06 septembre 2006

Shanghai : The Place to be

Pekin - Mercredi 6 Septembre - 19h12

De retour a Pekin ! Allez, je vous fais "vite fait" partager mon aller-retour de 3 jours a Shanghai... vous inquietez pas, le voyage touche a sa fin (on croise les doigts), il n'y aura plus de longs postes indigestes comme le precedent.

Le voyage de nuit se passe absolument sans encombre ni anecdote, j'arrive a dormir sur un siege souple confortable a cote d'un voisin souriant, le top. Arivee a 7h47 tres precises, en meme temps qu'un texto de Leo fait vibrer mon telephone : Rendez-vous a 9h a la sortie du metro People's Square, Erwan est deja dans un avion pour le Yunnan. Ok. La gare est immense, encerclee par d'immenses buildings... Shanghai ca rigole pas avec ca. Tout est ultra moderne, ecrans geants de partout, carte magnetique pour le metro. J'ai l'impression d'etre a Hong Kong, sauf qu'il y a de larges avenues (pas la place a HK !). Le climat aussi me rappelle HK, une chaleur humide etouffante, on est en nage en quelques secondes des qu'on sort d'un endroit (tres) climatise. Leo me rejoint a un Starbucks Coffee. Excellent de le revoir si peu de temps apres les "adieux foires", on va pouvoir faire ca bien cette fois ! Son train pour un petit bled a l'Ouest de la ville part a 13h, on a 3 heures pour papoter, se raconter les derniers trucs, manger un sunday et boire un pepsi au KFC (erreur fatale) dans une rue qui ressemble a la rue de la Re, avec des immeubles plus grands de chaque cote. Il est tout azimuthe par la soiree de la veille qu'il a passe avec Erwan, Mathieu et sa copine (leurs hotes) et Louis, qui a termine par un jeu a boire des plus amusant (donc des plus dangereux). Mais ca va, il est bien motive pour voyager seul (normal, apres 6 semaines avec moi ;-), a bloc. Allez, c'est les au revoir, plus poses, plus vrais. Et puis il disparait dans la foule qui se bouscule vers la bouche de metro. Je suis aussi livre a moi meme dans cette big fashion city. Ca sent le pognon ici, pas de doute. Et puis les filles... elles doivent passer 3 heures chaque matin a faire du sport, s'habiller et se maquiller, c'est pas possible. Veritablement incroyable. Elles rivalisent toutes en beaute superficielle. Des marques de partout, des petites jupes fluo, des coiffures qu'on ne voit qu'a la tele, des top top, des regards travailles... pour resumer on pourrait dire que la Shanghaise est a la Chine ce que la Cannoise est a la France. Je ne peux pas vraiment comparer, je ne sais pas si elles ont aussi peu de cerveau. Mais je prefere me le dire, sinon il y a un risque non nul que je vienne vivre ici ! Je trouve un immense cafe Internet au 4eme etage d'un centre commercial de restos (Pizza Hut, Mc Do, que du bon), tout le monde joue a des jeux videos (il doit y avoir plus de 200 ordis). Susan m'a repondu, elle a appele une amie Shanghaise qui connait bien la manageuse d'un hotel pres de la gare et une chambre est deja reservee a mon nom ! Parfait, j'y file en metro. C'est la galere, il y a tellement de monde aux heures de pointe qu'il faut faire la queue, on ne rentre presque jamais dans le premier metro ! L'hotel est assez grand, c'est pas la bonne vieille guest-house, on est au standing au dessus. Je me presente en montrant en chinois le nom de la personne qui a reserve pour moi. C'est ok, sauf qu'il leur faut la photocopie de mon visa. Je leur explique que c'est gere, mais ils ne veulent rien savoir. J'appelle Susan, elle est super sympa, elle me dit qu'elle va rappeler son amie. Finalement la reception recoit un coup de fil qui debloque la situation, j'ai le droit de passer 2 nuits dans ce petit hotel a... 260 Y la nuit. Hum. Bon, j'ai pas le choix, c'est mieux que dormir dehors (quoi que, bon trip...). Ma chambre est classe, 2 lits simples, tele avec 46 chaines, clim' reglable, super salle de bain... je regrette pas, je vais essayer d'en profiter. Je prend immediatement une bonne douche, et puis c'est reparti vers People's Square, la rue de la Re et mon cafe Internet. J'y passe un bon moment, a faire des budgets previsionnels pour Mediatone avec un Excel chinois (!) et a avancer ce recit. Enfin le precedent. Le soir, je retrouve Louis et on va manger un bout dans un petit resto puis boire un coup dans un bar-concert "un peu tendance mais quand meme underground". Ca fait 3 mois qu'il bosse a Shanghai. Selon lui, les filles ici sont materialistes au plus haut degre et ne revent que de se marier tres vite avec un mec qui gagne tres bien sa vie. Globalement, la ville flambe a mort, le pognon est roi, les debats d'idees inconnus. Louis trouve les relations humaines difficiles a cerner, meme au boulot ou les choses ne sont jamais dites clairement. Mais ca a l'air d'aller globalement, soiree tres sympa a se raconter les dernieres anecdotes des potes. De retour a l'hotel, je m'endors devant la fin de Troie en anglais (sous-titre en Chinois).

Lundi 4 Septembre. Je me reveille vers 10h avec un gros mal de ventre et passe une heure aux toilettes a me vider avant de me decider a sortir. People's Square encore, pour le musee cette fois. Tout le monde m'a parle en des termes elogieux du musee de Shanghai. Effectivement, c'est la grande classe. Des bronzes magnifiques, des ceramiques (notamment des porcelaines) magnifiques, des jades magnifiques, des estampes et calligraphies magnifiques, des sculptures magifiques, des meubles magnifiques. Superbe quoi. Il y a meme une gallerie consacree aux minorites ethniques du pays. Et puis l'audio-guide est d'un interet inhabituel pour la Chine, il explique vraiment plein de choses interessantes. Seul soucis : je passe 3h a me tordre le bide en admirant ces merveilles, ca n'ameliore pas les conditions de visite. Je sors du musee vers 17h, direction Internet pour encore 2 bonnes heures. Louis, qui est connecte sur msn, m'invite a manger chez lui. Il m'attend quelques arrets de metro plus loin. Chez lui c'est petit mais vivable, petite cuisine petite salle a manger chambre. Il y vit avec sa copine, Cheng Le (?), Mya de son nom anglais, une pekinoise. Le repas est vraiment rigolo et bon en plus (salade, tofu cuisine aux fruits de mer, poulet au poivron, noodles...). On parle en anglais, sauf quand on a du mal a se comprendre avec Mya, Louis me traduit alors en temps reel (impressionant) ce qu'elle dit en chinois. Elle est a la fois tres speciale dans ses reactions et tres sympa. Elle me dit qu'elle adore ce que je dit, et juste apres que c'est tres mal de parler comme je le fais ! On essaye de se comprendre et on y arrive, un peu, c'est deja pas mal. C'est une ancienne fan de Rock, notamment Nirvana, Blind Melon etc... et elle m'explique qu'il y a une scene rock en Chine. Ca m'interesse, parce que je n'ai jamais trouve d'album de rock ici ! A priori le rock est mis a l'ecart des ondes radios et de la tele, mais il y a bien une scene underground qui se produit en concert et vend des albums de maniere plus ou moins officielle. Leurs paroles ne sont pas veritablement subversives au niveau politique, elles disent juste que la vie est dure et qu'ils ne se sentent pas bien dans cette societe... un peu des punks, quoi ! D'ailleurs le mouvement autour de ca pourrait se traduire par : "la jeunesse en colere". Il y en a tres peu a Pekin, plus dans le Sichuan et le Yunnan. Selon elle, le Yunnan est un peu la region Hippie de la Chine, avec des jeunes differents des grandes villes, plus tranquilles. Elle me dit qu'avec mon style je ferai des ravages la-bas... tiens, Fan Ling vient du Yunnan ! La soiree se continue a ecouter de la musique et papoter dans la chambre, ambiance paisible. C'etait vraiment rigolo de voir Louis ici et de rencontrer ca copine, qui m'a apporte plein de reponses a des questionnements de longues dates. Retour en taxi. A la tele je vois Agassi qui pleure parce qu'il a finit sa carriere. Et puis Sarkosy qui signe des papiers, je crois qu'il a fait son Coming out, il se presente a la presidentielle. Je suis moi aussi au bord des larmes... ca doit etre pour Agassi.

Mardi 5 Septembre. Un reveil plus penard que la veille. Superman 2 en anglais a la tele. Dire que j'ai aime ce film etant mome, ca m'effraye. C'est un nanard acheve... quoi que, sans doute moins que le 4eme volet qui vient de sortir et dont la vacuite defie les pires carnages du septieme art. 11h, le telephone sonne, on me demande a la reception. Bon. Je descend vite et me trouve nez a nez avec... 2 flics ! 2 flicesses plus exactement. Ca sentirai pas un peu la delation ca ? Je veux dire l'obeissance chinoise ? - votre passeport n'est pas bon. - oui je sais, je l'ai perdu. -il faut que vous appeliez votre ambassade a Shanghai. - non, je rentre demain a Beijing, tout est gere la-bas, je vais avoir un nouveau visa. - oui mais il faut que votre ambassade vous fasse un nouveau passeport. - ah, d'accord, je vais les appeler. - tres bien, au revoir. Il fallait juste que je dise d'accord, que je feigne la cooperation ! Bon, pas de nouvelle grosse galere en vue. Je quitte l'hotel un peu avant midi et file a nouveau dans le cafe Internet pour terminer et poster mon blog, puis balade sous la pluie. J'arrive jusqu'au fleuve Huangpu, la baie est impressionante avec des buildings immenses aux formes futuristes. Je la longe un moment puis bifurque afin de me perdre un peu dans les "petites" rues. J'en trouve pas ! Shanghai, c'est trop grand pour moi, je laisse tomber. Ca respire vraiment l'atmosphere d'HK mais en plus etire et en un peu moins haut quand meme. Apres 2h de marche, metro jusqu'a la gare. Je suis un peu en avance a la "salle d'attente" de mon train (avec sofas et compagnie), j'en profite pour appeler Fan Ling... on discute un petit quart d'heure, toujours aussi prenant, je lui souhaite bon voyage jusqu'a Shanghai, elle me souhaite bon retour a Pekin... sight. Dans le train, je me retrouve a cote d'un francais. Marcel et poils qui depassent, armee de l'air a Istres. Il me dit son etonnement face au "si peu de delinquence en Chine " par rapport au "tellement de delinquance en France ", et puis le chomage, et puis... merde, un francais reac'. Je lui explique gentiment que j'aimerai bien lire.

Mercredi 6 Septembre. Retour a la guest-house en metro puis a pied. Le metro a Pekin, c'est comme a Shanghai en plus pourri et avec des petits papiers a dechirer au lieu de cartes magnetiques. Je comprend mieux pourquoi le pekinois est un plouc pour le mec de shanghai. Mine de rien, je suis content de retrouver mon petit hutong et mes commercants. Petit dej' americain pour feter ca. Je recupere mon gros sac et m'installe dans un dortoir de 4 au sous-sol, un peu moins cher. Et puis hop, j'enfourche "selle ecossaise ", mon fidele velo, toujours la, et file en direction du nord-est de la ville. De retour a l'ambassade francaise, je passe voir "L'ami" et lui demande s'il peut faire en sorte que je recupere mon visa aujourd'hui... non, impossible. L'ambassade a pris la decision de ne pas mettre de pression a la Chine pour ce genre de cas, pour se laisser la possibilite de refuser les pressions contraires. Ca se defend. Mais il me conseille quand meme d'aller au BSP pour voir s'il n'est pas deja pres. Au BSP, je fais la queue pour payer mon visa, file le papier... Ok, je peux payer, ca marche ! Ca coute pas trop cher, 160 Y, tres exactement ce que j'ai sur moi ! Muni de mon nouveau bon "a paye", je demande mon du au guichet de retrait. Le gars reste impassible : - revenez demain ! - c'est sur, il sera pres a 8h30, a l'ouverture ? - oui, suivant. Ca passe pas, mais j'ai deja plie l'etape du paiement et je connais l'endroit exact du guichet. C'est pas pire pan toute. Pour me detendre de tout ca, direction le centre de massage aveugle ! C'est celui qui avait masse Erwan qui va s'occuper de moi. Il me demande quel type de massage je veux. Je vois un massage special "loose-weight" (perte de poids). Non pas que j'ai pris des kilos pendant le voyage, mais de la a dire que j'ai perdu du bide... je lui demande quelle est la difference, il me regarde en souriant... euh enfin il me sourit, et me dit : "pain ! " (douleur). Puis "good ! " (bon). Allons-y pour une seance SM ! Effectivement, ca ressemble, mais ca fait beaucoup plus mal. Il appuie super longtemps sur des points douloureux dans le dos et la nuque... j'ai quand meme l'impression que ca fait du bien, mais faut en vouloir, j'en suis encore tout endolori. Apres ca, je re-enfourche "selle ecossaise " jusqu'au parc Beihan, a l'ouest cette fois, la seule "tuerie 3 etoiles" du routard qui m'avait echappe. Et c'est vrai, c'est une tuerie. Un tres grand lac, une petite ile avec colline et grande stupa blanche, encore des palais a n'en plus savoir compter, des jardins plein de lotus flottants, saules pleureurs, fleurs et plantes variees, des pierres multi-formes regorgeant de minerais precieux, une immense urne taillee en Jade de 3500 Kg, et puis un petit tour en bateau pour parachever la balade. Dans le bateau, un groupe de 15 touristes hysteriques a la meme casquette jaune, qui insistent tous pour etre pris en photo avec moi ! Je passe toute la traversee a poser avec chaqu'un d'eux, parfois plusieurs fois quand les photos sont ratees. Puis on me filme, on me demande de parler a la camera... ils hurlent tous : Fago ! Fago ! (France, France)... ben oui, c'est pas tous les jours qu'ils rencontrent un romantique, un vrai. La tuerie consommee, retour a la Far East. Repackage de sacs. Je suis maintenant pare. Demain, si tout se passe bien, ca va se passer comme ca :
- 7h50 : un taxi me pend devant l'hotel, je dis au revoir a mes potes du supermarche
- 8h20 : j'attend devant les grilles du BSP
- 8h30 : ca ouvre, je cours devant le bon guichet, on me tend mon visa en me remerciant
- 8h40 : le taxi, qui m'a attendu devant, repart pour l'aeroport
- 9h40 : on est devant l'aeroport, 2h avant le depart
- 11h40 : decollage de l'avion, trop facile

Et vous, comment pensez-vous que ca va se passer ? Faites vos commentaires, elaborez vos theories... un petit cadeau attendra le posteur de la version la plus proche ! A vous.

Pekin - Mercredi 6 Septembre - 21h21

01 septembre 2006

Pekin : du velo et du smog

Pekin - Vendredi 1er Septembre - 18h44

Que de jours ecoules depuis le dernier post ! La Mongolie me revient flouee par le temps qui passe, si lointaine deja. 1er Septembre... je devrais etre a Paris, je suis toujours la. Comme un con, serais-je tente d'ajouter, vous comprendrez pourquoi en lisant les lignes qui suivent. La vie est pleine d'imprevus, c'est encore plus vrai en voyageant. Mais ne tournons pas autour du pot. Nous etions encore en Mongolie en cette fin de journee, le 21 Aout 2006...

