21 août 2012

La Possibilité d'une île... - part 2

Mardi 21 août

Pour ceux qui auraient raté la première possibilité, elle s'est entrevue à Madagascar, il y a très exactement un an. L'expérience était à renouveler. Quelques jours de pur farniente ne fait pas de mal quand la fin du voyage (et des vacances) pointe le bout de son pif. Pour nous, Phu Quoc n'avait guère d'autre objectif que de créer une bulle de détente, décélérer le rythme, dans un cadre taillé pour la glande. J'ai envie de dire, objectif atteint. Pour ceux qui resteraient sur leur faim je ne peux que les inviter à lire l'expérience de l'année passée, plus stimulante à bien des niveaux. Pour les autres, il reste quelques anecdotes à piocher dans le récit de ces quatre jours sur l'île du coq fou...


Jeudi 16 août

On est de retour au Vietnam. Dans l’extrême sud cette fois. Le van nous pose vers l’embarcadère de la ville de Ha Tien, en direction de l’île de Phu Quoc, où on a bien envie de se prélasser quelques jours avant d’entamer la dernière ligne droite du voyage et de remonter jusqu’à Ho Chi Minh Ville (Saigon), en passant par le Delta du Mékong.... la boucle sera bouclée.

Le bateau est plutôt spacieux. Des écrans plats diffusent une espèce de comédie musicale vietnamienne ultra chorégraphiée, aux costumes too much, et une ignoble reprise d’Isabelle Boulay en vietnamien. Je n'aurai jamais pensé regretter un jour l'original.  Le volume est lui aussi tout sauf raisonnable, il doit être au moins à 11 !


Arrivée à Phu Quoc après deux heures de navigation. On est lâché tout au bout d’un long embarcadère bien enfoncé dans la mer, bien étroit aussi, et sur lequel les scooters semblent largement prioritaires. Nouveau mini-van rempli d’occidentaux. Le chauffeur demande si on a déjà un hôtel pour pouvoir nous déposer au bon niveau de la plage de Long Beach, sur le littoral ouest. Mais il n'en a cure et nous emmène tous dans le sien, en nous ventant son emplacement incroyable et ses prix défiant toute concurrence. On a déjà réservé trois nuits au Paris-Beach Resort, et il finit par accepter de nous y déposer.


On est accueilli par une vietnamienne, la cinquantaine souriante, parlant un français impeccable. Elle est en fait mariée avec un français, la soixantaine, bonne gueule lui aussi. Ils tiennent le bazar ensemble. L’accueil est complété par les quatre chiens de la maisonnée, un bâtard, un noir de la race que les vietnamiens aiment bien manger, un cocker et... un bouledogue français ! Guère besoin de préciser qu'il a une sale trogne. On prend nos aises dans un bungalow spacieux et meublé avec goût, dont l’entrée ouvre sur la mer. Le Golf de Thaïlande nous tend les bras, plages de sable fin et de cocotiers.


A la nuit tombée, on loue un scooter (environ 2€ la loc. !) pour se rendre à Duong Dong, ville la plus importante de ce côté de l’île, un peu plus au nord. Un marché de nuit s’étend en direction du port. Les nombreux étals y sont remplis de poissons (on ne peut plus) frais et de fruits (tout juste sortis) de la mer, qu’il suffit de désigner pour être servi quelques minutes plus tard, à la façon souhaitée. On se tente des brochettes de crevettes grillées, des coquilles St-Jacques et un autre type de petit coquillage assaisonné dans une sauce cacahouètes. Bon, on n’est pas bien sûr de ce qu’on a mangé, le personnel ne baragouinant pas le moindre mot en anglais. Il s'est d'ailleurs probablement planté dans la commande, vu le monde en train d'attendre et le chaos organisationnel qui semble régir le lieu.



On rentre au Paris-Beach. C’est Alice qui conduit bien sûr, le personnel fait des gros yeux. Je dois vraiment passer pour une lopette.

On s'endort bercé par le roulement des vagues.


