fagots de vanille à une petite vieille bien gentille, on bouffe des sandwiches à la Vache qui rit (denrée internationale). On finit par embarquer, il est 15h.



Traversée d’une heure sur une vedette bien rapide, avec de bonnes sensations sur les grosses vagues d’une mer agitée. Au loin, une baleine saute en propulsant un joli geyser.



Le soleil est déjà bas alors qu’on foule la terre ferme du petit port Saint-Marien. Une foule grouillante nous accueille pour proposer taxis, hôtels et autres safaris baleines. On saute dans un taxi-brousse blindé pour rejoindre un hôtel 4 km plus au sud. La route longe l’océan. Le soleil se couche derrière quelques nuages disparates.

La Palourde, constitué de bungalows à même l’océan, est quasi désert. Les bungalows sont disposés à quelques petits mètres de la plage, avec une vue splendide sur l’océan bleu turquoise, dans un calme incroyable. Le sable est fin, des cocotiers se penchent au dessus de l’eau… un petit air de paradis sur terre, tel qu’on le vend dans les magasines.



Joel, malagache au large sourire indécrottable, l’air complètement défoncé, nous accueille. On comprendra vite qu’il est comme ça de manière naturelle. Adorable, il rigole tout le temps et répond à toutes les questions par "Si vous voulez" ou "C'est possible" ! On peut se baigner loin ? Si vous voulez. C’est pas dangereux ? Si vous voulez. Que peut-on manger ici ? C’est possible. Il y a des vélos à louer dans le coin ? Si vous voulez. Sérénité radieuse. Si le malgache est cool, le st-marien le surpasse largement.

On demande à manger du poisson, des calmars, du poulpe. Si vous voulez. Il va demander de la came fraiche à un pêcheur qui passe. Une sauce coco ? C’est possible. Il monte sur un arbre cueillir une noix de coco, la découpe et prépare une sauce si bonne que ça semble invraisemblable. On se régale comme on ne s’est jamais autant régalé de tout le séjour. Et pour info, c'est presque gratuit.



On passe un moment à regarder la lune se lever au dessus de l’eau, puis on s’endort bercé par les vagues. Elles sont si proches, on a l'impression que l'océan va rentrer dans le bungalow. Putain, on est pas mal.

Dimanche 21 août - Entre Tamatave et Tana

14 août 2011

D'Antsirabé à Manakara

Dimanche 14 août

Nous voici de nouveau à Tana, retour à la case départ avant d’emprunter une nouvelle direction, le nord-est. Les deux-tiers du voyage sont déjà derrière nous, on entre dans le douloureux « money time ». On en a pourtant déjà plein les yeux, les oreilles, les sens. Les malgaches sont pauvres pour la plupart, mais d’une gentillesse rare. Se connecter à Internet reste la mission la plus ardue du voyage, ça n’aide pas la mise à jour du blog. En voilà encore une tranche. Récit d’une traversée en direction du sud-est malgache.


Samedi 6 août

Lever 9h, première grasse mat’ depuis le début du voyage. Lolo reste au lit. Ma batterie d’appareil photo ne se relève pas non plus, elle a du prendre un pin. On n’a plus que l’appareil d’Alice, moins bien.

A l’entrée du Green Park, Christine et Olivier sont en pleine négo avec Eric "Jamel" qui est descendu de Tana… il leur propose de louer les services d’une voiture et d’un chauffeur pour cinq jours, pour les remonter de Manakara, où ils seront dans quelques jours, jusqu’à Tamatave, beaucoup plus au Nord. On finit par accepter de partager les frais, on est vraiment sur la même longueur d’ondes avec eux. On n’hésite pas longtemps, sauf Lolo qu'on vient de réveiller et qui tente péniblement de surnager au delà des brumes matinales à grands coup de tartines et de cafés. Il finit par grommeler un accord enroué. On se donne donc RV quelques jours plus tard, et ils partent sans attendre, un peu plus au sud.

Moï et Linda sont encore là, on prend le temps de se poser ensemble et de profiter du jardin. A peine sortis de l’hôtel, les pousses-pousses nous alpaguent et nous proposent de nous conduire à un famadihana, fête de retournement des morts. Voyons ce que ça raconte.