On file rejoindre Jojo qui recupere la cle de Noemie, on le remercie pour tout, puis direction de la gare en taxi. On a le temps, mais on n'est pas non plus exceptionnellement en avance. Arrives devant la gare, le taxi s'arrete un peu au dela du depose-minute central. Ils sont deux a l'avant. L'un sort, l'autre reste. Il enleve d'un coup un objet de devant le compteur et nous montre le prix a payer : 9999 Togrods ! Alors que le court trajet valait 500 environ... on lui donne 1000 en se disant qu'il a oublie une virgule mais non, il en veut bien 10000. La, on s'apercoit que le gars qui etait devant bloque la portiere arriere avec 2 ou 3 autres potes bien baraques. Ils font les enerves et nous font comprendre qu'on ne montera pas dans le train si on ne paye pas ! C'est vraiment stupide de se faire avoir comme ca si pres du depart, d'avoir cette derniere image de la Mongolie. On ne cede pas, on reste fermes (sans non plus en mener large), on dit que ca ne vaut pas ce prix, on attend. Leo met discretement ses billets de 10000 de cote et montre finalement quelques billets en disant que c'est tout ce qui nous reste, environ 3500 T. Le gars les prends et nous les rebalance a la gueule. C'est 10000 qu'il veut. Il finit par nous laisser sortir en empochant cette somme, voyant qu'on n'est absolument pas enclin a payer plus. Un moindre mal, mais on se serait bien passe de l'experience. Notre train part dans 10 minutes, ca devrait le faire. Sur les quais, j'entends soudain "DEad ! ". Je sursaute. Mais oui c'est bien moi qu'on appelle, j'apercois Fabienne et son copain qui se dirigent vers nous ! Fabienne, c'est une fille que j'ai rencontre cette annee a Rome et qui bossait a la FAO avec Roots. Je crois aussi que c'est une copine de la cousine de ce dernier... bref, on avait visite la villa d'Adrien ensemble et on s'etait bien marre, je savais aussi qu'elle faisait un voyage semblable au mien, mais ca fait toujours bizarre de voir une tete connue dans un endroit si eloigne. On a juste le temps d'echanger nos positions respectives dans le train, il faut embarquer. Compartiments a quatre couchettes. Tous sont ouverts, sauf le notre qui est bloque ! Un autre francais de 38 ans, Xavier, attend devant. On est les trois francais du wagons, on est les trois cons. Tout le reste est occupe par des equipes mongoles de basquet avec leurs maillots numerotes au dos. Sur les quais, toutes leurs familles sont la pour les encourager en balancant des liquides laiteux sur les rails avec des petites cuillers, pour leur porter chance sans doute. Le train part, on est toujours comme des cons avec nos gros sacs devant la porte clause. Les portes ont oubliees d'etre nos amies pendant ce voyage. Finalement un mec arrive et l'ouvre... en forcant. La porte n'est plus refermable mais on peut se poser. Couchettes confortables et discussions interessante avec Xavier, speleologue fou et chercheur en sciences cognitives, puis Fabienne et son copain qui sont venus nous tenir compagnie. Ca echange experiences de voyages et reflexions sur l'evolution des robots, puis ca dit au revoir au 2 amis qui sortiront du train avant la frontiere au petit matin. Sympa de les voir ici.

Petit matin donc, apres petite nuit reposante bercee par le ronronement du train traversant dans l'obscurite la plus totale le desert de Gobi. On s'arrete trois heures pour passer la frontiere en restant dans le compartiment. Les autorites mongoles demandent passeports et declarations de biens, Leo retrouve son papier a la derniere seconde. Ca prend du temps. Les compartiments sont fouilles dans les recoins. Ca passe. Encore un ou deux km dans un no man's land de steppes entourees de grillages et de barbeles, puis c'est au tour de la douane chinoise. Aucun probleme. Trop facile cette frontiere, on reviendra. On pose enfin les pieds sur le sol chinois et on trouve un homme et une femme qui nous attendent pour nous faire prendre le bus. On a leur photos sur une carte pour les reconnaitre, c'est super bien organise. Il changent notre monnaie en Yuan chinois (1 Euro = 10 Yuan) puis direction la gare routiere en minibus avec nos potes de l'equipe de basquet. La bas on va se ravitailler dans un petit resto tout simple qui nous sert un plat de poulet absolument delicieux avec cacahouetes, sauce aigre douce, ail etc... un vrai plat chinois, bon et complet. C'est un bonheur, on se rend compte qu'on va beaucoup mieux manger ici qu'en Mongolie. Installation dans le grand bus aux trois allees de doubles couchettes, on est bien. Les steppes de la Mongolie interieure qui continuent a nous entourer sont peu a peu plongees dans le noir. Il est une heure de moins ici (France +6), le soleil se couche donc plus tot. Traversee sereine et comfortable sur des routes sans accrocs, je laisse mes pensees vagabonder sur les paysages, je me sens tres heureux d'etre de retour en Chine. Je m'impregne a nouveau du pays a travers les ideogrammes des echoppes et au gre des pages de "L'eternite n'est pas de trop " de Francois Cheng, une histoire d'amour au XVIIeme siecle durant la dynastie des Ming. Je me projete aussi de maniere convulsive dans mon precedent voyage, il va sans dire. La frontale s'epuise sur les dernieres pages du roman et je m'eteins a mon tour dans cet habitacle silencieux. L'arrivee est matinale et le reveil penible, il est 5 ou 6 heure. On partage un taxi avec deux autres francais qui se font poser un peu avant nous. Nous c'est au Far East Youth Hostel qu'on devrait rejoindre Erwan, arrive sensement la veille. En fait on sait qu'il est arrive grace a un texto qui nous dit meme son numero de chambre. Le taxi nous pose dans un Hutong (petite ruelle) devant le grand batiment de 4 etages. Pas de place disponible pour nous avant midi, on demande si on peut rejoindre notre pote, ok. Chambre 123, on frappe. Petit bruissement, quelqu'un se casse la gueule... c'est bon, ca ne peut etre que lui ! Effectivement, sa tete endormie des grands jours apparait dans l'entrebaillement de la porte, les yeux quasi-inexistants et les cheveux en petard. Genial, on est content de se voir, si on est capable de se retrouver si facilement en Chine je ne vois pas ce qu'il peut nous arriver, on est vraiment trop fort.

On se pose au cafe d'en face (qui appartient aussi a la guest-house) qui propose des petits dej' anglais, americains, suisses, francais... allez, un peu de bacon, d'oeufs tournes, de tomate et de toasts au beurre-confiture, on revit. Erwan nous raconte son arrivee la veille, son premier egarement dans les hutongs et les quelques jours qu'il a passe a Rome juste avant. Et puis hop, on loue des velos (10 Yuan la journee !), on va pas se laisser abbatre, et on se perd une premiere fois dans des grandes avenues en direction de la place Tian'anmen, a 2 petits kilometres de la guest-house. On finit par y arriver. Une barriere doree en fait tout le tour, avec quelques ouvertures surveillees par des militaires. On pose les velos pas loin avant de penetrer dans l'enceinte de la plus grande place du monde. Reelement immense, meme si un grand batiment entoure d'arbres en son centre empeche de se rendre compte de la veritable longueur d'un bout a l'autre. Celui ci n'est autre que le mausolee de Mao (surnomme "Maosaulee" par les maitres du jeux de mots que nous sommes). Des touristes en pagaille s'amassent de part et d'autre de la place malgre l'heure matinale (8h ?). Un autre edifice immense du genre large obelisque a la gloire du communisme trone dans l'alignement du Maosaulee. Au Nord se profile une grande porte rouge-rose-violacee au toit chinois (en tuiles avec plein d'ornements et les pointes qui rebiquent) qui fait toute la largeur de la place, avec plusieurs passages. Au dessus du passage central, un tableau tout aussi immense de Mao qui nous regarde magistralement. Impressionant. On passe un moment la, et puis on se dit "allez, on se fait la cite interdite ". Et pourquoi pas ? Elle est la, nous aussi, autant commencer par LA tuerie de Pekin.

La cite interdite est veritabement grande, sorte de ville dans la ville (750 m de large, 1 km de long) impregnee de la grandeur megalo des dynasties Ming et Qing qui y vecurent pendant plus de 500 ans (debut XVeme a debut XXeme). Avec des centaines de palais rouges pourpres, de cours interieures, de longs corridors, de grandes esplanades et de jardins luxuriants, ces 72 hectars nous plongent brutalement dans la gloire et la grandeur passee. A l'epoque, la "Cité pourpre interdite" etait juste considérée comme le centre de la Terre, mettant la résidence impériale sur le même pied que le centre de l'Univers. Pourquoi pas. Entouree de douves larges de 52m et d'une muraille de 10 m de haut, on peut dire que l'ensemble a de la gueule. Les palais ont des noms sympas : "de l'harmonie", "de la tranquillité", de "la pureté" ou encore "de la longévité". Toutes les colonnes et murs sont rouges (symbole du bonheur), et des tuiles vernissées jaune impérial couvrent les toits incurvés en ailes de faisant. C'est la grande classe, a cela pres qu'il y a tellement de touristes que le charme du lieu en prend un coup... alors j'essaye de faire un effort d'abstraction, de me projeter au dela du brouhaha, loin dans le passe, de laisser libre court a mon imagination pour m'impreger des lieux... et j'y arrive, un peu. Mais c'est vrai que les touristes chinois sont frenetiques ! Ca se bouscule pour prendre sa photo devant tel ou tel palais, ca joue des coudes pour arriver aux barrieres permettant d'admirer les interieurs (heureusement pas directement accessibles sous peine d'etre reduit a neant en quelques jours...), ca colle ses mains sales sur les vitres des chouettes galeries d'antiquites qui agrementent de nombreux batiments mitoyens. Bref, ca pullule. Au dela de l'axe central alignant les grands batiments, il est plus facile de se perdre et de se retrouver seuls dans le dedale des petits palais de l'est et de l'ouest, avec leurs cours interieures pleines de charme. En sortant par la porte nord, on se fait bien etendu tomber dessus par des dizaines de vendeurs de babioles (cartes postales, lions miniatures protecteurs, cailloux qui font du bruit en s'entrechoquant dans l'air et autres conneries)... Erwan achete des cartes postales sous pretexte qu' "il en avait besoin". On fait le tour du "pate de palais" pour rejoindre nos velos, seulement attaches par un petit cadenas. Ici, un velo, ca ne se vole pas.

Sur le chemin du retour, on se perd un peu dans les hutongs etroits plutot que d'emprunter les grandes avenues. Normalement, les hutong ne devraient etre aligne que d'est en ouest, tres precisement, pour le feng shui... mais en fait il y en a un peu dans tous les sens, on ne leur en veut pas. On invente l'expression : "t'es con comme un hutong nord-sud ! ". Je ne sais pas si ca passera en France. On se pose a une table en exterieur en face d'une enseigne a l'aspect et la signification opaque. Le tenancier est tres souriant, il nous prend le lexique du routard des mains et nous montre : "raviolis ". Cool. On commande aussi trois bieres en les montrant, et puis du the. Les bieres (Tsingtao) sont claires et rafraichissantes, le the the leger mais agreable et les raviolis delicieux, baignant dans un bouillon qu'on boit jusqu'a la derniere goute. En tout, on en a pour... 16 Yuen a trois, c'est a dire 1,60 Euros... veritablement incroyable. On a simplement eu les prix locaux, pas ceux habituellement appliques aux touristes. Les gars attables a cote nous apprenent a compter jusqu'a 10, avec la voix et les mains. Je me rappelais un peu de l'annee derniere, c'est tres different de la France, super ludique et tres pratique pour negocier. De retour au Far East, on rend nos montures et puis on file se coucher apres avoir fait la connaissance de quelques francais. Ca nous coute 60 Yuan la nuit, c'est pas non plus bon marche mais c'est grand luxe je trouve, avec la clim', des lits larges, de la place pour ranger ses affaires, des douches communes bien chaudes, plein de lavabos et des chiottes avec des crochets (tres pratique)... la classe. On s'est leve tot, on s'est pris une grosse claque de Pekin dans la gueule, on est content d'etre la, avec un copain en plus. Un copain qui parle fort, un peu chiant et qui se casse la gueule partout, mais un copain quand meme. On se couche donc, contents.

Les jours de la semaine qui s'ensuit defilent a une vitesse fulgurante, avec un fil rouge commun ressemblant a : "p'tit dej occidental reparateur " le matin, "tueries chinoises " la journee, "tentative de bonnes decouvertes culinaires " a chaque repas et "regulieres virees festives " en soiree, le tout en se deplacant exclusivement en velo la journee et en taxi le soir. Beaucoup de rencontres et de fou-rires aussi. Mais parlons un peu de la ville. Tout d'abord, a Pekin, il y a du "smog". Le smog c'est cette nappe de brume blanchatre persistante cree par la pollution et posee sur la ville, empechant toute vue a distance, grignotant les buildings et meme les nuages. On a beau le savoir, on ne s'attend pas a une telle epaisseur, une telle omnipresence. Et puis Pekin est une "grande ville". La aussi on peut se dire "ouais, c'est bon, j'en ai deja vu des grandes villes..." mais la c'est vraiment grand, sans commune mesure avec ce que je connaissait. En regardant la carte de Pekin (rassemblant tout ce qui se trouve dans les quatre premiers peripheriques de la ville sur cinq), on se dit que tout est assez proche. On a l'impression que les rues ne sont pas si eloignees les unes des autres, qu'en velo pas de probleme. Et puis on le prend, le velo, on se retrouve lance dans la jungle urbaine, en essayant de respecter les feux, les lignes de demarcations entre voies des differents vehicules (chaque rue ayant une largeur plus ou moins grande reservee aux 2 roues), on pedale comme des fous en essayant de reperer les noms des rues, heureusement traduits en pinyin... et a chaque fois qu'on se repere sur la carte, on hallucine, on se rend compte qu'on a parcouru 2 cm. Du coup on fait beaucoup de velo, on se depense, on se construit des bons mollets bien muscles (hum). C'est tres agreable, si ce n'est la tonne de fumee d'echappement qu'on se prend dans la gueule a chaque trajet. Au debut la circulation fait assez peur, et puis on s'y fait, on se surprend a passer entre d'autres vehicules, a anticiper intuitivement les mouvements des autres et le passage des feux, on se met progressivement en pilote automatique en prenant de l'assurance et en comprenant le comportement des autres vehicules. Et puis a chaque carrefour, des employes a fanions et sifflets nous aident a lire les feux et nous indiquent quand passer. Typique de la culture chinoise du "petit boulot". Bon, le deuxieme jour de location, on a quand meme reussi l'exploit de casser nos trois velos et de rentrer a pied (5 km environ) a la guest house ! Le mien une pedale en moins, celui de Leo la fourche cassee et Erwan une roue toute voilee... bon score, apprecie moyennement par le loueur qui nous a quand meme rendu la caution. Avec Erwan, on a aussi reussi a convaincre un chauffeur de tuk-tuk de nous le laisser conduire, c'est rigolo et ultra maniable.