Vendredi 17 août

Petit déj, en terrasse, à quelques pas de l’eau. On discute avec les proprios qui nous racontent deux trois trucs sur Phu Quoc en vue des jours à venir. Ils nous préviennent de ne pas acheter de coquillage à perle au  marché, car ce sont des petites perles achetées en Chine qui sont insérées dedans. Comme si j’avais la moindre chance de tomber dans ce genre de piège ! pour rappel, la dernière fois que j’ai acheté des saphirs en Thaïlande en 2005 pour les revendre trois fois leur prix... c’était du verre.

La gérante nous raconte que son fils est une superstar à Saigon, chanteur et présentateur télé sur les chaines officielles ! Du coup, il n’arrête pas de se faire offrir des chiens par des fans (ça doit être dans leur culture), et les chiens se retrouvent... au Paris Beach, d'où la meute qui n'arrête pas de nous coller aux basques. Le cocker a un bon  trip : il est raciste envers les vietnamiens, et aboie à mort dès qu'il en flaire un passer ! Il est mal tombé. Et le bouledogue, je commence à m'y faire, ça devient un pote.

Un nuage gris arrive sur nous, les patrons nous conseillent d’attendre qu’il passe avant d’aller se balader. Il ne passera pas ! Des goutes commencent à tomber, de plus en plus grosses, le vent se lève, la mer fait des bonnes vagues…. c'est la tempête toute la journée. Une journée qui, du coup, est un échec.


On en profite donc pour faire quelque chose qu’on apprécie pas mal : RIEN. Glander dans le bungalow, écouter la pluie, le vent et les vagues se jeter violemment sur la plage.

On n’en sort que pour dîner à l’abri de la terrasse de l’hôtel, une bonne dorade de mer grillée (entière) au beurre et au citron. Et c'est déjà pas mal.


Samedi 18 août

Petit déj en compagnie de mon pote le bouledogue. La gérante nous explique que le mauvais temps est dû à un typhon de force 5 qui est descendu des côtes chinoises jusqu’à Hanoï, provoquant de graves dégâts à la capitale, des arbres arrachés en centre ville et même trois morts. Nous voilà rassurés. Mais elle nous dit que Phu Quoc est globalement épargné par ces phénomènes et que ça ne va pas durer. Effectivement, la météo semble s'améliorer quelque peu… on tente une sortie à pieds !

Tout le long de la route, on découvre des stations essence qui rivalisent de taille et de style.



On continue la balade les pieds dans l’eau et le sable, avec les cocotiers penchés, les bars de plage et les séries de bungalows plus ou moins luxueux qui inondent le littoral. Grand bain d’air marin, sous un temps mitigé mais peu pluvieux.




Arrivée en ville, traversée du port et du marché local. On est presque les seuls à pieds, les vietnamiens descendent à peine de leur scooters pour acheter ce qu’ils sont venus chercher au gré des étals. Ils parcourent les allées en klaxonnant et en faisant pétarader leurs moteur. Pas cool, trop de bruit. On se réfugie dans un coin reculé de la ville, où on est, pour le coup, un peu perdu.







Le soleil a refait son apparition et commence à cogner. Je cherche à changer de l’argent, le gars me gueule "Monday !" et me fait un signe, genre dégage. On se retrouve en pleine sortie d’école, au milieu des élèves rentrant chez eux en vélo et arborant tous la même tenue, pantalon sombre, chemise blanche et petit foulard rouge.


On ne croise pas beaucoup de touristes, la haute saison est plutôt entre décembre et janvier ici (avec des prix trois fois plus élevés). Par contre on tombe régulièrement sur des chinois ou des japonais avec des caméras énormes et des perches pour prendre le son, pour avoir... des souvenirs de vacances ! Certains élaborent même des scénarios et réfléchissent à des séquences vidéos pour pouvoir chapitrer le film : "achat d'un chapeau au marché" sera donc suivi de "prière avec bâton d’encens dans le temple", etc. Ils sont bien taré. Quoi que je fais bien un blog qui me prend des heures à écrire pour mettre en scène mes propres vacances… je devrais aller consulter moi aussi.

Retour en taxi au Paris Beach. Le soleil est toujours de la partie, on profite de la fin d’après-midi pour se baigner. La mer est presque tiède et fait encore de grosses vagues. Une femme un peu âgée me propose un massage complet. Ok. Elle en vient aussi à m’épiler le dos au fil (ça fait  trop mal), et puis les jambes d’Alice pendant qu'elle y est.




