22 août 2005

Une petite semaine au Vietnam...

Le voyage tire déjà a sa fin et je m'envole pour la France dans seulement 3h ! Je suis donc de retour a Hong Kong, la boucle est bouclée. J'avais envie de revenir écrire quelques bouts de voyage ici, dans le même Pacific Cofee ou j'avais commence a donner mes premières impressions. Ça me parait déjà très loin, c'est marrant. Même si l'ensemble du voyage a passe comme une étoile filante. Ce dernier jour a Hong Kong n'aura pas été épargne de galères et d'excellentes surprises, comme s'il fallait absolument garder une densité dans les moments, jusqu'au bout. C'est très bizarre de rentrer, la joie de revoir les gens se mêle a la peur de retomber (trop) soudainement dans des soucis du quotidiens. Mais trêve de blabla, il me faut maintenant revenir sur mon passage de la Chine au Vietnam et sur mon (court) séjour dans le Nord de ce pays. Je me souviens...

Dimanche 21 Août - Dans le bus, au Laos / 13h55

J'avais demandé a Fan de m'attendre a la gare routière de Mendzi, et elle n'y est visiblement pas. Je la cherche en vain dans tout ce qui me parait ressembler a des stations de bus. Elle n'a peut-être pas eu mon mail, a moins qu'elle ait eu un empêchement. J'essaye déjà de me renseigner sur les moyens de parvenir au Vietnam et on me dit d'aller en bus à Hekou, la ville frontalière, en me pressant pour que je monte dans le dit bus en partance. J'ai une fois de + toutes les peines du monde a me faire comprendre et a collecter les informations voulues (car je ne veux pas partir tout de suite), mais finalement un gars appelle sa fille parlant 2 mots d'anglais pour qu'elle nous rejoigne a la station, et ça le fait. C'est éprouvant de passer autant de temps pour avoir des informations si simples ! Il y a en fait des bus pour Hekou toutes les demi-heures et le dernier part a 17h. Je me dirige a pied vers le centre-ville après avoir dépose mon gros sac a la consigne. Cette capitale de district a une tête de petite ville assez "normale", on ne voit aucun building a l'horizon, tout est plutôt tranquille même si le centre semble en pleine activité. Par contre je suis plus que jamais un extra-terrestre dans cet endroit qui n'est conseille par aucun guide ! J'entre dans une salle Internet pour voir si Fan m'a répondu... pas de nouvelle. Je décide d'y passer un peu de temps pour alimenter ericde, dans l'espoir qu'elle finisse par me répondre, et lui envoie un nouveau mail dans lequel je lui dis exactement ou je me trouve. Sans nouvelle de sa part, je préfère prendre le bus de 17h car je n'ai pas du tout la certitude qu'elle me répondra... l'heure approche et toujours rien, je refais un tour en ville, visite un temple assez joli, retourne a la salle... et finis par quitter les lieux vers 16h30, et je monte dans le dernier bus un peu dépite et déçu.

J'arrive à Hekou vers 21 h, crevé de cette longue journée pleine de tumultes, d'attente, d'incompréhensions et de déceptions. Un gars qui a vraiment l'air défoncé a la coke m'alpague dès ma sortie du bus et me répète 10 fois :"How are you ?", "My name is John", "I speak English, Japanese, French", "Do you want to exchange money ?", "I have a cheap hotel for you", "Do you want a bottle of Brandy ?", "My name is John", "Do you have money ?", "I speak English, Japanese, French"... en reniflant et en tremblant ! De toute façon je n'ai pas l'énergie de galérer pour trouver ou dormir, je le suis donc, en lui disant juste : "Cheap room", "I am seek, I want to sleep". Il m'entraine dans un immeuble sans rien marque dessus, me fais monter 3 étages et je me retrouve dans une chambre un peu pourrie mais avec un matelas et un ventilo, le top ! "John" me donne RV le lendemain a 8h pour "m'aider a retirer de l'argent". Il est + que louche mais je le paye pas cher et m'effondre sur le lit. Mon réveil sonne a 7h et je m'éclipse avant le retour de mon pote le tripe. Je rencontre un autre gars qui m'aide a trouver un magasin de CD ou j'achète 2 ou 3 albums, au hasard des pochettes les plus kitsch, et a changer des $ en Dongs Vietnamiens, car les banques sont fermées le Dimanche. Je change 100 $ et il m'entube un peu, c'était quand même le but de la manœuvre (1.400.000 Dongs au lieu de 1.585.000). Je mange aussi une énorme dernière platée de riz chinoise (après 2 jours de diet totale) avant de passer la frontière, en plein centre-ville, qui donne sur le centre-ville de Lao Cai au Vietnam. Je peux le dire fièrement, JE SUIS ARRIVE A PIEDS PAR LA CHINE ! Et ça, ça en marte + d'un. Je fais donc mes adieux à cet incroyable pays (dans lequel j'ai finalement passé 24 jours) pour en embrasser un autre, le VIETNAM.

On sent tout de suite une différence de physionomie entre les 2 peuples. Les Vietnamiens ont les traits plus anguleux et plus lisses et le regard plus vif et pénétrant. Des mes premiers pas, je suis sollicite par des motos-taxis qui crient "Motobike ! Motobike ! Moto !". Un type à un guichet me propose d'aller en bus à Sapa. Ça fait si longtemps que je n'ai pas besoin de galérer pendant des heures pour faire comprendre ma destination que j'accepte immédiatement, j'apprendrai par la suite que j'ai payé 2 fois le prix. Ok, il faut que je passe en "phase Vietnam" : le but n'est plus de se faire comprendre mais de ne pas se faire prendre pour un con ! Le bus part et le voyage me laisse entrevoir de très jolis paysages de montagnes et de rizières comme j'ai déjà pu voir en Chine. Puis je découvre Sapa, village en altitude totalement saturé de touristes occidentaux ! En plus l'alphabet vietnamien est "lisible" contrairement aux idéogrammes chinois, et toutes les inscriptions en façade sont traduites en anglais ou en français (Indochine oblige). Enfin presque tous les habitants parlent ou comprennent des langues que je pratique, sans parler des innombrables touristes. C'est typiquement une atmosphère que j'aurais exécrée en début de voyage, avec ma volonté de dépaysement, mais là je suis trop content ! Après ces quelques jours passés seul, malade, ignoré, incompris... je peux enfin échanger avec qui bon me semble ! Je me sens sans doute un peu comme dans une oasis après la traversée d'un désert. Un lac artificiel a été creusé près du centre-ville, une étrange petite église de vieilles pierres surplombe timidement la grande place du village... ce lieu a beaucoup de cachet. Dimanche est le jour du marché et un flot humain se déverse dans les ruelles, les escaliers et les esplanades, achetant un fruit par là, une grillade par ci, une guimbarde artisanale ici, entre autres spécialités de l'artisanat des Hmong noirs, l'ethnie majoritaire du coin. Cette minorité est vêtue de noir des pieds à la tête, du collant au chapeau. Dans la rue, une odeur de grillade me fait saliver, ça change de la Chine ou les odeurs de friture grasse et de Dim Sum commençaient à m'écœurer. Je me pose pour boire un café : c'est un expresso, un vrai café noir bien tassé ! Je ne sais pas si ça durera mais en cet instant, j'aime le Vietnam. Je trouve sans problème le "Mountain View Hôtel" dans laquelle je m'installe comme prévu dans la chambre n°2. Anne Laure (que j'orthographierai dorénavant Anelor car elle préfère et c'est plus joli et plus court) n'est pas là mais il y a bien ses affaires, je présume qu'elle est partie en balade pour la journée. Tout se goupille pour le mieux, la ville offre des vues précieuses sur les montagnes et il fait beau. Je m'installe dans une des nombreuses salles d'accès à Internet de la ville et découvre... 3 mails de Fan ling ! Elle n'a pas pu arriver à temps au RV et me cherche partout en ville, espérant que j'y suis encore. Elle dit qu'elle est très triste, qu'elle a vraiment envie de me revoir, que je lui manque cruellement... et son premier message est arrivé quelques instants seulement après le départ de mon bus. Je suis très ému par ces mails et dégoûté qu'on se soit raté de si peu. Je peste à haute voix en français (un bon vieux "fais chier, putain !") et me fait repérer par des français qui, après s'être inquiétés de ma situation, me proposent de partir en balade guidée avec eux l'après-midi. J'accepte, bien sûr, même si j'ai du mal à me remettre sur le coup. Je réponds à Fan en lui disant que je suis malheureusement au Vietnam et que mon visa ne m'autorise pas à revenir en Chine. Je suis plus triste que prévu, mais je resterai sur un souvenir d'autant plus fort s'il est emprunt d'un tendre arrière-goût d'inachevé.

C'est un peu calmé que je pars vers 14h en compagnie de 2 couples d'étudiant en médecine parisiens et du guide. La balade n'est pas très longue mais jolie et les français sont sympas. L'une des filles est la cousine de la copine de Thomas Boulard de LUKE, le monde est petit. Le guide est lui aussi amical même si on a du mal à le comprendre. Il m'explique que la couleur bleu indigo est obtenue en laissant tremper des plantes du coin dans de l'eau pendant presque une semaine. On croise aussi de nombreuses plantations de cannabis. Les bâtons de chanvre servant à confectionner des vêtements résistants. On admire aussi de magnifiques cascades, et encore et toujours des rizières en terrasse. En traversant des hameaux, la population locale (dont beaucoup d'enfants) nous sautent dessus pour nous vendre des babioles ou réclamer de l'argent si les gens les prennent en photo. C'est assez désarmant mais je ne sais pas trop quoi en penser, s'il faut rentrer ou non dans leur jeu. Le plus frustrant est qu'il est de l'ordre de l'impossible que d'être vu autrement que comme un acheteur potentiel, un "$ sur pattes". Bien sûr. on est indéniablement plus riches qu'eux, mais y aurait-il une possibilité de rentrer dans une autre sphère de relation, de trouver une alternative de communication ? Après la balade (qu'on renégocie à la baisse vu qu'elle a duré la moitié du temps prévu), je rejoins la chambre n°2 et... c'est Anelor qui m'ouvre ! C'est trop fort de se voir ici. Anelor, c'est une fille que j'ai rencontré cette année dans des concerts, et c'est elle qui m'a donné envie d'acheter mon billet d'avion à force de me raconter ses propres voyages asiatiques en solitaire. On a plein de choses à se raconter et les bulles de récits s'entremêlent. La chambre est top la classe, avec une belle vue et des toilettes intégrés. Anelor me fait rapidement part de son aversion croissante pour le Vietnam du Nord, elle n'en peut littéralement plus de cette faune touristique et de cette pression locale face à laquelle elle ne sais pas non plus quelle attitude adopter. Elle rêve de rejoindre le plus rapidement possible le Laos, pays dans lequel elle a voyagé pendant 2 mois l'an passé et qu'elle adore (et le mot est faible). C'est rigolo car pour l'instant je me sens personnellement super à l'aise ici, mais je peux comprendre qu'après un mois et demi on craque. Mais elle ne me raconte pas que des aspects négatifs, elle me parle aussi des fabuleuses rencontres qu'elle a faites dans le sud du pays et me donne envie de goûter un tas de fruits et de spécialités locales, ce que nous nous empressons de faire en goûtant des (très bons) nems maison et un mélange de légumes aigres-doux dans un resto le soir même. On va ensuite boire un coup (Ti punch, Tequila et cocktails !) avec 2 italiens excellents, un américain et une "je-sais-plus-quoi" (qui étaient tous sur le même bateau qu'Anelor dans la baie d'Along) avant de s'inscrire à un trek pour le lendemain avec notamment un couple de français et 3 espagnols... je présume que ça ne durera pas, mais cette ambiance cosmopolite me fait pour l'instant "kiffer".

Le lendemain nous partons à pieds en début de matinée avec la petite troupe. J'hallucine d'ailleurs vraiment de voir à quel point je n'ai aucune difficulté à me coucher et me lever tôt ici. A noter qu'au Vietnam il est une heure de moins qu'en Chine et que le soleil s'y lève vers 5h30 pour se coucher vers 18h30 ! Du coup les villes se mettent en activité très tôt et les rues sont envahies dès 5-6h. On part donc pour un trek d'une journée. On se retrouve très vite au beau milieu des rizières en terrasses, en zigzaguant entre 2 niveaux sur des petites bandes de terres très étroites. On emprunte aussi de minuscules sentiers caillouteux et on doit rajouter des pierres dans l'eau pour passer des gués. Les paysages sont très beaux et on est en plein cœur de la nature. Il se met à pleuvoir dru, ça devient glissant et on n'est pas loin de plonger dans une rizière, une rivière ou une flaque de boue. Et la pluie redoublant, on accélère, ce qui n'est pas forcément recommandé. On s'en sort les chaussures boueuses et les pieds trempés mais indemnes, ce qui n'est pas loin d'être étonnant. Une éclaircie se pointe, on se pose sous un préau bétonné pour casser la croûte avec les vivres transportés par le guide : pain, fruits (dont un mélange entre une pomme et une poire très rafraichissant), œufs, tomate, et bien sûr... Vache qui rit (la vache la + riche du monde, qui cartonne tout ici) ! Pendant qu'on mange 3 petits garçons jouent dans les flaques d'eau et font les marioles devant 3 filles qui les observent sagement, c'est assez rigolo et ils sont trop forts. On continue la marche avec les montagnes nuageuses en arrière-plan, et les différentes teintes de verts humides étincellent à chaque rayon de soleil. Une nouvelle averse nous oblige à nous réfugier sous un toit boire un thé. Des jeeps nous attendent quelques pas + loin pour nous ramener à Sapa. Elles traversent une rivière sujette à un fort courant et on se la joue "Camel Trophy". La balade aura été agréable, loin des sollicitations à outrance (même si plusieurs jeunes femmes ont quand même essayé de nous vendre des sacoches), et puis j'aurai pu parler espagnol avec mes camarades de marche. Avec Anelor ça se passe super bien, j'ai l'impression qu'on est à peu près dans le même état d'esprit et c'est vraiment un plaisir de l'avoir retrouvé. Le soir, on mange une bonne fondue locale à l'hôtel, avec un réchaud au milieu de la table dans lequel mijote un bouillon aromatisé avec des herbes, des épices et un bâton de citronnelle, dans lequel on rajoute progressivement différentes salades et de la viande de bœuf (ça marche aussi avec d'autres viandes et du poisson). C'est délicieux et ça pète le bide. On s'endort tôt, une fois de plus.

Mardi, on décide de rejoindre Hanoi après avoir fait quelques emplettes au marché. Anelor brûle de rejoindre le Laos (ça devient une obsession !), et je lui dis que je ne suis pas contre l'accompagner (après tout pourquoi pas, et puis elle le vend bien) mais ça m'embête de ne pas aller à la baie d'Along avant. Elle y est déjà allé une semaine auparavant dans le cadre d'un circuit touristique de 2 jours et n'a pas été plus emballée que ça, mais elle accepte d'y retourner avec moi avant d'aller au Laos. Sympa, je tope là ! Je ne sais pas si elle sait à quoi elle s'engage en voyageant avec moi, ni si elle me supportera, mais pour l'instant ça le fait alors allons-y ! Par contre mon "grand voyage au Vietnam" avec mon visa de 3 mois va probablement être réduit à moins d'une semaine. On part en direction de Lao Cai avec un bus à prix "normal", et on se renseigne à la gare : un train de nuit part à 18h pour arriver à la capitale à 4h le matin. On passe l'après-midi entre Internet et un verre de jus de canne à sucre (pressé devant nous) et on entre dans notre compartiment-couchettes les mains pleines de denrées délicieuses à grignoter pour dîner (vache qui rit, knakis et pain). Les couchettes sont (très) dures. Les vietnamiens sont tous endormis dans l'heure du départ, comme des chinois. On passe un bon moment à discuter alors que le train parcoure le Nord-Vietnam en direction d'Hanoï, et j'ai ensuite beaucoup de mal à trouver le sommeil. Je repense à des bribes de mon voyage et à tous ceux qui me sont chers. Le fait d'être loin me fait me rendre compte à quel point certaines relations sont précieuses et fondamentales dans ma vie, je fais le point. D'ailleurs je n'arrête pas de parler d'un tel ou d'une autre à Anelor qui s'y perd un peu et que ça doit saouler, mais ça ne sera pas la première personne que je saoule à raconter ma vie ! Mes pensées vagabondent de personnes en souvenirs, récents et plus lointains, jusqu'à ce que les régulières pulsations du train parviennent à me faire basculer dans le sommeil.