En faisant du velo, on a aussi le temps d'observer la ville qui fourmille. Parce qu'a Pekin, il y a beaucoup de monde aussi. pas loin de 15 millions d'habitants. Et j'ai rarement vu une ville avec un urbanisme aussi peu coherent, une architecture si disparate... un vrai meli-melo fourre tout de modernisme exacerbe, avec des milliers de buildings (rivalisant de hauteur, de formes ineptes, de materiaux, de petites touches typiques parfois) de part et d'autre de tres nombreuses grandes avenues a cinq voies jalonnees de panneaux GH Decaux (le frere de JC ?). Et puis des centaines de quartiers de hutongs, dedales de petites ruelles tres etroites, naissant au pied d'un building et debouchant bien plus loin sur d'autres grandes avenues. Certains hutongs pres du centre semblent etre preserves pour que la ville garde son cote ancien et typique, et sans aucun doute pour ravir les touristes, mais des milliers par an sont detruits pour laisser la place a de nouveaux batiments plus modernes et plus hauts. Il y a les "hutongs a hotels", bourres de petites echoppes a souvenir, restaurants, supermarches, salons de massage et maison du the bien propre (a l'instar du quartier de notre hotel). Et puis il y a les hutongs sans touristes, avec la vie qui s'ecoule doucement, des odeurs etranges emanant des fenetres entrouvertes et des joueurs de majong ou d'echec chinoises a l'ombre de petits arbres. Mais bien souvent il suffit de faire 50 m pour debarquer a nouveau sur une immense avenue bruyante et etouffante d'echappements et de smog. Et puis, de ci de la, se dressent des temples sortis d'un autre temps, des grands lacs aux rives calmes abritant des joueurs de flutiau et des pecheurs, des collines et des parcs fleuris. Si on veut resumer, Pekin est une ville globalement impressionante, globalement oppressante et grande, tres grande.

Niveau bouffe, on se fait plaisir en goutant pas mal de choses. On choisit en montrant les plats des voisins quand ca nous tente, mais les restos du coin ont souvent des menus traduits en anglais. Sinon on utilise la section bouffe du lexique du routard, ou encore on s'essaye a prononcer les quelques mots qu'on apprend a dire au fur et a mesure. Mais sans beaucoup de succes. C'est sur que quand t'essayes de dire "the " et que le gars en face comprend "maison ", c'est pas gagne. Il y a des classiques, des valeurs sures, genre le porc ou le poulet a la sauce aigre-douce et aux cacahouetes, toujours bon. Par contre la prise de risque n'est pas toujours recompensee ! On s'essaye un jour a des brochettes bizarres trempees dans un bouillon aigre et tres epice au lieu d'etre grillees... on a du mal a identifier ce que c'est : des legumes verts au gout etrange, des boulettes soufflees et visqueuses a l'arriere gout de poisson, des petits morceaux de viande bourres d'os et de gras... ok on s'y laissera pas reprendre. Quelques jours plus tard on se rend a un resto conseille par Nico et Gagou (qui etaient la trois semaines plus tot et qui nous avaient envoyes par mail un de ses ideogrames comme indice pour le trouver), et on se retrouve devant... exactement le meme principe, des brochettes a bouillir ! On palit. En plus la serveuse va nous chercher un message ecrit par Nico qui dit en substance : "C'est une bonne adresse qu'on vous conseille ! ". Si on n'y mange pas, ca va etre pris pour du deni de trip, on peut pas se le permettre, on a une reputation, on est des fous. Alors on se pose, et en fait c'est bien meilleur que la premiere fois, on a meme le droit a quelques brochettes grillees de bonne viande, le top. En parlant de brochettes, une rue entiere est consacree chaque soir a des degustations un peu "experimentales". Les etals proposent des brochettes de fruits de mer visqueux ou de scorpions (pas pour moi, je ne mange pas mes semblables), et pleins d'autres etrangetes. La plupart du temps, les plats sont pleins de glutamate. Le glutamate, c'est une sorte d'agent de saveur qui sale et lie les plats cuisines. La theorie d'Erwan est que le glutamate c'est le mal, que ca te donne 40% d'impression de faim en plus et que ca te bousille la sante. Le truc c'est qu'il n'y a pas un plat sans glutamate ici. Et j'ai vraiment l'impression qu'il dit vrai : il suffit que je goute une bouchee de plat glutamate pour m'empiffrer du reste, meme quand je n'ai absolument pas faim ou que je viens de manger... c'est horrible, ils vont nous engraisser comme des porcs, de toute facon il veulent notre mort (je continue a citer Erwan, bien sur). On se fait aussi un canard laque. Un a trois. C'est bon, avec plein de petites garnitures, differentes sauces et des petites galettes dans lesquelles on peut faire des melanges. On boit beaucoup de the aussi. En mangeant, le the est systematiquement offert, et on prend vite l'habitude. Un jour on va carrement dans un etablissement de the pour une petite degustation ceremonielle : ginseng oolong, the noir, the au jasmin... une femme nous sert, nous explique les vertues, nous detaille les provenances et les gouts. C'est delicieux. Un autre jour encore, pour faire une pause lors d'un eprouvant deplacement en velo, on s'arrete dans une "Tea House 24/24 ", interloques. Le consept est simple et genial : tu payes 18 Y (1,8 E) et tu bois absolument ce que tu veux pendant maximum 24h, sans rien repayer une seule fois ! Et en plus t'as le choix entre pleins de jus (orange, concombre...), de thes (vert, noir, rouge, jasmin...), de milk-shakes (mangue, ananas, myrtilles...), et on te serre des petits pois secs et cacahouetes a grignoter a volonte. Autant dire que la pause y est plus longue que prevu !

Pekin est aussi un lieu d'encheres et de negoce, beaucoup plus que les deux pays precedents. Moi j'adore ca. J'aime passer du temps en face de quelqu'un a discuter d'un prix, c'est l'occasion d'echanger, de rigoler, parfois de s'engueuler gentiment. Comme j'aime ca, je dis aux autres que je veux bien negocier les trucs qu'ils veulent a leur place. Un soir, je comprend que Leo accepte d'acheter un kit de baguettes chinoises a 100 Y. Le prix initial est 250 je crois. Alors je commence a discuter. Je descend a 150, je crie a Leo "ca se rapproche ! ", et puis je tombe le prix a 100. Fier de moi, je vais le chercher et il m'explique qu'il ne voulait pas du tout ca, qu'il voulait un vetement et qu'il l'a deja negocie et achete lui-meme depuis un moment. J'etais tellement dans mon truc que je ne m'etais apercu de rien ! Ca la fout mal, car je n'ai personnellement aucune envie de cet objet. Mais j'ai passe tellement de temps a negocier... je leur explique la situation, que c'etait pour mon ami, que je n'en veut pas, que je suis desole. Finalement ils descendent jusqu'a 50 Y en tirant la gueule. J'achete bien sur, pas tres fier de moi. Un autre jour, on va "visiter" un grand department store a 7 etages avec "tout ". C'est un grand mall, on parcourt les etages, se fascine pour les nouveaux jouets, Erwan se fait cirer les pompes... et on arrive devant un comptoir avec des appareils electroniques, mp3, tout ca. Je demande au gar s'il vend des iPod, pour voir les prix. Il me dit oui, me sort d'une vitrine un "nano iPod" 4Go a 500 Y. C'est vraiment un bon prix. Je regarde, il l'allume... le systeme est totalement different, c'est tres manifestement un faux. Je lui dit, il me repond oui, mais quand meme, 4 Go ! Bon, il n'a pas tord non plus. Je fais quand meme descendre le prix et l'achete finalement 280 Y, beaucoup moins cher qu'une simple cle USB d'une taille inferieure. On verra si ca tient. Je me fais aussi voler un sac de quelques souvenirs que je venais d'acheter, tout est normal.

Autre passage oblige en Chine : les massages. On se rend a velo dans un centre de massage recommande par le routard pour son serieux et parce que les masseurs sont aveugles et neamoins doues. C'est tentant ca. On se fait donc masser pendant une heure, allonges cote a cote, par des aveugles nous faisant comprendre par des gestes et des pressions quand et comment se retourner. Globalement ca fait a la fois mal et beaucoup de bien, chaque point sensible du dos, de la nuque, du crane, des jambes, des pieds et des fesses est passe au crible deleurs doigts. On en ressort un peu vides, un peu endoloris, veritablement detendu. Je me dis qu'a ce prix la (6 E l'heure) j'irai chaque semaine si ca existait en France. Un autre soir, on se prend l'envie d'un shampoing avec Erwan... peut etre est-ce cet ecriteau lumineux qu'on voit tous les soirs a cote de la guest-house qui a eu raison de notre volonte. Il n'empeche, le shampoing est accompagne de longs massages du crane et de la nuque et dure 45 minutes, pour seulement 10 Y. Apres ca, les jours suivants, le jeune shampouineur ne cesse de revenir me voir en me serrant dans ses bras et en me caressant les epaules... probablement un signe d'amitie virile. M'enfin faut quand meme se mefier avec un coiffeur. De facon general tous les vendeurs de la rue de l'hotel deviennent un peu familiers et amicaux apres plusieurs jours. On fait copain avec les vendeurs de montres Mao, les gars de l'accueil, du bar en face, du supermarche d'a cote et de quelques restos. On prend un peu nos habitudes, c'est un environement presque "trop facile", touristique et pas completement depaysant, mais c'est agreable aussi.

Les touristes, parlons-en. On rencontre de sacres personnages, essentiellement francais. D'abord quelques jeunes sinophones avides de fetes, de biere et de tentations diverses. Quentin "le fou", tres dur a suivre, toujours a donf, et qui prefere boire de la biere, raconter des conneries et parler chinois (aux filles mignones) que faire des visites culturelles. Son acolyte Raphael, de la meme ecole de chinois a Paris, est un peu de la meme famille, du genre qui aime bien "glander en Chine". Et puis il aime bien Los 3 Puntos (dont il a deja organise des concerts !), Les Cameleons et Les Cowboys Fringants. Florent voyage seul, il a tout du beau gosse sympa de bonne compagnie, bien delirant aussi. Olivier (je crois) est un frappe de Kung-Fu tres etrange, qui parle bizarement et qui a quelque chose d'angoissant, mais qui est toujours la pour aller boire un coup. Et puis Andrei, un russe qui habite a Montreal depuis 10 ans et ne parle pas un mot de francais, qui ne fait que se siffler des bieres cul-sec, imiter l'accent chinois en parlant anglais ou repondre a cote de ce qu'on lui demande. Plus tard viendra la rencontre de Soline, qui arrive a Pekin pour y faire du theatre contemporain pendant un an avec sa copine Claire, qui parlent excellement bien chinois et nous aide a communiquer et a choisir de bons petits plats. Un peu fieres et parisiennes, mais sympas. Et puis Mathieu et ses potes, qui viennent aussi du transsiberien. Lui, il a vecu 2 ans en Australie a faire des petits boulots comme demenageur ou docker... des gens bons trips, ouverts, etranges, differents, des rencontres quoi. En tout cas on ne s'ennuit pas. Les soirees qu'on passe en boite avec Quentin et ses amis (deux ou trois) sont hautes en couleur et partent a mille a l'heure. On va au "dancing house" de la rue, petite boite a la con, avec de la musique pourrie mais rigolote et des nanas qui sont la pour chauffer un peu les touristes mais juste ce qui faut pour faire consommer. A un moment je vais aux chiottes, un gars m'ouvre la porte et la referme. Je ressors, il me dirige vers l'evier, ouvre le robinet d'eau, me gicle un peu de savon sur les mains, attend qu'elles soient rincees et me les essuie avec une serviette. Genial. Un soir on va au Kai, un bar branche de la rue Sanlitun (LA rue des bars et des boites) ou toutes les boissons (coktails inclus) sont a 1 Euro, et on enchaine avec le Banana, qui a tout de la grande boite chinoise boum-boum mode (egalement conseillee par Nico). Pour moi ca va un moment mais ca me gave assez vite. Et puis vient la soiree du 29 Aout... mais plus tard. L'environnement est maintenant pose, faisons maintenant un tour des "tueries" culturelles pekinoises, qu'on enchaine malgre tout presque chaque jour, portes par nos velos. Ben oui, La Cite interdite nous a mis en appetit. Allez, on y va chronologiquement.

Jeudi 24, on gravit la colline de Charbon, une colline artificielle amenagee dans un parc tranquille et qui offre une tres belle vue... du smog alentours. Et puis ses 5 palais en hauteur sont en renovation ! Globalement, a Pekin, tout est en renovation. Il faut le savoir et se le rentrer dans la tete pour eviter les deceptions en cascade. La ville restaure tous ses monuments et reamenage ses parcs pour redorer son image lors des JO de 2008. D'ambitieuses campagnes de communication essayent d'insuffler un nouveau savoir-vivre a la populace pour l'inciter a ne plus cracher par terre et a jeter les detritus dans les poubelles. Le recyclage semble aussi au coeur des preoccupations, avec des consignes importantes pour les gens qui ramenent des sacs de bouteille en plastique ou des cagettes de bieres vides. Du coup il y a toujours quelqu'un pour courir vers toi prendre ta bouteille quand tu viens d'avaler la derniere gorgee, en te remerciant. Ca a beau etre de l'appat du gain, ca participe quand meme d'un mouvement collectif pour un environnement un peu plus preserve... on peut toujours rever. Bon, je me suis eloigne. Tout est en renovation donc, et les batiments les plus symboliques de la Cite interdite n'echappaient d'ailleurs pas a la regle. Grilles de protections vertes et echaffaudages. Par contre les batiments deja restaures sont eclatants, petent de milles feux. J'ai l'impression que nous, "europeens", aimons particulierement la vieille pierre un peu creusee, les batiments qui assument leur role de temoins du temps qui passe. Ici, les restaurations ont pour but de rendre aux batiments leur prime jeunesse, leur clinquance des premiers jours. En 2008, quand tout sera parfaitement remis a neuf, ca devrait etre absolument magnifique (et les prix d'entrees absolument plus chers si on en croit les sommes colossales investies par l'etat). Bon, revenons a nos moutons. On grimpe aussi dans la Tour des Tambours et la Tour de la Cloche. La premiere abrite des dizaines de gros tambours dans une salle haut perchee, on a meme droit a une vraie demonstration, la deuxieme renferme la plus grosse et plus lourde cloche de la ville. Bon, ok, elle est grosse.