On est paisible ici, à se reposer en se laissant bercer par le tumultueux vrombissement des vagues.


La nuit tombe rapidement. Pour le dîner, la question n'est pas de savoir si on va manger du poisson, mais plutôt comment on va le déguster. Ce soir, c'est curry.


Dimanche 19 août

Encore un réveil tranquille et un bon petit déjeuner face à la mer. Les scooters de l'hôtel ont tous été loué, on se replit sur de bonnes vieilles bicyclettes (sans vitesse) pour découvrir un bout d’île. On hésite entre la fabrique de Nuoc Mam (sauce obtenu par la macération de poisson, Alice ne supporte pas), le parc naturel (devenu une zone militaire infranchissable), et une cascade qui fait couler beaucoup d'eau (oui je sais, c'est nul). Ça sera la cascade.

Elle est à environ 6 km vers l'est, on emprunte un petit sentier de terre rouge bien cabossé, avant de rattraper une fine route goudronnée envahie par de gros camions. Depuis l’entrée, encore 2 km à parcourir à pied dans la forêt, le long de la rivière, avant d’arriver à la fameuse chute d’eau. Autant le dire tout de suite : c’est véritablement incroyable. Deux pauvres jets sortent d’un rocher, et des vietnamiens s’amoncellent autour, qui pour se laver les cheveux sous le jet, qui pour se baigner tout habillé, qui pour se bourrer la gueule avec ses potes. On comprend qu’on est dimanche, et que "le dimanche à Phu Quoc, c’est biture à la cascade". Sur le chemin du retour, on croise encore des tas de bandes de potes, packs de bière sous le bras. Des détritus jonchent le sol de partout, les habitants jettent absolument tout par terre.




Retour en vélo, ça n’a servi à rien, mais on a fait une bonne promenade, qui se ponctue naturellement par une baignade rafraichissante au retour. Le truc sous le bras d’Alice va nettement mieux, ça part en croûte et en peaux mortes, ça ne lui fait plus mal, on est sur la bonne voie. Par précaution, elle ne trempe quand même que ses pieds.



Le soir, je me laisse tenter par une marmite de poisson-chat au caramel (comme dirait Sylvain, ça tape), pendant qu'Alice se régale de nouilles à la seiche et aux crevettes. L'île n'a pas eu de mal à nous insuffler son rythme au ralenti, et paradoxalement, ces quatre jours sont passés si vite qu'on prend juste conscience que le départ, c'est déjà demain. On n'aura pas foutu grand-chose, mais ça nous aura fait du bien.



Lundi 20 août

Lever aux aurores pour le grand départ de l’île.  Un mini-van nous fait rejoindre le « Superdong III », le bateau qui va nous transborder sur le continent, dans la ville de Rach Gia. Le Dong étant la monnaie vietnamienne, c’est un peu comme si leur bateau s’appelait « superdollar ». Classe.

Pendant la traversée, on a de nouveau le droit à une farandole de clips vietnamiens de toute beauté. Toujours la même rengaine, des demandes en mariages avec à la fin l’un des deux qui meurt, écrasé par une voiture au ralenti, suicidée car ce n’était pas un mariage d’amour, ou suite à une grave maladie fulgurante. S’ensuit un excellent Jackie Chan. On est gâté.


Nos pieds finissent par fouler la terre ferme. Il ne nous reste plus qu’à trouver le bus en direction de Can Tho, au cœur du Delta du Mékong.

Suite et fin au prochain épisode...

19 août 2012

Angkor : What ?

Dimanche 19 août

Oui je sais, avec des titres aussi bons, je pourrai bosser dans la presse ! Mais c'est vrai aussi qu'avant de s'immerger "in vivo" dans l'ancien empire d'Angkor, on ne savait pas véritablement à quoi s'attendre. Les précieux vestiges de pierre de la grandiose civilisation khmère sont impressionnants à plusieurs niveaux : par leur conservation d'abord (même si le tourisme débridé semble mettre en péril le site à moyen terme), mais surtout par leur nombre et la superficie du site dans son ensemble. Mais n'allons pas trop vite, et repartons là où nous nous étions arrêté : dans l'avion au décollage de Paksé, au Laos.