Le train stoppe en gare d'Hanoï sous une pluie qui a reprit du service. Des dizaines de "motodops" nous foncent dessus, la ville bat déjà son plein autour de la gare, à 4h passé de quelques minutes. On attend que la pluie se calme avant de rejoindre le quartier historique à moto et on se pose dans la guest-house qu'Anelor avait quitté quelques jours auparavant, qui a l'avantage d'avoir un ventilateur par lit ! Nos affaires posées et après une bonne douche, on repointe le nez dehors, et je découvre une ville impressionnante. Les routes sont inondées de motos, on ne voit et n'entend que ça, dans tous les sens. Elles manquent toutes les 5 secondes d'avoir un accident mais n'en ont jamais, évitant les piétons au dernier moment et slalomant entre les autres véhicules avec une précision irréelle. On a un peu l'impression d'être dans un plan parallèle où les voitures auraient été remplacées par des motos ! Et puis c'est vraiment un no man's land de règles et les priorités semblent laissées au bon vouloir de chacun. On ne peut pas faire un pas sans être interpellé par un "motobike !", ce qui passe de rigolo à pénible selon le moment dans la journée et le niveau de fatigue et d'acceptation de l'instant. Après avoir visité un petit temple sur les bords du lac jouxtant le vieux Hanoï, on écume la ville à moto (car le chauffeur se perd complètement) pour se rendre à l'ambassade du Laos afin de faire mon visa. Je me rends compte sur place que j'ai laissé mon passeport à l'hôtel ! Nouvel aller-retour motorisé donc, beaucoup plus direct cette fois. Ici on n'a pas envie de s'emmerder, on ne me demande ni photo ni papier à remplir, il suffit de mettre 30 $ sur la table et ça roule, alors que c'est une véritable galère de la France. On se balade ensuite longuement dans le quartier et je découvre des entrelacs de rues à thèmes (instruments de musiques, épices, fruits, tableaux, habits...), pleines de vie. On se glisse entre 2 étales pour rentrer dans un petit temple en pleine cérémonie. Des femmes nous font signe d'enlever nos chaussures et de nous assoir. Un moine en habit effectue des gestes précis, des mouvements un peu arabisants avec les bras, au rythme de mantras chanté par un autre homme et de percussions produites par un mini-orchestre de cymbales bizarres. Comme de nombreuses inscriptions sont en chinois, je crois que c'est une cérémonie liée au confucianisme, religion fondée sur une philosophie morale basée sur la bonté naturelle de l'homme et sa capacité à se perfectionner en respectant 4 préceptes : s'intéresser à toute chose qui existe, pénétrer le secret des choses, avoir des idées nettes et maintenir la pureté du cœur. Il y a plus de femmes que d'hommes dans le lieu et on sent que le moment est partagé avec plus ou moins d'intensité par les fidèles. Certains semblent habités d'une foie inébranlable et suivent les gestes avec beaucoup d'attention, alors que d'autres regardent ailleurs, discutent et boivent du thé (qu'ils nous servent) ! Après 40 minutes de rythmes soporifiques et de sonorités berçantes (provoquant quelques endormissements passagers chez moi), le retour à la furie du centre-Hanoï est une véritable épreuve. On continue à errer dans les petites rues en croisant des dizaines de touristes, des centaines d'étalés en tout genre et des milliers de motos. J'essaye d'appeler le restaurant Van Song à Along, dont le tenancier m'a été chaudement recommandé par les français rencontrés à Sapa pour m'aider à organiser des visites de la baie sortant des sentiers battus. Je tombe sur sa femme qui me dit juste de venir, qu'on verra bien sur place. Le gars de l'agence de laquelle j'ai appelé veut me faire payer 20.000 dongs pour 2 minutes au téléphone, je lui dis que c'est trop, il se casse... je ne comprends rien, du coup je me casse aussi sans payer ! Retour à la guest-house, chaque pas devient une lutte et chaque coup de klaxon une agression (et dans ce cas on est dans la merde à Hanoï). Une bonne sieste sous surveillance rapprochée du ventilateur remet dans des dispositions plus acceptables, même si ma tête dans le cul ne prend que progressivement le large. L'après-midi passe tranquillement et j'en profite pour passer un moment sur Internet et gérer une ou 2 urgences pour Mediatone, avec notamment un mail du Jay fraichement rentré d'Inde qui me conseille plein de trucs à faire au Vietnam... trop tard ! Et puis Anelor est allé chercher mon passeport avec mon visa du Laos, je ne peux plus reculer. Balade nocturne. La ville bouillonne toujours. Je suis en réalité assez mitigé sur cette ambiance, qui est à la fois pleine de vie, de surprises à chaque coin de rues, et épuisante. Les vietnamiens semblent ici majoritairement voués à tirer profit de l'explosant tourisme, et ils le font avec une insistance qui fatigue. J'arrive finalement à joindre Phong, le boss du resto à Along, qui m'explique quel bus local prendre et envoie des gens nous chercher à l'arrivée vers 11h. Le soir on se fait un festin de fruits frais, entiers, en jus ou en milk-shake, en parcourant les rues. Je goûte le très bon fruit du dragon, qui, il est vrai, ressemble à se méprendre à un gros oeuf de dragon, rouge violacé à pointes, et qui est à l'intérieur blanc à points noirs, doux et fondant en bouche. Et puis je goûte en vrac des mangues, des tamarins, des longanes, des ramboutans, des mangoustans, des fruits du Jacquier, de la noix de coco fraiche, du jus d'avocat au citron... un régal, ma préférence allant au mangoustan, qui ressemble extérieurement à une sorte d'aubergine en forme de tomate et qui contient à l'intérieur des quartiers blancs attachés à un noyau central, au goût un peu acidulé et délicieux. De retour à la guest-house, je m'écroule sur mon lit tout habillé et le stylo à la main, et ne me réveille qu'au lendemain !

Le Jeudi, le concept, c'est : "En route pour la baie d'Along". On prend le bus avec 1h de retard ce qui nous fait arriver à midi à Bai Chày (épicentre des départs en bateau), et pourtant 2 personnes à moto nous tendent un papier sur lequel est écrit : "Suivez ces gens... Van Song". Ça doit faire une heure qu'ils nous attendent avec cette mystérieuse invitation ! Au restaurant, le fameux Phong (ou Van Song ?) nous fait signe de nous assoir en attendant que le service se termine car il est très occupé. Il parle parfaitement français, avec un style assez bourru, pas forcément souriant, mais ça lui donne un côté authentique qui me mets paradoxalement en confiance. On en profite pour commander un bon poisson grillé. Dès que le resto commence à se vider, il vient s'assoir avec nous et nous demande notre état d'esprit, ce qu'on veut faire. Il nous détaille toutes les possibilités et, après les avoir pesé, on décide de faire une traversée de la baie dans l'après-midi pour rejoindre l'île de Cat-Ba, de revenir après un moment manger puis dormir sur le bateau, et enfin de faire une grande balade sur la baie le lendemain en se levant aux aurores, sans oublier quelques visites de grottes et de sites pittoresques. Avec un bateau privé et un équipage de 2 personnes, la nourriture, l'eau et la possibilité d'y dormir, ça nous coûte seulement 30 $ chacun, ce qui est vraiment un bon prix (dixit des gens à qui on en a parlé par la suite). Le bateau part rapidement avec nous à bord, et nos 2 compagnons d'équipage sont d'une extrême gentillesse, aux petits soins avec nous, nous proposant sans cesse du thé... même s'ils ne parlent que vietnamien. Le petit bateau s'éloigne progressivement de la ville et atteint le site même en une heure. Le site, c'est des centaines de collines et de petites montagnes plus ou moins abruptes, de toutes formes et à la végétation variée, qui jaillissent de l'eau de partout, comme autant de petites îles. Le bateau se perd entre ces nombreuses étrangetés naturelles, impressionnantes par leur imposance et leur nombre. On peut se perdre pendant des heures dans ce dédale sans en faire le tour, et chaque hauteur semble très différente selon l'angle d'arrivée et l'impact des rayons du soleil. Nous avons beaucoup de chance qu'il fasse si beau, nous avons rencontré des personnes à Hanoï dont la sortie avait été annulé peu de temps avant pour cause de typhon violent ! Perdus au beau milieu de ce splendide nul part, le bateau arrête son moteur pour nous laisser nous imprégner du calme du lieu. Nous sommes seuls sur cette eau entourée de montagnes et j'en profite pour faire un plongeon et nager un peu dans ce paysage, c'est du bonheur. Anelor ne me suit pas, elle n'est pas vraiment ce qu'on pourrait appeler une fille aquatique ! Le bateau redémarre et continue son sinueux trajet pendant que je sèche au soleil sur le pont.

On accoste à Cat-Ba vers 18h et on enfourche une moto pour se rendre au sommet de l'île et avoir une vue d'ensemble du site à l'heure du soleil couchant... comme ça ça paraît tentant, malheureusement le conducteur ne comprend pas bien (à moins que ce sommet n'existe pas ?) et il nous emmène à l'entrée d'un parc naturel. On essaye de lui expliquer qu'on veut aller en hauteur, et il finit par nous emmener au seul point de vue sur la mer... qui n'est pas face à la baie d'Along ! C'est malin. Par contre les nuages sont jolis, c'est déjà ça. On embarque dans le bateau vers 19h30 pour repartir en direction du merveilleux no man's land de la baie qui s'obscurcit. Il fait nuit à présent, la pleine lune se lève au dessus d'une colline (!) et baigne la baie d'une apaisante clarté, qui apporte au silence un soupçon d'éternité. Le bateau est arrêté et nos compagnons nous apportent un délicieux repas avec du poisson cuisiné, du riz, une énorme assiette de nems et de l'alcool de riz. Dehors l'eau reflète la vague tâche lumineuse de la lune montante et les contours incertains des montagnes voisines, et on est seuls au milieu, à manger un festin ! Repus, je plonge à nouveau dans l'eau opaque et m'immerge encore davantage dans cette ambiance extraordinaire. Je nage sous l'eau pour mieux ressurgir dans ce spectacle alchimique entre lune, terre et eau. J'ai bien sûr une grande pensée pour Kevin en espérant avoir d'autres occasions de pleines lunes aussi intenses avec lui. Après cette halte du temps, la réalité reprend ses droits, le moteur se réenclenche, et le bateau, qui n'a pas l'autorisation de stationer dans la baie pour la nuit, file en direction du port de Bai Chày. Il pose l'encre pas très loin de la ville et nous nous endormons sur le pont dans ce climat doux. On est plus que satisfaits de la journée et Anelor préfère aussi nettement ces conditions comparé à sa visite précédente.
Le jour commence à peine à pointer son nez qu'on entend déjà le ronronnement du moteur. Une heure de navigation plus tard, on est à nouveau dans la baie d'Along, plus à l'Ouest cette fois. Après une bonne omelette au jambon, une soupe de nouilles et un café en guise de petit déj', on entame cette longue promenade en mer ponctuée de visites. Tout en naviguant, on essaye de reconnaître des formes sur les rochers. On est aider par notre "chauffeur" qui nous montre du doigt certaines particularités naturelles en nous tendant un papier avec tout écrit en français. Le plus rigolo : la tête de François Mitterrand dans la roche ! On visite une grotte qui me fait penser à celle de la flûte de roseaux à Guilin, avec ses formes filandreuses à la Giger et surtout ses éclairages fluos multicolores ! On y est par chance quasiment seuls vu l'heure matinale, du coup c'est quand même mieux. Et puis on a une très belle vue des environs à la sortie de la grotte, en hauteur. L'étape suivante est un îlot dont on peut atteindre le sommet à pieds. On y parvient après une grimpette éreintante mais on ne regrette pas une seconde en découvrant la vue prodigieuse en haut, avec 360° de paysages au plein cœur de la baie. On ne voit pas la fin, des "pains de sucre" surgissent de la mer à perte de vue. Et puis la baie est d'autant plus tranquille aujourd'hui que c'est le jour de la 7ème plaine lune de l'année, jour (férié) des âmes errantes ici. Et quand on sait que c'est du haut de cette montagne qu'a eu lieu une historique rencontre entre De Gaulle et Mao (c'est ce dont je me rappelle, mais est-ce possible ?), ça a encore plus de poids. La curiosité suivante est la grotte du tunnel, qui n'est autre qu'un lac intérieur auquel on accède par un (plus) petit bateau en passant par un tunnel bas. Une légende raconte que c'était la baignoire dans laquelle les fées se baignaient dans les temps anciens... on comprend qu'elles n'y viennent plus vu la poubelle que c'est devenu ! Après cette bonne balade de 6h, le bateau nous ramène petit à petit vers l'embarcadère de départ auquel on arrive un peu après midi. On est bien sûr très heureux et on remercie chaleureusement nos potes d'équipage dont le sourire ne s'est jamais éteint pendant 2 jours. Bon, la baie d'Along... ça c'est fait ! On décide de repartir immédiatement en bus pour Hanoï, dans le but de partir au Laos dès que possible (le soir même ?).

Dès l'arrivée à la capitale, on prend un autre bus local pour se rendre à la petite gare routière qui dessert l'Ouest d'Hanoï, en espérant se rapprocher le plus possible de la frontière. Le bus suivant ne part malheureusement que le lendemain matin à 6h. Sur place, les gens sont super insistants et lourds, ils nous suivent pour qu'on retire de l'argent, veulent nous loger dans tel hôtel... ça nous saoule mais on n'a pas le choix. On se pose donc dans une chambre d'hôtel minuscule, bruyante mais presque gratuite (1 € par personne la nuit !), et on descend pour manger dans une gargote sympa mais qui nous entube encore en nous faisant payer plus cher que les locaux (genre on nous sert dans 3 petites assiettes ce qu'on veut, alors qu'en nous le servant dans une seule grande c'est beaucoup moins cher). Je répète, ça ne me dérange pas tellement de payer plus cher, mais c'est la façon perfide et détournée qu'ils utilisent qui m'agace. Je préfère qu'ils fassent une colonne prix local et une colonne prix étranger ! On va ensuite se siroter de succulents fruit-shakes en terrasse (quand on prend conscience de la saveur des fruits ici, ça devient vite une drogue) en observant le jeu des jeunes femmes coiffées et habillées comme des reines qui se font maladroitement haranguer par des gars sur leurs motos avant de sortir. Un gamin joue à l'épée avec un bâton de canne à sucre. Je brûle de le défier en duel et de refaire Star Wars avec lui, mais il trouve un adversaire à sa mesure, une petite fille qu'il éclate. De retour à la chambre, on discute un peu de l'histoire de ce pays avec Anelor, de la colonisation française à la guerre du Vietnam. On sent que tout ça a laissé quand même beaucoup de traces évidentes, et la réaction des gens n'est certainement pas étrangère à tout cela. J'ai été pour ma part assez effrayé en me replongeant dans l'histoire du colonialisme "à la française", surtout concernant de certaines réactions de fierté tardives et très violentes, quand tout pouvait se régler de façon beaucoup plus pacifique et progressive. Et puis vient la guerre du Vietnam... une boucherie totale et aberrante, 15 millions de tonnes de bombes larguées, 72 millions de litres de produits chimiques déversés (dont le fameux "agent orange"), 4 millions de civils vietnamiens décimés, 150 milliards de $ dépensés... tout ça pour rien, sous couvert de valeurs de "liberté". Non, la lutte pour la domination de l'influence américaine sur le monde n'est pas foireuse que depuis la guerre en Irak. Anelor me montre une brochure qu'elle a ramené du musée de la guerre à Hô Chi Minh-Ville, on y voit notamment une photo où posent 4 soldats américains, dont l'un tient en l'air les 2 têtes fraichement arrachées du corps de soldats vietnamiens, en exhibant un sourire béat. Que peut-il bien passer dans la tête d'un soldat pour considérer des restes humains sanguinolents comme un trophée si glorieux ? Qu'est ce qui est capable de rendre fous les gens au point de prendre un énorme plaisir à torturer pendant des heures un autre être humain, quelles que soit les idées qu'ils défendent ? Bien sûr chaque guerre charrie son lot d'atrocités, et il est sans doute nécessaire de parfois se forcer à se les remémorer pour les combattre avec plus d'ardeur par la suite. Ça donne vraiment l'impression d'un cruel gâchis, et c'est si récent. Et il ne fait nul doute que de telles scènes continuent à parsemer le globe, sans être forcément sous le feu des projecteurs. C'est revigoré par ces belles pensées et ces douces images que je finis par trouver le sommeil, et cris et cendres ne me quittent pas de la nuit.