Apres une journee plus pepere, on repart Samedi 26 avec Erwan et Florent en direction du Palais d'ete (pendant que Leo en profite pour avancer dans son recit de voyage - www.ouestleo.com, avec plein de belles photos a l'appuie ;-). Ce con (le palais, pas Leo) est en fait a environ 25 km. Pas si loin sur la carte. A l'arrivee on a les mollets... bien chauds. Le Palais d'ete, c'est en fait LA tuerie de Pekin : grand lac, parc, collines, magnifiques palais, tours, vestiges, places ceremonielles, dedale de batiments et de cours interieures, vues imprenables (et la, pour le coup, c'est vrai - avec le smog), musee... c'est un peu le tout en un, la synthese. On n'a pas le temps de s'emmerder. Les palais sont moins reguliers et ecrasants que dans la cite interdite, espaces de verdures et agrementes de jardins dans les etangs desquels des fleurs de lotus poussent a l'ombre des saules pleureurs. Un imposant bateau de marbre donne l'impression d'etre en partance sur les rives du grand lac. Sur un pan cache de colline, des vestiges de palais et stupas, ronges par le temps, grignotes par les rochers dans lesquels on a creuse des escaliers et tunnels. Une petite ile tres mignone (renfermant le temple du dragon et ancien havre de paix de l'imperatrice Cixi au XVIIIeme) est reliee a la rive par un magnifique pont aux 17 arches (particulierement apprecie par Florent, architecte de formation). L'ensemble du palais d'ete, pas trop vieux, a ete entierement reconstruit apres une mise a sac franco-anglaise vers 1860. Oups, encore nous. Les empereurs venaient ici des qu'ils pouvaient pour echapper a la touffeur de l'ete et se detendre. Ils avaient bien raison. En tout cas le retour a velo est au moins aussi eprouvant que l'allee, on arrive meme a se perdre sur les berges sombres d'un canal...

C'est le Dimanche 27 qu'on se decide a franchir le pas : reveil a 5h et saut dans un bus en direction de l'une des 7 "vraies tueries" du monde, La Grande Muraille de Chine. On est le lendemain d'une bonne fete avec dodo vers les 3h, on essaye peniblement de ratrapper notre retard de sommeil dans les 3h de bus qui suivent. Pendant le trajet, je me rend compte que Pekin n'en finit jamais... c'est apres plus de 2 heures qu'on qu'on a l'impression de sortir vraiment de la ville ! Le car nous depose a Jingshanling, de la on a un parcours de 10 km a pied sur la muraille pour rejoindre le spot "touristique mais pas trop" de Simatai. La premiere tour se dresse devant nous, on grimpe jusqu'a elle, et puis a son sommet. Ca y est, on est sur la muraille. Muraille qui se perd au loin, dans les montagnes et... le smog, toujours lui, qui nous coupe un peu la vision a couper le souffle qu'on attendait. Mais la nature est quand meme sauvage et belle de part et d'autre, on apercoit meme quelques rizieres en terasse. Et puis ca donne un cote un peu plus fantastique et irreel. Au debut, ca grimpe beaucoup, chaque tour a atteindre etant plus haute que la precedente. Et on en chie, surtout Erwan et moi, les deux plus physiques du groupe. Des centaines de hautes marches mal taillees, de rochers maladroitement soudes par le temps a la muraille et de paves branlants ont raison de nous, on se prend un gros retour de baton des exces de la veille. Mais c'est beau, ca impressionne. On imagine les gardes de l'empire faisant leur ronde et guetant l'ennemi, on est aussi un peu Jon Snow sur le Mur, attendant febrilement le troisieme coup de cor, l'arrivee des Autres. Les tourelles apparaissent une a une. Et nous on continue a crapahuter ou a descendre au gre des caprices de la montagne. La nature s'est installe confortablement par endroit, d'autres parties ont ete restaurees, d'autres encore totalement ecroulees, il nous faut alors "mettre pied a terre" et contourner l'infranchissable avant de pouvoir fouler a nouveau la bete. Sa longueur est folle. On a enfin un point de vue grandiose lorsque la muraille, obliquant agauche, se met a remonter toute la crete de la montagne en face. Les tourelles se perdent dans les cieux, aspirees progressivement au sommet, tout en haut, par une blancheur laiteuse. Pendant tout le trajet des amis nous accompagnent, vendeurs de babioles et d'eau glacee (mais chere) et guides de circonstance. Il nous montrent des ideogrames de plus de 500 ans graves sur les remparts et nous donnent des informations sur notre avancement ou le nombre de marche avant la tour suivante. Et puis ils n'arretent pas de se foutre de notre gueule parce qu'on transpire. Il fait chaud et humide, nos corps sont encore fatigues de la veille, on doit sembler a l'agonie (moins Leo, qui s'en sort bien, le salaud). Alors qu'eux sifflotent, gambadent, nous ventilent la tete tout en marchant et nous annoncent les pierres branlantes. Apres ca, va les envoyer chier quand ils te demandent d'acheter leurs conneries ! Alors on achete. Un eventail pour Leo, un T-Shirt pour Erwan, un kit de carte postale pour moi. Ben oui mais bon. La deuxieme moitie du trek est un peu moins eprouvante, on est plus enclin a redescendre jusqu'a la vallee de Simatai ou on emprunte un pont suspendu pour traverser un fleuve. Apres 4h de marche (forcee), on est arrive. Le spot est tres beau, avec encore un alignement de tours dont on ne voit pas le bout. La grande muraille de Chine, c'est quelque chose d'unique au monde, la grande classe. On rejoint le parking en traversant a nouveau le fleuve en tyrolienne puis en prenant un petit bateau. C'etait bien, j'reviendrai (desole Raph, mais je l'aime bien celle la).

Lundi 28, c'est le Temple du Ciel. En fait un grand parc avec une tour-temple haute et majestueuse dans laquelle l'empereur venait prier, et puis un dressing a empereur, une cuisine pour l'empereur, des abbatoirs de luxe pour preparer a manger a l'empereur, une place "centre du monde" (encore ?) pour l'empereur, des longs et beaux corridors exterieurs pour les allers et venues de l'empereur, et puis un palais de la musique-musee (rassemblant tous les instruments chinois cheulous) pour donner des representations devant l'empereur. En ayant ras-le-cul de l'empereur et en mal de plaisirs populaires, on fonce en sortant de la (de maniere hasardeuse tout de meme) a Amusement Park, un parc d'attraction (payant !) aux imageries niaiseuses-enfantines chinoises ! On n'a peur de rien j'vous dis. Grand-huits, bateau pirate (leo est a deux doigts de vomir), soucoupes chinoises (c'est a mon tour), riviere canadienne et maneges rivalisant d'inepties s'enchainent. On termine par un spectacle de danseuses a paillettes sur de la musique d'une pauvrete rare. On a bien fait de venir. Non mais en vrai le pire c'est que j'aime bien...

Mardi 29, Temple des Lamas. C'est le temple tibetain le plus grand de Chine en dehors du Tibet. Un chouette alignement de batiments et de cours interieures... toujours un peu les memes, au bout d'un moment ca fait plus grand chose. Mais quand meme, les interieurs regorgent de petites merveilles, buddhas, bodhisatvas, dharmas, et caetera. Je me prend d'affection pour Tara la blanche et ses 7 yeux (trois au visage, un sur chaque paume sur chaque plante de pied) et Tara la verte, guerisseuse des souffrances du monde, rien que ca. Beaucoup de fideles sont veritablement la pour prier et se recueillir, une atmosphere religieuse palpable et rassurante qui tranche avec la fievre touristique habituelle. Et puis tout au bout s'erige un imposant boudda dore de 26 m de haut qui pete la classe. Comme a Oulan Bator ? Ouais, sauf que celui la est dans le Guiness des records, il doit etre plus fort. Ca donne quand meme envie d'aller au Tibet tout ca.

C'est en rentrant a la guest-house ce jour la qu'on croise toute la fine equipe qui s'apprette a sortir en boite pour feter "le dernier soir"... waouh, on prend conscience que tout le monde se casse. Quentin, Raphael, Florent, Olivier... et puis moi aussi, la nuit suivante (je dois partir a 4h du mat pour attraper mon avion qui part le 31 a 7h30). Et puis Erwan et Leo pour Shanghai le 31 au soir, ca s'est decide recemment. Et puis Andrei... On n'avait pas prevu ca, mais la forcement notre sang ne fait qu'un tour, bien sur qu'on va faire une derniere fete tous ensemble ! On se fait emmener en deux taxis a The World of Susie Wu, une boite conseillee par un tiers. Certains rentrent et ressortent faches : la biere est a 35 Y et l'endroit est un peu luxueux ! Du coup on s'achete des bieres dans un tutu et on les boit dehors en discutant, d'autres rentrent puis ressortent boire des bieres pas cheres. Notre petit manege est vite mis a jour et tout le monde se fait virer... moi j'arrive quand meme a re-rentrer dedans pour chercher des gens, je ne les trouve pas, ressort, re-rentre, me fait0 virer a mon tour. On se retrouve tous plus ou moins, sauf Quentin qui a disparu il y a un bon moment. On le voit finalement descendre les echaffaudages devant la boite et nous expliquer qu'il est alle taper le carton et boire de l'alcool de riz avec des ouvriers de 8 ans... hum, il est fou ce mec. A cote Andrei le Russe-Canadien chante et hurle, il est devenu fou aussi je crois. Allez, on reprend des taxis vers Sanlitun et le Kai, la valeure sure, sympa et pas chere. Au sortir du taxi, on se fait accoster par des gars qui nous proposent des putes ("lady massage... ! "). Olivier "Kung-Fu" est tout de suite interesse et demande les prix, pendant que Florent pete les plombs et se met a leur hurler : "No ! I want sex, but for free !! ". C'est plus le romantisme francais qui risque d'en prendre un coup ! Il est frustre car il etait en train de draguer une fille au Susie quand on s'est fait virer. Arrives au Kai, on commande un mojito, et puis une vodka tonic, et puis... bon, au bout d'un moment on est bien dans la brume et on a perdu tout le monde (schema classique des soirees passees avec eux), du coup on decide de prendre un taxi et rentrer, Leo, Erwan, Florent et moi. A l'arriere du taxi, Florent m'ecrit son adresse e-mail, et puis on est depose au coin de la rue, tout est normal, tout va bien, on s'ecroule jusqu'au lendemain.

Mercredi 30 donc. Le reveil est tardif et lascif, on prend un bon petit dejeuner au bacon avec les survivants de la veille, on se raconte les variantes de fin de soiree. Soline, mignone, sinophone, debarque a ce moment la, un peu perdue, sortant juste de l'avion. Florent est dedans, lui. L'apres-midi pointe deja son nez et on decide de prendre un tuk-tuk pour la place Tian'anmen, on veut aller admirer le corps preserve de Mao dans son Maosolee, c'est quand meme important ! Lenine pour commencer, Mao pour finir : la boucle est bouclee, je peux rentrer chez moi ! Le tuk-tuk nous depose. C'est au moment de le payer que je m'apercois que mon passeport n'est plus dans mon portefeuille ! C'est sa place depuis le debut du voyage, je suis toujours en train de verifier s'il y est ou non, mais la... montee de stress, fouillage dans toutes les poches. Bon, il y a des chances pour qu'il soit reste a l'hotel, qu'il ai glisse dans le lit, j'essaye de me calmer un peu. On va quand meme voir cette histoire de Mao : c'est ferme l'apres-midi, on rentre vite a l'hotel. Et la bas on ne trouve rien non plus. Toutes les affaires y passent, les sacs, les habits, les recoins de la chambre... j'essaye de me rappeler. Et je me souviens : j'ai ouvert mon portefeuille dans le taxi retour pour trouver un bout de papier ou ecrire l'adresse de Florent, juste avant qu'on arrive. Le passeport a du glisser de mon portefeuille a ce moment la et avec le speed de l'arrivee, je n'ai pas verifie. Ca ne peux etre que ca. Je prend sur moi, je brule de l'interieur : quel con, mais quel con ! Le voyage c'etait parfaitement bien passe, aucune galere a l'horizon (ou anecdotiques), et voila que je perd mon passeport la veille du depart ! LA DEad galere quoi. Et puis je l'aimais bien mon passeport, il commencait a etre rempli de visas, de symboles, de dates, de tampons, d'images et de reves, je voulais le garder. Le pire c'est que je m'etais fait a l'idee de partir, je gerais bien dans ma tete le fait de rentrer, j'avais envie de revoir les amis et la famille, et puis conscience de la somme de boulot de ce debut d'annee avec Mediatone. Bon, ne pas se laisser abattre, se reprendre. J'appelle l'ambassade francaise, on me passe le specialiste de ce genre de cas, Mr LAMI. Il faut que je m'en fasse un pote (ouais, bon). Il m'explique calmement que j'aurais du prendre la petite facture du taxi avec son numero, que sinon je n'ai aucune chance de retrouver quoi que ce soit (a Pekin, il y a effectivement quelques taxis), que je ne pourrai pas prendre mon vol le lendemain, et que soit j'attend 2 ou 3 jours en esperant que quelqu'un le retrouve (peu probable avec le marche noir de passeports), soit je vais faire une declaration de perte aux autorites chinoises, auquel cas meme s'il etait retrouve, l'ancien passeport ne serait plus valide. Ensuite il faut encore passer a l'ambassade avec la declaration pour avoir un papier permettant de passer la frontiere avant de redemander un visa a la Chine, de dernier pouvant etre delivre en 4 a 7 jours... la je commence a prendre peur. Ils veulent me retenir ! Je ne pourrai pas rentrer chez moi ! Ils vont m'enfermer dans un bunker et plus personne n'aura de nouvelles ! Ils veulent ma mort ! Hum, restons calmes. Je n'ai plus d'autre choix que de faire mon deuil et le maximum pour rentrer le plus tot possible malgre tout. Tout d'abord Aeroflot : je veux etre sur de pouvoir changer mon vol sans payer un nouveau billet plein tarif, je dois donc aller les voir avant le depart de l'avion. Il est 16h30 et leurs bureaux a Pekin ferment a... 17 ! Quelqu'un m'ecrit l'adresse en chinois sur un bout de papier et je saute dans un taxi avec Erwan et Raphael qui est encore la et peut m'aider avec son chinois. Il y a plein de bouchons, et le taxi arrive vers 17h03 devant une enseigne de compagnie russe (meme pas aeroflot) dont l'interieur est en pleins travaux... c'est pas la. Du coup on marche (presque une heure) jusqu'a Sanlitun, on retourne au Kai... aucun passeport n'y a ete trouve. Je reviens meme au croisement ou on a pris le taxi, on peut toujours rever. Je ne me rappelle meme pas ni sa couleur ni la gueule du chauffeur ! On rentre, penauds, surtout moi. Le soir on va manger avec Quentin, Raph, Soline, et puis on rencontre Matthieu et ses potes. Je raconte ma mesaventure, ca rigole et ca compatit, ca essaye de trouver des solutions, ca n'en a pas. Quentin prend le train pour Chengdu dans une heure, au revoir a cote du resto, accolades et tout. Ca sent la fin, ca rend triste. Je me dit que je vais voir tout le monde partir les uns apres les autres et que me retrouverai tout seul. Sniff. Je vais me coucher vers 1h. Pas trop tard, j'ai decide d'aller quand meme a l'aeroport a l'heure prevue pour essayer de negocier en direct un changement de billet...