Petit pitch préalable : cette cérémonie semble être le point culminant du Culte des Ancêtres qui fidélise la quasi-totalité de la population. Les malgaches partent du principe que la mort n’est qu’une étape de la vie parmi d’autres, sa phase ultime. D’où le proverbe « Ceux qui sont partis n’ont qu’une avance de temps car la route est commune ». Rendre hommage aux morts est une manière pour eux de rendre grâce à la vie dans sa forme la plus aboutie. Le famadihana a lieu plusieurs années après le décès, quand la famille du défunt estime qu’il a besoin d’un nouveau linceul pour se réchauffer.



Nous voilà tous les cinq en route, tirés par des pousses-pousses à travers les routes goudronnées de la ville puis des chemins plus cabossés de la campagne entre les rizières. La fête est à 5 km du centre. On descend de l’habitacle quand la pente est trop forte ou la route trop pourrie, c’est vraiment gênant de rester comme un pacha sur son siège rembourré quand le pousse-poussier contracte ses muscles et transpire à grosses gouttes. On finit par arriver dans un hameau en haut d’une colline. Il y a beaucoup de monde, mais on est les seuls vasahas. On est d’abord présenté à un jeune de la famille organisatrice, puis au doyen. On lui demande si notre présence le dérange. Il nous dit qu’au contraire il en est honoré, qu’il souhaite qu’on passe un bon moment, qu’on danse, qu’on prenne des photos et qu’on lui envoie. Il est tous sourires, ravi. Il faut dire qu’on lui a glissé une bouteille de rhum.



La procession commence, une troupe de musiciens joue des airs guillerets au violon et au tambourin, certains dansent, tout le monde suit. Il y a entre 200 et 300 personnes, de tous âges. Différentes personnes s’approchent pour nous expliquer ce qui se passe. La famille qui organise est manifestement aisée, d’où l’ampleur de la fête. La procession arrive devant un grand caveau familial. Les musiciens redoublent d’entrain et les invités se répartissent tout autour. Puis vient le temps des discours.



Deux "autorités locales" et le responsable de la famille prennent tour à tour la parole en malgache. Un gars à côté nous explique ce qui se passe. Chaque orateur commence par demander au public la permission de s’adresser à lui. Cette demande s’adresse plus particulièrement aux plus âgés d’entre eux. Les autorités locales donnent un cadre formel à la cérémonie en présentant la famille et en lisant le décret signé l’autorisant à ouvrir le tombeau - on apprendra ensuite que de nombreux tombeaux sont pillés et les os humains revendus à des fins médicamenteuses. Le patriarche rappelle ensuite le sens de cette cérémonie : c’est avant tout un temps festif qui vise à rassurer les défunts sur le fait qu’ils sont toujours présents dans les mémoires. Il interpelle tous les enfants présents en leur disant qu’ils seront bientôt à leur tour les gardiens de cette tradition. Moment poignant de transmission de valeurs traditionnelles et populaires d’une génération à une autre.



L’ouverture du caveau est ensuite descellée à l’aide de différents instruments contondants et de marteaux. Tout le monde se recule de quelques pas, pour ne pas se prendre les gaz s’échappant du tombeau dans le pif. Les personnes de la famille rentrent à l’intérieur et ressortent à tour de rôle avec les corps exhumés de leurs parents, frères ou enfants, enroulés dans des linceuls de soie, transportés en procession au milieu de la foule. Tout le village se bouscule pour assister au renouvellement du linceul, enroulé par dessus le précédent. L’ambiance est à la surexcitation, et l’alcool que les convives ne manquent pas de consommer en abondance donne une certaine garantie de longévité à la teuf. Même si un peu de chaque verre est versé par terre, pour les morts. Pas de raison qu’ils picolent pas, eux aussi. Les deux représentants de l’autorité locale nous permettent d’aller visiter l’intérieur du tombeau, avant de nous réclamer une petite THB "en signe de respect".