Dimanche 12 août

Le vol Paksé-Siem Reap ne dure qu’une petite heure. Mon esprit est encore au Laos, et je ne peux m’empêcher de repenser au reportage qui m’avait tant retourné lorsque je l’avais découvert, au retour de mon premier voyage. « Guerre secrète au Laos » dénonce la persécution (voire l’extermination) du peuple hmongs par les autorités laotiennes et vietnamiennes dans les forêts recluses du nord Laos. Leur seul tort étant d’avoir aidé les français jusqu’en 1954, et les américains jusqu’en 1975. On peut les considérer comme les harkis d’Asie du sud est. Leurs descendants, de moins en moins nombreux, continuent à se terrer comme des bêtes dans la jungle, à vivre dans la peur et à crever de famine, de malnutrition ou de maladies, s’ils ne sont pas abattus lors d’embuscades armées. Aux dernières nouvelles, la situation n’a pas évolué depuis 2005 (source wiki). Quand on sort d’un pays qui nous a séduit autant, il est toujours utile de sa rappeler aussi le dessous des cartes, beaucoup moins réjouissant.


Atterrissage. L’aéroport de Siem Reap est pas bien grand mais super coquet. Aucun problème pour l’obtention du visa, rapide. Ici non plus, ils ne nous emmerdent pas pour l’absence de photo d’identité : faut juste payer 1$ de plus ! Passage de douane détendue, les autorités plaisantent avec nous et nous apprennent quelques mots cambodgiens en rigolant de notre prononciation. Tout est clean et bien entretenu, de grandes baies vitrées donnent sur des petits cours d’eau et des jardins. A la sortie, personne ne nous agresse, aucun taxi ne nous attrape, un agent nous demande poliment comment nous souhaitons rejoindre la ville. On monte dans un taxi « officiel », dans un calme inédit.

Bon, le taxi insiste vite pour nous emmener à un hôtel de pote, et nous propose ses services pour visiter les temples… ok, c’est déjà plus normal. On lui demande de nous déposer au centre ville, et on met un moment à trouver un hôtel pas trop cher en centre ville dans une ambiance familiale à la cool. On finit au Riverside (!), qui répond en tout point à nos attentes, à peine excentré le long d’un canal et tenu par une famille souriante et aux petits soins. On enlève nos chaussures avant de rentrer dans l’hôtel, comme à peu prêt partout en Asie du Sud Est. Dans le hall, un "book exchange" propose l'intégrale du Trône de Fer, et un écriteau nous prévient direct : ici, on vient sans flingue, sans grenade et sans drogue. Nous voilà prévenus.



Petit tour à la découverte de Siem Reap. On sent que le tourisme est passé par là : ruelles chics, boutiques bobo, restos occidentaux et pubs huppés, qui côtoient des marchés locaux... surtout de l'artisanat en direction des touristes. La ville reste à taille humaine et aérée, avec nombreux cours d'eau, plutôt verte. Les Tuk-Tuk sont tous tunés à mort, avec des logos Batman, Superman, Honda ou Rolls Royce.



Autre curiosité : tout se paye en dollars ! La monnaie cambodgienne est le Riel, mais les prix sont systématiquement donnés en dollar. Pas seulement les hôtels, vraiment tous les prix, partout. La population locale semble n’utiliser elle aussi presque que des dollars, et les commerçants font des grands yeux quand on leur demande de convertir en Riels. Et bien sûr, lorsqu’on paye en Riel, on nous rend la monnaie… en dollar. Je ne suis pas un as en économie, mais je crois que c’est pas top pour leur monnaie.

On se pose au Grand Café, commande deux Mojitos, attiré par un tableau annonçant l'Happy Hour de 10h à 22h ! Le premier arrive 10 minutes plus tard. Le deuxième 10 minutes encore après. On sait donc à quoi s’en tenir, les cambodgiens servent "à la laotienne", il y a des choses qui ne changent pas ! Par contre on les trouve globalement plus vifs, moins à la rue, et surtout un peu foufou et fun. Ils font toujours des blagues et surtout... ils comprennent les miennes ! Ça, c’est suffisamment rare pour être souligné. Quand je fais mine de partir en courant avec un truc qu'ils essayent de me vendre, ils sont morts de rire, ou me disent que de toute façon ils ne comptaient pas me le faire payer... avant d'éclater de rire à nouveau. En gros ils maîtrisent l'ironie et aiment ça, je sens que je vais m'éclater.


