21 juillet 2006

Portes russes et autres histoires droles

Moscou - Jeudi 21 Juillet 2006 - 20h30

Vous l'avez compris, chers lecteurs, je n'irai donc pas par 4 chemins : la porte ne s'ouvrit pas.

Pendant le trajet retour on plaisante beaucoup avec Leo, on se sent bien. On decide d'acheter quelques denrees a un vendeur de fruits et legumes dans la rue : pour 3 tomates, 1 gros melon et une barquette de framboises, le type nous demande (calculette a l'appuie) 2500 roubles, soit 75 euros !! Il doit vraiment nous prendre pour des touristes. Mais malins comme des renards, on ne prend que les 3 tomates a... 300 roubles (9 euros)... bon d'accord, on s'est fait complement niquer, mettons ca sur la difficulte de conversion (a moins que ce soit la peur ?). On est presque arrive lorsque Leo emet quelques doutes quant a l'ouverture facile de la fameuse porte, mais je suis categorique, formel, sur de moi : elle s'ouvrira, c'est evident. Youra connait bien mieux cette porte que nous. L'angoisse monte d'un cran juste avant la sentence. La premiere se deverouille sans probleme avec les 2 cles en notre possession... la deuxieme reste close. On a beau la pousser, la tirer, forcer un peu a droite a gauche, lui parler... rien n'y fait. Le pire, c'est que ca me fait rire un peu, je ne peux pas m'en empecher. On redescend. Des jeunes discutent et j'insiste pour qu'on leur demande de nous preter leur portable. Leo en a un peu marre de mes certitudes et de mes conneries (comment peut-on lui jeter la pierre ?), on passera donc par des voies un peu plus "safe". On appelle Sophie et Valentin avec notre portable et on leur explique tout le cocace de la situation. Il est deja minuit. Apres quelques echanges vocaux, on apprend que Youra et Max sont en route vers l'appartement pour nous venir en aide. Nous venir en aide, pour eux, c'est apporter non pas une cle qui marche, mais un gros couteau, un tournevis et quelques autres outils flippants. Ils n'arrivent pas non plus a faire bouger la porte d'un pouce et nous proposent de les suivre chez eux pour passer la nuit ! Youra a 3 ans de plus que Max, meme degaine goth-cheveux longs-mitaines en cuir-habit noirs, avec une tendance Albator caracterisee par un tissu noir a la tete, et moins timide en apparence. Pour cause, il parle un peu francais et un peu anglais, ce qui nous permet d'echanger assez facilement. Mais peu, le bavardage inutile ne semblant pas etre la raison d'etre de nos 2 sauveurs moscovites. Du coup on ne sait pas si on les fait royalement chier ou s'ils sont toujours comme ca. Et comme on rigole de notre aventure, il est difficile de savoir si c'est a leur gout, eux qui se sont deplaces pour nous aider... En tout cas on les suit en silence en serpentant dans un dedale d'immeubles entoures d'arbres et on arrive chez eux. Max change les draps de son lit pour nous et on decide d'appeler les grands-parents le lendemain pour essayer de regler l'affaire, en esperant ne pas avoir a defoncer la porte ! Sur ce je rentre dans la chambre et marche sur un rideau, glisse et en decroche une partie ! Leo a vraiment l'impression que je suis Pierre Richard et lui Depardieu dans La Chevre... fou-rire. Dodo bien merite ?