On nous prend par la main pour nous inciter à danser prêt des musiciens, à deux pas de la dizaine de corps exhumés. Sentiment étrange et ambivalent, mais on a vraiment l’impression de participer à une communion populaire forte de la vie malgache, de se fondre temporairement dans une culture méconnue.



On finit par se faire reconduire par nos potes les pousses-pousses. L’un d’eux a crevé, différentes théories sont avancées, qui vont du caillou pointu au sabotage. Bon, un pousse-pousse crevé, ça roule, même pas mal. Je demande à Stéphane, mon "chauffeur", pourquoi il est pieds-nu. Pas assez d’argent pour acheter des chaussures. J’ai l’air con.



Le soir, après quelques heures de reconnexion au cybermonde et un petit rhum avec Hari "Tahiti Bob", Moï et Linda, direction le resto Le Pousse-Pousse, tenu par une française, histoire de parfaire cette journée à thème. Cadre cosy de super bon goût, Carpaccio de zébu au citron et aux herbes, steak de zébu rossini avec un foie gras local excellent… une adresse "surfaite" selon les relous.


Dimanche 7 août

J’ai écris jusqu’à tard dans la nuit. 2h. Ensuite, plus moyen de fermer l’œil. Insomnie. Conscience insubmersible, même au travers de rêveries absurdes. 5h. Les cloches de la Cathédrale font un boucan d’enfer. Dimanche. En plus d’être impénétrables, les voies du Seigneur font du boucan. 5h30. Lolo va aux chiottes, fume une clope dehors et se rallonge pour lire. 6h. Nouveaux tintements de cloches bien sonores. Pourquoi tant de haine ? 8h. Je me lève. Du retard sur le blog, il faut que je poste.

Je demande à un Pousse-Pousse de me mener à un café Internet… après une demi-heure de vas-et-viens dans toute la ville, je me rends à l’évidence : Internet n’existe pas dans cette ville le dimanche. Il disparait pour mieux laisser la population se connecter au Seigneur. Des centaines de malgaches endimanchés se pressent devant la cathédrale. L’occasion pour certains de faire démonstration de leur richesse, avec des tenues des grands jours rivalisant de classe. D’autres portent des habits raccommodés, dépareillés, trop longs, trop courts… mais tout le monde semble faire le max.

Retour au Green Park. Je commande un petit déj et discute avec Hari de mes cyber-préoccupations. Il me conseille tout simplement d’acheter une clé 3G+ ! Ça marche partout et c’est accessible en terme de prix… va falloir que j’y songe, sérieux.

Une fois tout le monde levé et rassasié, direction la gare routière en pousse-pousse… On cherche à aller à Ambositra (prononcer "Amboustr"). Je commence à être bien pote avec Stéphane le pousse-poussier. Quand je fais des blagues, il explose de rire. Quand je suis sérieux, il se tord de rire aussi, persuadé que je blague.

Un peu avant la gare routière, un rasta quinquagénaire nous incite à descendre des pousses-pousses pour nous vendre des places, expliquant que le taxi-brousse passera nous prendre ici dans les dix minutes. Après 40 minutes d’attente dans un boui-boui glauque diffusant en boucle des clips de Justin Bieber, le rasta réapparait. Pas de problème le taxi-brousse arrive. Encore 15 minutes. Il revient et nous demande si on ne préfère pas y aller en voiture pour le même prix, un particulier cherche à partager les coûts d’essence. Ok. On se retrouve tous les trois à l’arrière d’une vieille Merco des années 70.

Le gars emprunte la RN7 vers le sud. Il roule comme un taré, tourne toujours au dernier moment sans décélérer, double sans aucune visibilité et appuie sur la pédale à l’entrée de chaque village. Sur le siège passager, une étudiante malgache qui partage aussi le trajet. Elle nous donne son numéro si on veut la contacter à Fianarantsoe, encore un peu plus au sud. Allez Lolo, à toi de jouer.

Arrivée à Ambositra. L’Artisan hôtel, recommandé par le Lonely, a des allures de Club Med. Le fait qu’il soit complet finit de nous convaincre à chercher ailleurs. Le Grand Hôtel est en plein centre, pas cher, et avec des décos de chambre véritablement incroyables. Parfait.

