03 septembre 2005

Vientiane - Bangkok - Hong Kong : Le sursaut final

Voilà arrivé l'heure du dernier post de voyage. Courageux sont ceux qui auront pris le temps de suivre entièrement cette centaine de pages gribouillées au gré des avions, des bateaux, des bus, dans des cafés ou des guest-houses. Aurai-je exagéré certaines choses ? Sans aucun doute. En aurai-je délibérément omis ? Oui, il y a des chances. Mais dans l'ensemble, ce récit aura été calqué sur ce que j'ai ressenti au fur et à mesure et me semble d'une grande fidélité avec ce qui s'est passé. Voici donc les notes des tous derniers jours de mon périple, avec le passage éclair (mais non moins dense) à Bangkok et les dernières surprises Hong Kongaises...

Mercredi 31 Août - Hong Kong, dans l'avion en direction de Moscou / 12h10 (heure de Hong Kong)

Dans le bus de nuit en direction de Vientiane, je suis à côté d'un gars que mon nez et mes cheveux longs font beaucoup rire, mais qui ne tarde pas à s'endormir sur mon épaule ! Le trajet est inconfortable mais je dors quand même quelques heures avant l'arrivée. Au sortir du bus je rencontre un français qui a lui aussi un vol à la même heure que moi (10h30), pour le Cambodge. Comme il n'est qu'un peu + de 5h, je lui propose de passer un peu de temps en centre-ville et on prend un tuk-tuk ensembke. Manu (c'est comme ça qu'il s'appelle) travaille en fait au Chili depuis plus de 5 ans, dans la recherche astrophysique et les télescopes, et il est assez passionnant. On se balade au "Morning Market" de la ville qui est déjà blindé de monde (!) et on se pose à une table pour boire un café, au plein coeur du marché. Il me parle longuement de l'Amérique latine, de ses musiques, des différences entres les peuples (chiliens, argentins, brésiliens...), et bien sûr de son voyage en Asie. Il vient de Chine et il lui est arrivé à lui aussi des expériences bien singulières. En s'éloignant du marché, je lui fais découvrir tous les fruits du coin qu'il ne connait pas, avec une immense salade de fruits au yaourt (là où j'en avais déjà mangé une quelques jours plus tôt), puis on finit par se diriger vers l'aéroport en tuk-tuk. Au moment d'enregistrer mes bagages, je m'aperçois que j'ai oublié mon cylindre en bambou contenant la peinture que je transporte tant bien que mal depuis Guilin en Chine ! Je suis très con... mais au réveil tout n'est pas si facile ! Je cours hors de l'aéroport et attrape un taxi pour qu'il me raccompagne à la gare routière, par chance pas si éloignée. Je demande au guichet, un homme me montre le bus en stationnement qui n'est pas reparti, et je retrouve l'objet de ma recherche qui n'avait pas bougé ! J'ai encore de la chance. Le taxi me repose à l'aéroport et j'ai le temps d'embarquer sans problème, après avoir revu Manu pour lui dire au revoir.