Jeudi 31, 4h30... le reveil sonne et je me leve sans bruit. Le hall de l'hotel est vide et silencieux. Devant, deux francaises sont a moitie endormie sur leur sac en attendant l'heure ou elles pourront prendre une chambre. On discute 3 secondes, elles s'appellent "Claire et sa soeur", viennent de Mongolie et de l'Eyrieux ! Des gens montent dans un bus d'une douzaine de places pour l'aeroport. Ils ont reserve, pas moi. J'explique ma situation au mec d'en face qui gere le cafe Internet, il parle au chauffeur puis me dis de monter et d'occuper la dernier place libre. Je lui demande combien ca coute. "Nothing for you ! ". Je l'ai attendri, j'ai de la chance (les autres ont paye 150 Y). Les rues sont vides et on arrive a l'aeroport en 30 minutes. C'est encore le brouillard dans ma tete. Je trouve le hall d'embarquement puis la queue devant les comptoirs Aeroflot. Ca fait bizarre, j'ai bien le billet d'avion, c'est le bon, je suis au bon endroit 2 heures avant le depart pour la premiere fois de ma vie, mais je ne peux pas embarquer ! La chinoise du comptoir me fait signe de parler a son responsable qui parle anglais. C'est un russe a moustache, il me fait peur. Je lui montre mon billet et explique la situation, il me dit en substance que je n'ai rien a foutre la, que je ne prendrai pas cet avion, que je dois faire changer mon vol au bureau Aeroflot en ville. Super, bien avance. A 6h10, me voila de nouveau devant l'aeroport. Pas de bus avant 7h30... je me dis que j'avais budgete le taxi pour l'aller, je peux mettre la somme pour le retour. Je demande au taxi de se rendre d'abord au BSP (Bureau de la Securite Publique) pour commencer les demarches. C'est ferme, ca n'ouvre qu'a 8h30. Je me fais finalement ramener a la guest-house ou je me rendors pour deux petites heures, un peu deprime. A 9h, Erwan et Leo sont chauds pour aller enfin voir la depouille de Mao. Allez, ca peut pas faire de mal pour commencer la journee... on enfourche 3 velos. La queue sur la place Tian'anmen est asez rapide, on est devant la bete en 20 petites minutes, pour 20 petites secondes. Juste le temps de se rendre compte qu'on regarde Mao, et c'est deja pas mal comme impression. Comme Lenine, un visage cireux, un peu plus vieux peut-etre. On passe les nombreuses boutiques de souvenirs, voila, c'est fait, je peux rentrer chez moi. Ah non merde, je ne peux pas, j'avais oublie. Leo rentre au Far East pendant que je part avec Erwan vers le nord. Moi pour le BSP, lui pour s'enfiler un ou eux monuments de seconde zone qu'on aurait laisse de cote. Au BSP, il y a beaucoup de monde, ca se bouscule, il y a plusieurs etages, on ne comprend rien. Differentes autorites m'indiquent des directions opposees, j'arrive finalement au bon endroit. Je remplis un papier de declaration de perte. J'ai ma carte d'identite pour prouver qui je suis. Il faut une photo, je n'en ai pas. L'agent devant moi (assez sympa, parlant anglais) m'indique une porte. Derriere, il n'y pas pas moins de 8 studios photos ! Je m'installe devant une lumiere. Flash. Une femme me demande si ca me convient en montrant ma tete sur son ecran d'ordi : aujourd'hui je ne pourrai pas faire mieux ! Elle me tend un papier : 1er etage ! Le 1er etage, c'est le rez-de-chaussee. Je vais a un guichet ou il y a ecrit photo... non, c'est pas la, il faut d'abord payer. Je vais payer de l'autre cote, reviens avec un nouveau bon. Ok, j'ai 5 photos couleurs d'identite. Je remonte. Le gars me dis qu'il faut une photocopie de ma carte d'identite et de ma carte d'hotel. Je redescend. Un guichet Copies me les fait fissa. Je remonte... ok, le dossier est complet. Quelques signatures et tampons, j'ai mon papier de perte officiel. Le gars me dit d'aller a l'ambassade et de revenir faire mon nouveau visa avec mon laisser-passer. Bon. Retour sur le velo, par chance l'ambassade est juste a cote (c'est a dire 4 km) ! Gros boulevards, petites rues, circulation de fou... je suis maintenant devant un beau batiment barriere avec le drapeau francais, il est midi. Je regarde les horaires : l'ambassade n'est ouverte que le matin, jusqu'a 11h45... et merde. De depit, j'appelle l'ambassade sur leur numero d'urgence en expliquant au secretaire que je dois absolument voir mon pote Mr Lami. Il me dit que le seul moyen de le chopper est d'attendre devant l'ambassade a 14h, a son retour de dejeuner. Bon, j'y serai. En attendant j'ai le temps d'aller aux bureaux d'Aeroflot, ouverts entre midi et deux. Je renfile mon velo, 3-4 km, encore a cote. La bas, trois nanas me regardent d'un oeil mauvais, elles me trouvent debile d'avoir perdu mon passeport et m'expliquent qu'il n'y a qu'aux francais qu'il arrive ce genre de trucs. J'essaye de les detendre en leur expliquant que si j'avais su que ce n'etait pas mon dernier soir, je n'aurai pas fait la fete et n'aurais pas perdu mon passeport... ok, ca les fait rire. La nana me dit qu'elle ne peut pas me faire de changement de billet tant que je ne connaitrai pas la date ou je pourrai avoir mon nouveau visa. C'est l'enfer administratif, je suis en plein dedans, j'en ai marre. Je leur dit ok, a tout a l'heure. Je m'avale un semblant de salade a Sanlitun et suis bien sagement devant l'ambassade a 13h50. Je demande au gardien de me faire un signe a l'arrivee de Mr Lami. A 14h, un homme grisonnant arrive, le gardien me fait un signe... Mr Lami ? La voix qui me repond vient de derriere moi : Oui ? C'est un petit jeune en velo, l'air cool, le genre avec qui j'irai bien boire une biere dans la rue d'a cote ! Je me rappelle a son souvenir, lui explique que je travaille dans le secteur culturel et que j'ai une saison de concerts a preparer a Lyon... bingo, je crois que ca lui a plus. Il me dit que l'ambassade n'est ouverte que le matin, mais qu'il est pret a faire une exception car mon cas semble urgent. Ouf. Il m'ouvre, ca dure encore une bonne demi-heure de paperasse : declaration de piece d'identite (pour mon retour en France), photos (j'en ai, maintenant), signatures diverses, verifications... ca y est, j'ai mon laisser-passer dans les mains, tout bien en regle. Je remercie vivement Lami, et hop en selle, retour au BSP. La je me rend compte que la queue pour les visas est devenu immense. Je remplis tant bien que mal la feuille de circonstance pour la demande de visa. Dans la queue a cote de moi, une polonaise et sa fille. On discute, on s'explique nos soucis. Le sien : au moment de prendre l'avion, les douaniers chinois lui ont dit que son visa avait expire il y a plusieurs jours. En fait elle avait un double entree mais de 20 jours maximum a chaque fois. Son mari est francais, on parle la langue de Moliere. Elle me dit "Je me suis fais enculer par les chinois"... bon, peut etre pas la langue de Moliere. Elle me dit que son mari vient de Chalon-sur-Saone. - Ah, j'ai de la famille la-bas !. - plus exactement de Givry. - Ah, c'est par la que je fais les vendanges ! - Mais moi j'ai rencontre mon mari en faisant les vendanges, chez Sarasin et Francois Lampin (?). - Moi je connais bien Jean-Michel Bonnet, cooperative de Buxy. - Ah mais oui, moi aussi ! Le monde est diablement petit. Finalement on arrive aux guichets. Je montre tous mes papiers et explique que je suis un cas d'urgence, que j'organise un evenement important a Lyon la semaine qui vient. Ils me disent oui, mais il n'y a pas de billet d'avion qui prouve que je peux partir la semaine prochaine.... je repense a cette enfoiree d'Aeroflot. Bon. Finalement j'insiste, le guichetier accepte que j'en refere a son grand patron, il tranchera. Le grand patron n'est pas commode, c'est le moins qu'on puisse dire. Il m'ecoute parler de mon gros evenement culturel, de mon emploi a la ville de Lyon... il attend que j'ai fierement termine mon aberant discours, puis me sourit avant de balancer un "No !" sans equivoque. Je retourne a mon guichet... ca sera 7 jours, comme tout le monde. Mon nouveau visa ne sera delivre que le 7 septembre au matin, a 8h. Retour en pedalant aux bureaux d'aeroflot. La nana me dit qu'elle peut me faire un nouveau billet le 8 au matin a 7h30. Je lui demande s'il n'y a pas un vol la veille, elle me dit oui, a 11h40. Pour elle, c'est chaud de le tenter, j'ai encore une chance de le rater. Je m'en fout, je le tente. J'ai deux choses que je ne veux surtout pas rater en France : un concert de Pearl Jam Samedi 9 Septembre a Marseille et l'anniversaire des 80 ans de mes grands parents Dimanche 10 Septembre a Lyon, avec photo habillee prevue a 11h30 ! Comme j'atterris a Paris et que je n'ai pas encore gere mes billets de train, ca me parait plus sur de rentrer le 7. Ca coutera 2000 Y (200 E) le changement de billet, pas rien, mais beaucoup moins cher qu'un billet neuf. Je dis ok, bingo, donne-moi ce billet. En attendant je vais retirer du cash, la CB n'est pas acceptee... en vain, la machine me donne 500 Y et ne veur rien savoir de plus, j'aurais depasse un plafond de retrait autorise. Je rentre a nouveau dans le bureau, explique que je n'ai pas l'argent... le billet est deja imprime, la nana me fusille du regard. Elle me dit de revenir demain sans faute, qu'elle met le billet de cote. Ok. Velo, encore. J'arrive extenue devant la guest-house (j'ai du faire encore une cinquantaine de km dans la journee) et vois Erwan sortir un peu affole du supermarche : "t'as pas vu l'heure ? on a un train dans une heure ! ". Merde, il est deja 18h et j'avais zappe qu'ils partaient si tot. On a juste le temps de se voir 5 minutes, Erwan me dit qu'il a perdu le guide du routard, Leo qu'il m'a laisse deux sacs d'affaires a ramener en France... ok. Je n'en peux plus nerveusement, je sens que je suis a deux doigts de craquer. Des au revoir un peu rapides, un peu foireux. J'aurais aime pouvoir passer plus de temps pour dire au revoir a Leo, on a vecu plein de choses fortes ensemble, il part pour encore plusieurs mois seul, et ca se termine dans le speed, en eau de boudin. Leur taxi s'eloigne, ca y est je suis seul. Je n'en mene pas large. Mes mails m'assenent le coup final : on m'attend pour travailler en France, Jay est tout seul pour gerer une rentree chargee et insiste pour que je rentre vite, ma mere m'appelle le "resquilleur de vacances"... bref, je me sens seul et coupable, j'ai envie d'hurler. J'ai vraiment envie de rentrer. Tout le monde est parti. Enfin, de la "premiere generation". Je recroise Claire, on discute un peu. Je parle de mon experience de la Mongolie vu qu'elle en vient, raconte que j'ai une super copine qui vit la bas. - ah, moi je connais une Noemie ! - Mais c'est elle ! - Ah bon ? Je l'ai vu il y a une semaine a Ulan Bator, je la connais d'Ardeche ou j'ai de super potes, vers Cluac et St-Julien Labrousse ! - Tu veux parler de Raph, Lydie, Julien, Gege.... ? - Quoi, tu les connais ?. Tout est normal, je croise en une journee deux personnes a Pekin qui connaissent deux cercles d'amis a moi. Je pars me balader seul, a la recherche d'un endroit ou diner, et tombe sur Soline attablee avec Claire (l'autre, qui vient aussi vivre un an a Pekin pour faire du theatre et de l'opera) et deux chinois. Je me joins a eux, ca parle exclusivement chinois, j'essaye de me greffer tant bien que mal aux conversations avec mes deux traductrices. On passe un bon moment, les chinois ont commandes des assiettes de legumes verts a l'ail (?) et de tripes en sauce, pour grignoter en buvant de la biere. J'en fais mon repas. Mon verre est re-remplit a chaque fois que j'avale une gorgee, et on doit insister au bout d'un moment pour qu'ils cessent de commander. Ils refusent qu'on paye quoi que ce soit. Je retrouve cette generosite chinoise que j'avais deja rencontre avec Tang a Guilin l'an passe. De retour a la guest-house les filles vont se coucher. Moi je croise Mathieu et compagnie, leur raconte en detail mes galeres du jours... ils hallucinent mais je les fais beaucoup rire. Je suis plus detendu que tout a l'heure, dans l'acceptation, et j'arrive meme a m'amuser de la situation. C'est deja pas mal, de toute facon je n'ai pas le choix.