A peine posé, on se fait alpaguer par un certain Julien, qui nous propose de se balader avec lui quelques heures pour nous faire visiter les environs et découvrir les ateliers artisanaux... Ambositra étant considérée comme la Capitale de l’Artisanat. On est parti, on ne reculera devant rien. On s’éloigne rapidement de la ville par des petits chemins bien verts. Ambiance paisible, des gamins jouent au foot, des paysans travaillent dans les toujours omniprésentes rizières. On entend puis on voit un zébu qui nous fonce dessus, on s’écarte du chemin, son propriétaire lui court après juste derrière. Julien nous explique qu’ici il existe une sorte de rodéo avec des zébus, les participants devant resté accroché le plus longtemps possible à leur bosse ! Il nous parle aussi des émeutes qui ont eu lieu en 2009, des morts dans la ville. Et puis des bandits de grands chemins qui s’attaquent aux véhicules dans le sud du pays, autour des mines de saphir, volant et tuant sans vergogne. Je ne sais pas si tout ce qu’il raconte est vrai, mais en tout cas il est bien flippé, le Julien.



A côté de ça il nous amuse avec des devinettes. La balade dure un bon moment, on grimpe en haut d’une colline. Il fait beau. Super panorama sur la petite ville et sur de magnifiques paysages de rizières et autres cultures en terrasse. Petites maisons en bois qui servaient de palais à un ancien roi.



Redescente par des sentiers escarpés. On entre dans une petite maison en terre typique des habitations de campagne. Au rez-de-chaussée, un homme est en train de travailler le bois d’ébène pour faire naitre des figurines fines et élancées. Il nous fait visiter l’habitation, très rustique. Posters de joueurs de foot au dessus de son lit. Dehors, des enfants s’amusent sur des échasses.



On continue à fendre la campagne, les enfants nous suivent. Nouvelle étape dans la cours d’une habitation. Une grande roue à bois y est installée. Un homme actionne le mécanisme pendant qu’un autre travaille le bois à l’autre extrémité. Suite à la démonstration, des étals remplis de sculptures sont découverts et il est difficile de repartir sans rien acheter.



De retour en ville, on rentre dans une autre cours intérieure. Dans un atelier, une femme brode des petits personnages et scénettes sur des draps. Un peu plus loin, Julien nous entraine dans un passage sans aucune forme d’indication. Dans une pièce sombre accessible par une cours intérieure, une vieille femme tisse des écharpes de soie sauvage. Des onomatopées beuglées parviennent de la pièce à côté. Elle continue à sourire en nous faisant calmement comprendre que son mari est ivre mort. Sur le mur de la pièce, un poster de Ronaldo côtoie une image du Christ tendance rococo. Face à tant de bon goût, on lui achète des écharpes.

Retour au Grand Hôtel après 8km de balade. Il fait déjà nuit, on a notre compte. Au resto de l’hôtel, rencontre avec un couple français qui traverse Madagascar en vélo, en demandant l’hospitalité chez les gens dans les villages qu’ils traversent. Bon trip. On leur explique que s’ils vont trop au sud, ils ont de grandes chances de se faire égorger. Mais qu’ils peuvent le tenter, hein.


Lundi 8 août

Julien nous a organisé un ramassage par un Taxi-Brousse devant l’hôtel à 8h30, direction Fianarantsoa. On a réservé une banquette entière de 4 places pour ne pas être trop collé. Une banquette est pourtant composée de trois sièges, mais la coutume est de s’y tasser à quatre. Un Taxi-Brousse n’est autre qu’un minibus, mais blindé de monde, avec des horaires approximatifs, et sujet à des arrêts intempestifs et qui peuvent sembler irrationnels. Le notre ne déroge pas à la règle. Il s’arrête une bonne demi-heure devant un marché… je finis par sortir pisser en me frayant un chemin jusqu’aux toilettes publics. Au retour une petite vieille édentée me souris. Elle est vêtue d’un sweat capuche Pantera… L’image va rester gravée. Le minibus est parti. Je le retrouve une dizaine de mètres plus loin, Alice et Lolo ont fini par lui faire comprendre mon absence.