Le lendemain, ça tambourine à la porte dès 5h20... c'est le chauffeur du bus qui vient nous réveiller ! On s'exécute et s'installe dans le minibus. Le trajet est super inconfortable et on est les uns sur les autres : ils ont quand même réussi l'exploit de faire rentrer 22 personnes dans un bus à 14 places ! Ils sont fous ces viets. Et puis la route est pourrie, du coup on arrive à Môc Châu avec le cul en compote, 4h + tard. A ce moment on est encore plutôt confiant, on ne se doute pas de la journée de merde qui nous tend les bras ! On est tout de suite sollicité par des moto-taxis et on leur dit qu'on veut rejoindre le Laos par la frontière à 20 Km + au sud. On négocie longtemps le prix de la course et on finit par donner les 130.000 dongs qui nous restent en se disant qu'ils ne serviront plus. Après une bonne demi-heure sur des routes de montagne en traversant des petits villages, ma moto s'arrête et me montre une sorte de bureau un peu calme. Anelor arrive à son tour et on essaye de comprendre la situation. Aucune personne en présence (un garde, quelques villageois, nos 2 motodops) ne parle un mot de français ou d'anglais, mais on finit par comprendre que le poste-frontière est fermé aux étrangers depuis toujours. On s'énerve en essayant de dire à nos chauffeurs qu'ils se sont bien foutus de notre gueule, qu'on voulait aller au Laos, pas contempler le Laos à travers un poste-frontière fermé. On leur demande de nous ramener à l'endroit ou ils nous ont pris et de nous rembourser, mais ils n'ont pas l'air de l'entendre de cette oreille. A Môc Châu, ils nous réclament même le double pour avoir fait l'aller-retour ! On refuse de payer et se rend à la petite gare routière suivis des 2 bikers. Là on essaye d'expliquer la situation à d'autres personnes pour qu'ils nous soutiennent, et certains semblent nous donner raison mais ne se mettent pas en 4 pour nous aider. On regarde mieux les cartes et on voit que le poste-frontière que nous savons ouvert est en réalité plus à l'Est et est atteignable en s'arrêtant dans la petite ville de Mai Châu. Un bus en direction d'Hanoï se pointe et on fait mine de se lever, mais les motodops nous en empêchent et continuent à réclamer leur pognon. On a même plus de dongs, il reste juste à Anelor un billet de 10 $ et deux de 1 $. Dépité et pressé, on lui donne 1 $, il s'obstine à tenir mon sac pour m'empêcher d'y aller pendant qu'Anelor tente de faire patienter le bus. Je tire dessus d'un coup très sec, il s'agrippe en rugissant d'un air féroce, je lui répond en criant aussi, avec un regard de haine... c'est pas loin de partir en live. Finalement je lui tends le deuxième billet de 1 $ et en profite pour tirer encore un gros coup sur mon sac qui me revient, et je rejoins vite Anelor dans le bus impatient. Bon, on demande d'être déposé à Mai Châu, ça nous coûte 10 $ (plus qu'à l'aller pour beaucoup moins de Km), et le gars essaye de nous en prendre 13 S en vain. Il réclame ses 3 $ de plus pendant tout le trajet et on essaye de l'ignorer mais c'est épuisant. On se retrouve à un carrefour à quelques Km de la ville en question, à laquelle des motos nous amènent. On découvre qu'il n'y a aucun bus qui aille jusqu'à la frontière, à une centaine de Km au sud. Les motos nous proposent d'y aller pour 20 $ chacun, en prétextant qu'il y a 200 Km à parcourir. Anelor vient de retrouver un billet caché ed 20 $ dans ces affaires ainsi que quelques maigres dongs, mais on n'a pas assez. On cherche une banque pour retirer, mais on est Samedi et tout est fermé jusqu'à Lundi ici. On essaye de trouver un hôtel qui accepterait de nous filer du liquide en échange d'un payement en carte bleue, mais personne ne l'accepte. On a beau faire fonctionner nos neurones, aucune solution ne nous vient... et on n'a d'autre choix que de se faire raccompagner à l'embranchement de la grande route et de prendre un bus pour rentrer sur Hanoï ! Et encore, heureusement qu'Anelor a retrouvé ces billets dans son sac sinon on ne pouvait même pas rentrer. C'est un peu la déprime. On s'est fait trimballer toute la journée dans des bus de merde, on s'est pris la tête avec des gens, on a galère... pour rien. Et on est bloqué par un ridicule problème de liquidité alors qu'on a tous les 2 de l'argent sur nos comptes. C'est quand même une bonne Dead galère. Quand Anelor me dit que c'est la journée la plus lose de tous ses voyages confondus, je me risque à lui expliquer que ce n'est pas mon cas et que voyager avec moi n'est pas dénué de conséquences ! De retour à la charmante gare routière, on repart en direction de notre première guest-house à dos de moto, décidé à prendre un bus le lendemain qui nous emmènerait directement à Vientiane, la capitale du Laos, sans passer par la case galères. Ce trajet en moto est super flippant, je crois mourir plusieurs fois mais je ferme les yeux et reste en vie... des motos arrivent de partout, on zigzague entre les engins, parfois à contresens ! La course est longue et je me rends compte à quel point Hanoï est une grande ville. Arrivé dans le vieux quartier, ma première action est de retirer plein de pognon ! C'est alors qu'Anelor me rejoins et me dit qu'on peut partir dès ce soir par un bus de nuit si on se décide dans l'instant... bingo, allons-y ! Je prends l'argent, paye les tickets, d'autres motos viennent nous chercher pour nous emmener jusqu'au bus en question et on repart dans la jungle chaotique de la circulation. A 19h, on est confortablement assis dans le bus. Cette fois on croise les doigts, on devrait y arriver ! Quand je dis confortablement c'est bien sûr en comparaison avec les minibus du jour, mais pour bien y dormir c'est une autre histoire. On y arrive quand même un peu mais les réveils pour cause de mal de dos ou de fesses ou de pauses nocturnes sont fréquents.

A l'ouverture de la frontière (beaucoup plus au sud que celles qu'on a essayé de franchir la veille), vers 6 ou 7 h du matin, le bus nous fait sortir pour régler les formalités de passage. C'est un peu la cohue mais tout se passe sans anicroche, le visa vietnamien est tamponné USED, on change nos Dongs vietnamiens en Kips Laotien (1 $ = 10.000 Kips), le visa laotien est accepté... Après tant d'effort, le Laos nous tend enfin les bras, et Anelor est tellement heureuse en passant la frontière qu'elle explose de joie en un rire libérateur et se met à tournoyer sous la pluie.

Dimanche 21 Août -Vientiane / 22h40

13 août 2005

La délicate traversée du Yunnan vers le Sud

J'arrive de moins en moins a trouver le temps de raconter mes aventures asiatiques, et je trouve ça plutôt bon signe. Je me dis parfois que c'est un exercice un peu pénible et que je préfère vivre a fond les choses plutôt que les ressasser et les décortiquer a chaud sur Internet, mais je pense aussi au suspens insoutenable que j'ai initie pour des milliers de lecteurs fidèles, étant capables de tout pour se procurer les manuscrits en avant-première (a ce propos j'ai entendu dire qu'il circulerait de nombreux faux, prenez garde aux contrefaçons et a ceux qui assurent avoir photocopie des carnets voles). Je ne peux donc pas décernent laisser en plan les ericde-addicts, voila donc la suite. Pour info j'écris d'une station Internet... au Laos ! Mais pour mieux comprendre ce qui m'a progressivement pousse a me rendre dans ce prodigieux pays, continuons d'abord la lente traversée du Yunnan vers le Sud, en direction de mon objectif initial mais toujours lointain, le Vietnam...

Samedi 13 Août 2005 - Bus pour Mendzi / 9h10

Dali est une ville de montagne qui n'a rien perdu de son charme d'antan, voire qui s'efforce de préserver son caractère authentique en reconstruisant des rues et des bâtiments "a l'ancienne". Ce qu'on appelle Dali est en réalité seulement la vieille ville, très touristique et excentrée par rapport au Dali moderne, a une dizaine de km au Sud. Ses principaux attraits : son climat doux, son grand lac (40 Km du Nord au Sud et 5 Km d'Est en Ouest), ses montagnes, ses nombreux villages alentours et leurs marches locaux.

Arrivée de nuit dans cette vieille ville a taille humaine que je traverse a pied sans peine. Installe dans une guest-house modeste (mais sympa) de la rue principale, je ressort pour prendre le pouls du Dali nocturne. Dehors l'ambiance bat son plein, ça fourmille de bars musicaux et tous les magasins sont ouverts. Mon premier contact est avec une vieille femme en costume Bai (l'ethnie du coin) qui vient me proposer de la marijuana ! Elle a du me prendre pour un sale drogue. Quelques pas plus loin, 2 québécoises qui travaillent comme "racoleuses" pour un pub dansant me voient et me sautent dessus en criant... je suis vêtu de mon T-Shirt "Les Cowboys Fringants", tout est normal ! Du coup elles sont surprises que je sois français. Encore un peu plus avant, "Le Café de Jack" avec un Karaoké survolte au Rez-de-chaussée et un resto qui fait toute sorte de bouffe a l'étage. Je commande une tomate-mozzarella, avec une mozzarella qui n'en est pas, mais avec beaucoup de goût, excellente... je ne pensais pas manger de fromage ici, mais bon c'est assez hallucinant. A cote, un panneau lumineux montre un dessin de la tour Eiffel, et l'inscription indique "Bar français" puis son nom, "Le Black Lodge" (référence a Twin Peaks ?) ! Je m'engouffre dans un passage étroit et découvre le dit-bar, qui diffuse du Gainsbourg dans une ambiance feutrée. Ça me plait mais il n'y a pas un chat et l'endroit a quelque chose de terrifiant (je suis sans doute oriente par le nom...). Je continue mon chemin et tombe sur le "Bird Café", rempli de voyageurs de toutes nationalités qui se retrouvent entre 2 verres de bière et une partie de billard. On a du mal a s'imaginer en Chine ! Un jeune français bourre qui reprend du Bob Marley a la guitare s'arrête pour me proposer un joint en disant en substance : "Yes mon pote, t'es français, on va pouvoir grave teufer ensemble". Je prend mes jambes a mon coup ! Je crois que maigre tout le capital sympathie de ce type, il représente a peu près tout ce que je n'ai pas envie de croiser ici ! De retour en direction de ma guest-house, je tombe sur 3 hollandais rencontres dans le bus et on trinque avec une bonne bière (La "Tsin Tao", star locale). Les 2 québécoises qui ont fini de bosser passent par la et se joignent a nous. Le contact est vraiment super facile dans ce nid de voyageurs, et même si c'est très touristique les rencontres sont agréables et la ville respire quelque chose qui me plait. Apres réflexion c'est peut-être le premier endroit auquel je me rend ou il y a plus d'occidentaux que de touristes chinois... merde la je suis encore en train de critiquer les chinois, ferais-je preuve d'un manque d'ouverture d'esprit ? La question me taraude. Bon, en tout cas je me couche pas trop tard et me fais réveiller vers 3h du mat' par 3 gars qui rentrent en fanfare dans le dortoir. J'ai a priori pique le lit d'un anglais sans savoir, et il ne comprend rien, il le réclame... il finit heureusement par s'écrouler sur le lit d'à cote, ivre-mort. Je suis rassure car me faire péter la gueule par un anglais bourre en Chine, ça l'aurait fait assez moyen !

Je me lève tôt (comme presque tous les jours ici !) pour profiter de la journée. J'hésite à aller au musée de la ville, mais comme j'y suis déjà allé à Figueiras, sa ville natale, je me dis que ça ne vaut pas le coup (Ok elle est nulle, mais si j'avais pas fait de blague pourrie j'aurais eu de nombreuses remontrances...). Je me motive finalement pour faire une bonne balade autour du lac, surtout qu'on est Lundi et que c'est le jour du grand marche de Shapping, a 30 Km au Nord. Apres un bon petit dej a l'anglaise avec des œufs brouilles et des toasts bien gras et bien sales, je saute dans un bus local (pas cher mais qui part quand il est plein) qui m'emmené dans ce fameux village. Le marche couvre la totalité de ce dernier et on y trouve à peu prêt tout : du manger (des tas d'odeurs inédites provenant de denrées inconnues se mélangent dans les narines), des objets "utiles" (affaires de toilette, outils, casseroles et appareils ménagers), de l'artisanat local (colliers, sacs, bracelets, ceintures, pipes...), des témoins du passe (photos de familles, cartes du parti maoïste, petits livres rouges...). C'est un régal de se promener dans ce labyrinthe d'étals en tout genre et j'y passe plusieurs heures, en rentrant dans des négociations sans fin. Ici tout le monde sait compter anglais, évidement. J'arrive a tirer des prix corrects pour les conneries que j'achète (je pense) mais non sans mal et souvent après plusieurs passages. On est ici au point le + au Nord du lac Ersai et je demande a un triporteur (avant a une roue avec guidon de moto et espace arrière 4 passager soutenu par 2 roues) de m'emmener dans un autre village sur le versant Est de la rive, mon but étant d'y prendre un bateau pour me balader sur le lac (d'après Gloaguen c'est possible). Je négocie la course a 2 Y mais il m'en demande 7 a l'arrivée... comprends pas. En fait j'ignore que les chiffres se montrent d'une manière très particulière avec la main. De 1 a 5 c'est ok si tu n'utilises pas le pouce (a part pour le 5), et ensuite ça devient le bordel. Genre le 7 c'est le pouce + l'index pointes vers le haut, et le 8 c'est la même chose mais pointes vers le bas... après le 9 c'est u truc arrondi bizarre avec les phalanges, le 10 c'est une croix... bref c'est la merde, et a chaque fois que je négocie quelque chose a 2 Y avec les doigts on m'en demande 7, je me dit qu'ils se foutent vraiment de ma gueule et on m'explique tout ça seulement quelques jours + tard ! Du coup j'apprend aussi a compter a haute voix et ça facilite un peu les négos. Je sais aussi dire : "c'est trop cher", "c'est très bon", "c'est très beau", merci beaucoup", "bonjour", "l'addition s'il vous plait", "je ne comprends pas", "je suis perdu", "je suis français"... bref quelques trucs utiles !

Je me retrouve dans un village de pécheurs très modeste et je comprend vite que peu de touristes se rendent sur cette rive vu le regard des habitants a mon approche. J'essaye de demander ou est l'embarcadère pour les bateaux mais personnes ne me comprend. Je croise finalement 2 canadiens qui font le tout du lac en vélo et qui m'aident a demander aux gens en utilisant un lexique anglais-chinois. A priori il n'y a aucun bateau ici. il faut aller dans un autre village a 10 Km au Sud. Par chance les canadiens ont pris un aller-retour en bateau entre Dali et un des villages de cette rive, et comme ils vont tenter de rentrer a vélo ils me donnent leur retour (50 Y !). C'est vraiment sympa, mais têtu et n'écoutant que trop ma connerie et Gloaguen, je décide quand même de trouver un bateau ici-même. Je trouve une sorte de dock et essaye d'expliquer aux gens ou je veux aller, en anglais, en montrant des idéogrammes sur le lexique du routard, en montrant sur une carte, en faisant des gestes... mais peine perdue, je perd juste du temps et ma patience. Un triporteur m'amené finalement au village suivant ou je trouve un bus local pour continuer le trajet vers le Sud. Les paysages sont magnifiques et baignes de calme, des crustacés sèchent sur des grandes toiles retenues par des pierres tout le long de la route et les paysans et pécheurs, hommes et femmes, s'attèlent a leurs taches dans les champs a cultures variées (Riz, Mais, Tabac,...) et sur le lac, avec les montagnes comme trame de fond. Le bus me pose finalement en plein virage... il y ajuste un portique avec un temple-pagode payant a visiter. Je ne sais pas ou je me trouve et me dis que je me suis fais une fois de + bien entube. Par dépit je visite quand même le temple. Un moine a toge orange me tend de l'encens pour que je prie... et fasse une offrande ! C'est vrai que d'en haut le point de vue sur le lac est joli. En redescendant, je découvre un chemin qui mené a la berge et tombe sur... un embarcadère ! Le bus ne m'avait pas trompe mais c'est une chance que je m'en rende compte, c'est vraiment handicapant de ne pas comprendre ce que disent les gens ! Je tend le ticket a un gars qui m'invite a monter sur un bateau, tout fonctionne, je traverse le lac en largeur et débarque assez près de Dali. Une calèche me ramené a la vieille ville. Je pourrais en rester la car j'ai fait un joli tour et qu'il est déjà 18h. Mais je me dis que le temps ici m'est compte et, pas rassasie, je remonte dans un bus local en direction du Nord pour visiter encore quelques villages ! Je descends en vue d'un petit chemin de terre qui est censé me mener a ????, village connu pour son charme. Je demande à un triporteur de me conduire au centre, mais il me pose chez un de ses potes qui insiste pour que j'assiste à un spectacle traditionnel qui fleure le guet-apens. Je refuse donc de rester et me casse à pieds. Les rues ne sont en effet pas moches mais c'est la fin de journée et l'activité cesse peu a peu. Et puis je ne trouve pas vraiment l'endroit ou les rues sont les plus charmantes, et le village est plus grand que prévu. Du coup je débarque dans un coin carrément crade. Des jeunes filles a qui je demande mon chemin m'indiquent une direction qui me fait sortir de la ville, sympa. Je marche longtemps pour rejoindre la route principale longeant le fleuve et décide d'aller encore plus au Nord, dans un autre village plus avenant dans lequel je n'avais fait que passer en bus le matin. Je vois au loin un bus passer dans la bonne direction : Ok il y en a encore. Arrive au croisement, j'attends un bon moment, avec une famille. Je leur montre avec mon maigre lexique ou je veux aller, ils ont l'air de me dire d'attendre, que c'est ok. Un triporteur s'arrête et me propose de m'emmener, je lui dis non car les bus sont moins chers. Il s'excite et insiste beaucoup, ;l'air de dire qu'il n'y a plus de bus. Je prends ça pour des mensonges afin que j'y aille avec lui et tiens bon. Et puis le temps passe. Et puis la nuit tombe. Et puis je commence a me sentir décourage. Au bout d'un moment, la famille elle-même me montre des mots sur le lexique : "Bus", "II n'y a pas". Je soupçonne le chauffeur de leur avoir dit de me dire ça et persiste a ne rien vouloir entendre... connement bien sur, plus personne ne passe sur cette putain de route ! Je finis donc par céder et me fais emmener a ????, qui est sans doute encore desservie par les bus. Mais arrive là-bas que nenni, le village est plonge dans le calme de la nuit et plus rien ne bouge ! Les chinois se couchent vraiment tôt, surtout dans les petits villages comme ça. Et en plus je ne reconnais pas du tout l'endroit ou j'étais passe plus tôt dans la journée, et les habitants me regardent d'un air méfiant. J'en ai vraiment marre, je demande au triporteur de faire demi-tour et de me ramener a Dali mais il dit que c'est trop loin et refuse ! On est a pas loin de 30 Km effectivement. J'entre dans un magasin encore allume. J'essaye de comprendre ou je suis et dessine sur une feuille de papier la grande allée avec pleins d'arbres dont je me rappelle du matin, et tout le monde rigole, sans comprendre pourquoi je fais des dessins ! Ils sont vite une dizaine autour de moi a essayer de me comprendre en vain. Je leur demande de me ramener a Dali, ils refusent. Dans un autre magasin, une bonne femme parle un anglais très approximatif, mais c'est déjà énorme. Elle me propose de dormir a l'hôtel ici, je lui explique que j'ai déjà une chambre a Dali... il est maintenant 21h et il fait nuit depuis longtemps. Je fais vraiment une tête de déprime (sans vraiment me forcer) et un gars me propose de me ramener en triporteur, a un prix sympa... il est sans doute pris en pitié ! Le voyage est assez inconfortable mais je vis mon retour à la guest-house comme une bénédiction. Je jure que je ne prévoirai plus rien qui me sorte des sentiers battus au delà de 18h ! Dans le dortoir, l'anglais a laisse son lit a un français, Greg, qui va donner des cours de français en Chine a partir de cette année. Il me présente Steph, une fille avec qui il voyage... entre autres, car ils sont 8 français a faire chemin ensemble ! Je leur raconte mes galères du jour et ça me fait un bien fou d'être compris, et puis ils sont très sympas. Dans le dortoir nous rejoignent encore 2 gars, l'un vient du Yemen et l'autre du Népal. Je ne tarde pas a m'endormir après cette prise de contact amicale.