Resto dans une étroite ruelle huppée. On est un peu rue St-jean. On en profite pour manger des pâtes carbo et une pizza quatre fromages, quitte à être chez nous. Les pâtes arrivent au bout de 20 minutes. La pizza… 20 minutes plus tard !

Le soir à l'hôtel, on commence à s’inquiéter pour l’aisselle droite d’Alice. Depuis deux jours, une légère plaque rouge ne cesse de grandir, avec une sorte de foyer blanc. On a d’abord pensé à une piqure d’insecte, mais là ça prend une tournure pas très appétissante. Elle montre le truc à la maman de l’hôtel (je dirai bien la "tenante", mais elle a vraiment une attitude et un regard de maman), qui lui répond en anglais qu’il ne faut pas s’inquiéter du tout. "Une petite piqure de puce, aucun problème, d’ici demain soir tout aura disparu !". C’est con, mais ça nous rassure.

Le soir, je cherche désespérément la finale du hand à la télé. Un peu comme le tennis, qui est le parent pauvre des sports de raquette en Asie, le hand ne semble pas passionner les foules. Je me replis sur le Basket et la belle finale Espagne-USA en ce dernier soir de JO.


Lundi 13 août

Au réveil, le machin sous le bras d'Alice est en train de faire des petits : une bulle blanchâtre et translucide a gonflé au centre de la longue plaque rouge, genre œuf au plat. On montre à nouveau à la maman, et cette fois la réaction est bien différente : "Allez tout de suite à la clinique, montrez ça à un médecin avant d'aller voir les temples, ne perdez pas de temps !". C'est con, mais ça fait flipper.


On avait réservé un Tuk-tuk pour la journée, il nous emmène donc à la clinique conseillée par la mama. Un petit bâtiment au rez-de-chaussée duquel quelques personnes patientent sur des chaises en plastique, en regardant… un film de zombie ! Incroyable. Vu sa tête de touriste, Alice passe en priorité (j’ai l’impression) auprès d’un médecin anglophone. Il tire une salle grimace en reluquant sous son bras. Puis son verdict tombe : c'est un zona. Issu du même virus que la varicelle, ça brûle la peau, fait des cloques, suinte… c’est loin d’être agréable, et ça peut durer un certain temps. Pas cool. Les 5 minutes de consultation nous coûtent quand même 35$. Alice achète à la pharmacie de la clinique une crème antivirale et un anti-inflammatoire (qui s’avèrera être de l’ibuprofène). Je saurai au moins un truc, si j'ai envie qu'Alice aille chez le médecin, je n'ai qu'à l'amener au Cambodge !


Nous voilà finalement parti en Tuk tuk pour visiter les fameux temples d’Angkor, soit le Matchu Pitchu d’Asie du sud est. La billetterie est à 5km de la ville, et on se rend vite compte de l’affluence que suscite le bordel : des bus partout, tuk-tuk, motos, vélos et des files d'attente par dizaines.

Ça y est, on rentre dans l’enceinte. Les temples sont disséminés sur une superficie immense, même si un certain nombre d’entre eux sont plutôt proches d’Angkor Wat, l’un des derniers construits mais le plus imposant et le plus connu de tous.

Bon, ça nécessite bien un petit ancrage historique. Tous les temples ont été bâtis entre l’an 800 et l’an 1200 environ, sous l’ordre des rois Khmers, érigés au rang de Dieu (un peu comme les pharaons). A son apogée, l’empire d’Angkor comptait un million d’habitants, pour cinquante mille à Londres au même moment. Cette civilisation semble impressionner par son réseau hydraulique de fou (bassins, canaux et rizières), qui a permis de nourrir tout ce beau monde, et d’accumuler assez de richesses pour financer l’édification de tous les temples (vraiment grands et nombreux). Ils sont tout ce qu’il reste à voir de l’empire khmer, qui formait selon toute vraisemblance une sorte d’échiquier liquide constellé de temples, mais aussi de palais de bois, de huttes de bambous, de marchés, de pirogues, d’animaux et d’hommes, comme le montrent les innombrables gravures pleines de vie sur les bas-reliefs des temples, illustrant la vie de l’époque.