Le lendemain, on se reveille assez tot et on attend dans l'angoisse le coup de fil de Valentin a ses fils. Le telephone finit par sonner, les grands-parents semblent injoignables. mais du coup tout le monde est leve et on se fait un super petit-dej avec de delicieuses petites crepes preparees par Max, genre blinies mais crepes quand meme, avec de la bonne confiture et tout. On parle et ca se detend un peu, ils sont reserves mais sympas a leur maniere, et ils nous accueillent vraiment bien. Ils arrivent a joindre leur grand-pere qui leur dit qu'il va essayer de revenir a l'appartement et de "trouver une solution" pour la porte. A priori cette 2eme porte n'etait tout simplement pas faite pour etre fermee, et personne n'est sur d'avoir la cle ! On decide de sortir en ville pour essayer d'acheter nos billets de Transsiberien, autre trucs qui semble vachement galere sur le papier et qui urge un peu car on ne sait pas du tout s'il reste des places, quand, en quelle classe, combien ca coute, etc... Le Lonely nous conseille une agence ou ca parle anglais, on s'y rend en metro. A Infinity Travel, on nous dit qu'il n'y a plus de place ou qu'ils n'en vendent pas ou autre. On insiste pour avoir une bribe d'info et une nana nous tend un papier avec l'adresse d'une autre agence... bon, on a pas vraiment le choix, on decide de continuer le jeu de piste, sans aucune certitude ! A cette nouvelle adresse (qu'on galere un peu a trouver), le climat est calme et detendu, pas grand mond et du temps pour se faire comprendre par une poignee d'employees souriantes et jonglant avec quelques mots d'anglais : le top. A priori il resterait des places pour Irkoutsk en seconde classe tous les jours (a 7500 roubles) et des places en "Platskartny"(3eme classe, a 2700 roubles) a partir du Dimanche 23 (aujourd'hui). On va manger dans une petite gargotte adjacente pour en discuter, et c'est la qu'on recoit un texto de Sophie : "C'est bon, vous pouvez acceder a vos slips." Yes, tout semble se remettre en ordre ! On remonte frenetiquement vers l'agence et on dit oui a toutes les questions. C'est grandis et avec 2 billets Moscou-Irkoutsk au depart le 23 Aout en poche que nous sortons de l'agence. Debarasse de toute incertitude, on sent que cette fois, la ville est a nous.

Le soir, on va a un concert que nous avait conseille Val avant notre depart dans le quartier dynamique de "Kitai Gorod". Enfin on essaye d'y aller, rien ne dit qu'on se retrouve au bon endroit. En tout cas un russe sympa nous accompagne (apres avoir parle foot et rigole sur Zidane) jusqu'a des escaliers qui menent en sous-sol a un lieu tres mal signale. Une lumiere tamisee irradie les lieux, 3 pieces en enfilade : une pour manger, une pour boire et une pour boire ET regarder un spectacle, avec quelques tables et de nombreuses chaises orphelines. Dans la deuxieme piece (celle du bar), une mini-piscine gonflable jouxte une tablee de filles avec des bateaux en papier sur la tete : enterrement de vie de jeune fille ? trip catherinette ? On s'installe dans la troisieme piece. La moyenne d'age est plutot jeune mais il y a de tout. Les serveuses, blondes au regards russes qui clouent sur place d'intensite et de beaute, ont la particularite de sourire. Le voyage semble etre passe de l'ombre a la lumiere ! Une bonne biere russe nous est servie et le spectacle commence : ce n'est pas du tout de la musique, mais une scene "Slam" en russe ! Des personnes se livrent les unes apres les autres a un exercice de mots personalise, entre poemes syncopes, histoires touchantes, improvisations semblant venir du coeur. On est si absorbe par le rythme regulier des phrases, par leur musicalite resonnante, qu'on semble comprendre les emotions par dela des mots (dont le sens, ils faut bien l'avouer, reste pour moi une enigme totale). Pendant les prises de paroles, des diapos sont projetees au mur et des creations artistiques burlesques (collage de photos et dessins) semblent apporter un eclairage a la pensee de celui qui se met en scene. Les interventions sont ponctues par d'emouvants silences ou par des rires a gorge deployee. On a l'impression de vivre un moment populaire, avec le peuple. De vivre au rythme de ses histoires. Un groupe funk prend la releve avec du saxe et une blonde au chant, c'est assez fun. Rentree en metro vers 23h30, sans qu'on se sente le moins du monde en danger. Arrives devant l'appart, "La porte s'ouvre". En fait le pere de Valentin est venu et l'a ouverte avec la bonne cle, avant de carrement vire tout son mecanisme de fermeture et sa poignee, histoire qu'on arrete definitivement nos conneries. Enfin poses, premier blues de Leo qui se rend compte qu'il part pour longtemps et qu'il laisse un paquet de gens derriere. Il craque un peu tout en sachant que c'est une phase obligatoire d'un long voyage. On en discute un moment avant de finir par sombrer.