Vendredi 1er Septembre. Ca y est, on est en septembre. Et je suis toujours en Chine. Le reveil est tardif, je recupere un peu. En fin de matinee, je croise Soline et Claire qui doivent quitter l'hotel pour demenager dans leur nouvelle ecole. En bon francais romantique et galant, Je les aide a porter leurs valises jusqu'a la consigne de l'hotel, et puis on va manger de bons raviolis dans un petit resto a l'enseigne un peu effacee. Finalement on prend un taxi commun qui me depose devant les bureaux Aeroflot. Il est 13h45. La nana qui s'est occupee de mon cas est partie manger. J'attend. A 14h30, elle arrive, me voit et m'engueule encore : - il fallait venir ce matin ! j'ai du annuler le billet ! Restons calme. Je m'excuse aupres d'elle, lui dis que je n'avais pas compris - vous, francais, ne comprenez jamais rien ! Je ferme ma gueule. Elle me redemande mon billet initial. Ah non, je ne suis pas d'accord, je lui ai laisse la veille ! Je lui dis, elle fais signe que non. Et puis si, finalement, elle se rappelle. Elle me dit qu'elle va demander a quelqu'un de le retrouver. Une heure plus tard, un mec lui tend mon billet. Ok, on s'y remet. Le nouveau billet est re-imprime, Jeudi 7 Septembre, 11h40. Je paye avec les Yuan que j'ai reussi a avoir en changeant mes derniers euros. Ca y est, j'ai mon billet. Mais j'ai tellement peu envie de rester cloitre a Beijing toute une semaine que je file dans une agence de voyage au rez-de-chaussee d'un hotel. Je ne sais pas si j'ai le droit de partir de la, mais si je me fais prendre je dirais que je ne savais pas ! Une femme tres partiente repond gentiment a toutes mes questions. Je veux aller a Chengdu rejoindre Quentin : les horaires ne collent pas, je passerai en tout 80 heures dans le train et moins de 24 h sur place ! Alors X'ian : je ne peut pas prendre mon billet retour d'ici, il faut esperer qu'il y en ai sur place... trop risque. Au final j'opte pour Shanghai ou sont Leo, Erwan et meme Louis (un autre pote de Lyon), a seulement 12h de train. En plus je peux prendre l'aller-retour d'ici, en siege souple (moins cher que les couchettes). Bingo. Retour au Far East. Quelques heures sur Internet, notamment a essayer de recommencer a bosser sur 2-3 trucs pour Mediatone. Et puis j'ai Thomas sur msn, qui me demande si j'ai appele Fan Ling... ben non, la verite c'est que j'ai un peu la trouille. Il me motive... allez, je dois le faire. Je demande a mon pote du cafe Internet si je peux appeler une fille du Yunnan a cette heure la (21h30), si ce n'est pas trop tard. J'ai besoin de soutien, alors je lui raconte l'histoire. Il me dit bien sur, il faut que tu l'appelles ! Je lui montre sa photo que j'ai toujours sur moi, il me dit - beautiful ! love ! Il appelle toute sa famille, ils sont trois a mes cotes a m'encourager ! Finalement il prend son numero de mes mains et le compose. Mon coeur va se decrocher, je tremble de tout mon corps, tout le monde me regarde. Ca sonne... plein de fois. Personne ne repond. Le gars me dit t'inquietes, reviens demain matin, on reessayera. Je retourne dans la rue. Soudain le mec dort en courant, me dit ca sonne ! C'est bien le numero qui vient d'etre compose qui s'affiche. Je decroche, reconnais sa voix, me presente. Quelques minutes tres etranges, Fan a du mal a dire autre chose que : - I'm really surprised ! Et puis on commence a se raconter, a parler de nous... la gene initiale s'attenue, les mots defilent, c'est comme si on s'etait quitte la veille. Je lui dit que je serais a Shanghai jusqu'au 5 au soir... elle y arrive le 7 au matin ! C'est trop con, une fois de plus. J'ai vraiment envie de la voir, elle aussi, ca ne sera pas possible. On emet la possibilite de voyager au Tibet ensemble l'annee prochaine... on verra bien. Je racroche, heureux malgre tout. On a passe 1h15 au telephone, c'est passe en 5 minutes. Waouh. Je croise Matthieu and co dans la rue, ils ont droit au feuilleton du jour, avec la petite biere de fin de soiree qui va bien. Je leur parle de Shanghai, leur dit que les hotels sont super chers (pas a moins de 200 Y la nuit), ca leur casse totalement le moral, eux qui voulaient y passer une semaine. Je croise a nouveau Claire de l'Eyrieux, elle reprend le train pour la Mongolie le lendemain. Je lui demande combien lui a coute son visa double entree. - Double quoi ? Je regarde son visa, il n'est qu'une entree... elle et sa soeur ne pourront pas rentrer en Mongolie, ne pourront pas prendre leur vol. Je leur dit d'aller le plus vite possible a l'ambassade de Mongolie a Pekin le lendemain matin pour savoir ce qu'il est possible de faire. Bon, je me sens oiseau de mauvaise augure ce soir, il ne faut plus que je parle a personne. Meme dans mon dortoir de 8 places, je suis seul cette nuit la.

Samedi 2 Septembre. Le plus clair de la journee est occupe a ecrire une grande partie de ce long post pekinois. Une pause a midi pour manger un tres bon poisson dans le resto chez qui on est alle mange le plus souvent, et c'est repartit. J'apprend que Leo et Erwan partent le jour de mon arrivee et qu'ils n'ont pas de solution hebergement pour moi. Louis non plus ne peut pas m'heberger. Je suis pret a payer 2 nuits d'hotels un peu chers si necessaire, mais sans passeport en regle ca me semble complique. J'envoie un mail a Susan, une chinoise rencontree dans un train pour Kunming l'ete dernier, en lui demandant si elle a un conseil ame donner. Je depose finalement mon gros sac de voyage completement blinde a la consigne de l'hotel, qui accepte de me le garder le temps de ma viree Shanghaise. Me voila pare, avec un seul petit sac a dos. Je prend tard le taxi pour la gare. Il y a une immense file pour y rentrer, tout le monde devant passer ses sacs dans un detecteur de securite... je ne sais pas ou aller, quelqu'un a qui je montre mon billet m'indique, je cours. Le train part une petite minute apres que j'ai trouve mon quai, mon train, ma place. Je transpire, j'effraye un peu les gens. Je suis dans le train pour Shanghai, ca y est. Je m'eloigne encore un peu de la France.... n'est-ce pas une folie ?

Shanghai - Mardi 5 Septembre 2006 - 14h49

20 août 2006

Le Gobi : etoiles et chameaux au pays des fremens

Ulaan Baatar - Dimanche 20 Aout - 21h30

Jeudi. Noemie se leve tot, elle a encore son groupe en charge jusqu'au lendemain sur Oulan Bator. On decide d'en profiter pour faire un peu de tourisme ! Le probleme c'est qu'on est pas vraiment au taquet. Apres un long decrassage necessaire, on se pointe au Gandan Temple au moment ou le groupe se barre. Normal. Bon, on profite quand meme de ce temple boudhiste colossal renfermant une statue d'or (ouais, bon,doree), de 26 m de haut ! Eh, quand j'avais lu ca sur le Lonely, c'etait passe a trav', j'avais pas tilte. Mais je vous jure, 26 m de haut c'est vachement impressionnant pour des cons de touristes impressionnables comme moi. A cote de ca plein de petits temples, des lamas qui deambulent, des jolies stupas, des moulins a priere et des boutiques d'antiquite. On entre dans un temple pour assister a une ceremonie, ca fait tinter de la cloche pour attirer les esprits et divinites en murmurant de longues phrases monocordes, a plein en meme temps. Ca fait du boucan et du bien aussi, c'est apaisant. Bon, on va tenter de rejoindre Noemie et ses touristes a leur etape suivante, le grand marche de la ville. On saute dans un taxi : "Zar", prononce-t-on de pleins de manieres differentes jusqu'a ce que le chauffeur ait l'air de comprendre. On deboule dans un marche gigantesque, genre Souk qui part dans tous les sens. On marche tellement longtemps sans voir autre chose que des chaussures qu'on pense que c'est juste un marche a pompes, et puis non, apres c'est au tour des T-Shirts, des fournitures, des tapisseries, des CD, des fruits, des accessoires de cuisine... c'est immense et on perd vite l'espoir de retrouver Noemie dans ce dedale. J'en profite pour racheter une serviette (grande et bleue, avec un petit poisson dessus) et des stylos (qui s'averent ne pas marcher). Je marche tranquillement, mais en faisant super attention a mon portefeuille dans ma poche arriere, car on m'a prevenu que c'etait blinde de pick-pockets. Et ca ne loupe pas. A un moment je sens mon portefeuille se soulever legerement le long de ma fesse droite... je l'arrete immediatement d'un geste brusque de la main et fais volte-face en repoussant le petit gars qui tentait sa chance : il me regarde d'un air un peu timide et hebete, genre j'ai rien fait. Je lui fait comprendre un "qu'est-ce que t'essayais de faire, la ?" avec un air le plus mechant possible (c'est dur, ce con arrive a m'attendrir !), il me repousse tres timidement et s'en va. Les mongoles sont pas les meilleurs voleurs du monde. Heureusement, mon portefeuille contenait quand meme tous mes papiers (dont passeport avec visas), ma carte de credit, ma thune... bref c'aurait ete un desastre. Me rendant compte que je cherche un peu la merde (avouons-le, parfois je me demande si je ne le fais pas expres pour attirer les peripeties), je range mon portefeuille dans une poche avant, mettant un terme a la tentation facile pour le tout venant.

Retour en centre-ville. Allez on se fait un autre temple, plus petit, plus charmant. Pleins de mini-temples en fait, emplis de tas de boudhas d'or et autres divinites top la classe avec des tetes de demons bien foutraques, du genre qui donnent de l'importance aux plaisirs, a la jouissance... un autre discours que celui de "nos" chers saints. On y apercoit aussi la fin d'une autre representation de danses, musiques et contorsions. Dans la boutique d'a cote, j'essaye de negocier le prix d'une peinture sur feuille de riz representant une femme nue ailee autour de laquelle virevoltent des chauves-souris par une nuit de pleine lune. La vendeuse propose 15000 Togrod (10 Euros). Je baisse a 10000. Elle dit non, je fais mine de me casser, sur de mon coup... elle ne me rattrape pas ! Ma fierte m'empeche de revenir, j'ai l'air con, je le voulais ce truc. Je me console en entreprenant la visite des pubs branches : Irish pub a deux etages et scene live, English pub avec quizz organise... on est presque en Europe, les etrangers se croisent et se melent a la population. La biere locale n'est pas excellente mais elle fait du bien apres 10 jours (necessaires) sans alcool. Vers 23h, on rejoint enfin Noemie et son groupe dans un autre pub. C'est leur derniere soiree avant depart, ils ont l'air ravis mait un peu extenues. Les plus braves (trois mecs) se decident a aller "cluber" avec nous. Taxi jusqu'a une boite connue pour ses strip-teases torrides... fermee. Deuxieme tentative dans une boite branchee, trois pelerins se tatent sur la piste. Troisieme tentative : la ca a l'air d'etre le feu. Seules des filles bien appretees dansent de maniere lascive sur le dance-floor, et l'arrivee de bellatres occidentaux semblent raviver leur flamme. Du coup on commande des bieres et on embrase a notre tour la piste. Plus rien ne peux nous arreter, on donne tout ce qu'on a, nos corps se contorsionnent et trouvent une energie nouvelle dans les rythmes discos-transes que le DJ enchaine avec ferveur. Les touristes de Noemie suivent le rythme, T-shirt club Med rentre dans le jean a l'appuie, la grande classe a la francaise quoi. Et puis deux filles mongoles tout en cuir et mini-jupes se mettent a se chauffer sur la piste et a s'embrasser langoureusement sur la bouche. A ce moment, un gars assis a une table me fait signe de venir et me pose des questions en Anglais, puis m'invite a profiter au maximum du voyage. Noemie m'explique que c'est un gars tres haut place au gouvernement ! Du coup, je n'ose plus trop faire le con sur la piste avec mes lunettes roses. Un taxi nous depose devant chez Noemie a une heure bien avancee de la nuit. Juste avant de sortir, la radio entonne un hymne national francais qui nous est cher : "Helene, je m'appelle Helene... ". J'adore l'image de la France a l'etranger.

Noemie n'a dormi qu'une heure, elle s'est leve a 6 pour accompagner son groupe a l'aeroport. A son retour a 10h45, elle essaye de nous lever pour qu'on s'occupe de notre future entree en Chine... avec peu de succes. Les bureaux de l'ambassade ont pourtant des horaires capricieux, et si on ne s'en occupe pas ce matin on n'aura peut-etre pas nos visas a temps. Elle y arrive malgre tout en criant un "Tcho ! " (cri pour faire avancer les chevaux) qui nous fait bondir et galoper en dehors de la chambre comme des cons... elle a compris que seule une connerie avait une chance de fonctionner avec nous. Bon, et la c'est l'efficacite. On file au departement store ou Leo se fait tirer le portrait pour avoir une photo d'identitee. Pas via un vulgaire photomaton, non, un vrai photographe qui se fait une joie de lui retoucher le visage sur photoshop en decoupant les epis et tout ! A 11h30, on est a l'ambassade. A 11h55, nos deux dossiers sont poses (ca fermait a midi !). On doit retirer nos visas le Vendredi 18 suivant, ca nous laisse de la marge pour organiser notre depart. On passe le reste de la journee a flaner en ville de magasin en resto en librairie, pendant que No se repose grassement. J'en profite pour m'acheter le dernier album des Strokes, histoire de decouvrir la culture d'ici, quoi. Et puis ca fait des semaines que je dis a tout le monde que le concertdes Strokes aux Eurockeennes, ca n'apportait rien par rapport a l'album... encore faudrait-il que je le connaisse, l'album ! On rejoint Noemie et Emeline (une amie "expat") au City Cafe, qui sert de superbes brochettes de viande de mouton en terrasse. On decouvre petit a petit le monde des expat francais de Mongolie, un tout petit monde assez particulier, a la fois solidaire et oppressant. Noemie a ete reveillee par une mauvaise nouvelle : la soeur d'un copain lyonnais qui faisait un stage en Mongolie a fait une chute en montagne et s'est casse des vertebres, la hanche, tout ca... elle va etre rapatrie mais en attendant No est alle la voir a l'hopital pour la reconforter et pouvoir donner des nouvelles a sa famille. En plus de ca elle est elle meme bien malade et a besoin de se soigner. Profitons-en pour dresser un petit bilan intestinal des troupes : Leo s'est progressivement liquefie depuis notre passage a Terelj (meme s'il soutient a qui veut l'entendre qu'il est atteint d'une sorte de "constipation chiasseuse" - pardonnez la vulgarite), alors que votre serviteur s'est reconstruit progressivement et contre toute attente (bravant courageusement les pieges a l'airag tendus par les nomades) une flore intestinale de reference. Mais veuillez pardonner cette coupure. On rentre tous les deux chez elle pendant que Leo ecrit des mails en ville, c'est l'occasion de se retrouver un peu, de se raconter aussi. Je lui commente des photos et videos prises en Russie, on parle de pleins de choses, ca fuse, ca rigole. Je suis content d'etre avec elle, de vivre un bout de son quotidien, d'essayer de comprendre ce qui l'a pousse a faire le grand saut pour faire sa vie ici. Elle finit par s'ecrouler quand meme. Moi aussi.

Samedi 12 Aout. Leo se leve, regarde la date et s'exclame : "tiens, j'ai 28 ans aujourd'hui ! " Ah. Bon, je m'etais jure de m'en rappeler, il m'a devance. Du coup je m'empresse de l'inviter "Chez Bernard ", un resto francais repere la veille, avec l'argent commun. C'est pas tous les jours son anniversaire, faut ce qui faut. C'est pas tres bon, per contre ca raque. Allez, on s'autorise meme une petite patisserie au dessert en guise de gateau d'anniversaire. On a pas de bougie. A table, on reparle de nos annees lycees, on se replonge avec delectation dans les histoires de St-Just, des "groupes", des amourettes et de l'arrivee des "gars d'la Tour " (dont je faisais parti) en seconde, avec leurs cheveux longs, leurs guitares et leur fric. On va ensuite passer des heures dans un cafe Internet pour enrichir nos blogs d'eloquents recits. Une chouette journee d'anniversaire non ? Le soir, Noemie va manger avec Emeline et Cecile, les deux tenancieres de la guest-house "Ciel Mongole", et deux suisses clients de la dite guest-house. On les rejoint, je commande un goulash alors qu'un groupe mongole tres statique joue tres fort du Robbie Williams et autres denrees consommables pop-rock, sans conviction ni fausse note. Apres ca, on suit le mouvement... on est quand meme Saturday night, c'est l'anniv' de Leo, pas mal de raisons de se lacher une fois de plus ! Le petit pub reglementaire passe (et sa consommation de Chinggis Khaan Energy Drink), c'est au Medusa qu'on debarque devant des ouvreurs meduses (ouais d'accord, elle est facile), tellement qu'ils me font payer l'entree au mi-tarif feminin ! Moi, me prendre pour une fille, alors que j'ai une taille de barbe et de moustache absolument inegalee ! J'oscille entre vexation naturelle et satisfaction de payer moins cher. Bon, j'expie finalement mes tourments sur la piste dans une deferlante d'energie debridee. Les filles sont vraiment fringuees et maquillees pour l'occasion, la ca rigole pas. Mais les mecs aussi, et c'est la que ca devient drole. La Mongolie, c'est aussi l'empire des kekes ! polos a col remontes, lunettes fashions, jeans plies / dechires a la mode, coupe a la dragon ball avec colori du moment et gel a outrance. Du vrai bonheur. Et a la fois ca fait bizarre. Dans pays si vaste, si proche de la nature, si peu denature par l'exces de civilisation, on a l'impression que tous les tracas lies a la modernite prennent corps dans cette seule ville, de maniere tres ciblee. Comme partout, le monde de la nuit devient ici aussi cette ode a la superficialite deshumanisante, ce repere d'alcooliques et de decerebres ou l'on se tremousse alcoolise sur des rythmes binaires et syncopes pour appater son alter-ego, si possible repondant aux memes codes a la mode, exhibant les memes marques insignifiantes et reproduisant les memes gestes desuets pour se sentir appartenir a cette meme meute de pantins degeneres qui ne voit pas l'interet de communiquer autrement. Bon allez, on peut bien m'accorder parfois quelques coups de gueules incontroles, non ? Et puis moi aussi j'aime jouer de ca, moi aussi je bois des bieres et me dandine sur la piste avec des gestes evoquateurs. Et oui. Mais peut-etre y prends-je part avec un brin de cynisme en plus, qui sait. En tout cas ca me rend triste que ces comportements se retrouvent meme dans les pays ou l'on va pour s'inspirer d'autre chose. Noemie est allee se coucher un peu plus tot, on ne tarde pas a lui emboiter le pas. Mes reflexions mises entre parentheses, on a quand meme passe une super soiree d'anniversaire ! Dodo, donc.