Après quelques pauses et autres remplissage de réservoir, le taxi-brousse part vers 10h. Il roule lui aussi comme un malade, et il a probablement passé son permis en Angleterre. Arrivée dans la gare routière de "Fianar" vers 13h30. C’est une grande ville, la troisième du pays, qui donne une impression de modernité comparé à Antsirabé. 150 000 habitants. Une 4L (en fin de vie depuis au moins 20 ans), nous dépose au Soratel, à deux pas de la gare ferroviaire. Prix cool et grand standing comparé à ce qu’on a eu depuis le début : grande salle de bain avec baignoire, télé, wifi… je revis.

Le temps incertain aidant, on décide que cette ville n’a pas un intérêt énorme. Petite bouffe dans le coin, repos, internet, deux trois bricoles. Alice a son oncle Jean-Pierre au téléphone, ça risque d’être malheureusement compliqué d’aller le voir à Antalaha où il habite, vers la pointe nord-est de l’île, difficile d’accès. On a réussi à organiser un Rendez-Vous dans un petit resto avec Moï, Linda, Christine et Olivier, grâce à nos portables malgaches respectifs.

Linda et Moï vont finalement déclarer forfait. Dîner super sympa, échange de petites anecdotes issues des deux derniers jours écoulés. Olivier nous raconte le match de foot qu’il est allé voir au stade de la ville, Fianar-Antsirabé, l’ambiance de fou, les joueurs qui se changent au cul du camion en l’absence de loges et qui repartent serrés comme des sardines dans un petit minibus. Il nous parle aussi du réceptionniste de leur hôtel qui est obligé d’aller passer le BAC ces jours-ci car il n’a pas les moyens de se l’acheter ! Enfin, un gros titre du journal du jour aperçu dans un kiosque : « Résultats du BEPC à Madagascar : 4 blessés ». Le resto nous attend pour fermer… à 20h30.

Retour à pieds sous une pluie battante. Au milieu du trajet, extinction des feux. Il n’y a plus personne dans les rues, on se repaire tant bien que mal à la frontale pour éviter les grosses flaques d’eau. On est pourtant dans l’hyper-centre de la troisième ville de Madagascar, et il n’est pas 21h.

De retour à l’hôtel, Alice essaye de regarder l’une des trois chaînes reçues par intermittence sur la télé en bougeant les antennes. Début de nanar avec Jennifer Lopez avant que toutes les chaines ne sautent. Je profite de la soirée pour boucler le long deuxième post de ce blog.


Mardi 9 août

Réveil en douceur à 5h. Je n’ai pas dormi bien longtemps. On va prendre aujourd’hui le petit train qui relie Fianar à Manakara en 7 ou 8h, plus au sud sur la côte Est. La gare est en ébullitions. Files d’attente désordonnées pour les classes les moins chères, amas de voyageurs attendant à côté de leur bagages, guides à l’affût de vasahas désorientés, ventes de petits pains et de café chaud…



On retrouve nos « compagnons de l’ouest ». Moï et Linda ont assuré en réservant et en avançant nos billets. On finit par prendre place. La 1ère classe dans laquelle on est installé est d’un confort tout relatif, je n’ose pas imaginer les autres wagons. Catherine et Olivier en ligne de mire, on essaye de les éviter. Le train finit par partir à 8h30, après 1h30 de retard syndical.



Le train va s’arrêter dans une bonne vingtaine de gares, toute la journée. Certaines dans des villes d’importance moyenne, d’autres au beau milieu de la forêt dans des coins vraiment paumés. Chaque arrêt est un spectacle à part entière : les quais grouillent de monde, voyageurs en transit, enfants qui s’amusent, et surtout marchands et vendeurs de tous poils. Chaque station a son lot de denrées culinaires (à consommer sur place ou à emporter) correspondant aux cultures ou aux spécialités locales. Samossas, nems, beignets de légumes, de pomme de terre ou de manioc, écrevisses, crevettes, salades, pâtes, clous de girofle, poivre vert…
Des fruits aussi, en nombre : oranges, mini-bananes (délicieuses), papaye, corossol, carambole, jaquier… on n’a pas besoin d’une pause à midi pour se nourrir, la tendance lourde est plutôt « on goûte à tout, tout le temps ». Les vendeurs n’hésitent pas à grimper dans les wagons pour tenter de vendre tout ce qu’ils peuvent jusqu’au dernier moment. Ca me fait penser à l’ambiance du Transsibérien, en remplaçant les mamouchkas par des vieilles malgaches édentées, et les gares blockhaus en béton par des forêts primaires… bon, ok, c’est pas la même.