Les 3 jours qui suivent nous permettre vraiment de prendre le pouls de Moscou, de nous balader dans les rues, d'humer l'air de la capitale russe, de lire, de visiter, d'observer, de rire, de comprendre et de se tromper. Ou comment decouvrir une ville en prenant le temps, avec un logement tout confort et un bon pote a ses cotes. Sans avoir beaucoup d'occasions de rencontrer des russes, on en cotoie quand meme beaucoup. La plupart nous parlent de maniere assez autoritaire et abrupte et peu repondent a l'anglais. Mais il y a des exceptions et beaucoup de belles filles, ce qui aide quand meme. D'accord, les physiques sont assez stereotypes, mais pourtant ca fonctionne. Plus globalement on s'amuse a classer les russes en 2 categories physiques : les "Eltsine" et les "Poutine". Apres il y a des croisements, ca donne des trucs bizarres, mais majoritairement on peut les classer sans trop de probleme dans un de ces 2 categories. Dans le metro, on fait des etudes poussees des bancs qui nous devisagent, dans le but d'ennoncer des fragments d'ADN : "EEPPEP" veut dire qu'en face de nous, il y a deux "Eltsine" suivit de deux "Poutine", etc... bon ok c'est pas tres malin.

Au niveau tourisme , on voit de tres belles choses quand elles ne sont pas fermees pour des raisons occultes (exemple : le Kremlin le 1er jour ou on veut y aller) ou quand on ne se fait pas virer de la queue pour des rqisons occutes apres 2 heures d'attente (exemple : le mausolee de Lenine a la premiere tentative). Mais on enquille pas mal en bons touristes que nous sommes. Ci-apres differentes choses vues ou visitees avec quelques commentaires plus ou moins a propos... a vous de voir si ca vous interesse, sinon allez plus loin !
Le Musee d'histoire contient une collection de multiples objets d'art de l'empire russe depuis l'age de Pierre, sans oublier des tonnes d'epees, armures, heaumes, carquois, fleches, poignards, pistolets et fusils magnifiquement ornes, de toutes les epoques de tsars. Une vraie tuerie, ca. Quelque chose m'a d'ailleurs toujours echappe : j'ai beau etre visceralement contre toute forme de guerre, les vues d'armes anciennes me font completement rever ! Elles m'evoquent des scenes cruelles et intenses, solenelles et heroiques... j'ai l'impression de ressentir le grand frisson de l'histoire, une histoire ponctuee d'insatiables guerres, d'innombrables combats, de millions de sacrifices, et sans laquelle nous ne serions probablement pas la. J'ai parfois du mal a cohabiter en moi avec ces pensees paradoxales. Alors je prefere vulgariser le truc avec un bon vieux : "je suis un garcon et j'aime les chevaliers et les heros, mais la guerre c'est pourri".
La Cathedrale de Basile le Bienheureux est definitivement tres belle de l'exterieur, se dit-on en en sortant.
Le Kremlin a cela d'amusant qu'il fait cohabiter des ribambelles de touristes confines dans un espace central limite et surveille par les militaires et des politiques et autres officiels circulant dans tous les batiments jouxtant les fortifications. Des hordes d'asiatiques mitraillent de photo une place paradisiaque entouree d'eglises luxuriantes pendant que Poutine et ses sbires dirigent d'un main de maitre tout l'etat russe quelques metres plus loin, protege par des gens assez flippants (vous savez, les militaires). Une note speciale tout de meme pour la Cathedrale de l'Assomption et sa magnifique iconostase or et rouge ecarlate. Vous ne savez pas ce qu'est une iconostase ? J'ecris vraiment pour des incultes, allez donc chercher dans le dico.