Ça c’est sur la théorie (vite fait), passons à la pratique. On décide de laisser Angkor Wat de côté pour l’instant pour ne s’y rendre qu’en fin de journée, en espérant une affluence moindre, et on se dirige d’abord vers Angkor Thom, sorte de ville fortifiée de 10 km², contenant de nombreux temples et autres Prasats (tours Khmers). Franchir l’une des imposantes portes de la ville fait déjà son effet, avec leurs grands visages gravés dans la pierre. Et notre ami chauffeur nous pose devant le temple Bayon. Au bout de quelques pas, c’est déjà la claque. Le temple possède pas moins de 54 tours, chacune gravée de 4 visages (ce bon vieil Avalokiteshvara), regardant dans les quatre directions. Où que l’on se trouve, des dizaines de regards semblent nous fixer. Et dans chaque recoins, intérieurs et extérieurs, des bas-reliefs ultra fins et bien conservés nous montrent des milliers de personnages, animaux et autres enluminures. On est impressionné par la finesse, les détails et l’état de conservation du bordel. Je m’attendais à des ruines chargées d’histoire, mais c’est finalement beaucoup plus que ça.





De loin, le temple donne une impression de ruine, avec quelques vagues visages gravés dans la pierre. Plus on approche, plus les détails apparaissent, jusqu’à nous submerger et nous bluffer complètement en arrivant à portée. Et ce n'est que le premier temple, beaucoup d'autres suivent.

Chacun d’eux est différent, bien sûr, pas construit à la même époque, plus ou moins pyramidal et haut, avec des formes de tours différentes, des conceptions architecturales distinctes, des gravures plus ou moins bien conservées ou restaurées. Mais la claque est bien là à chaque fois.











L’érosion donne un côté sombre, parfois même un peu dégoulinant à la pierre, on se croirait à la croisée des mondes de Giger et Lovecraft. L’influence des pyramides égyptiennes est bien présente aussi, jusqu’aux animaux de pierre qui surveillent les temples, comme des sphinx.




L’un des temples les plus hallucinants reste Ta Prohm : ses murs et ses tours croulants ne semblent plus tenir que par l’entrelacs des racines d’arbres, qui ont poussé dans et au travers la pierre. La nature a repris ses droits sur les constructions humaines, mais de manière harmonieuse et dingue. Des libellules nous tournent autour par dizaines. On a un peu l’impression d’être dans Lara Croft. J’apprends en écrivant ces lignes que le film Tomb Raider a été tourné dans ce temple. Ok, on est donc vraiment dans Lara Croft.







Le plaisir de la découverte de ce monde oublié est quelque peu gâché par la marée humaine qui se déverse sans discontinuer d’un temple à l’autre et des files de groupes touristiques voulant toujours prendre la même photo au même endroit. Mais il est décuplé par Chomeurun (ou quelque chose comme ça), notre Tuk tuk driver, pure gueule, souriant, blaguant et tentant de nous expliquer deux trois trucs. Pas bien convaincant, il n’est pas guide. Mais il est top. Il nous dépose tous les 2 ou 3 km vers un nouveau temple, qu’on met entre 30 minutes et une heure à visiter en général. Entre temps, il dort dans un hamac qu’il installe dans le tuk tuk et qu’il défait à la hâte dès qu’il nous voit revenir. Il fait plutôt très beau, voir pas mal trop chaud, et les petits trajets au vent sont délectables.




Petite pause bouffe dans un resto du site en milieu de journée, on en profite pour goûter une salade de papaye bien assaisonnée et la bière locale, la Angkor beer. Disons qu'ils sont meilleurs en temple.