Le Mardi, j'ai un peu plus de mal avec le réveil et ma tête dans le cul du matin me pousse a prendre mon temps ainsi qu'une bonne douche a l'eau froide. Je recroise Greg et Steph qui me présentent "les autres" : Pascal. Caro, encore Pascal, Anne-Ce... et puis Rémi et Marie, un autre couple qu'ils ont rencontre a Pékin et qui les a rejoins ici. On décide de faire tous ensemble une randonnée sur les crêtes des montagnes surplombant le lac. Un télésiège nous hisse en haut ou nous partons tranquillement sur un chemin aménage de 15 Km après avoir jeté un œil a un joli temple a l'arrivée. C'est en fait plus a flanc de montagne que sur des crêtes et le chemin est large, plat et dallé. Mais les points de vue sont effectivement a tomber. Heureusement il y a une rambarde (hum). On admire en alternance le lac et Dali de haut, et puis des belles cascades aux creux de la falaise. On est loin des klaxons. Et surtout les personnes avec qui je marche sont vraiment excellentes, je me sens super bien avec ce groupe de potes avec qui on rigole beaucoup sans oublier d'avoir des discussions super intéressantes. Bouquins, religions, recul sur le voyage, rôle de l'éducation, brassage des cultures... ils se posent des vrais questions, ce qui en fait des gens intéressants. Rémi est instit a Paris et fait partie d'une association qui propose une pédagogie alternative pour les enfants, Pascal est déjà prof de français en Chine, Steph est prof d'anglais a Avignon. Marie kiné. Anne-Cé s'apprête a rentrer dans un IUP Gestion d'entreprise culturelle (!). Bref des gens qui me plaisent. On croise pas mal de plantations de cannabis, a priori les gens du coin se servent dans la nature ! Au bout du chemin, après 15 Km sinueux, on arrive a une sorte de mini-circuit touristique avec un jeux d'échecs chinoises géant, des ponts suspendus, des dresseurs de singes et des vendeurs de Mais bouillants (super bons). On cherche pendant une heure le moyen de redescendre la montagne a pied mais on ne trouve pas... tout nous pousse a utiliser (et payer) des télécabines modernes pour redescendre. C'est assez énervant car on sait qu'il existe un chemin ! Dans les cabines on a la chance d'entendre des reprises de Titanic et d'Yves Montant au synthé... ok on n'aura pas fait ça pour rien. En bas, on monte a 8 dans un minibus taxi qui nous ramené a Dali. A peine sur place, je loue un vélo (pour 2 Y !) et pars jeter un œil aux "3 pagodes", une des grandes curiosités du coin. C'est vrai qu'elles sont impressionnantes, surtout la plus haute, mais le parc les abritant est très cher d'accès, je reste donc a les admirer de l'extérieur avant de repédaler jusqu'à la ville (2 petits km). J'ai juste le temps de faire mes affaires et de manger un bout en compagnie des français pour leur dire au revoir, et me voila dans un bus local en direction de Dali la nouvelle ville, un billet de train de nuit pour Kunming en poche. Je me retrouve encore le seul occidental dans le bus et montre le mot "gare" au conducteur et a d'autres chinois, pour qu'ils me disent quand sortir. Le véhicule est blinde et je fais chier tout le monde avec mon gros sac. Mais les gens me parlent, je suppose qu'on fait potes. Au bout de quelques arrêts l'un des gars a qui j'ai montre ma destination me fait signe de sortir du bus, et je me retrouve... devant l'hôpital de la ville ! Je suis oblige de reprendre un taxi pour me rendre à la gare, encore assez éloignée. Décidément je dois avoir du mal a communiquer. Le train de nuit dans lequel je rentre est gigantissime, avec 2 étages, des rames a perte de vue et un flot humain qui se déverse sur le quai de manière ininterrompue a son arrivée en gare. Il faut se faire une raison, y a du monde dans le coin. Dans ma rame, je rencontre Laurence, une française qui voyage elle aussi seule, et 3 espagnols, la quarantaine, qui voyagent entre hommes, et qui étaient a cote de moi le premier resto auquel j'ai mange a Dali ! Comme Laurence parle un peu castillan, c'est en espagnol qu'on discute principalement. Les chinois ont une capacité a s'endormir n'importe quand et n' importe où assez impressionnante, du coup on reste très rapidement les seuls éveilles dans le train, a raconter des conneries. C'est encore un moment très sympa qu'on passe dans cette rame, a la croisée des voyages. Je dors plutôt bien dans ma couchette, et le train arrive a Kunming a 6h.

Mon projet est d'aller visiter de plus près la foret de Shilin (que j'avais traverse succinctement en train) dans la journée, puis de rejoindre la ville de Juangshui encore plus au Sud. Je me dégote déjà une place dans un bus pour Shilin, qui fait l'aller-retour dans la journée, en espérant trouver un autre bus de là-bas. Comme j'ai un peu d'attente, je rejoins mes compagnons de la nuit a la gare, et on fout le bordel en fêtant l'anniversaire de Lorenzo, un des 3 espagnols qui fête ses 47 ans ! Je prend ensuite le petit dej' (des pâtisseries très bonnes, avec des pâtes sucrées un peu spéciales) avec Laurence qui m'accompagne jusqu'à mon bus. C'est encore un au revoir touchant (il y en a sensiblement autant que de rencontres agréables). Plus tard, dans le bus, je discute avec un étudiant qui parle un peu anglais. Il me dis que j'ai paye mon ticket 2 fois plus cher que lui ! Je ne sais pas trop si c'est normal, mon avis sur la question n'est pas très clair, mais ce qui est sur c'est que l'impression de m'être fait entuber est bien réelle. Le bus fait une halte "obligatoire" pour visiter un temple a l'intérêt plutôt limite. A Shilin, mon nouveau pote chinois m'aide a chercher un bus pour Juangshui, mais les réponses sont genre : "facile, tu prends un bus jusqu'à un hameau perdu, la tu en arrête un autre qui n'est pas censé s'arrêter...". La je flaire la grosse galère (sans doute un improbable instinct de survie), et je décide de faire le retour a Kunming avec le même bus... et du coup je renégocie le prix du trajet, na. En entrant dans le site même de la foret de Shilin, je peux tout de suite confirmer que c'est ultra-touristique. Des chemins tous traces et assez larges parcourent des territoires entièrement entretenus d'arbres tailles et de gazon vert, sur lequel poussent comme des champignons des rochers biscornus. C'est un peu un Hong Kong ou les buildings seraient remplaces par des rochers ! Tout le monde se rue vers un escalier central qui permet de monter sur l'un des plus hauts rochers pour avoir une vue d'ensemble. Du coup je m'éloigne au maximum du troupeau et me retrouve vite a peu près seul, a une centaine de mètres seulement de l'épicentre ! Je fais attention a ne pas me faire repérer et sors du chemin... ce qui est marrant c'est que des qu'on sort de ce qui est visible depuis le chemin, la nature reprend ses droits en redevenant sauvage, et donc belle. Je me perd entre les pitons rocheux, parvient a grimper sur certains et découvre des points de vue sublimes. Cet endroit a vraiment quelque chose de fantastique : les rochers parsèment l'espace a perte de vue dans une nature majestueuse. Je retrouve un long chemin périphérique qui fait le tour du site touristique et rejoins le point le plus éloigne de l'entrée. Il n'y a plus un chat. Un petit panneau montre un sentier étroit qui s'éloigne au delà du contour officiel, avec une inscription, en substance : "frontière de l'espace aménage, zone a risques". Génial, je fonce ! Je marche encore une bonne demi-heure dans la campagne rocheuse entourée de rivières et de petites forêts. C'est très beau, j'ai du mal à comprendre pourquoi je suis seul ici, mais j'en profite a fond. Et tout au bout du chemin, perdu au milieu de rien, je retrouve... 4 français ! Ils étaient en train de se faire la même réflexion que moi, ne comprenant pas pourquoi personne ne venait jusqu'ici. On monte sur un grand rocher qui surplombe le paysage... C'est dur de trouver les mots, disons que "ça déchire" pourrait faire l'affaire. De nouveau dans la zone "protégée", sur le chemin du retour, je découvre un petit escalier creuse dans la roche... je m'engouffre dans un dédale d'autres escaliers qui montent et qui descendent, de mini-ponts et de tunnels. C'est l'endroit le plus dense de la "foret", ou les rochers se touchent et s'entremêlent, et c'est assez étonnant a parcourir, avec régulièrement des très beaux points de vue. Je me mets a cavaler dans tous les sens et commence a flipper car je suis complètement perdu et le temps presse avant le départ du bus. Je cours au hasard et j'atterri essouffle... en haut du point de vue central du site ! Je dévale l'escalier, cours comme un dératé et monte dans le bus qui n'attendais plus que moi. C'était assez juste. Je mets seulement un quart d'heure a me remettre de ma course car je suis un grand sportif. De retour a Kunming, j'ai trop de chance d'avoir "mon nouveau pote chinois". Il m'avance et me prend mon billet pour Juangshui, m'accompagne en taxi (qu'il paye) a une "Bank of China" pour que je puisse retirer, me remmené a la gare routière, et je dois insister pour qu'il accepte que je lui rembourse mon trajet en bus et le taxi ! C'est incroyable la différence qui peut exister entre ceux qui font tout pour te sucer ton pognon et t'entuber et ceux qui feraient n'importe quoi pour te venir en aide. Il essaye même d'appeler un hôtel (numéro dans le routard) pour me reserver une chambre mais ça ne décroche pas. Je le remercie chaleureusement. Je suis miraculeusement en vie après le voyage en bus (mais je commence a m'habituer a être a deux doigts de mourir a chaque virage !). Il est 23h a Juangshui et j'essaye de me repérer sur la petite carte du routard pour me diriger vers un hôtel pas cher. Il est tard et je suis claque, et bien sur je me plante de cote. J'essaye de demander mon chemin a des gens qui me fuient... on sens que c'est peu touristique par contre. En fait cette destination (ainsi que la suivante) ne sont même pas cites dans le "Lonely Planet" et seules quelques pages y sont consacrées dans le Gloaguen. Je suis en train de tourner en rond quand un homme d'environ 60 ans me vient en aide. Il ne parle pas anglais mais s'efforce de me comprendre avec beaucoup de patience. Il m'emmène a un hôtel, je lui dis que c'est trop cher et lui montre les adresses indiquées sur le guide, en me servant aussi du lexique pour lui montrer des mots. Il prend un taxi avec moi et on se retrouve dans un quartier manifestement plus piéton, quasi-désert a cette heure. Il m'entraine dans un hôtel très typique et charment mais hors de prix. En fait il a compris ce que je cherchais et ne fais que demander des renseignements a la réception. Il m'accompagne finalement jusqu'à la guest-house que je cherchais... située très loin de la ou elle était située sur le plan du routard, c'est pour ça qu'il galérait depuis le début ! Autant dire que sans lui c'était pas gagné. Il m'aide enfin a négocier le prix du lit a la baisse. Avant de s'absenter définitivement, il me laisse sa carte de visite : il travaille dans les assurances-vie ! La en tout cas il a bien assure. En ce qui concerne l'hôtel, il est vraiment miteux au sens propre du terme, avec des cafards de partout dans la chambre et les douches, et les toilettes sont des espèces de box en béton déversant directement les excréments dans une fosse septique a ciel ouvert juste derrière... la cour intérieure menant aux chiottes est déjà zone sinistrée ! Mais j'arrive quand même à dormir convenablement, ce qui est l'essentiel.

Je me leve tôt et entame de bonne heure une balade a pied dans la ville. Juangshui est somme toute assez "bâtarde". Trop grande pour être charmante, trop petite pour en jeter. Mais, comme partout ici, ça pullule, avec des grandes artères et beaucoup de bruits de klaxon. Par contre aucun touriste, ni chinois ni occidental. C'est en fait assez intéressant de se retrouver dans un lieu comme ça pour observer la "vraie vie", loin des vieilles villes reconstruites pour le tourisme. De nombreux ouvriers en bleu de travail sont de sortie, et des hommes de tous âges se retrouvent sous la "Tour du Soleil" pour jouer (cartes, échecs chinoises, go, majong, des et autres). Je visite une mosquée (très) chinoise, avec des femmes voilées en train de pratiquer dans une salle de classe annexe. Mais la "tuerie" de la ville est sans nul doute son temple de Confucius, rassemblant sur une immense superficie de grandes étendues d'eau avec pleins de nénuphars, des portiques imposants aux sculptures impressionnantes, des patios calmes entoures de verdure ou se réunissent des musiciens, des parcs aères, et puis le temple en lui même, très coquet et entoure d'armes bizarroïdes. On se demande comment un si vaste espace de quiétude a pu être préserve dans une ville si bouillonnante. En fin de matinée, j'arrive a convaincre un taxi de m'emmener a droite a gauche dans la région et de me ramener ensuite en ville, en lui montrant les idéogrammes des lieux qui m'intéressent. Je suis tellement content qu'il me comprenne que j'accepte a un prix un peu élevé ! Le pont du double dragon traverse un petit fleuve et est constitue d'une pagode en son centre. C'est mignon mais pas top, mais son nom racheté tout. Je visite ensuite un petit village pittoresque qui comprenait dans l'ancien temps la grande demeure d'une riche famille bourgeoise. Les petites ruelles étroites y sont vraiment charmantes, avec des ouvertures en cercle dans les murets permettant de passer d'une habitation a une autre. Des poulaillers ont repris vie entre les murs de cette ancienne prestigieuse maison, qui est par ailleurs restée intacte avec des belles fontaines et des sculptures très fines sur les paravents en bois. De retour a Juangshui-ville, je me mets a chercher la gare routière, décide a partir pour Yuangyang dans la journée. Et c'est encore une galère sans nom ! La ou le bus m'avait dépose la veille, il y a un parking de bus mais je ne vois pas de guichet. Je demande a tout le monde en montrant le mot "gare routière", mais personne ne sait. Un taxi me propose de m'y emmener, mais je lui dis que je préfère y aller a pied, alors il m'indique une direction. Je demande ensuite mon chemin, tant bien que mal, tous les 100 m, et les gens disent que c'est toujours plus loin (ou en sens contraire parfois !). Je marche donc super longtemps avant d'atteindre la gare routière, très excentrée. La on me dit juste qu'il y a des bus toutes les demi-heures, pas besoin de réserver. Je retourne dans le centre, cette fois derrière une moto, j'ai vraiment perdu une bonne heure pour rien. Affame, je me pose dans une sorte de cantine pour travailleurs, avec des plats de viande, de légumes et de soupe en self-service (pour 5 Y le repas - 0,5 E !). Je m'installe a une table et tout le monde vient me reluquer et me parler. Bien sur pour moi c'est du chinois. Du coup la marna qui tient ça veut tout me faire goûter et je me retrouve avec des assiettes bien garnies de mélanges légumineux étranges, notamment des sortes de fayots mélanges avec des céréales genre pilpil, des préparations de viande de porc épicées, des soupes... c'est donc le ventre plein que je retourne chercher mes affaires a la guest-house. Un taxi me reconduit a la gare routière ou je rentre dans un bus avec les idéogrammes de Yuangyang dessus. Le trajet est splendide, on passe par une petite route étroite a flanc de montagne faisant apparaitre au détour des virages des panoramas d'une beauté insolente sur les vallées et montagnes voisines, avec des cultures en terrasse (en escalier) a perte de vue. Et puis David Bowie, Pearl Jam et les Smashing Pumpkins m'offrent un bon tremplin pour m'envoler dans ce décor. Le voyage dure 3h, puis je dois encore prendre un minibus pour gravir la montagne et accéder au petit village souhaite. Ce dernier trajet est un vrai fiasco : une demi-heure d'attente a cause de travaux au milieu de la chaussée, puis le véhicule tombe en pane en pleine montée ! Du coup on monte dans un autre bus de passage, plus gros mais déjà blinde, et le conducteur roule comme une bombe, alors qu'une gamine malade est en train de vomir par la fenêtre...