Le Hard-Rock Cafe de Moscou est sans doute le plus beau musee de toute la ville. On y retrouve accroches aux murs des doudounes portees par Jimy Hendrix, des disques d'or des Beatles, des vestes en cuir d'Iggy Pop, des culottes de Madonna, des guitares des Mama's and the Papa's et des lambeaux de chemises des Sex Pistols, le tout agremente de groupes de Rock russe en Live et de jolies serveuses souriantes, du genre qui sortent en courant vous ramener vos lunettes quand vous etes sortis en les laissant sur la table. Vous l'aurez compris, rien ne saura prendre la place de ce monument d'histoire et de delices dans mes souvenirs moscovites. Ce lieu de reves est situe dans le quartier de l'Arbat, caracterise par une longue et large rue pietone qui serait tres agreable sans son odeur d'attrape touriste evident et ses trop nombreuses boutiques de souvenirs.
Le Musee des beaux-arts Pouchkine (ou je me rend sans Leo, moins interesse par la bete) est edifiant : un tres haut batiment de stature grecque (romaine ?) avec des grande colonnes, qui renferme des centaines de peintures et sculptures. Un immense David de Michelangelo (qui n'a rient a envier a celui de Florence) et un grand guerrier en bronze de Donatello viennent parfaire une dizaines de salles truffees de sculptures de toutes les epoques. Cote peinture toutes les ecoles europeennes sont representees, avec en vrac du Rembrandt, Canaletto, Claude Lorrain, Bruegel, Lippi, Poussin, Murillo ou Zurbaran... rien d'absolument transcendant mais de tres belles choses. La partie impressioniste, la plus reputee du musee, est malheureusement fermee. Et puis une expo sur les affiches francaises du debut XXeme a droit de cite au premier etage, avec notamment des tres belles affiches de Mucha representant des nymphettes feeriques ventant les vertus du pastis (dans l'idee).
On arrive finalement a penetrer dans le precieux Mausolee de Lenine, et c'est juste un truc delirant : Les touristes pervers dont nous faisons partie font des heures de queue pour admirer le veritable corps de Lenine, conserve grace a un remede chimique secret apres sa mort (d'apres la legende). Son cerveau aurait lui aussi ete extrait du corps pour etre etudie pendant plus de 40 ans, afin de percer a jour le secret du genie de Lenine ! Le batiment est ultra surveille par des dizaines de militaires, et on y rentre en file. Aucun temps mort ni faux pas n'est permis, on doit se tenir droit. Je suis repris car mes bras sont un peu croises. On tourne plusieurs fois dans la penombre, avec un agent tapant de sa main sur sa cuisse la cadence de la visite a chaque angle. Soudain une piece un peu plus grande apparait, le corps de Lenine est allonge majestueusement en son centre. Seul eclaire dans l'obscurite par une douce luniere qui irradie une peau d'apparence cireuse, un visage reconnaissable entre tous avec sa barbiche chatain, un habille;ent classieux. Un corps immortalise, donne en pature a tous les yeux du monde. Ca fiche les j'tons. On s'arrete 3 secondes pour observer. 3 secondes de trop selon un militaire qui nous somme d'avancer. Un dernier regard et on s'empresse de sortir de cette atmosphere oppressante. Le long des remparts, on peut ensuite croiser les tombeaux de Staline, Brejnev et autres revolutionaires communistes. On discute avec une prof de francais qui a fait la queue avec nous (et qui revient juste de France, de Paris et sa chaleur accablante, du Puy du fou et ses "impressionnants" spectacles) : selon elle tout n'est que mascarade et il est peu probable que ce soit le cadavre intact de Lenine qu'on nous offre a regarder. A quoi bon faire 2 heures de queue alors ? Mystere.