La, on a droit a une vraie grasse mat' du Dimanche et a un reveil lent et progressif. Zoub (autre surnom de Noemie que je dois etre le seul a usiter parfois) nous propose une ballade avec une amie mongole dans la campagne environnante. Bien sur qu'on est partant. Damba, un chauffeur de taxi ami, passe nous prendre avant d'aller chercher Tchana. Elle parle tres bien francais, et pour cause, elle vient de passer un mois a voyager en France ! Elle nous raconte donc notre pays pendant ce mois ou nous n'y etions pas, la canicule, tout ca. Elle est allee a Montpellier, dans les Cevennes, en Bretagne, a Strasbourg, a Paris... un long voyage qu'elle a "gagne" a l'universite en ayant des bons resultats scolaires ! Damba nous conduit jusqu'a la banlieue proche d'Oulan Bator et ses sortes de camps de yourtes delimites en terrains. On s'arrete pour crapahuter en haut des collines et avoir une vue d'ensemble. On croise des Ovos, ces amoncellements de pierres decores de tissus bleus dont on doit faire trois fois le tour avant de deposer une nouvelle pierre dessus, afin de montrer du respect aux esprits de la nature, dans la plus pure tradition animiste. D'en haut, on voit toute une partie de la ville se recroqueviller dans la vallee alors que de l'autre cote, d'autres collines entierement nues et vertes et belles et innombrables prennent leur elan vers la campagne. Cette fois, les nuages semblent de reproduire les uns les autres a l'infini, comme si le ciel etait une usine a nuage. Moins creatifs quoi. Mais ils sont pour autant dissolus et leurs ombres jouent une fois de plus avec les creux et les bosses, et ca j'aime bien. On rigole beaucoup tous les quatre, on discute des differents modes de vie francais et mongoles, on apprend, on respire.

Lundi s'ouvre encore sur une matinee paresseuse, puis on se decide a repartir quelques jours a la campagne avant de bifurquer vers la Chine... le desert de Gobi, ca sonne pas mal non ? Zoub nous emmene a l'ONG Ger to Ger que j'ai deja mentione et qui organisent des sejours itinerants chez les nomades. L'un des sejours cle-en-main est de 5 jours et prend racine dans le Nord du Gobi, pres de la ville MandalGobi, a 260 km au Sud d'Oulan Bator. La brochure nous aleche comme il faut, cons d'occidentaux que nous sommes, en nous parlant de chameaux, de rock proches des forteresses Fremen de Dune et d'autres paysages a la Seigneur des Anneaux. Il ne nous en faut pas plus pour signer. On paye, on nous donne une double page de traductions anglais-mongol pour pouvoir communiquer avec les familles la-bas. Les gens de Ger to Ger sont tres sympa et sont partenaires de Wind of Mongolia (l'agence de Joel et Noemie) sur de nombreux sejours. Au sortir des bureaux, a peine booke le voyage dans le Gobi, Leo a subitement envie de de-Gobi-er. Il sort rapidement... fausse alerte. On file a la gare routiere acheter des tickets pour MandalGobi le lendemain matin, ca nous fait partir du 15 au 20, tout roule ! Direction un resto vegetarien excellent ou on nous serre un assortiment de legumes, riz et tofu en sauce avec quelques buzz, vegetariens eux aussi. On y mange avec Elodie et 2 autres copains francais, des expat' vraiment sympas qui ont beaucoup voyage et ont des projets super interessants. On file ensuite dans un lieu "branche" pour continuer a remplir ces lignes. Au bout d'une heure, Leo a vomi deux fois... il ne se sent pas bien du tout et rentre a l'appartement pour se reposer. Je suis de retour juste apres Noemie, a 22h. Dans le taxi qui me ramene, je tombe sur un texto envoye par Leo un peu plus tot : "Je me sens vraiment pas top Dead, ca serait peut-etre bien que tu passes ou appelles Noemie : le gobi pr moi ca me semble rape... ". Merde, j'espere que ca va quand meme. Il a passe toute la journee au lit a grelotter quand il ne se levait pas pour vomir. On peut pas dire que ca aille fort. A la fois il a tellement envie d'aller dans le Gobi qu'il propose quand meme qu'on mette le reveil a 6h, pour voir si ca va mieux !

6h. Ben oui, ca va mieux... c'est a dire, c'est autre chose que l'agonie de la veille. Mais il a encore besoin de repos. On appelle le taxi (Damba, prevenu la veille) pour decommander, et on se recouche. Plus tard, avec Noemie, on retourne a Ger to Ger pour expliquer la situation, ils sont ok pour reduire le trip a 4 jours si Leo est d'attaque le lendemain. En attendant on le laisse se reposer bien comme il faut a l'appart, pendant qu'on se passe une journee a silloner la ville tous les deux. C'est bien aussi de passer cette journee ensemble. Avec Noemie, on a quand meme une amitie de 15 ans, ca rechauffe une amitie comme ca, c'est pas rien. On alterne les rires, les souvenirs et les debats avec l'aisance propre a ces amities de longues dates justement. Comme si on se voyait tous les jours, alors que c'est loin d'etre le cas. Et c'est parti pour quelques brochettes de moutons, un rachat de tickets de bus pour le lendemain, une visite a la pharmacie, chez le disquaire, a la boutique d'antiquite, au magasin d'artisanat en feutre, au supermarche... bon, notre fievre consommatrice finit par se tarir et on se decide a aller voir si Leo s'en est sorti, de la fievre. Et bien oui, il est veritablement mieux. Transforme. Il est alle puiser toutes les forces qu'il lui restait pour surmonter le mal et pouvoir aller dans le Gobi. Oh Yeah. Noemie repart voir un ami et nous propose de les rejoindre plus tard dans un bar donne. Nous on prend notre temps. Leo est pret a sortir, il en veut le bougre. A ce moment le vieux proprietaire de l'appartement, celui-la meme qui ne voulait pas nous laisser rentrer quelques jours plus tot, rentre dans la chambre et s'assoit. Il empeste l'alcool. Il se releve, se tape la glote avec son doigt pour nous faire comprendre qu'il veut boire et nous tend des billets, genre : "Allez me cherchez de la vodka, jeunes gens " On lui fait des gestes que non, qu'on doit sortir rejoindre Noemie, qu'on a pas le temps. Mais lui insiste, et se met a danser, et se met a chanter. On ecoute des albums de chanteurs traditionnels que j'ai achete dans la journee, le vieux monsieur se greffe dessus et chante, et chante encore. Leo va se doucher et me laisse seul avec le bonhomme. Il a des yeux un peu bleux, un peu tristes. Il a l'air un peu seul, un peu perdu. Il veut passer la soiree avec nous. Je ne peux faire autrement que d'etre touche par ce gars, d'avoir un peu de ressentiment pour sa solitude alcoolisee. Il insiste, veut que je sorte. Je me souviens qu'il reste un fond de vodka dans la premiere bouteille achetee dans le Transsiberien... je la sort, lui sert un verre. Il me sourit, trempe son doigt dedans, l'appose sur son front puis fait gicler une goutte en l'air avant de boire. Il me demande de repeter ses gestes. Je bois tres peu. Leo sort de la douche et reitere le ceremonial en feignant de boire (il en avale quand meme une goutte au passage). Mais c'est quand meme le vieux qui se torche la bouteille. On lui dit que ca y est, qu'on a bu et danse et chante ensemble (ce qui est le cas), qu'on doit partir. Il dit ok, mais refuse de se lever, il reste assis dans la chambre de Noemie, imperturbable. Finalement Leo arrive a le tirer de la pendant que je "reflechis" aux toilettes et a fermer a cle la chambre vite fait... bon. On arrive a sortir en laissant ce vieil homme au regard morne et le coeur serre de voir partir ses nouveaux amis...

Dans le pub, Noemie est en compagnie de Moudjik, un ami qui parle anglais et Elodie, une de ses copines francaises. On discute entre le francais et l'anglais. A la tele, Gasquet est en train de mettre une derouillee a Federer dans le premier set d'un match qui a l'air important... on doit etre dans un monde parallele (j'apprendrai par la suite que c'etait une finale des masters et que Gasquet avait finit par s'effondrer dans les 2 sets suivants... tout est normal donc). On se met a jouer au jeu des petits cochons, la au moins pas de barriere de langue. On se marre bien et, le croirez-vous, c'est Leo qui fait sensation cette fois. Retour a casa, il faut qu'on dorme un peu, c'est le desert de Gobi qui nous attend, les chameaux, le seigneur des anneaux, Dune, tout ca ! Je m'endors des reves pleins la tete, et comme a l'accoutumee pendant ce voyage, je m'en souviens le lendemain. J'aime bien me souvenir de mes reves...

C'est Mecredi 16 Aout a 7h que Damba gare son taxi devant l'appart' pour nous prendre. On le voit d'en haut (ha ha) et on descend. Au revoir brumeux mais chaleureux avec Noemie, remerciements emus, tout ca. Elle devrait revenir en France avant la fin d'annee, ce sera pas trop long. A la gare routiere, on monte dans le car d'une trentaine de places indique par Damba et c'est parti pour 7h de trajet cahoteux. Cahoteux est ici un doux euphemisme, ca ressemble plus au Paris-Dakkar avec un vehicule sans suspension. Pas de dodo possible, ni meme de lecture... on n'a plus qu'a se cramponner au siege et a essayer de limiter les degats du fessier a chaque bond provoque par un soubresaut plus vif. Quelques pauses toutefois. Au cours de l'une d'elle, une nana avec une casquette Ger to Ger, qui connait exactement notre situation, nous reecrit tout en mongol sur une feuille a montrer aux interlocuteurs concernes pour qu'il n'y ait aucun malentendu. Rassurant. Arrive a MandalGobi, on est tout de suite pris en main par une autre casquette Ger to Ger, un mec cette fois, qui ne parle pas anglais. On refait le point avec lui, on paye l'ensemble. Dans le petit bureau nous rejoignent une allemande (35 ans ?) et un americain (tiens, ils voyagent, donc), qui font le meme trajet que nous, mais sans sauter la premiere nuitee en Ger comme on s'apprete a le faire. Quelques courses (pain, chocolat, biscuits sucres et apero...) histoire de ne pas crever de faim en cas d'indigestion a la bouffe nomade. Une Jeep vient nous cueillir, conduite par un moustachu bonne gueule, et c'est parti tout droit vers l'Est, au coeur de la steppe. Ah oui, la on est vraiment dans la steppe. Dans un post precedent j'en parle deja, bien sur, j'ai tellement envie d'en voir que j'en vois partout, de la steppe. Mais la non, c'etait juste des prairies en fait, la cette fois c'en est vraiment. Rappelez-vous vos cours de geographie en CE2 : la steppe, c'est quand il y a des touffes d'herbes disjointes separees par de la terre ou du sable. La on fonce, tantot sur une piste, tantot carrement a meme la steppe. Il y a aussi des multitudes de petites fleurs blanches qui donnent une impression de leger tapis blanc pose sur le terrain aride, et puis beaucoup de cailloux. On passe a cote d'une premiere Ger arborant le symbole Ger to Ger, ca doit etre celle qu'on saute. On s'arrete devant la suivante. La famille nomade est super gentille et accueillante, et super surprise aussi de voir des gens arriver au milieu de l'apres-midi et voulant se diriger vers la Ger suivante en chameau... ben oui, pas facile de les prevenir avant. Mais ca les fait marrer et ils envoient des jeunes chercher les dits-chameaux en moto et a cheval... bon, genial. On a droit a une platee de yaourt maison "un peu fermente mais pas trop". Je le trouve pas degueu, Leo non plus manifestement : a peine sorti de convalescence, il se bascule son bol en quelques instants. La famille est tres souriante, on sort notre lexique de 2 feuilles et on leur explique d'ou on vient, tout ca. On essaye de faire pote quoi. Ca marche pas mal, on se retrouve meme a jouer a un jeu avec un moustachu (le pere ? l'oncle ? on n'a pas bien compris). C'est un jeu de hasard qui se joue en dessinant avec des osselets une vache par terre, de maniere methodique, avec un nombre different pour les doigts, les pattes, le ventre, le coeur, la queue, la tete, etc... apres on jette un de et on doit enlever une partie du corps de la vache possedant le nombre d'osselets indique par le chiffre tire, ou redessiner une partie manquante du bovin avec les osselets en notre possession. Bon, en tout cas c'est drole. Bon, on se fait plumer. Apres quelques heures et autant de thes au lait, c'est l'allemande et l'americain qui debarquent ! En fait ils vont passer la nuit dans cette Ger car le nomade en chef de la precedente est mort pendant l'ete... ok. Nous on attend toujours les chameaux. On demande quand meme s'ils sont loins, on nous montre en riant : 20 km ! Ah oui, c'est pour ca qu'ils etaient un peu affoles a notre arrivee. Du coup on monte sur une colline et on se met a guetter l'arrivee du troupeau de chameaux avec des jumelles qu'on fait tourner. Soudain l'americain montre du doigt une direction : "one camel there !". Il passe les jumelles a l'allemande : "Three camels !". Je m'en empare : "7 !". A chaque fois que quelqu'un jette un oeil, il en voit d'avantage. Finalement, c'est 28 chameaux qu'on voit arriver au galop dans notre direction. Eh, des chameaux c'est quand meme vraiment loin de l'homme physiquement, c'est plus entre le monstre et l'animal. Quand t'as 28 chameaux te foncent desssus, ca fait bizarre, je vous jure. Arrive a notre niveau, on les voit secouer la tete, se frotter les uns les autres et baver une mousse verdatre puante. On va donc monter dessus. On s'est bien amuse avec tout le monde, on a passe un bon moment, mais la fini de rigoler, on va grimper sur des betes definitivement pas du meme monde que nous. Les bestioles s'accroupissent en deux temps, on monte sur la couverture posee entre les deux bosses en guise de selle, puis elles se relevent en deux temps... meme pas peur. Leo part devant accompagne d'un cavalier a cheval et je lui emboite le pas avec notre pote de jeu qui monte un autre chameau. L'ambiance etait aux rires, c'est le silence qui s'impose maintenant. Le soleil est deja tres bas a l'Ouest et les nuages, comme filandreux et elances, semblent comme aspires dans sa direction, formant une spirale rougeoyante vaporeuse. Devant moi, plein sud-est, il n'y a plus rien, Leo est au loin et l'obscurite s'installe. Les cailloux jallonant la steppe reflettent l'orange des derniers rayons de soleil a ma gauche, alors que ceux de droite sont deja terne comme la nuit dans lequel tout le paysage ne va pas tarder a sombrer. En haut a droite, l'etoile polaire brille deja. Je leve la tete : 2, 3, 4, 5... 6 etoiles surnagent deja dans cet entre chien et loup desertique. Le chameau avance, je m'y sens bien, et mon cul a peine moins. Je prend conscience de la chance que j'ai de voir la nuit tomber sur le desert de Gobi a dos de chameau, et je me demande combien de temps l'homme pourra encore preserver ces endroits. Et puis je revois des images de ma vie passee et presente, je fais un point. C'est marrant de faire un point sur sa vie a dos de chameau. C'est comme ca, ca previent pas ces choses la. J'ai l'impression de vivre quelque chose de fort, y compris avec le nomade qui m'accompagne, meme si plus une parole n'a ete prononcee depuis le debut de la ballade. Je leve encore la tete : ca y est, le ciel est completement etoile. Je ne veux plus baisser les yeux. Le sol n'est plus qu'une immense tache d'ombre du haut de ma monture. Je laisse mon regard bringueballer sur la voute celeste (a cause des mouvements perpetuels provoques par la bete), je flotte un peu entre deux monde. "On est arrive", doit me dire mon accompagnateur. Je sursaute, retour a la realite. Le chameau s'abaisse, je reprend pied sur terre. On a fait 8 km, je n'ai aucune idee du temps ecoule. Une Ger entrouverte laisse filtrer une raie de lumiere. Leo est deja assis devant un bon bol de the au lait, entoure par toute une petite famille chaleureuse. On se met vite a communiquer tant bien que mal entre mots (eux aussi ont un lexique personnalise), mimes (on gesticule un peu dans tous les sens) et dessins (tres beaux). Une femme de quarante ans un peu fofolle, sa soeur de 20 ans un peu mignone, deux gamins de 11 et 12 ans un peu timides, une chaleur un peu rapide a s'installer. Comme il fait deja nuit, ils nous propose de dormir dans la Ger sur le tapis. Quand tout le monde est alle se coucher, on refait une sortie avec Leo pour regarder les etoiles : quelques nuages empechent une parfaite visibilite mais c'est pas mal quand meme. Du coup on parle croyances, mysticisme et sciences, OVNIs, sens de la vie, tout ca. Ben oui, dans ces atmospheres la, ces sujets se lancent sans meme qu'on s'en rende compte.