Yuangshuo est une petite ville de 15000 habitants, collée a la montagne, qui est réputée pour proposer des vues imprenables sur les environs, et surtout sur les rizières en terrasses. Je me pose dans un petit hôtel pas cher et super confortable et propre, avec une chambre a moi, donnant sur les montagnes. L'hôtelier est aux petits soins. Quand je lui fais comprendre que je veux laver mon linge il demande a sa fille de le faire et il refuse que je le paye ! Une petite balade m'aide a mieux me repérer dans le village. Je m'arrête dans une autre de ces petites cantines rustiques qui donnent dans la rue. On me prépare une omelette a la tomate et une soupe (pas excellente) pour trois fois rien. En m'allongeant assez tôt dans mon lit (après avoir aperçu tous mes habits étendus sur le balcon !), j'allume la télé et tombe sur... Nadal et Moya qui s'affronte pour les masters de tennis de Montréal, commente en chinois ! La situation est assez comique, je suis comme un dingue devant la télé en train d'encourager Moya (parce que pas Nadal) dans une chambre d'hôtel perdue dans une montagne chinoise. Je finis quand même par sombrer, mis a terre par cette journée harassante et par la défaite de Moya.

Je n'ai pas besoin d'attendre la sonnerie de mon réveil (prévu a 7h) pour me réveiller, le ventre tordu de douleur. C'est ici que commence la journée la plus désagréable de mon voyage ! Je passe toute la matinée entre mon lit et les toilettes, et mon corps procède a une purge méthodique et méticuleuse de tout ce qu'il contient. Vers 13h, une accalmie pointe son nez et je tente une sortie en triporteur vers l'un des magnifiques points de vue de la région. C'est vrai que ces rizières en terrasses a perte de vue sont très impressionnantes. Je tente une petite balade et mon intestin ne fait pas trop la gueule. De retour en ville, il se met a pleuvoir des cordes et mon ventre recommence. Je m'enferme toute l'après-midi et la soirée dans le centre Internet, en profitant pour recopier des notes, en faisant des allers-retours aux toilettes ! Avant de me coucher dans ma chambre d'hôtel, je me dis que j'ai de la chance d'être dans ce cadre confortable et sympa, avec l'hôtelier qui me propose d'aller m'acheter des médicaments ! Je m'endors avec le bide toujours en vrac et sans avoir rien avale de la journée.

Le lendemain (Samedi 13), je me levé un peu avant 7h et reprend un minibus pour me descendre de la montagne, après 1 ou 2 passages aux toilettes. La ville dans laquelle j'atterri est construite sur les bords du fleuve rouge, appelé ainsi a cause de sa couleur terreuse, aux reflets ocres au soleil, qui s'écoule en direction du Vietnam. Mon objectif est de rejoindre Fan dans sa ville de Mendzi, entre ici et la frontière. Le bus part a 9h30. Et m'y voila en train d'écrire, longeant le fleuve rouge et sinuant entre les montagnes, en direction de Pocahontas. Je n'ai pu lui envoyer un mail que la veille pour la prévenir de mon arrivée, et je ne sais pas si elle sera au Rendez-vous. J'espère vraiment la revoir surtout qu'elle doit me conseiller dans l'achet de CD de pop chinoise ! J'ai ensuite Rendez-vous avec Anne Laure au Vietnam demain, a Sapa (a 1 heure de route de la frontière). On a gère par textos interposes, et j'ai le nom de l'hôtel ou elle est et son numéro de chambre, donc tout devrait bien se passer a ce niveau. Mon ventre continue a me travailler, surtout avec les secousses intempestives du bus, mais l'état d'alerte semble passe. J'arrive a Mendzi dans quelques instants... retrouverai-je mon indienne de Chine ?

Samedi 13 Août - Mendzi / 12h59

Dans les montagnes du Yunnan avec Pocahontas

Je profite d'une petite halte dans la ville de Mendzi, a quelques encablures du Vietnam, pour continuer mon récit. Mendzi n'est même pas citée dans le routard, mais moi je suis un fou. Bon j'avoue, j'y venais pour retrouver Fan "Pocahontas" Ling, une chinoise qui a partage mon voyage pendant 5 jours... mais j'ai l'impression qu'elle m'a pose un gros lapin, et il n'est pas aise de retrouver quelqu'un dans la rue ici ! Bon, revenons justement a ces quelques jours dans le Nord du Yunnan (province chinoise du sud-ouest) et a ma rencontre avec cette demoiselle si spéciale... perso j'ai été plutôt Fan.

Dimanche 7 Août 2005 - Bus en direction de Dali - 20h11

Le lendemain (Mardi 2), le train continue sa longue traversée vers l'Ouest et passe du Gandxi au Yunnan. Les pains de sucres laissent progressivement la place a des plaines plus rocailleuses. De nombreux petits villages sont traverses, les paysans au chapeau pointu s'échinent dans les récoltes. On traverse la ville de Shilin et sa foret de pierres : des milliers de hautes pierres de forment variables jaillissent des paysages pour former un vaste labyrinthe de pitons rocheux sur une immense superficie. Je ne sais pas si j'aurai le temps d'y retourner plus longtemps, d'autant plus qu'il s'agirait d'un des points les plus touristiques de la région. Le train arrive vers 14h a Kunming, avec 3 heures d'avance sur le planning. Entre temps je me suis laisse convaincre par Rock d'aller a Lijiang avec eux, une petite ville de montagne dans le Nord qui est selon lui de loin la plus belle de la province, et j'ai acheté mon ticket de bus sur un coup de tête ! Le Vietnam semble encore s'éloigner de quelques jours mais j'ai vraiment envie de découvrir ces villages en hauteur ou se côtoient des dizaines d'ethnies ancestrales, a 2 pas des montagnes tibétaines. On profite des quelques heures qu'on a a Kunming pour se faire une bonne bouffe locale avec Rock et Sugar, dans une sorte de cantine. On a pas le choix du menu mais le choix du prix (10 a 30 Y). On prend le repas a 20 Y (2 E) et la c'est tout un cérémonial qui commence. De nombreuses petites assiettes et coupelles remplies de viandes séchées, poissons crus et légumes divers sont empilées sur la table sans qu'on ai le droit d'y toucher. Puis un grand saladier de bouillon nous est servi dans lequel sont progressivement ajoutes tous les ingrédients ainsi que des jaunes d'œufs, des herbes et des Rice Noodles (grosses pâtes a base de riz). C'est très épicé (comme d'hab), assez bon et surtout très nourrissant. Une balade en centre ville me fait dire que Kunming n'est autre qu'une grande ville moderne (ya même un Carrefour). Le seul avantage est l'incroyable fraicheur de la ville... en fait le climat reste très doux pour l'altitude (2000 m), mais la différence avec la touffeur des ville précédentes est vraiment appréciable. Désintéresse, je trouve un accès Internet pour mettre a jour mes aventures... dans une salle encore plus grande et bondée qu'a Guilin ! Ça joue en réseau de partout. En fin d'après-midi mes nouveaux amis viennent gentiment me chercher et on rentre en taxi a la gare routière. Là-bas je me rends compte que j'ai oublie mon chapeau dans la salle des ordis, je suis bon pour un nouvel aller-retour en taxi. Heureusement que les chinois sont toujours très en avance. Surtout Rock et Sugar qui, sympathie mise a part, sont un peu trop sages et angoisses, en bref pas très Rock 'n Roll. Un exemple ? Ils stressaient grave de me voir écrire une heure avant l'arrivée a Kunming en train, se demandant si j'aurais le temps de ranger mon cahier a temps. Mais bon grâce a eux j'ai eu le temps de récupérer mon chapeau ! Le bus est compose de plein de couchettes très étroites et on est un peu les uns sur les autres. J'y rencontre 3 filles européennes, une française qui fait ses études en Chine depuis 6 mois et 2 anglaises avec des sales têtes, le genre de filles qui se plaignent de la bouffe locale et qui cherchent les McDo. Le voyage dure une dizaine d'heures et j'arrive a dormir par intermittence. Une pause vers 2h du mat me fait lever : dehors il fait frais, ça sent la vache et on voit les étoiles. On arrive a Lijiang (2400 m d'altitude) vers 6h30.

Rock et Sugar partent de leur cote et je me joins aux européennes pour me diriger en taxi vers la vieille ville, entièrement constituée de petites maisons basses avec un commerce au Rez-de-chaussée et la partie habitable a l'étage, dans le plus pur style naxi (l'ethnie majoritaire de la ville). Les naxis, originaires du Tibet, se sont installe dans le coin il y a déjà mille ans. Les femmes y occupent une place prépondérante et leur religion est un mélange occulte de chamanisme, d'animisme et de lamaïsme tibétain, avec des dongbas, grands sorciers exorcistes veillant sur le peuple et les récoltes. On se promené (sous la pluie qui s'est mise a tomber) a la recherche d'une guest-house mais il est difficile de trouver un logement a cette heure matinale. Du coup on s'arrête pour prendre le petit dej' et on goûte le pain local, frit et imbibe d'huile, qu'on trempe dans du lait au goût très fort. D'ailleurs plus j'y pense et moins je pense que c'était du lait de vache. Comme pressenti les anglaises tirent la tronche a chaque nouvel effet pose sur la table, et la française me prend un peu de haut. Du coup je leur fausse compagnie et me dégote une chambre a la roots dans un logement tenu par une vieille naxi. Je pose mes affaires, m'acheté un parapluie sur la place du marche et me met a arpenter les ruelles composant la vieille ville. Je me rend alors compte qu'elles sont au moins une cinquantaine a s'entrecroiser et qu'on peut facilement se perdre dans ce dédale (ce que je fais régulièrement). Le village reprend progressivement vie en ce matin pluvieux, des vieilles femmes portent de lourds paniers de fruits et légumes accroches a l'extrémité de longs bâtons poses entre leur épaule et leur dos courbe. Je me perd une bonne heure en observant les rues et la population. De nombreux petits canaux longent les habitations (auxquelles ont accède par des mini-ponts de pierre) avant de se déverser dans des courts d'eau plus larges sillonnant la vieille ville. Je perd tellement le sens de l'orientation que je me retrouve a l'entrée Nord alors que je pensais être plein sud ! C'est une grande place pavée avec des roues en bois baignant dans une petite rivière... ça dresse vraiment un tableau de petit village de montagne ayant su préserver son authenticité. J'aperçois a ce moment une jolie chinoise au regard angélique et a la beauté assez touchante sous son parapluie, qui me demande en anglais, avec beaucoup de douceur, si j'accepte de faire un tour en ville avec elle...

D'abord je me méfie un peu en me disant que c'est peut-être une "fille de joie", mais ses yeux ont l'air dénué de tout machiavélisme et, me fiant a mon instinct (bien connu pour ne m'entrainer que dans des bons plans), j'accepte. On fait connaissance en se promenant. Elle s'appelle Fan Ling ("Linda" pour son nom anglais), est du 15 Novembre 84 (une scorpione de 20 ans) et se retrouve seule après s'être engueulée avec ses 3 compagnonnes de voyage. Elle vient d'une ville a l'extrême sud du Yunnan, pas loin du Vietnam, et fait ses études pas très loin de Shanghai. On grimpe sur la colline jouxtant la vieille ville et on a droit a un joli panorama de toitures sombres, éclatées sur une grande superficie, dans le creux des montagnes. On y boit un thé et continue a discuter. Elle est en fait assez timide et très douce... il n'en faut bien sur guère plus pour me faire craquer, et de prime abord je suis loin d'être insensible a son charme. Mais je reste méfiant, d'autant plus quand elle me demande mon groupe sanguin ! En plus j'en sais rien (ben oui j'ai oublie) et elle a l'air très surprise... Ok oublions ça, si je pars sur le principe que c'est une rabatteuse pour une secte trafiquant du sang d'Européen, on a peu de chance de faire copain-copine. On continue à marcher et je ne tarde pas a me rendre compte que la ville est totalement blindée de touristes... c'est super désagréable, surtout dans ces jolis petits passages ou on est oblige de faire la queue dans des bouchons humain pour passer. On mange ensemble. Ça y est je mange chinois a chaque repas, mon ventre a l'air de tenir le coup et je trouve leur nourriture globalement très riche et complète, voire bonne, quoique que souvent un peu grasse. Cette fille a vraiment quelque chose de fascinant et je sens qu'elle est assez fascine par moi aussi, avec mon grand nez et ma dégaine d'européen. Mais ses intentions ne me semblent pas encore évidentes. Elle me fait part de son envie d'aller dans le Shangri-la les jours suivant. Le Shangri-la, c'est le nom donne a un paradis terrestre légendaire qui prendrait racine au Nord de Lijiang. Cachée entre forets, montagnes et canyons, cette terre fertile serait habitée par un peuple pacifique, d'une grande sérénité, qui vivrait en harmonie parfaite avec la nature, les ethnies locales et les dieux. Mais comme personne n'a jamais trouve ce lieu (??), le gouvernement chinois a décrète en 2001 qu'il était situe a Zhongdien (3160 m d'altitude), une ville a 200 km au Nord de Lijiang faisant historiquement partie des montagnes tibétaines... et depuis c'est devenu un nid a touristes ! Ça sent le traquenard, mais ça ne manque pas d'attraits non plus. Surtout qu'a mi chemin se trouvent les gorges du saut du tigre et ses de prodigieuses cascades, a l'endroit ou le fleuve Yangzi, tout droit descendu du Tibet, est le plus étroit. Je lui dis que ça me ferait plaisir d'y aller avec elle et elle est ravie. En ville, on croise ses 3 "amies" et Fan leur fait part de notre intention de voyager ensemble. Elles lui répondent en substance : "Chouette, comme ça tu seras pas avec nous". J'ai un peu l'impression d'être devant un épisode de "Princesse Sarah" quand elle se fait tej' par les méchantes de l'orphelinat, et sa tristesse me donne encore plus envie de la protéger. Ben oui si j'étais un personnage de dessin anime je serais un gentil qui défendrait les gentilles. En tout cas avec moi elle risque plus rien (hum). On va donc acheter des billets de bus pour le lendemain, en direction de ces fameuses gorges. Il n'arrête pas de pleuvoir, c'est chiant. Je me trouve une connexion Internet pendant que Fan Ling va se reposer, puis je vais assister a un concert traditionnel naxi : de vénérables nonagénaires a barbes blanches jouent des instruments rares, parfois a base d'animaux sauvages. La musique est très dense et d'une grande richesse harmonique. Rythmes, chœurs aigus et mélodies hybrides s'entrecroisent pour créer un tout qui respire l'unité et qui semble tout droit issu de la montagne. Entre chaque morceau, leur leader fait des blagues qui déclenchent systématiquement l'hilarité générale. Je crois avoir compris qu'a un moment il se foutait de la gueule de Pavarotti qui ne savait pas chanter... bon en tout cas c'était un bon Show-man. A l'entrée de la salle des photos de l'orchestre avec le président. Ce salop est en photo partout avec les gens sympas. Apres la représentation, je retrouve Fan qui a change d'avis : elle préfère qu'on fasse un parcours en bus de 2 jours qui nous emmènerait dans tous les endroits sympas de la région (en gros une excursion touristique). Je me tâte car j'avais bien envie de tenter la rando qui longe les gorges sur des km, mais même Gloaguen dit que c'est dangereux en temps de pluie, donc je cède. Chacun va dormir dans son hôtel (pas très éloignes l'un de l'autre), et on se levé a 7h pour annuler notre bus sec vers les gorges. Ça roule mais il est trop tard pour partir en tour le jour même, on s'inscrit donc pour le lendemain (une super excursion pas trop chère - 350 Y - avec les trajets + tout le fatra touristique sur 2 jours + une nuit a l'hôtel + les repas). On a la journée a nous et la pluie semble faire une pause même si le ciel reste voile. On est parti pour une balade dans les monts du dragon de Jade (ça envoie). Le parc naturel de la montagne est payant, et après on peut emprunter un télésiège pour se rendre au sommet a 4500 m d'altitude. Mais une nana vient nous voir et nous dit qu'elle peut nous emmener en minibus pour presque rien, sans avoir besoin de prendre le télésiège... ça sent l'entourloupe a plein nez mais Fan semble confiante. En fait elle nous amené au pied de la montagne dans une cours blindée de chevaux et nous incite a en monter un pour atteindre le sommet, moyennant 450 Y (!!). Joli traquenard, elle n'avait jamais eu l'intention de nous conduire la haut. Enerve, je l'insulte en anglais et lui dit de se casser (en lui payant juste le prix de l'aller en taxi). Je comprends que Fan est assez naïve et qu'il ne faut pas trop compter sur elle pour négocier... mais d'un autre cote sans elle je ne comprendrai rien et elle m'explique beaucoup de choses. Et puis elle est belle avec ses petites tresses. En fait je décrète officiellement que cette fille est une héroïne de dessin anime et je l'appelle POCAHONTAS vu qu'elle lui ressemble. Quand je lui dis ça, elle trouve ça incroyable car elle ajustement appris la musique de Pocahontas en cours l'année passée... qu'est ce que je disais, on est en plein dedans, j'adore ça. On part se balader sur les petits sentiers de montagne, c'est très agréable mais ça ressemble beaucoup aux Alpes en tout point, avec un climat comparable. Pocahontas est très fatiguée, elle a une sorte de mal des montagnes. Apres une petite sieste dans les fourres, on est réveillé par un troupeau de yaks broutant tout autour de nous... ok on n'a pas ça dans les Alpes. Pousse par le lyrisme du lieu et pris d'un élan d'affection, je m'approche de Fan Ling et commence a lui caresser l'avant-bras quelques secondes. Elle sursaute et me demande ce que je fais. Jouant mon rôle de personnage de Walt Disney a fond, je lui répond que je voulais savoir si elle avait la peau douce. Elle est sincèrement surprise, me voila au moins fixe sur ses intentions et sur sa bonne foie ! De retour en ville après une bonne bouffée d'air pur, elle doit changer d'hôtel car le sien est complet. Je lui propose de venir dans le mien, en tout bien tout honneur bien sur, mais elle blêmit en voyant qu'il n'y a que 2 lits dans une seule pièce. Je lui dis qu'il y a d'autres chambres mais non, elle veut partir d'ici tout de suite. A priori il est vraiment impensable qu'un garçon et une fille dorme dans la même chambre ici. Bon, je suis plus que fixé là ! Mais quelque part je trouve ça très rassurant de me dire qu'une fille chinoise peut aborder simplement un occidental sans arrière pensée autre que faire sa connaissance et échanger. En plus elle refuse des que je veux lui payer quelque chose, elle ne veut pas du tout avoir l'air profiteuse. Je suis finalement très content de cette rencontre, et voyager avec elle va me permettre de mieux comprendre cette culture chinoise. J'espère que personne ne pense que je suis déçu et que j'essaye de me faire une raison ! Un bon vieil amour platonique avec une jeune chinoise inaccessible, c'est quand même de la bonne Dead-story, non ?