Ici le temps est clement (20-25 degres, presque pas de pluie et un petit vent frais) et la cohabitation avec Leo est au beau fixe. On apprend a vivre ensemble avec nos petites differences de caractere et on s'en sort bien. Des coups de fatigue de l'un ou de l'autre alternent avec de vraies crises de fou-rires, des discussions plus serieuses, plus personelles ou genialement absurdes. On se sent de mieux en mieux a Moscou, on a pris nos marques, et on se fait moins avoir sur les prix (a l'image de ces 2 belles tomates achetees pour la modique somme de 30 roubles). On mange souvent au resto a midi, du delicieux plat typique (genre viande de mouton et legumes en sauce marines dans un pot en terre) au plat insipide (dans des "chaines de restauration typique" pourries), et souvent a l'appartement le soir, avec des denrees achetees au marche du coin (genre fromage qu-a-pas-trop-de-gout, poulet-qui-en-fait-est-du-fromage, etc....). On qchete meme un truc qu'on sait pas ce que c'est et qui se revele etre une barre de chocolat... avec du fromage de chevre dedans ! Vraiment special. Un soir j'ai recu un mail tres attentionne de ma chinoise Fan Ling (qui ne pourra malheureusement pas etre a Pekin quand nous y serons - sniff), alors on fete ca en achetant de la bouffe asiatique a emporter. On est vraiment des fous. Le soir, on regarde un peu la tele russe, et c'est tres rigolo. Les films et series etrangers sont doubles, mais par dessus la version originale qu'on entend encore en moins fort ! Mais comme le russe est plus long que l'anglais a prononcer, ca tombe jamais dans les temps et c'est une veritable catastrophe. On regarde un bout de "Sex and the City" en Russe, c'est du haut niveau. On tombe aussi sur la demi-finale de Beach Volley commentee en russe et on se prend de passion pour cette competition. Chine - Bresil. On est pour la Chine, qui gagne a l'arrachee. Encore un grand moment de television qu'il aurait ete choquant de ne pas honorer. On lit beaucoup aussi, dans le metro, dans la rue, allonges dans des parcs ou en faisant la queue. Leo est en train de terminer le 2eme tome du Trone de Fer en Anglais : "A Song of Ice and Fire - A clash of Kings", et il est a fond dedans, craque completement. C'est genial car j'ai deja lu ce bijou de la litterature fantastique contemporaine et on peut en parler et se lancer dans de vains debats. Je me suis pour ma part lance dans du Dostoievski, "Crime et Chatiment". Coherent, non ? Et vraiment pas degueu pour l'instant, meme si le recit est assez oppressant.

Allez, pour finir le best-of des petites galeres de ces 3 jours :
- Hier soir on sort du metro, bonne station, et on marche 2 Km dans le sens oppose de l'appartement des parents de Val... pas mal non ?
- Ce matin nous partons definitivemenr de l'appart. Arrive au centre-ville (a 1 heure de trajet) je me rend compte que j'ai oublie mon chargeur de batterie d'appareil photo, avec la batterie dessus bien sur. Aller-retour force. En chemin je perd la carte de metro en cours. Je dois en racheter une.

Aujourd'hui nous voyons une derniere fois (ou presque pour moi) la mere de Valentin, de retour a l'appart, avant de partir. Tres sympa, on arrive a echanger un peu grace a Leo. Elle nous offre des chocolats, du the, nous propose plein de trucs et nous invite a revenir quand on veut. On sent que c'est de la vraie hospitalite russe, chaleureuse et genereuse. On parle un peu de notre voyage et de nos prochaines destinations. Elle cherche a nous dire quelque chose : "Votre voyage est..." elle s'aide du dictionaire ..."desespere", dit elle avec un grand sourire plein de gentillesse. Genial.

On est maintenant a moins de 2 heures d'embarquer dans le Transsiberien pour la suite de notre periple... et c'est assez excitant. Mais une pensee me taraude tout de meme : on n'a pas encore goute la Vodka.