Le reveil du lendemain n'est pas trop matinal, on se repose de la longue journee de la veille. Petit-dej revitalisant suivi d'une partie de Beach-Volley qui restera dans les annales de la famille. On est Leo, fofolle et moi contre mignone et un autre jeune. Des lignes approximatives sont tracees sur le sol et une cordelette tendue entre un poteau et une cabanne. Globalement ca joue tres mal et ca ne construit rien, avec fofolle qui hurle a chaque point gagne en sautant comme une hysterique, mais on rigole bien. Apres ca on apprend un nouveau jeu avec des osselets, proche des billes avec des regles marrantes. Il faut reconnaitre les moutons, les chevres, les chevaux et les chameaux dans les positions des osselets lances pour jouer en consequence... bon, on se fait plumer. Je crois bien que mignone (son vrai prenom ? faut que je le retrouve, imprononcable) a un petit begain pour Leo. On doit repartir. Programme du jour : 23 km a cheval pour rejoindre la Ger suivante. Nos chevaux ont tous deux des selles mongoles, les pires. Bon, c'est qu'un jour. On dit au revoir a la famille, on leur promet qu'on leur fera passer des photos... le contact a vraiment ete genial ici. C'est parti. Au bout de... 30 secondes, ca me fait deja mal. Les selles mongoles ont la particularite d'avoir un gros montant en fer a l'avant dont la base saillante entaille les cuisses au niveau de l'aisne a chaque mouvement du cheval. Charmant. Meme au pas, ca fait mal. Je prend mon mal en patience en essayant de trouver des positions accepatables, mais je passe encore le plus clair du temps debout sur les etriers, preferant pousser sur les jambes que continuer le supplice. J'essaye aussi des techniques simples, du genre penser au peu de souffrance que c'est compare aux juifs morts etouffes dans des wagons blindes etc... ca marche, ca, quand meme. Je me concentre sur le vent, sur les paysages, sur la chance d'etre la. Ca marche, mais ca fait mal. Alors je me met a chanter, du Aznavour, du Polnareff, des trucs bien envoles. Ca marche mieux encore, ca. Chanter, c'est un peu le remede miracle. Leo a l'air de s'en sortir bien mieux que moi alors qu'il a lui aussi une selle mongole. On change de cheveaux pour les 9 derniers km et, effectivement, sa selle fait moins mal. Le temps est de plus en plus sec, le vent s'amenuise et le soleil tappe tres fort. On est dans une zone tres desertique, pas de dunes de sable mais toujours cette steppe vertigineuse. Des aigles tournoient... waouh, on est dans le far-west. Pendant une pause, je m'allonge et m'endors quelques instants... suffisament pour me prendre un bon coup de chaud. Arrive a la troisieme Ger, je vacille de soif. Nos hotes sont pleins d'attention et de generosite, mais je n'ai plus envie de the au lait chaud ni de creme maison ni de yaourt fermente... j'ai juste envie d'eau fraiche, et ici l'eau est d'abord bouillie (pour tuer les saloperies dedans), donc c'est pas pour tout de suite. Je n'ai rien envie d'avaler, je mange quand meme un peu de riz le soir, on va pas se laisser abbatre. On est maintenant des bons baroudeurs de la communication en mongol, on a compris les techniques qui marchaient pour expliquer ou on vivait, ce qu'on faisait, tout ca. Pour simplifier je me fais passer pour un grand guitariste de rock. Pour simplifier. On a plante la tente a quelques metres du campement. Le vent a ete tres peu present aujourd'hui et c'est une nuit etoilee d'anthologie qui s'ouvre devant nous. Leo a sa carte des constellations, on la prend et on marche un peu plus loin. Il restait encore une faible lueur de crepuscule a l'ouest, mais quand on revient tout est plonge dans le noir. On ne voit plus rien a quelques metres. Pas une lumiere de ville, pas une lampe de poche, rien. Leo n'a pas du tout confiance en son sens de l'orientation (et il a raison !) et s'inquiete un peu de ca. Moi je lui dis t'inquietes, en montant sur les collines la-bas ca risque rien. Bon. On marche un petit peu, et puis on arrive au sommet. On se pose sur des cailloux et on leve la tete : c'est prodigieux. La voie lactee est blanche, les moindres petites etoiles visibles, c'est epoustouflant. Des etoiles filantes scindent par instants la voute en deux. Et puis avec Leo, on aime bien les etoiles. On connait deja pas mal de constellations. Alors on les retrouve une a une, on les remet a leur bonne place. On se reraconte les mythologies (Percee, Cephe, Hercule, Andromede, Pegase...), on se projete dans d'autres mondes et d'autres temps. On se raconte la vie des etoiles et des galaxies, on se dit que, finalement, on est bien peu de choses, et on assume pleinement notre role de philosophe de comptoir. Et puis ensuite, a l'aide d'une lampe frontale passee sous un T-shirt pour en diminuer l'intensite, on essaye de reperer de nouvelles constellations qu'on ne connaissait pas... et on en decouvre des dizaines ! Des tas d'animaux et de symboles etranges, et puis aussi des signes astrologiques qui sont proches de l'horizon, donc difficilement visibles : le poisson, le scorpion, le belier, le capricorne, le sagitaire... on arrete pas de tourner sur nous meme, les yeux rives vers cette si dense concentration de merveilles. Quand on reprend un peu les pieds sur terre, il est peut-etre 2h... ou 4h du matin, on ne sait pas. Je demande a Leo "Alors, elle est ou la tente ?". Il se tourne et m'indique une direction. Pour moi, c'est absolument a l'oppose ! C'est assez effrayant, on n'eat plus du tout sur de retrouver notre chemin... on suit quand meme ma direction , je suis a peu pres sur de moi alors que Leo ne l'est pas du tout. J'eclaire un peu le chemin avec la frontale (qui n'eclaire pas bien loin dans la steppe), Leo me demande de l'eteindre pour ne pas user trop la batterie "au cas ou"... on marche un peu au hasard, on essaye un peu de se reperer avec l'etoile polaire. Et puis on finit par tomber sur la tente. Ouf.

Le Vendredi pas de quartier, on nous tire d'un court sommeil a 9h. Journee marche, 13 km. On dejeune une platee de riz, sucree, acide et laiteuse... Leo n'arrive pas amanger, moi je parviens avec peine a la moitie. Comme la veille avec les chevaux, nos bagages sont attaches a l'arriere d'une moto qui suit notre trajet par courts segments tout au long de l'etape. On part a pied avec la nomade en chef, bien la forme pour ses 58 ans et malgre une inflammation a la gorge. On s'enfile les premiers kilometres, et le paysage se met a changer : les cailloux deviennemt des gros amas de roches aux formes variees, puis de longues chaines de rocailles s'erigent, de plus en plus denses, de plus en plus singulieres le long du chemin. Les rapaces y sont chez eux. Plus on avance et plus le vent souffle fort, et plus on voit de montagnes de roches stries aux contours surnaturels. On plonge petit a petit dans un univers fantasmatique : effectivement, les Fremens du roman Dune pourraient bien avoir pose leurs guetres ici. Leo prend une photo magnifique d'un aigle en plein envol. On arrive a bon port dans la Ger finale. En plus de la famille nomade (1 femme de 50 ans, un homme de 60, une fille de 22 et une autre de 13), de nombreuses personnes sont deja protegees du vent a l'interieur, dont une anglaise qui est ici pour planter des arbres. On va tous prendre l'air. Le campement est entoure de petites montagnes et les gamins grimpent dessus comme ils marchent. Du haut de son rocher, le vieux nomade se met a declamer des vers mongoles qui s'envolent au vent a mesure qu'il les recite. Le gros de la compagnie s'en va et nous on retourne discuter avec les nomades dans leur yourte. A un moment, la femme nous dit "Venez voir, je vais vous montrer quelque chose", genre posez vos affaires en cours, je vous montre juste un truc. Resultat : une ballade de 10 km dans les environs pour nous faire visiter ! Le tour du pathe de maison, quoi. On marche face au vent. Le vent de Mongolie, j'en avait deja parle aussi ? Ah... encore un emportement attif. Je n'avais rien vu jusque la. Pendant toute la premiere traversee, le vent souffle tellement fort qu'il est tres difficile de s'entendre parler. Les oreilles sifflent et on avance avec peine. Tout au bout s'erige en haut d'une colline une immense dale blanche en forme de cercle traversee par une arche blanche tres sobre. En son sentre, une haute stelle de pierre avec des inscriptions en vieux mongole dessus. On se croirait vraiment dans 2001 l'odyssee de l'espace ou dans la planete Tatouine de Star Wars. C'est une vision etonnante. On croit comprendre que cet "edifice" a ete construit pour celebrer les 800 ans de Gengis Khan. On continue notre boucle. On voit des tas de formes etranges dans les rochers, des guerriers, des animaux. En fait, il y a des millions d'annees, cette partie du Gobi etait entierement recouvert par les eaux ! Ces roches viennent donc de l'erosion des fonds marins, c'est fou. Comme il n'y a encore rien d'autre aujourd'hui que ces visions lunaires, une simple projection mentale nous emmene au fond de l'eau. On imagine aussi facilement des dinausores se mouvoir pesamment entre ces montagnes... bon, on part un peu loin, la. On admire aussi un theatre naturel dans la roche, au sein duquel on a egalement coule de grandes dalles de beton circulaires peintes en blanc pour pouvoir vraiment donner des representations. On dirait une piste d'atterrissage a OVNI. Un peu plus loin, on grimpe en haut d'une petite montagne rocheuse qu'on traverse via une grotte a double entree. D'en haut, on se rend compte de l'immensite de tout cela, de l'etendue fantastique qui s'etale devant nous. Plus on y est, moins on se sent dans un endroit connu. Retour au campement, la les jambes se font sentir. Je suis creve. Memes symptomes que la veille, grosse fatigue et la tete qui tourne. Je me couche plus tot que Leo qui retourne un moment avec la famille. Il me reveille en trombe en rentrant dans la Ger ou nous dormons, en pleine crise d'arachnophobie ! Il a toujours eu peur des ariagnees, et la il en voit plein, partout. Moi ca me fait une peu rire, lui pas. Il en tue 25 en hurlant, en tapant, en fremissant, et je sens son angoisse persister meme la lumiere eteinte et le silence reignant.

J'ai passe une sale nuit et suis d'humeur assez irrascible le lendemain matin. Mal dormi, un peu de fievre sans doute, vu les delires qui m'ont suivis dans l'entre-sommeil. Ca fait plusieurs jours qu'un bouton infecte me faisait mal a la cuisse, mais la il est carrement immense, gonfle de pue (desole ames sensibles). C'est peut-etre cette infection qui m'a fatigue... un peu plus tard l'allemande et l'amerloc arrivent a leur tout a pied et me filent des antiseptiques, pansements, tout ca. On laisse couler la journee pepere, on se repose. A 16h, notre chauffeur est la. Retour a MandalGobi, a une debut de semblant de civilisation. Nuit dans la guest house de Ger to Ger (une Ger, bien sur) apres que le personnel nous ai prepare a manger.

Lever 6h. Depart du bus a 7. Et encore 7h de tape cul "entre 2 sieges" avant de rejoindre Ulaan Baatar. Le reste de la journee nous permet de prendre (enfin) une douche, de ranger nos affaires et de s'atteler de nouveau a la tache de raconter. Et nous sommes aujourd'hui. Ce matin Joel est passe reprendre les affaires qu'il nous avait prete, j'ai file a un bureau pour recuperer nos billets de train et bus pour rejoindre Beijing. Entre temps Joel avait gere nos visa : tout est en regle, pas de piege en vue ! Un petit tour au grand marche pour acheter 2-3 souvenirs, et c'est ici, dans ce cafe Internet (qui nous aura bien dorlote pendant ce sejour), que j'ecris ces dernieres lignes. Dans 2 heures, c'est le grand depart pour Pekin.

UlaanBaatar - Lundi 21 Aout - 18h09