On se pose finalement tous les 2 (c'est plus pratique) dans une guest-house avec dortoirs (la ça passe). Il est conseille et dans le Gloaguen et dans le Lonely Planet et ça se voit : ça parle toutes les langues sauf chinois la dedans ! Pocahontas va se promener puis se coucher, pendant que je profite d'une connexion Internet. Je joins ensuite une tablée avec 3 française et on se raconte nos anecdotes de voyage, on partage nos expériences. A la table a cote, ça parle anglais et espagnol. Finalement un gars un peu + âge se met a nous parler en français, je lui répond en espagnol, puis l'anglais reprend ses droits... on boit quelques bières tous ensemble et c'est un chouette moment. Ça fait parfois du bien de se retrouver autour de codes de communication et d'humour communs, même si voyager avec des chinois est une véritable chance.

Lever aux aurores pour être au Rendez-vous de la super expédition aventureuse dans les montagnes. Je suis le seul occidental du groupe, tous les autres sont des touristes chinois. Le circuit s'avère d'ailleurs ultra-touristique, et même les pauses pipi obligent a traverser des "centres commerciaux a souvenirs" avant d'accéder aux toilettes. Chaque halte "culturelle" est ponctuée d'un flot de vendeurs en tout genre essayant de te vendre des bracelets et autres, te demandant de l'argent si tu les prends en photo dans leur habit traditionnel, ou te vendant des photos de toi qu'ils impriment et plastifient sur place avec toute une armada de matos. C'est vraiment dommage car les lieux sont souvent magnifiques et verte ambiance touristique vient bien souvent ternir le tout. Outre ces agacements, les gorges du saut du tigre sont spectaculaires et étourdissantes, avec ses cascades déchaînées d'eau terreuse (pluie oblige) qu'on approche de si près qu'on semble être a la merci possible du courant. Certaines grandes giclées viennent d'ailleurs inonder le passage à touristes qui hurlent pour leurs appareils photos... belle revanche de la nature ! Les lacs de montagne paraissent figes dans les hauteurs brumeuses pour l'éternité. Les étendues de chevaux sauvages en plaine sont impressionnantes. Les temples tibétains ne manquent pas de prestance, voire même ils en jettent, accoles a la montagne, dans leurs couleurs ternes et dorées a la fois. Je m'écarte le plus possible des groupes et j'essaye d'imaginer ces lieux la nuit, livres a leur seule beauté naturelle, dénués de ce brouhaha incessant, baignes dans une aura lunaire apaisante. Le groupe se met rapidement a me détester car mes flâneries me font toujours arriver le dernier au car, alors qu'eux prennent "les 4 photos a prendre" (en posant dessus) et reviennent tout de suite. Ils sont toujours en groupe et ne supporte pas bien la solitude. Avec Fan Ling, on se lance parfois dans des grandes discussions et on continue a mieux se connaitre. Elle me fait rire car elle est autant a la ramasse que moi pour pleins de trucs (elle a par exemple perdu sa carte a puce téléphonique dans la montagne la veille !). Mais elle a beaucoup plus conscience que Rock et Sugar de la censure du gouvernement sur des tas de sujets, elle sait que c'est un véritable problème. A cote de ça elle est totalement fleur bleue, estimant qu'on ne peut aimer qu'une fois sous peine de grand fourvoiement. Quand je lui dis que j'ai déjà aime plusieurs fois et eu des relations intimes avec plusieurs filles, je la sens défaillir. Elle me dit que c'est typiquement masculin et que les filles cherchent toutes l'homme de leur vie (a part les prostituées). Je lui parle alors de Mai 68 en France, de la lutte des femmes pour le droit a la contraception, le droit de disposer de leur corps et la remise en cause de l'institution du mariage par une bonne partie de la population. Je lui affirme qu'on peut vivre des histoires fortes sans qu'elles soient forcement pour la vie... bon connaissant son référentiel de pensée, j'ai conscience de la portée provocatrice de telles assertions et je sais que je risque de ternir a ses yeux le légendaire romantisme a la française, mais il me semble intéressant de lui parler de ça. Elle est elle-même fille de parents divorces a qui elle en veut et qu'elle n'aime guère, et elle a été principalement élevée par sa grand-mère. Elle veut connaitre mes couleurs préférées (on est en pleine colo), je lui dis bleu et rouge, elle me dit que ce sont les couleurs de l'amour et du sexe. Et elle ? Bleu et blanc : l'amour et la pureté. Je crois que c'est clair. Elle me fait écouter de la musique pop chinoise avec une voix de femme magnifique et... c'est elle qui chante ! Je suis bien sur sous le charme. Dans le car, elle se met aussi a chanter, de plus en plus fort, avec des écouteurs sur les oreilles : je confirme en live, sa voix me transporte.

Le soir, a Zhongdien, on se fait embarquer dans une grande fête traditionnelle, entièrement repensée pour le circuit touristique bien sur. Les festivités ont lieu dans une pièce carre décorée de tibetaneries, avec une large colonne en son centre. Une cinquantaine de personnes sont assises par cote, sur plusieurs rangées. On nous sert le très bon vin local (dont de le goût n'est pas si éloigne du vin de paille) dans des petites coupes en terre cuite, ainsi que du thé tibétain au petit lait, sale... particulier mais ça se boit. On peut aussi y rajouter de la farine de blé du coin pour lui donner un aspect plus pâteux avant de l'ingérer. Je me retrouve a la meilleure place, la ou sont stockes tous les ravitaillements en boisson, je suis donc resservi très régulièrement. Du coup ça me met du baume au coeur et je suis assez emballe par les spectacles de danse et les chants qui se succèdent. A l'occasion de chacun de ces chants, les personnes touchées doivent se lever pour déposer un tissu blanc autour du cou du chanteur ou de la chanteuse qui tourne autour de la colonne centrale. La première partie de soirée est donc très appréciable, plus que la deuxième ou ça devient une sorte d'Intervilles entre les différentes régions représentées sous couvert de traditions locales un peu douteuses. Un peu imbibe, je me fais remarquer en sortant de la salle pour aller aux chiottes, et a mon retour on me tend le micro !! Fan me fait comprendre que je dois chanter quelque chose en français et la foule m'encourage, complètement hystérique... je ne peux plus me défiler. J'entonne "Ange" a un rythme plus rapide que d'habitude et 200 chinois survoltes frappent dans leurs mains en cadence : ça y est, j'ai fais mon concert en Chine ! Ça va vraiment péter sur mon pressbook ! Pendant mon tour de chant, pleins de gens, dont une majorité d'enfants, se lèvent pour me déposer les fameux tissus blancs autour du coup. C'est l'apogée de ma courte gloire dans l'empire du milieu. D'autres chinois m'emboîtent le pas puis la soirée se termine. De retour a l'hôtel, on va boire du thé jusqu'à tard avec Fan et notre guide, un jeune métisse entre les ethnies naxi et zang, assez proche de l'indien d'Amérique dans le style, plutôt beau gosse et la classe (sauf qu'il arrête pas d'envoyer des textos avec son portable !). Fan fait l'interprète entre lui et moi et je lui pose un certain nombre e questions sur le Tibet, le mouvement de libération, les enfants croupissant dans les geôles chinoises... lui non plus n'a jamais entendu parler de ça, alors qu'il n'est qu'a quelques kilomètres... c'est hallucinant. Il nous parle de ses frères et sœurs, du coup je les questionne sur la loi interdisant aux familles d'avoir plus d'un enfant. Ils m'expliquent que la loi est assez récente et qu'elle comporte de nombreuses exceptions. Tu as en fait le droit d'avoir 2 enfants si tu es toi même enfant unique, si tu habites à la campagne ou si t'as du pognon (le fait d'avoir plusieurs enfants prive de toutes les allocations familiales, mais certaines familles peuvent se le permettre). Mais ils disent aussi que beaucoup de familles ont plusieurs enfants car ils ne peuvent faire autrement. Quand je leur demande s'il est facile d'avoir la pilule ou de se procurer des préservatifs, ils semblent très gènes et disent qu'ils n'ont pas pour habitude de parler de ce genre de choses. Je comprends mieux d'où vient le problème !

La nuit est courte et la journée qui suit alterne comme la veille les pauses "culturelles", les pauses "bouffe en 5 minutes, ne perdons pas de temps" (dans un cadre tout de même convivial avec une dizaine de plats a partager, poses sur un plateau tournant au centre de la table), et les pauses... de Fan Ling, qui veut être prise en photo partout et qui efface tous les clichés dont elle n'est pas satisfaite. On s'engueule un peu, je lui explique que pour moi une photo est un souvenir, que la perfection de l'image n'est pas essentielle et qu'a force d'en prendre on passe moins de temps a profiter des sublimes paysages. Même si j'avoue être assez content de certaines photos ! Le soir, le retour a Lijiang se fait encore sous la pluie et on est trempe le temps de se rendre a pied a la gare routière. On prend chacun un billet différent, elle pour Kunming en direction de sa ville natale (Mendzi), et moi pour Dali, entre Lijiang et Kunming, "parce que ça a l'air bien". Un taxi nous ramené a la vieille ville ou on va se coucher dans une nouvelle guest-house (la première ou était Fan), fatigues, mouilles et sans trop se parler. Apres tout c'est normal qu'il y ait quelques petites tensions après 4 jours de voyage ensemble, non ? Le lendemain (Dimanche 7) est encore très pluvieux, et je le passe sur Internet a bosser un peu pour Mediatone, pendant que Pocahontas va faire quelques emplettes. L'ordi est dote de Microsoft office, fait très rare ici, j'en profite donc (Vive les clés USB). Je me rend aussi sur le nouveau site de l'asso, enfin en ligne, et il a vraiment de la gueule même s'il reste des choses a améliorer bien sur. Merci Manu ! Une guitare est accrochée dans la salle commune, je m'en empare et me met a "gratouiller un peu". Tous les chinois présents viennent me prendre en photo ou me filmer, sans doute plus pour le folklore de me voir chanter en français et en espagnol que pour la musique elle même. Puis le fils du patron se pointe (environ 3 ans) et s'effondre en larmes en me voyant... Ok j'ai quand même vole la guitare a Papa, pardon mec. Fan arrive juste a temps pour qu'on s'échange quelques gentillesses et qu'on se rencarde dans sa ville, sur ma route vers le Vietnam. Je m'approche d'elle pour lui faire la bise, a la française, mais elle s'y refuse... décidément le contact n'est pas facile ici, on est loin de l'Espagne ! C'est ainsi que je quitte les hautes montagnes du Nord du Yunnan et la douce compagnie de Fan Ling. Ces 5 jours auront été riches et m'auront vraiment permis de côtoyer de nombreux chinois. Et puis, maigre tout, Fan restera une fille que je n'oublierai pas. Mais trêve de nostalgie, en avant pour Dali ! Jeudi 11 Août - Yuangyang / 23h59

12 août 2005

Du Guangdong au Guangxi : premiers pas chinois

Je suis encore en Chine ! Bon, plus pour très longtemps si tout se passe comme prévu, mais c'est vrai que ce pays m'a happe, de ville en ville, de montagne en rivières... au final j'aurai passe plus de temps ici qu'au Vietnam alors que c'était ma destination principale. C'est un des plus grands avantages du voyage seul et pas planifie, tu peux changer tes plans au jour le jour au hasard des découvertes et des rencontres. Je suis a présent a Yuanyang, un village de montagne magnifique avec des rizières et autres cultures en terrasse a flanc de montagne... a perte de vue. Je ne me plains pas. Sauf que mes intestins me font bien la gueule depuis ce matin, mais bon pour l'instant j'y avais plutôt échappe ! Mais trêve de blabla, j'ai du retard a combler. Revenons 2 semaines plus tôt (déjà !), a mon retour dans la ville aux mille buildings...

Mardi 2 Août 2005 - Train en direction de Kunming - 10h17

Arrivée a Hong Kong amusante, avec un flic de douane qui m'aide a remplir les paperasses en alternant les rires, les "bonjour" et les "merci". Un coup de fil a Pierre : il est déjà chez lui et m'attend pour partir en Chine ! Je grimpe donc chez lui aussi vite que possible, boucle mes bagages et nous sommes rapidement a la gare. Notre objectif est de dormir a Guangzhou (Canton) mais il n'y a plus de train. On en trouve un qui va jusqu'à la frontière chinoise, a Shenzen, et on se dit qu'on verra bien là-bas. La douane se franchit sans soucis. Dans la fille d'attente on rencontre un black d'origine togolaise résidant a Canton, il parle donc très bien français. Il s'appelle Didier, il est la pour faire du "business". Il nous sort des phrases majestueuses, ce genre de vérité dont seuls les blacks ont le secret. Il veut qu'on lui trouve "le papier de l'Europe" pour qu'il puisse envoyer sa femme faire du business là-bas. Il est évidement prêt a nous payer pour qu'on se marrie avec elle ! Quoi qu'il en soit, la Chine, c'est plus Hong Kong, et passe la frontière on ne comprend plus rien ! Plus personne ne parle anglais et rien n'est traduit. C'est donc une chance d'avoir notre Didier qui nous qui nous aide a savoir ou acheter les billets pour Canton et quel train prendre. Ici c'est le règne du chaos ! Les chinois semblent beaucoup moins obéissants que les Hong Kongais, ils te bourrent pour passer devant toi au guichet, crient, crachent par terre... c'est assez déroutant mais finalement beaucoup plus humain ! Il n'est pas rare d'entendre des rots tonitruants dans le hall de gare (souvent féminins !) et ceux qui mangent des plats cuisines semblent faire le concours de "celui qui fait le + de bruit en mangeant". Dans le train, on commence a sentir les regards sur nous, on se sent vraiment étrangers. Par contre on se met a chanter des conneries super fort et personne ne fait mine de réagir... on ne sait pas s'ils nous prennent pour des malades ou si rien ne les étonne. On décide de jouer chacun un rôle "cliché" pendant ces quelques jours. Moi m'exclamant devant toute nouveauté, hurlant a la splendeur et au dépaysement, sortant des phrases genre "ça change ma conception du monde" et manifestant mon désir de me fondre a la population. Pierre campant le touriste de base qui se plaint des conditions, qui insulte les chinois en français, qui joue a la game-boy advance au lieu de s'intéresser a leur culture et qui me fait remarquer que l'émotion n'est rien d'autre que de la chimie, donc pas de quoi s'extasier. Je pense qu'on a pousse le délire a un niveau de drôlerie assez haut ces quelques jours et qu'on aurait amplement pu prétendre a une émission comique quotidienne avant le JT qui aurait fait beaucoup d'ombre a Kaamelot.