Moscou, Dimanche 23 Juillet 2006 - 22h05

18 juillet 2006

Moscou : grandeur et parano

Moscou, Mardi 18 Juillet - 19h30

Apres un mariage bien arrose et un dimanche parisien bien fragile (mais fort sympathique au demeurant), Augustin chez qui nous dormions nous conduit pour 5h a l'aeroport, apres une nouvelle tres courte nuit. 10h en 3 nuits c'est peu, et je ne suis que l'ombre de moi-meme ("moi-meme" etant un etre d'une vivacite phenomenale, d'une energie peu commune et d'une jovialite en toute circonstance). En bref ce n'est pas avec la mine la plus valeureuse que je monte dans l'avion en direction de Copenhage. Copenhage ? Et merde, on a du se tromper de vol !!!! Ah, non on a une correspondance, tout va bien. Quelques montees d'euphorie plutot mal a propos et a tendance rire hysterique viennent quand meme egayer le voyage entre deux crises d'apathie et brusques somnolences. Une correspondance a Copenhage un peu embrumee avant d'embarquer dans le 2eme avion, pour Moscou cette fois. Leo se rend compte qu'il part pour 1 an et ca le met dans une excitation tangible, qu'il tente (avec une reussite assez peu probante) de me faire partager. Je suis content de partir mais sans plus, j'ai l'impression que la fatigue est plus forte que tout et que meme dans l'avion, le voyage m'apparait encore lointain ! Nous atterissons a Moscou vers 14h50 heure locale, il fait gris et assez froid. Nous nous frayons un chemin entre les taximen qui essayent de nous soutier plein de roubles pour nous emmener au centre-ville et trouvons un minibus pas cher qui nous amene a un terminus de metro. Valentin nous a donne une carte de la ville, des roubles, des numeros de telephone.... normalement pas de piege. Sauf qu'a Moscou, tout est ecrit en Russe. Et ca c'est deja pas evident. Mais c'est sans compter sur Leo, qui a fait du Russe et parviens a dechiffrer avec enthousiasme les ecriteaux et meme regulierement a les comprendre, ce qui est heureux. Moi je reste dans la brume, je m'endors debout dans le metro et me laisse guider. J'ai un peu l'air de faire la gueule (deja ?) mais c'est assez faux. Je vois du marbre a outrance a chaque arret. Les gens nous regardent. On arrive a la bonne station et puis on essaye de se reperer au milieu de la jungle d'immenses avenues qui s'entrecroisent autour de nous. Sur le plan, on a repere l'avenue qui nous mene chez la mere de Valentin qui est sensee nous attendre avant de nous laisser completement l'appart. Le pied en perspective, si ce n'est qu'a chaque fois qu'on demande a quelqu'un l'avenue "Prospekt" (Leo s'essaye au Russe avec beaucoup de fougue si ce n'est de resultats), on nous indique une direction differente... jusqu'a ce qu'on comprenne qu'en russe, "Prospekt" veut tout simplement dire "Avenue" ! C'etait donc le mot de devant qui etait important... bon, la premiere difficulte passe, c'est sans aucun soucis qu'on marche 15 bonnes minutes avant d'arriver a la bonne adresse. Nos sacs de voyage sont plutot legers (moins de 10 Kg pour Leo, 13 Kg - dont 2 Kg de creme de marron - pour moi) mais la fatigue est toujours bien la. La mere de Valentin nous accueille avec gentillesse et dynamisme (empressement ?) et nous explique en francais (10%) et en russe (90%) plein de choses utiles, sous l'oreille concentree d'un Leo qui en chie, mais qui comprend quand meme 10% des mots (...russes il va sans dire, ne soyons pas mauvaise langue). Un des fils de Valentin est la aussi, Max, cheveux longs, blond, l'air assez sombre et timide, genre metalleux d'obediance gothique, peu bavard. C'est de bonne guerre, il ne parle que russe. La mere fait tourner les feuilles d'un petit dico russe-francais a tout allure pour nous donner des informations utiles a chaque fois qu'on lui dit ce qu'on veut faire. Dans l'ordre : "voleur", "brigands", "courir", "danger", puis plus construit : "courir le danger"... c'est pas gagne tout ca ! On la remercie quand meme pour ses conseils avises. Elle nous laisse apres nous avoir ecrit plein de numeros de telephone en cas de problemes et avoir insiste pour qu'on fasse comme chez nous : prendre des douches, piller le frigo, ramener des filles... enfin c'est ce que j'ai cru comprendre. On est vraiment content d'etre ici mais vraiment epuise, surtout moi. Il est deja 18h30 et on n'a pas la force de sortir, surtout que Youra (2eme filsde Valentin), avec qui il etait question qu'on aille a un concert de petits groupes de metal russes, est malade. On pille donc le frigo et je me laisse tomber sur le lit qui m'a ete indique.... pour me reveiller 14h plus tard !!