Avant chaque départ, des sifflets retentissent et les enfants des villages s’agrippent à l’arrière du train pour se laisser tomber un peu plus loin, quand la machine a bien pris de la vitesse et qu’il y a bien moyen de se faire mal.



De parcelles de cultures interminables plus ou moins gorgées d’eau et irisées de soleil, on passe à de la forêt plutôt dense et variée, mêlée à des paysages vallonnés et montagneux, avec son lot de rivières et de cascades. Les points de vue du train sont stupéfiants et les passagers se précipitent d’un côté à l’autre pour prendre des photos, systématiquement pourries par un arbre qui vient se mettre entre l’objectif et la vue.



L’ambiance est top dans le wagon, ça se balade, ça discute, ça lit, ça somnole et ça rigole. A côté de nous, un canadien plutôt bon trip qui nous parle de la saison de hockey sur glace. Juste derrière, un jeune français est en train d’avaler le 2ème tome du Trône de Fer, tellement absorbé qu’il ne lève même plus la tête pour voir ce qui se passe dans et en dehors du train. Les dernières heures se font quand même un peu longues… le voyage dure finalement 13h !



Arrivée à 20h passées à Manakara. Pleine nuit. Il pleut et les passagers se bousculent sur le quai. Le vent se lève, la pluie redouble d’intensité, tout le monde essaye de se trouver une place à l’abri, c’est la cohue. Seule une ouverture étroite permet d’entrer dans le hall de la gare. On se perd dans la foule. Traversée du hall, une autre petite porte permet de sortir de la gare. Permettrait, si les gens ne restaient pas plantés sous le porche, bloquant le passage. On force un peu. Dans le merdier devant la gare, un gamin essaye de glisser sa main dans ma poche, je l’arrête à temps. On a perdu les autres. Des dizaines de pousses-pousses essayent de nous alpaguer pour nous emmener à notre hôtel. Lolo prend place dans l’un d’eux, un autre prend Alice par la main et l’installe sans lui demander son avis, et je monte dans un troisième. On essaye de discuter des prix, ils nous disent de ne pas nous inquiéter, que ce sera le prix « normal ». Une bâche un peu trouée est rabattue sur le pousse-pousse pour me protéger de la pluie. Je me retrouve complètement seul dans l’habitacle, l’averse bât son plein, le vent et l’eau s’engouffrent, l’orage retentit, j’ai à peine vu la tête du pousse-poussier, qui m’emmène je ne sais où. Où que ce soit, il doit en chier. La pluie se calme un peu, on est arrivé. Lolo et Alice sont là. Bien sûr, les pousses-pousses qu’on a pris avec Alice nous réclament 4 fois le prix demandé à Lolo. Ça s’engraine un peu, un guide qu’on avait rencontré dans le train nous vient en aide, on paye un prix correct.

Aux Délices, les chambres sont petites et rudimentaires, mais au sec. Un bon et gros filet de poisson grillé me réconcilie avec cette fin de journée. A la fin du repas, Christine et Olivier débarquent, trempés… leur réservation d’hôtel n’ayant pas marché, ils ont fait des km en pousse-pousse sous la pluie avant de trouver de la place dans un hôtel pourri à deux encablures.


Mercredi 10 août

On se retrouve vers 8h pour prendre le petit déj ensemble. On a la surprise de voir débarquer Moï et Linda dans le minibus qu’ils ont loué pour les jours à venir. C’est ici que nos chemins se séparent, ils continuent vers le sud alors qu’on a choisi de remonter. Ils étaient malades de ne pas nous avoir dit au revoir et de s’être quitté en pleine apocalypse la veille au soir. Et j’ai perdu mon chargeur de portable malgache dans le train, je ne suis plus joignable. Ils décollent. Il y a des chances pour qu’on se retrouve à Lyon dans pas si longtemps.