A Canton, on ne comprend vraiment rien de rien. Comme Pierre est déjà venu ici la semaine précédente et qu'il n'a pas trouve la ville exceptionnelle, on voudrait rapidement prendre un train pour Guilin ou Yangshuo (a 450 Km a l'Ouest) sachant que le trajet dure... 17h ! On essaye de se renseigner auprès des très nombreuses agences de voyage qui bordent un des couloirs, mais on ne les comprend pas, et après avoir tente d'établir une communication téléphonique avec le chef de l'agence on croit comprendre qu'ils veulent juste nous réserver une chambre pour la nuit a Canton. On repart donc sans avoir la moindre idée des horaires ni des moyens de gagner Guilin. On repère un hôtel bon marche et bien situe sur le guide du routard (que l'on appelle a présent le GLOAGUEN en hommage a son fondateur Philippe Gloaguen, routard premier, qui a su exploiter le filon avec pragmatisme). Il se trouve sur l'ile de Shamian, colée au centre ville mais beaucoup plus calme. Un taxi devrait pouvoir nous y emmener, mais on n'a malheureusement pas le moindre Yuhan (la monnaie chinoise) en poche. On trouve un gars qui accepte les HK$, facile, et nous voila parti... mais pour ou c'est une autre histoire, car le chauffeur, qui ne parle pas un mot d'anglais, semble ne pas comprendre la carte qu'on lui montre. Mais il part quand même, en rigolant beaucoup. Il roule longtemps sur des immenses voies rapides et on se prend un fou rire avec Pierre en pensant s'éloigner de la ville. Ce qui est sympa c'est que lui aussi est mort de rire en nous voyant comme ça, on est donc tous en train de rire aux larmes en se perdant au loin... enfin c'est ce qu'on croit, car soudain Pierre reconnaît l'ile ! On avait été très mauvaise langue, mais au moins on se sera bien marre. La chambre au Youth hostel nous coûte 200 Y (20 Euros), et même si elle est top la classe et climatisée on se dit que Gloaguen s'est bien embourgeoise (l'hôtel est dans les suggestions "très bon marche")... mais la nuit est bonne.

Le lendemain matin (Vendredi 29) on s'aperçoit qu'on peut réserver nos trajets depuis l'enceinte de l'hôtel. C'est pratique mais le train pour Guilin est plein. Du coup on réserve un avion (a 800 Y), c'est beaucoup plus rapide (on peut y être le soir même) et ça nous laisse toute la journée pour visiter Canton. Le temps de changer un peu d'argent et nous voila en ville. L'ile de Shamian est effectivement paisible avec ses larges avenues boisées et fleuries, ses bâtiments de l'époque coloniale bien conserves et ses berges remplies d'adeptes du Tai-Shi. Mais ça n'est pas non plus incroyable et ne mérite pas les 3 étoiles au Gloaguen, normalement symbole de "tuerie absolue, si vous ratez ça vous êtes des cons". On déjeune dans un resto sympa sur les bords de la rivière des perles, mais je commande un truc un peu ose (un mélange de viandes...), tellement ose que je ne touche guère a l'enchevêtrement d'os et de tripailles qui ornent mon assiette. Heureusement ya du riz. Je fais vraiment des efforts pour manger chinois mais j'ai vraiment pas de chance. Dans le resto ils sont 6 ou 7 a nous servir, on est l'attraction principale. En se baladant dans les rues du centre ville, on découvre une ville très sympa, bcp + agréable et typique que ce que Gloaguen voulait bien nous faire gober. Selon lui, Canton aurait vendu son âme au capitalisme et a la modernité, a l'instar de toutes les grandes villes chinoises. En réalité, en occultant les buildings et les voies rapides, le centre respire encore la tradition, avec des nombreux marches typiques (épices, poissons, jade, jouets,...) et beaucoup de gens jouant a même la rue. Mais je dois bien avouer que, venant de HK, n'importe quelle ville paraîtrait sereine ! Par ailleurs on visite un temple magnifique (Hua Lin)contenant pas moins de 500 statues dorées d'ahrats, les élevés de Bouddha. Cette merveille n'ayant qu'une étoile au Gloaguen, je me sens roule et décrète officiellement ne plus me fier a lui... bon ok je ne peux pas, ce con m'est indispensable. Au final, Canton m'aura séduit, et Pierre aura lui aussi découvert une facette de la ville (la plus charmante) qu'il avait occulte a sa première venue. Un taxi nous emmené au nouvel et ultramoderne aéroport de Canton (et qui dit ultramoderne dit : on traduit les affichages en anglais), et l'avion finit par décoller a 21h30. Dans le coucou l'ambiance est très bon-enfant, tout le monde rigole et crie l'équivalent du "oie" français a chaque soubresaut aérien. Tout le monde sauf notre voisin de droite qui semble paralyse de peur et qui réclame de l'eau toutes les 10 minutes pour prendre un nouveau cachet. On sent progressivement la chimie faire son effet en lui, ses traits se détendent, et il va jusqu'à y aller d'un rire bruyant et jovial au moment du pourtant très brusque atterrissage !

L'aéroport de Guilin est moins récent que celui de Canton. On suit le gros des troupes pour prendre une navette en direction de la ville, et j'y entends parler... catalan ! C'est un couple qui travaille en Chine depuis 2 ans et qui nous propose d'aller directement a Yangshuo avec eux en partageant le taxi si nécessaire. Cette ville semble plus petite et plus belle que Guilin, alors pourquoi pas ! Une chinoise leur dit qu'elle peut arriver a nous chopper un bus si on se dépêche, du coup on la suit a la sortie de la navette et on se retrouve effectivement dans un minibus. Le trajet est une horreur, c'est le tape-cul total sur une route de merde et on manque plusieurs fois l'accident de peu avec un malade au volant qui double sans aucune visibilité. On arrive finalement sains et saufs a destination. La même chinoise qui nous avait suivi dans le bus nous montre un hôtel pas cher (70 Y) et bien. Il est assez tard et on souhaite bonne nuit aux catalans (qui sont au même hôtel). Le téléphone sonne un demi-heure après notre installation : c'est la chinoise qui veut nous aider a planifier notre journée du lendemain ! On pense bien que c'est une sorte de guide a touristes, mais elle a pour l'instant été bien utile et elle peut bien nous aider dans notre découverte des environs, on lui propose donc de monter pour en discuter. Elle s'appelle Gloria ! En fait tous les chinois se choisissent un nom anglais (en général assez ridicule) pour faciliter les choses vu qu'on a souvent du mal a prononcer leur nom véritable (en l'occurrence un truc comme Cow Tiao Tsu). Elle nous propose tout un programme : lever tôt, location de vélos, balades dans les rizières, contemplation d'un Banyan Tree millénaire, visite d'une grotte avec bain de boue, déjeuner a la ferme et remontée de la rivière Li en bateau ! On accepte tout, et je vais jusqu'à rajouter aux festivités la grimpette de la Moonhill, parce que Gloaguen vente le point de vue qu'on a au sommet, et puis ya le mot lune dedans. Elle a l'air de tirer la gueule (?) mais est OK. Elle n'est pas excellente en anglais et on a parfois du mal a se comprendre, mais en la faisant répéter ça le fait a peu près. Pendant qu'on parle, le téléphone retentit a nouveau : c'est le réceptionniste de l'hôtel qui veut s'assurer que la fille n'est pas une pute ! Marrant.

Le réveil sonne de bonne heure, et Gloria nous appelle en même temps pour nous speeder. En mettant le nez dehors on aperçoit immédiatement ces grandes collines calcaires a pic qui entourent la petite ville et qu'on appelle communément des "pains de sucres". Je traduis d'ailleurs cela par "Sugar pain" (la souffrance du sucre !) ce qui fait beaucoup rire Pierre qui est plutôt fan de mon anglais. Apres un petit truc avale sur le pouce, nous voila parti dans les campagnes, enfourchant fièrement nos vélos de location. Pierre et Gloria roulent en tandem et je les suis péniblement avec mon vélo "normal" (parce qu'un tandem ça va plus vite). Le paysage est de toute beauté : d'innombrables pains de sucres se perdent a l'horizon, des rizières bordent routes et sentiers, des paysans vaquent dans les champs, des yaks cheminent... On est complètement ailleurs, je n'avais jamais vu ce type de paysage et d'ambiance, on se croirait tout droit projeté dans un monde fantastique. La route est malheureusement encombrée de véhicules en tous genres (vélos, motos, voitures, camions, bus...) et le code de la route est tout simplement... occulte. Mais c'est splendide. Par contre les deux autres tracent tellement sur le tandem que je n'ai pas le temps de laisser flâner mon regard autant que je le voudrais. On attache nos vélos pour faire un petit circuit pédestre avec des paons, des vendeurs de boissons chères et des paysans un poil clichés... ça pue l'attrape-touriste a plein nez, avec une petite traversée de rivière en bateau le temps d'une photo et une autre pause photo devant le fameux gigantesque banyan tree. On est bien sur précèdes et suivit de plein de touristes qui font le même trajet dans le même sens. Le seul truc vraiment sympa, c'est que les touristes en question sont pour l'immense majorité des chinois venus d'autres régions, ça change des gros allemands (ça marche aussi avec anglais). Par contre ils ne font que prendre des photos, et toujours les mêmes, ce qui fait 2 chinois différents allant au même endroit doivent avoir exactement la même collection de photos avec que la tronche qui change. Parce que bien sur il faut être sur toutes les photos sinon ça n'a pas d'intérêt. On finit par remonter sur les vélos, direction la Moonhill. On entame la grimpette a pied... et c'est un gros morceau ! On arrive en haut en nage (surtout moi) après une bonne demi-heure de montée très pentue, et je comprend mieux pourquoi Gloria faisait la gueule. Mais ça vaut le coup. Au dessus de nous se dresse une arche naturelle avec un vaste trou perce dans la roche, tel un anneau lunaire. Et, bien sur, le point de vue sur les paysages alentours est splendide. Pas rassasie, on monte carrément au sommet de l'arche et la, c'est 360 degrés de beauté. Je ne pense tout simplement pas avoir déjà vu un spectacle naturel aussi époustouflant. La rivière zigzague entre les pains de sucres et les rizières qui se perdent a l'infini. On est complètement seuls au sommet et aucun bruit néfaste ne vient entraver cette félicite naturelle. Sauf un klaxon de temps en temps, ok. Gloria accepte de nous chanter quelque chose en chinois, et la c'est juste le pied. Une longue chanson traditionnelle vient accompagner le plaisir des yeux, on vit un moment fort et touchant la haut. Quelques instants après, le sommet est pris d'assaut par une horde de touristes... fuyons ! On aura eu déjà beaucoup de chance d'avoir ce si long moment de solitude sur ce promontoire. La redescente est moins éprouvante mais termine de nous casser les jambes, et on repart en vélo jusqu'à la ferme de "Moonmother", une vieille femme un peu édentée mais très énergique qui a une sacrée classe du haut de ses 80 printemps. Et puis la terrasse donne sur la Moonhill, c'est joli. On s'entend vite super bien avec Mamie Lune, même si on se comprend pas. Gloria nous traduit la carte et nous aide a choisir, du coup pleins d'énormes plats arrivent au centre de la table pour que tout le monde se serve, comme il est coutume en Chine (en en foutant partout et en crachant par terre si possible !). Légumes du coin, bœuf cuisine, soue de tofu... la c'est vraiment de la bouffe locale, j'ai craque. C'est d'ailleurs a ce moment précis que mon intestin se manifeste, bien décide a me le faire symboliquement payer, et me voila courant aux chiottes turcs du dessous. On pourrait dire que j'ai fini par attraper une sacrée tourista, mais je préfère le dire tout net : j'ai grave la chiasse. Mais ça ne m'empêche pas de manger et c'est excellent, merci mamie moon. Apres le repas (et les traditionnelles photos avec la patronne), c'est reparti. On s'enfonce toujours un peu plus dans le sud profond de Yangshuo, jusqu'à l'entrée de la "Moon Water Cave". Décidément, ils aiment bien la lune par ici. On entre dedans avec un groupes de 8 chinois, et on est tous très beaux avec nos jolis casques jaunes et nos maillots de bain (slip pour Pierre qui n'en a pas). La grotte est très belle et on peut deviner des formes d'animaux et autres dans la roche (avec un peu d'imagination) aux détours de passages plus ou moins exigus. En plus certaines stalagmites musicales font des bruits sympas quand on les percute. Les chinois de notre groupe sont surexcites et ne cessent de se marrer, surtout 3 jeunes filles un peu fofolles. Vient l'heure du bain de boue, on est complètement dégoulinant, c'est un vrai bonheur. Ce qui craint c'est qu'on a amené nos appareils photo (sur les conseils de Gloria) et que c'est un exploit d'arriver a ne pas leur faire rendre l'âme dans cette grotte. Celui de Pierre survit d'ailleurs de justesse. A la fin on s'est bien intègre au groupe et on prend plein de photos avec les minettes survoltées. La sortie est plus haute dans la montagne et on la redescend a pied, du coup Pierre s'empare du mégaphone insupportable du guide (le résonnement naturel de la grotte jie semblait pas lui suffire) et hurle dedans des conneries en anglais. C'est la fête. On est déjà bien fatigue de la journée et on reprend les vélos en sens inverse. Cette fois c'est moi qui conduis le tandem avec Gloria derrière, et Pierre le vélo. A peine a-t-on commence a pédaler qu'il se met a pleuvoir pas mal. Une pause ou deux, et on repart a chaque accalmie. Mais le chemin du retour est assez long, et il se met a tomber des cordes a un endroit ou on ne peut pas s'abriter. Je sors le poncho un peu tard et toutes nos affaires sont déjà trempées, je baigne dans l'eau des pieds a la tête. Et la dessus, Pierre crevé ! Comme il pleut a torrent et qu'on a pas trop le choix il continue a pédaler en mettant le plus de poids possible sur le pneu avant (indemne). On prend de l'avance avec le tandem et j'essaye de préserver le sac avec tous nos trucs précieux et qui craignent l'eau... on manque de se vautrer plusieurs fois en roulant dans des grandes flaques. Pierre n'a pas l'air de suivre, je me dis que je partirai le chercher en taxi avec son vélo des mon arrivée en ville. On y arrive mais Gloria se perd et on a du mal a communiquer entre la pluie, notre anglais et ma capuche. Finalement on retrouve Pierre, qui a fait l'exploit de rouler 5 Km avec le pneu arrière crevé sous la pluie ! On se donne Rendez-vous la ou on a loue les vélos, on arrive avant lui et on l'attend longtemps. Finalement je le retrouve a l'hôtel ou il attendait depuis longtemps après avoir fait tt le tour de la ville, n'ayant pas retrouve l'endroit des vélos. Et la Gloria continue a nous speeder pour qu'on aille prendre le bateau "comme prévu". On lui explique qu'on est trempe, qu'il continue a pleuvoir et qu'on a bien besoin de repos. On avait pas prévu de rester a l'hôtel, du coup il est plein et on est oblige de changer. Le Youth hostel est moins classe mais moins cher et la douche qu'on y prend est une bénédiction. On étend notre merdier. Bon, ça va mieux. Le soir, Gloria revient pour nous sortir et nous faire découvrir Yangshuo la nuit... elle veut nous faire danser dans un truc de djeuns'. On la suit (accompagne de sa copine de l'hôtel), mais la on commence a faire n'importe quoi, a ne pas les suivre, a se rebeller contre l'autorité du guide. Du coup c'est nous qui les promenons de partout, sur les berges de la rivière Li puis dans les rues fiévreuses de monde. La copine n'en peux plus et se casse. Sur la place principale, je commence a dire a Pierre que les voyageurs que j'avais rencontre a Hong Kong partaient ensuite our Yangshuo, et a ce moment ils apparaissent devant nous ! Délire. On discute vite fait mais ils sont morts de faim et on se quitte rapidement. On se pose finalement au Green Lotus Club, et on se retrouve a cote... des catalans de la veille ! C'est rigolo car la ville est vraiment blindée de monde. Apres 1 ou 2 bières on change pour le Blue Lotus (!) et on assiste a un karaoké-Live assez majestueux. L'ambiance est plutôt chaude, une chinoise vient me faire un bisou pour gagner un pari sous les acclamations du bar... tout est normal. Gloria baille de plus en plus, on lui dit d'aller se coucher, je crois qu'on la bien tuée. Mais on fait pas les malins non plus. On va se coucher vers 2h pour un réveil a... 4h30 ! Ben oui Gloria a repousse la remontée de la rivière en bateau le lendemain aux aurores, pour ne pas qu'on ai de problème avec la police... pas compris.