Une bonne douche et un bon cafe me donnent l'energie pour rentrer dans la journee. Et je me rens soudain compte d'un etat de fait qui ne m'etait pas encore apparu comme veritablement evident : ca y est, je suis a Moscou ! Je suis en voyage ! C'est avec une mine avenante (et sans doute rayonnante) que j'accueille Leo qui a effectue pas loin de 15h de dodo ! On prend le temps de se rendre compte, de profiter, de discuter, de se preparer. C'est vers midi qu'on ferme la porte de l'appart. Et la c'est le drame : on a bien les cles qui permettent d'ouvrir la premiere porte, mais on ne parvient plus a ouvrir la 2eme, il doit nous manquer une cle ! Et puis on a oublie le numero de portable des fils de Valentin. On est a la rue en quelque sorte. Je gagne donc une fois de plus haut la main le concours de rapidite pour se mettre dans la merde en voyage (c'est moi qui ai ferme la porte). Belle performance applaudie de maniere un peu jaune par un Leo qui n'en revient pas. Il nous reste le numero de fixe des fils, qui habitent a 10 minutes a pied, on devrait s'en tirer ! Pour l'heure c'est vers le centre, en direction des tresors de Moscou, qu'on se dirige. Metro, facile. Toujours du marbre, mais reveille c'est plus impressionant. On sort a un arret separe du Kremlin par... une immense avenue a 8 voies infranchissables. Mais quand meme, c'est beau. On decide de faire le tour de cette vieille ville fortifiee aux nombreuses tours, en empruntant au hasard le chemin le plus long qui nous fait par 2 fois traverser la Moskova (fleuve traversant la ville de maniere sinueuse). Du coup on se fait une idee sur la taille du pate de maison et sur ses alentours, pleins de grands batiments anciens imposants et de cathedrales orthodoxes aux clochers d'or. On arrive a la place rouge (qui borde le flan Est du Kremlin) par le Sud, ou s'erige la tres emblematique cathedrale Basile-le-Bienheureux qui semble toute droit sortie d'un film de Walt Disney ou du jeu "Prince of Persia"... bon d'accord, chaqu'un ses references. Elle degage en tout cas quelque chose de feerique avec ses couleurs roses criardes et ses nombreux clochers russes (j'ecris "russe" car je ne sais pas comment on appelle ca, vous savez genre les domes qui pointent vers le haut et qui ont un peu la forme d'une larme tassee). La contourner nous achemine vers l'impressionante place rouge, balisee au Nord par le musee d'histoire. Ce batiment rouge sombre a la monumentale majeste gothique semble porter tout le poids de l'histoire sur ses epaules. Toutes ses surfaces orientees vers le ciel, meme infimes, sont drapees de blanc, comme s'il etait enneige pour l'eternite. C'est la premiere grosse claque, il en faut bien une. Au centre de la place, sur le cote, le tombeau de Lenine fait un peu le fier. On longe la place jusqu'au flan Nord du Kremlin ou s'etale le Jardin Aleksandrovsky, qui semble servir de refuge a des centaines de personnes etant venus chercher le calme entre les fleurs de toutes les couleurs et les fontaines aux jets apaisants. Il est deja 15h30, trop tard pour se lancer dans la visite des nombreuses "tueries" du Kremlin, on se decide donc a se balader. La promenade nous fait admirer de nombreuses eglises et nous fait, plus globalement, humer l'air de ce centre ville de Moscou, aux proportions de vraie grande capitale. Leo s'efforce de se remettre au russe et fait des progres notables dans la comprehension... de certains mots ecrits. Et il dit aussi tres bien "Merci", ce qui est au moins tres poli, surtout que je sais le dire aussi, et du coup on est carrement polis. Mais heureusement pour moi, en fait il est bien meilleur que ca (mais pas trop). On mange dans un petit resto sympa avec des serveuses jolies et qui ont l'air sympa aussi... sauf quen fait elles le sont pas, alors on s'efforce a voir dans leur manque de sourire un signe d'affection ou de timidite. On mange bien (un pate de fromage au saumon et aux avocats, de l'agneau cuisine aux petits legumes, de la soupe piquante aux morceaux de viande et de fromage), on boit bien (de la bonne biere russe en pinte), ca c'est important et on repart revigore. Chemin sinueux jusqu'a la place rouge. On se rend compte qu'on a meme pas essaye d'appeler Max et Youra et qu'on est a la rue, toujours. Achat d'une carte telephonique. Tentative d'utilisation dans une cabine publique infructueuse. Deuxieme tentative toujours sans suite. On continue a marcher dans les rues de maniere hasardeuse. De jolies rues un peu plus pietones. Une librairie internationale. A l'interieur, un gars qui parle quelques mots d'anglais a qui on explique notre galere de telephone. Il nous permet d'utiliser celui du magasin. Max decroche et Leo se rend compte que lui expliquer nos galeres de portes sans connaitre les mots "porte" et "cle" en russe est assez ardu... du coup on explique le soucis a un gars du magasin qui traduit a Max au telephone. Selon ce dernier, la 2eme porte ne peut pas se fermer a cle et il suffit de lever la poignee et pousser ! Le verdict est simple : on est des debiles. C'est donc fiers de cet etat de fait qu'on decide de s'engouffrer dans ce cafe Internet pour raconter nos premieres aventures (suivez aussi celles de Leo - et donc avec des versions ultras differentes des miennes - sur www.ouestleo.com) qui, force est bien de l'avouer, n'en sont pas.