On part se balader vers l’océan. Wouah. L’océan indien. La pluie d’hier a laissé la place à un gros soleil. Mais le climat est clairement plus tropical ici, chaud et humide. Palmiers et cocotiers bordent la plage. On se fait couper une noix de coco pour boire le lait délicieusement frais à la paille. Les vagues sont puissantes, il est vraiment déconseillé de s’y baigner. Un touriste serait mort noyé le mois passé. Ils sont vraiment flippé ces malgaches. On trempe les pieds quand même. Effectivement, le courant semble taquin.



Au loin, des pêcheurs tanguent sur des vieilles pirogues. Promenade le long de la plage. Les vagues explosent sur une digue à l’entrée d’un bras de mer. On fait signe à des pirogues pour leur demander s’ils peuvent nous faire traverser ce dernier. Pas de souci, les jeunes piroguiers viennent nous chercher un à un. Leurs embarcations prennent l’eau, mais on arrive de l’autre côté. Dans des seaux, le résultat de leur pêche matinale : des poissons énormes. Un peu plus loin, un serpent glisse furtivement devant nos pieds, dans le sable.



Sortie de la plage, balade par les chemins. On passe au dessus du Canal des Pangalanes. Séparé de l’océan par une étroite bande de terre, il a été construit en 1901 pour mettre une liaison fluviale entre les 650 km qui séparent Tamatave de Manakara, sur la côte Est de l’île.



De retour à l’hôtel, on a décidé de louer des vélos pour faire les 8 km qui nous séparent d’un spot de mer avec baignade autorisée, plus au sud. A l’hôtel, la patronne nous dit qu’il y en a, mais pas très bons, il vaut mieux les louer ailleurs. Un guide de passage appelle un autre guide spécialisé pour lui dire de venir nous aider. Une demi-heure plus tard, toujours personne. On prend les devants. Tous les lieux qu’on nous indique sont foireux : plus de vélo, adresse inexistante… de retour à l’hôtel, le guide arrive, bourré. Toutes ses indications ont déjà été explorées en vain. Nouvelle tentative à l’hôtel Sidi. Ils nous disent que notre hôtel, Les Délices, a des vélos. Aux Délices, on revient donc leur demander des vélos, si pourris soient-ils. Ok, mais il n’y en a que deux. Ils vont chercher les autres. Attente interminable. Je finis par enfourcher l’une des montures pour aller m’acheter une clé 3G+ à l’autre bout de la ville, sur le chemin de l’océan. La clé en poche, je reste un moment à attendre les autres, qui finissent par arriver… à pied ! L’échec est cuisant. La journée touche à sa fin, on décide de retourner à la plage accessible.



On se mouille à défaut de se baigner, et on ouvre deux noix de coco cette fois, dans lesquelles on verse un peu de rhum en guise d’apéro, face à la mer. Ya pire.



Le soir, on mange tous Chez Elisa. Une coupure de courant vient agrémenter le dîner. Toute la ville est dans le noir et on se retrouve à décortiquer d’excellentes langoustes grillées à la chandelle. Classe.

En se remémorant la galère du jour, Olivier nous en raconte une autre vécu par un voisin du train. Il descendait la Tsiribihina en Chaland, un gros bateau à moteur. L’hélice s’est empêtrée dans le fond et s’est cassée. Après des heures de tentative de rafistolage au marteau, un autre chaland les a récupérés, avec tous leur bagages et matériel. Un jour plus tard, le nouveau chaland est tombé en panne d’essence, ils avaient oublié le bidon dans le bateau en panne. Pas mal non plus.

Dès demain, un minibus avec chauffeur devrait être mis à notre entière disposition à tous les cinq, pour une période de cinq jours. Il devrait passer nous prendre à l’hôtel à 7h. Il devrait…

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Vendredi 12 août - Ranomafana