Le réveil n'est évidement pas très frais et nos affaires ne sont évidement pas sèches. Le hall de l'hôtel est vide et la porte d'entrée verrouillée. On sent le traquenard, on se dit qu'on ne va pas pouvoir sortir et on est comme 2 cons avec nos gros sacs et nos gueules atterrées du matin. Mais Gloria se pointe et fait résonner la sonnette jusqu'à réveiller la patronne. On sort en courant pour chopper un minibus devant nous emmener a notre point d'embarquement. Les paysages qui s'éveillent de la pénombre sont incroyables et nous tiennent éveilles le temps du trajet. A 5h30 environ, nous naviguons sur la rivière Li. La traversée est lente et paisible, baignée dans une fraiche atmosphère de début de journée, et le soleil apparait progressivement derrière les pains de sucre. C'est effectivement la meilleure heure et nous ne rencontrons quasiment aucune autre embarcation sinon quelques barques de pécheurs aux attelages de cormorans. On entend les oiseaux siffler le lever du jour et leurs chants bercent ces visions de nature sublimée de part et d'autre de la rivière sinueuse et apaisante. Si apaisante qu'il nous arrive de somnoler voire de dormir quelques instants, allonges sur le pont, mais les réveils en sont d'autant plus saisissants. Une petite pause pour nous faire alpaguer par la population locale qui essaye de nous refourguer (avec succès !) des cailloux de la rivière tailles, et c'est reparti. La balade dure finalement 3 bonnes heures et c'est sous un soleil déjà assez teigneux que nous reprenons un minibus pour le centre ville de Guilin. Sur place, notre premier objectif est d'organiser nos départs respectifs. Pierre travaille a HK le lendemain matin, et je voudrais pour ma part rejoindre Kunming (beaucoup plus a l'Ouest) car il existe une ligne de train Kunming-Hanoi. Gloria est complètement paumée dans Guilin et est obligée d'appeler un autre guide en renfort ! Guide 2 s'appelle "Mike", mais appelons le guide 2, ça sonne toujours plus local. Il est un peu plus âge et semble assez démerdard avec son petit calepin sature de numéros de téléphone. Il nous emmené dans une agence de voyage et Pierre finit par réserver un avion, car plus de place dans les trains. Je réserve pour ma part une couchette dans un bus qui va a Kunming en 20h, départ a 17h. Tout est règle, on a le temps de faire 2-3 trucs dans le coin ! Direction la flûte de roseaux, un peu plus au Nord, avec guide 2 qui nous suit "parce qu'on est fun". La grotte est gigantesque et éclairée de manière très rigolote, de toutes les couleurs. Les formes crées par la roche sont surprenantes, filandreuses et angoissantes... on se croirait dans un lieu entièrement sculpte par HR Giger ! Le seul hic réside dans le tour organise au mégaphone qui parvient maigre tout a briser l'emprise du lieu, surtout quand on ne comprend rien. Du coup on s'enfuit, et les quelques instants qu'on arriver a passer seuls entre 2 groupes nous permet de mesurer la force qui se dégage d'un tel lieu. Allez, on n'a pas été trop déçu, on décide donc de continuer a se fier a Gloaguen pour la suite. Un taxi nous emmené cette fois a l'Est de Guilin pour visiter le Mausolée des princes de Jingjiang (guide 2 n'est plus la). On se pose d'abord dans une gargote pour casser la croûte, et la c'est carrément... pas bon. Des espèces de morceaux gras et osseux de poulet trempant dans un liquide assez suspects. Allez, mangeons du riz gaiement. Par contre ils nous offrent des petits gâteaux a la courgette fourres d'herbes et de sucre, particulier mais pas mauvais du tout. Le prix annonce est exorbitant, on se casse en en payant la moitié, en moyen terme avec la tenancière. La fatigue commence a nous assaillir et on porte nos gros sacs vu qu'on n'a pas d'hôtel pour la nuit. Et la on paye pour voir un truc tout simplement minable : une maison chinoise avec quelques panneaux et un tertre tout ce qu'il y a de plus banal. C'est nul, c'est sûrement pour ça qu'on y est seul et que le lieu n'est desservi ni par des bus ni par des taxis ! Du coup on marche en plein cagnard jusqu'à rejoindre une route ou passent les bus municipaux. On a un petit moment de fatigue et de déprime, et on en perd presque un moment notre humour décapant, pourtant a toute épreuve. Gloria commence un peu a nous énerver car on ne la sent pas des plus débrouillardes et on perd patience quand elle ne nous comprend pas. Mais il ne faut pas craquer, elle a quand même fait énormément pour nous.

Arrivée à Guilin juste a temps pour mon bus. A la station, on m'apprend que celui-ci a eu un accident et est cassé, et que celui du lendemain est plein. Ne pas s'énerver, il doit y avoir une solution. Je vais à la gare : plus de place non plus dans les trains du jour et du lendemain ! La c'est la merde. Mais guide 2 réapparaît et se lance dans une discussion enlevée avec le mec des bus. Ils ont l'air de bien s'engueuler, mais au final guide 2 me tend un ticket (un bout de papier avec des inscriptions qu'il a écrit lui-même !) en me disant que je peux prendre un autre bus qui passe dans une heure, mais que je devrai attendre debout 5 heures avant qu'une couchette se libère pour moi. Je suis pas a ça prêt bien sur, donc tout devrait rouler. On file 300 Y a Gloria pour son aide pendant ces 2 jours. Elle a l'air de trouver que c'est beaucoup, refuse dans un premier temps. Elle doit aussi se faire pas mal de pourliches a droite a gauche, mais quand même passer 48h avec des lascars comme nous c'est pas de tout repos, ça mérite bien salaire ! Au revoir et remerciements a Pierre, on aura passe des super moments ensemble et je n'oublierai pas la façon dont il m'a accueilli ici, même si c'est un gros con. C'était SUPER, mec. Me voila livre à moi-même pour la première fois ! Pendant l'heure d'attente, je rencontre 2 suisses allemands (dont un juif, avec la kippa), une israélienne (hasard) et un coréen du sud. Le juif et la fille se mettent à parler en hébreu et je parle français et anglais avec les autres. Ça devient plutôt convivial. Le gars de la station nous fait finalement signe de le suivre et on marche 1 quart d'heure dans les rues, jusqu'à un point ou on est censé arrêter un bus qui va a Kunming pour monter dedans. C'est ce qu'on fait, sauf qu'il n'y a aucune place de libre dans les couchettes. Moi j'étais au courant mais manifestement pas les autres... ils prennent ça plutôt bien. En regardant vers l'avant du bus, je vois qu'une énorme engueulade a pris corps entre le chauffeur, un grand baraqué avec un chicot a la place d'une dent au faciès très peu avenant, et le gars des bus, plus gringalet et qui gesticule en reculant. Ce dernier me fait finalement signe de le rejoindre, avec un air contrit. Je viens voir de quoi il retourne, le chauffeur s'empare de moi, me crache dessus et me jette violement dehors. J'essaye de m'accrocher en insistant, en suppliant, en disant que j'ai paye ma place comme tout le monde, mais il me pousse a l'extérieur et démarre sans moi. La c'est vraiment la galère ! Le gars des bus m'explique par des gestes qu'il était a 2 doigts de se faire taper, que le bus était trop plein, qu'il n'avait pas le droit de me vendre ce billet. Coup de déprime, surtout que je sais qu'il n'y a plus de place pour le lendemain. Il appelle guide 2 qui nous rejoint, s'excuse, me rembourse le bus et m'aide a trouver un hôtel pas cher près de la station. Apres avoir passe plein de coups de fil, il me dit qu'il a un plan pour m'avoir une couchette dans le train du lendemain grâce a un ami qui travaille a la gare et qui connait un autre gars qui pourrait m'arranger. Bref c'est l'embrouille, mais je n'ai que ça auquel me raccrocher et je n'ai pas le choix. Il me donne Rendez-vous a 20h pour aller manger avec moi et me promener en ville. Il veut me pousser a aller me faire masser, avec possibilité de terminer la nuit avec la masseuse (grand sourire de sa part)... je lui dis ne pas être intéressé pour la nuit, mais un massage pourquoi pas après cette (très) longue journée. La chambre d'hôtel sent un peu les égouts mais la clim fonctionne ce qui n'est pas rien. A 20h, je poireaute un moment devant l'hôtel mais personne ne vient. Bon, il faudra que je le retrouve le lendemain si je veux profiter de son plan. Une nana de l'hôtel me montre un endroit ou on peut se connecter a Internet : une salle immense avec des centaines d'ordinateurs. Je lis mes mails et en envoie quelques uns. Je me sens très fatigue et seul, paradoxalement, au milieu de tous ces chinois pour qui ma présence ne semble pas passer inaperçue. C'est en plus le jour du déménagement de la maison et une soudaine nostalgie m'envahit, que je partage par mail interpose. J'ai vraiment l'air d'effrayer tout le monde avec ma dégaine d'occidental et mes yeux humectes de larmes. Mais l'émotion est importante pour faire le deuil des choses et je pense que j'en avais besoin.

Me revoilà a déambuler dans Guilin. Passée la grande rue principale et son agitation, avec pleins de magasins de fringues, de salons de massages et de coiffeurs ouverts, la ville devient charmante et le passage se fait rare. En passant dans une rue remplie de petits restas, un homme me fait signe de venir m'assoir en me montrant une chaise et... une bouteille de bière. Ouaouh, une bonne bière, ça c'est une idée géniale. Le gars s'appelle Tang, il gère le resto et parle très bien anglais. Il y a plein de bassines remplies de poissons sur le trottoir. Tang est le chinois le + sympa que j'ai rencontre jusqu'à présent. Des qu'une bière est finie, il en ouvre une autre et refuse que je paye. Quelques dizaines de minutes passent avant qu'un couple d'anglais en balade ne croise aussi le chemin du resto, et c'est reparti ! Ils se joignent aussi a nous (cette fois c'est moi qui les interpelle) et partagent bières, histoires et rires. Paul et Carly viennent de Birmingham et ont fait un grand tour de Chine. Ils disent que c'est la première fois qu'ils passent autant de temps a discuter avec un chinois et qu'ils sont si bien reçus... je dois avoir un peu de chance. En plus d'être agréable, Carly est ravissante, ce qui ne gâche rien. Et Paul est le genre d'anglais que j'aime bien. Il pourrait jouer sans problème dans un groupe pop-rock a succès et avoir des centaines de groupies, il aurait toujours cet air intouchable et dédaigneux, genre laissez-moi vivre ma vie. On discute longtemps, on siffle pas mal de bières, et on se quitte en se promettant de se retrouver le lendemain midi pour manger ensemble au resto de Tang ! Je ne me sens déjà plus seul et m'endors content pour une longue nuit reposante qui me remet sur les rails.

Je me rend au resto a midi (au lever du lit) et Tang me reçoit avec une poignée de main prolongée et un sourire des plus avenant. Il m'avoue avoir mal a la tête avec les bières de la veille mais il a l'air plutôt en forme. Je le trouve vraiment génial, cultive et drôle, et il m'explique plein de trucs sur son pays. Il me demande ce que je veux manger, je lui dis que je suis tente par un poisson, alors il me fait lever pour lui montrer celui que je veux dans les bassines ! Il me conseille une sorte d'anguille, son meilleur poisson (et le + cher). Ça me fait plaisir de faire un bon repas chez lui, j'accepte. Il me propose alors de me faire 2 assiettes différentes avec 2 moitiés d'anguille, une épicée et frite à l'huile d'olive, l'autre bouillie et mitonnée avec des petits légumes. Je ne peux pas refuser. Il s'empare alors du long poisson, le pose a terre et se met a le frapper de toutes ses forces avec une grosse latte en bois ! Il s'y prend a une dizaine de fois, en pleine rue, et le poisson frémit et se tord a chaque coup... c'est assez dingue, ça sera la première fois qu'on tue devant moi ce que j'aurai dans la bouche dans la foulée. Ses préparations sont bien sur délicieuses, et il m'explique pendant que je mange les différentes méthodes de cuisson et les différences entre un bon et un mauvais poisson. L'assiette épicée est délicieuse, elle m'arrache bien la gueule mais je me demande pourquoi on ne mange jamais de poisson épicé en France. Apres ce repas copieux, Tang débarrasse la table et annonce avec un large sourire : "Now it's Tea Time !". Il sort une tablette a thé en bois et commence la préparation avec une extrême minutie. Chaque objet en bois faisant partie du set joue un rôle très particulier. Il prépare un thé spécial, fort et amer, réservé a l'amitié. Le thé qui déborde coule dans le fond de la tablette, dans lequel baignent des petites pierres sculptées représentant sa famille, afin que tous ces moments d'amitié autour du thé les préservent et les nourrissent. Chaque geste compte. Les petites tasses sont dans un premier temps remplies puis versées dans le fond pour les purifier et rendre le thé meilleur. Puis c'est le service pour de vrai. Le thé se sent longuement avant d'être bu et savoure, afin que tous nos sens soient en alerte et que l'odeur se propage dans tout le corps pour préparer la venue du liquide. C'est un moment particulièrement exquis et le thé est sans aucun doute le meilleur que j'ai jamais bu, extrêmement fort mais avec une multitude de saveurs en bouche et une douce amertume. Sur ce arrive le couple d'anglais, sortis tardivement du lit. Ils commandent du poulet et Tang leur prépare 3 assiettes cuisinées différemment ! Il adore partager sa passion et veut nous faire découvrir toutes ses spécialités. Apres le repas, Tang ré-initie le cérémonial du thé avec la même magestria. Paul et Carly sont aussi enthousiastes que moi et on trinque tous les 4 au thé de l'amitié. Apres quoi Tang nous propose de nous accompagner en ville pour nous montrer les plus beaux endroits. Carly lui a dit au détour d'une conversation qu'elle adorait la peinture, nous voici donc rapidement dans une galerie d'art dont le peintre est un ancien prof de Tang. Les œuvres sont très belles et très bon marche, et on craque tous les 3 avec plaisir. Nous partons ensuite faire un tour pour admirer les pains de sucre en plein cœur de la ville. Ils sont assez nombreux et des parcs sont aménages autour de chacun d'eux, accueillant de nombreuses personnes faisant leur Tai-Shi ou leurs exercices en plein air. Je finis par prendre congé de Paul et Carly et retourne chercher mes bagages (que j'avais entreposes chez Tang) après cette journée réjouissante. Je retrouve guide 2 en le faisant appeler de la gare routière et il ne me fait pas faux bond. Il m'explique qu'il a du aider des étrangers a aller a l'hôpital, d'où son lapin de la veille. On entre dans un taxi direction la nouvelle gare au Nord de la ville. Là-bas guide 2 parlemente avec un gars un peu bourru qui semble acquiescer, mais je ne lui fait pas totalement confiance. Dans la salle d'attente de la gare, un jeune couple me salue en anglais, et guide 2 en profite pour en faire mes nouveaux mentors. Il leur explique l'histoire et se casse sans demander d'autre argent que le prix du train (normal, j'ai vérifie) et le prix du taxi pour rentrer en ville. "Rock" et "Sugar" (!) me disent que tout a l'air ok et acceptent de m'aider. Et effectivement tout roule, et ils arrivent a me dégoter une couchette a cote d'eux pour qu'on puisse discuter. Merci guide 2, t'as vraiment assure. Le train fait en réalité Shanghai-Kunming en 48h ! Les couchettes sont propres, c'est le top. Je suis a nouveau l'attraction principale du train mais je commence a m'habituer et joue le jeux en répondant aux "Hello !" et consorts. Rock est sympa, il me paye a bouffer et on discute jusqu'à tard. Je profite d'être avec un étudiant pour lui demander ce qu'il pense du gouvernement chinois. La propagande a l'air d'aller bon train car il me certifie qu'il n'y a plus aucun problème maintenant, que tout le monde peut dire ce qu'il pense du régime dans la rue ou sur Internet, que la liberté d'expression gagne du terrain. Je lui demande pourquoi il n'y a que des journaux et télés d'état, il pense que les choses sont justes un peu lentes a se mettre en place. Il me dit qu'en 10 ans l'ouverture de la Chine sur le monde a été considérable (ce que je conçois vu la modernisation du pays). Il a récemment découvert Star Wars et d'autres blockbusters américains qui ne sont pas accessibles depuis si longtemps, il a donc vraiment l'impression que la Chine est tournée vers l'extérieur. Je pense que le gouvernement a très bien compris comment donner cette impression de liberté tout en ne laissant filtrer que les informations qui l'arrangent. De plus en plus de chinois sont connectes a Internet haut-débit, mais presque tous les sites mettent largement en avant les jeux en ligne, les sonneries de téléphone a télécharger et les pubs. Tout est fait pour donner l'impression que tout est possible a présent, en aliénant suffisamment les gens avec cette nouvelle modernité pour qu'ils ne pensent même pas a gratter la surface. En vérité chaque personne critiquant le régime se retrouve en prison (si ce n'est pire) et de nombreux sites ferment a cause de la censure. Je demande aussi a Rock pourquoi les chinois n'élisent pas leurs dirigeants, il me répond qu'ils sont trop nombreux et que ça serait trop complique a mettre en place. Je lui demande s'il est au courant des exactions commises par l'armée chinoise au Tibet, il n'en a jamais entendu parle. Il a pourtant 21 ans, étudie a Shanghai et est loin d'être con. Apres des heures de discussions, il conclue par : "Bon, peut-être que ça prend du temps, mais on est sur la bonne voie". Positivons au lieu d'agir, c'est exactement ce que souhaite le gouvernement. Mais après tout nos informations aussi sont peut-être biaisées par tel ou tel lobbies, donc prudence aussi (c'est ça qu'il faut dire Patoche ?). On parle aussi musique et je lui fait écouter (et découvrir) Nirvana, System of A Down et Radiohead... il est surpris mais ça lui plait ! Il me confirme que le Rock n'occupe pas une grande place en Chine. Sinon dans le train l'ambiance est rigolote : tout le monde jeté des trucs et crache par terre et une équipe de nettoyage vient passer la serpillère toutes les 10 minutes ! Ils s'adaptent a leurs mœurs et ça crée des emplois : il doit y avoir pas loin de 50 personnes pour le seul nettoyage ! Avant de me coucher, une femme d'une cinquantaine d'année vient me demander de parler avec sa fille et son petit fils (5 ans), qui apprennent tous les 2 l'anglais (!). Elle est prof de chinois a l'université et son anglais est irréprochable, ce qui est peu courant. Elle me donne son numéro pour que je l'appelle en cas de pépin car son mari est flic ! Sympa. Avant de me coucher je jette un œil dehors : c'est la première fois que j'aperçois autant d'étoiles ici. La rame est maintenant baignée dans l'obscurité, le silence est de mise et on n'entend que le doux ronronnement du train et le doux ronflement du voisin. C'est dans ces temps de pause, dans ces heures passées a se laisser transporter d'un oint a un autre, a laisser vagabonder ses pensées en admirant les étoiles, que le voyage prend vraiment du sens et qu'on mesure la chance qu'on a de pouvoir vivre cela.