Mais rien n'est gagne. Gardons en pensee que les lendemains russes peuvent s'averer truffes de pieges et d'anecdotes insolites pour les pauvres demeures que nous sommes, comme une porte ouverte peut ne pas vouloir s'ouvrir.

Moscou, Mardi 18 Juillet 2006 - 22h30

15 juillet 2006

Devant le miroir


Avant un voyage, on se regarde toujours un peu dans le miroir. On fait le point sur sa vie là où elle est, sans doute pour se permettre de mieux se retrouver, ailleurs. Ce voyage si plein d'inconnues n'est palpable par anticipation qu'au travers de 2 bouts de papier cartonné : un billet d'avion Paris-Moscou via Copenhage, départ Lundi 17 Juillet à 07:05, un billet d'avion Pékin-Paris via Moscou, départ Jeudi 31 Août à07:30. Entre les 2, je ne peux que projeter des images, espèrer des rencontres, imaginer des paysages, anticiper des retrouvailles. C'est le frisson de l'avant, les dernières heures avant le 2ème grand saut de l'été. Le premier m'avait mené sur les terres de Chine du Sud, du Vietnam et du Laos. Celui-ci devrait me faire traverser Russie et Mongolie avant de rejoindre la Chine du Nord. Et cette fois Léo est de la partie, qui entame un véritable tour du monde d'un an !

Le sac est presque bouclé, l'appartement presque rangé, la newsletter de la rentrée Médiatone presque finie d'envoyer... et c'est dans un état d'excitation fébrile que je noircis ces premières lignes, en espérant avoir le temps de raconter régulièrement les anecdotes croustillantes (car il y en aura, je pense) de ce périple plus ou moins balisé. Alors que je me lève dans 4 heures pour régler les derniers préparatifs, jeter un dernier coup d'oeil sur les comptes de Médiatone avec ma mère et... marier mon pote d'enfance Dam, qui est par ailleurs Papa depuis 4 mois !! Et mon neveu Milo qui en a 6. Et le petit bout de Roots et Marjo qui en a -7. Ouaouh, la nouvelle génération va faire des malheurs, après tout c'est peut-être elle qui va inverser la tendance et construire un monde un peu moins disjoncté... bon ok ya du boulot.

Les amis se marrient les uns après les autres, les bébés fleurissent, et moi je pars en
voyage... un moyen de fuir, ou bien d'avancer ?

Avant un voyage, on se regarde toujours un peu dans le miroir.