C’est vers 15h que notre ami nous pose devant Angkor Wat, qui semble construit sur un îlot vu la largeur de la douve qui l’entoure. Il y a encore beaucoup de monde… mais moins. On passe un premier mur d’enceintes aux grandes tours sculptées avant de traverser une immense cours intérieure qui nous emmène jusqu’au cœur du temple le plus monumental du patelin. Et en vérité le plus grand édifice religieux au monde ! Tout y est plus grand, plus haut. Les fameuses tours semblent presque d’origine naturelle, avec leur forme proche de l’épi de blé et de la fleur de lotus. Et les bas-reliefs qui ceinturent le tout sont dans un état de conservation improbables, représentant danseuses, armées, dragons, chevaux, oiseaux, fleurs... la finesse des gravures me fait un peu penser aux enluminures des palais musulmans andalous. Le tout est suffisamment aéré pour donner une impression d’harmonie et de calme, suffisamment imposant pour inspirer crainte et humilité. J’apprends en écrivant ces lignes qu’Angor Wat a été bâti en même temps que Notre Dame de Paris. Et ben moi je dis qu'on se prend une pile.






Vers 16h30, notre ami au nom imprononçable nous emmène en bas d’une colline, qu’il faut gravir pour accéder à un temple idéalement placé pour assister au coucher du soleil sur le site. Mais comme tout bon plan, il est ultra connu. Résultat, on se retrouve plusieurs centaines à attendre comme des cons là haut. Le soleil décline progressivement et tout le monde est à l’affut de LA photo souvenir. Des chinois hurlent au lieu de parler… s’ils ne lâchent pas de gros rôts et de gros pets dans l’indifférence des leurs. Un autre est en train de regarder un film de baston à fond sur sa tablette, sans écouteur. Ils nous ont déjà fait chier toute la journée en groupe, là ils nous poussent un peu à bout.




La lumière devient chaude et belle, et le soleil joue avec les nuages. Et ok, c’est joli. Mais on est HS, surtout Alice qui a bien transpiré et qui a de plus en plus mal sous le bras.

Sur le chemin du retour, on croise de nombreux terrains de Volley, avec plein de gens en train de jouer. Ok, ici, le sport en vogue, c'est donc le Volley !

De retour en ville, après une bonne douche, on se dégotte un resto sur un toit, au calme, loin de l’agitation des rues. La serveuse est rigolote, on veut l’inviter à boire un coup mais elle refuse car elle "parle beaucoup trop quand  elle est saoul" ! Elle nous dit que non, le tourisme n’a pas augmenté tant que ça en 10-20 ans, puis nous raconte que le nombre d’hôtel est passé de 100/200 à 1000/2000 en moins de 6 ans ! Va comprendre. Elle nous explique que la monnaie utilisée est le dollar car tous les commerces sont tenus par des étrangers ici. On se régale au passage de pâtes et de lasagnes en sirotant une Margarita. Et ouais.



Mardi 14 août

Le matin, le truc sous le bras d’Alice a encore évolué. Ça fait des cloques un peu partout, blanches et suintantes. J’ai des photos à différents stades, mais je ne les divulguerai pour rien au monde (envoyez quand même un mail, ça peut s'arranger... elle ne sera rien, elle ne lit pas le blog).

Notre pote vient nous prendre à l’hôtel vers 8h30 pour une deuxième journée au pays des Khmers. On croise un nombre fou d’employés un peu partout sur le site, ultra bien entretenu. C’est vraiment la manne de la ville, ça fait bosser un paquet de monde.

Le Tuk Tuk nous emmène d’abord à Banteay Srei, à 35 Km de Siem Reap, plus au nord. On parcourt la campagne en tuk tuk, c’est agréable. On passe au milieu de villages, notamment un qui fabrique du sucre à partie de palmiers.







Banteay Srei a la particularité d’être érigé à base de pierre beaucoup plus rouge que les autres temples visités la veille, et entouré de campagne et de rizières. Une expo bien branlée récapitule l’histoire khmère, l’évolution des styles et retrace la découverte des premiers temples par les français colonisateurs.

On retourne dans l’enceinte principale des sites, et on s’atèle à la grande boucle cette fois. Encore 4 ou 5 temples, chacun avec sa spécificité, sa couleur, sa vue d’en haut, son style dans l’architecture et les sculptures. C’est toujours fort, mais on est quand même nettement moins saisis que la veille, et certains paraissent même un peu rébarbatifs à force.








Régulièrement, des petits ensembles de musiciens nous jouent des airs à la sortie des temples. Et décidément, la musique asiatique traditionnelle, je ne peux pas : sonorités insupportables, mélodies qui filent des boutons. Je vis ça comme une agression. Et dans tous les recoins, des échoppes de souvenirs, tableaux, bracelets…


Je suis quand même bien réveillé dans mon enthousiasme par le dernier temple de la journée, Preah Khan, de dimension gigantesque, aux interminables couloirs en ruines, avec ça et là des prises de pouvoir des arbres sur la pierre, et certaines colonnades aux effluves d’empire romain.








On termine la journée plus tôt que la veille, mais complètement fané. Un dernier regard vers Bayon. Alice en chie un peu. Les cambodgiens continuent à envahir les cours de Volley, en pleine forme.


Fin de journée assez paresseuse, qui se solde par un dîner sur le toit avec notre copine de la veille. A la table d’à côté, cinq femmes chinoises sont arrivées en faisant un boucan d'enfer. Trois d’entre elles n’ouvriront pas la bouche pendant tout le repas. L’une d’entre elle ne fera que parler (fort). Et la dernière ne fera que dormir, du début à la fin. Avant de se réveiller et de lâcher un gros rot, provoquant... l’indifférence de ses compagnes.


Mercredi 15 août


On a décidé de faire l’impasse sur une troisième journée de temple, on a eu notre dose, même si elle était délectable.

Une jeune fille de l’hôtel à l’accueil nous explique qu’elle est en panique car elle perd des cheveux à chaque fois qu’elle se les brosse. Les cambodgiens sont beaucoup plus loquaces que les laotiens, c’est la première fois qu’une fille nous raconte sa vie sans qu’on lui demande rien.

La mama de l’hôtel est encore aux petits soins avec Alice, elle regarde son zona (qui n’est vraiment pas beau) et dit que c’est génial, que ça prend très bonne tournure. Elle est gentille.

On profite donc de la journée pour se reposer et se balader en ville, flâner dans le vieux marché, faire des emplettes, manger une brochette de poulet grillé mariné dans des herbes locales et enfiché sur des tiges de canne, écrire, bouquiner.




On rentre à l’hôtel faire nos au revoir à la petite famille avant de prendre un bus de nuit à couchettes, direction le Vietnam. Les couchettes sont confortables mais quelques passagers cheulous, comme le gars à côté qui boit bouteille sur bouteille.


Par contre les chauffeurs passent toute la nuit à se parler super fort, comme en plein jour, alors que tout le bus est plongé dans le noir et que tout le monde essaye de dormir. Et on est placé juste au dessus de la cabine de conduite. Arrêt à Phnom Penh vers 2h du matin. Que des gens bizarres (bourrés) qui nous reluquent étrangement.


Jeudi 16 août

Arrivée vers 6h30 à Sihanouk Ville, sur la côte sud ouest du Cambodge. Petite gare routière. Une heure et demi plus tard, un mini-van vient nous chercher. 12 places, on est 16 : ça va rentrer. Avec ingénieux jeu de tetris et en se serrant, effectivement, ça finit par rentrer.




Route jusqu’à la frontière vietnamienne à Ha Tien. Des étudiants en médecine parlent de raclette pendant tout le trajet. D'expérience, je peux confirmer que les français voyageant à l'étranger depuis plus de trois semaines sont systématiquement atteint de ce qu'on pourrait nommer "le syndrome de la raclette". L’accompagnateur est drôle, bourré de la veille, il fait des pauses pour vomir. Toujours le smile et la pêche malgré tout. Le trésor caché du Cambodge, c’est peut-être bien les cambodgiens finalement !



La frontière entre Cambodge et Vietnam est un no man’s land avec casino érigé au milieu de rien. La douane cambodgienne est ultra détendue, je prends des photos des gars en uniforme, peinard.




Côté Vietnam, ça commence à nous prendre 1$ car on n’a pas de carte de santé prouvant qu’on n’a pas de maladie contagieuse. Je sors l’appareil photo pour prendre notre « passeur », le douanier se met à hurler. Je range vite l’appareil, je veut pas finir en prison. Good Morning Vietnam, on est de retour.