Le vol avec Thaï Airlines, c'est trop la classe. Les très belles hôtesses vêtues de longues robes magnifiques accueillent les passagers les mains jointes en se penchant, avec des sourires qui suffisent à emplir de joie. Des écrans géants diffusent des messages d'amour et de bonheur, du genre "Happiness on earth" avec des orchidées au vent. Au repas, terrine de crevettes épicées au pamplemousse et autres mets succulents. Atterrissage à Bangkok. J'essaye de transformer mes (très) nombreux Kips Laotiens en Baths Thaïlandais mais aucune banque n'accepte le change ici ! Je suis une fois de plus con, j'aurais pu les changer à l'aéroport de Vientiane avant de partir. J'essaye de retirer 5000 Baths (=100 €) mais ma limite de retrait hebdomadaire autorisé est dépassé... shit. Je tente 3000... marche toujours pas. Le distributeur finit par me donner 1500 Baths, c'est déjà ça. Comme je n'ai pas trop de temps je décide de prendre un taxi pour aller en ville : déjà 350 Baths ! Ça va vite. Khaosan Road est le "repère des routards asiatiques" du au fait qu'on a pas besoin de visa pour venir en Thaïlande, du coup beaucoup d'arrivées et de départs en Asie se font ici. Je me dégote vite une guest-house à 280 Baths la nuit, ça peut aller. Je suis enfin libre en plein Bangkok. Khaosan Road, c'est vraiment une atmosphère particulière. Il y a plus d'occidentaux que d'asiatiques, ça grouille dans tous les coins, et il y a des centaines de magasins, d'agences de voyage, de guest-houses, de bars de tous styles, de salles d'accès Internet et de salons de massages. On sent une immense ferveur partout, même les trottoirs sont remplis de vendeurs d'objets ou de nourriture. Après avoir longé la rue de part en part, j'en rejoins une autre dans laquelle un tuk-tuk m'accoste en me demandant où je veux aller. Je lui dis que je n'ai pas beaucoup de temps et que je veux voir toutes les "tueries" de Bangkok, il me propose de me trimballer à pleins d'endroits en me montrant une carte, pour seulement 50 Baths. Ok. Je passe donc 2 heures à être transporté d'un bouddha géant en or à un temple somptueux ou un marché local. Je goûte des brochettes de foie grillé au top. A l'intérieur d'un petit temple renfermant un grand bouddha en or couché, un homme avec un chapeau de cowboy m'aborde en criant en anglais. Il me dit que je suis un homme trop chanceux car beaucoup de lieux d'obédience bouddhistes ne sont ouverts que les 29 de chaque mois, et qu'on est justement le 29 ! Il me dit avoir traversé tout le nord du pays pour venir en ce jour si important pour sa religion. Puis il m'avoue sur le ton de la confidence qu'il vient "aussi" là pour profiter des derniers jours du "Thaï export promotion", où il peut acheter des bijoux détaxés et pas chers pour ensuite les revendre 2 fois + cher en Australie ! Je suis tombé sur un sacré roublard, il me fait bien rigoler. Je m'achète pour ma part un super costard "Armani" sur mesure, sans écrit la marque bien sûr, mais c'est grave la classe (100% kashmir, coupe plutôt à la mode je crois), pour seulement 80 € avec un foulard en soie offert. Ils me prennent mes mesures et le vendeur me promet qu'il me fait livrer ça à ma guest-house dans les heures qui viennent, vers 19h. Je paye bien sûr d'avance. Le tuk-tuk insiste beaucoup pour m'emmener ensuite voir des peep-shows et pratiquer le "boom-boom massage", et j'ai toutes les peines du monde à lui expliquer que non, je ne suis pas marié, mais que non, je ne suis pas là pour ça. Je lui demande plutôt de me poser à un embarcadère du Chao Praya, le fleuve qui traverse Bangkok du nord au sud. J'embarque pour une superbe balade dans les petits canaux de la ville, dans un petit bateau. Je croise plein d'habitations en bois et de mini-temples sur pilotis, donnant directement sur l'eau. C'est chouette, et en plus les gars du bateau (ils sont 2 potes) mettent du Rock Thaï à fond et font une pause pour aller chercher des bières. Cette seule bière suffit d'ailleurs à me bourrer la gueule, je crois que j'ai vraiment perdu l'habitude de boire au court du voyage ! J'aperçois aussi sur la rive du fleuve le fameux palais royal, connu pour être une des plus grandes beautés de toute l'Asie, et qui est malheureusement fermé aujourd'hui. A 19h, de retour à la guest-house, pas de nouvelle du costume. Ça m'inquiète car j'avais du rappeler le magasin vers 18h pour leur dire que je m'étais trompé de nom de guest-house, et je ne sais pas s'ils ont bien fait la modification. J'entends soudain un gros orage dehors et j'en profite pour me doucher, avant de ressortir sous un parapluie. Après une bonne balade et un ou 2 achats sur Khaosan Road (dont un lecteur de format VCD pour pouvoir visionner les karaokés que je me suis acheté au fur et à mesure !), je suis de retour. Il est 21h et toujours aucune nouvelle d'une quelconque livraison. Je commence vraiment à m'inquiéter, surtout que le magasin est bien sur fermé depuis longtemps donc injoignable. Je rencontre à ce moment un allemand à qui j'expose mes soucis, il rigole et me propose d'aller boire des bières pour oublier... ils ont l'esprit pratique ces allemands. On monte à l'étage d'un colossal Irish Pub où on tombe sur un groupe thaï en live qui enchaîne les tubes pop-rock : U2, REM, Led Zeppelin, Oasis... ils se déchaînent et c'est du bonheur. Du coup on enchaîne aussi les tournées avec mon pote allemand dont j'ai déjà oublié le nom. Tout le monde danse, c'est totalement cosmopolite et la bière coule à flots. Du coup je rentre dans un sale état, après avoir perdu mon allemand je ne sais où. Mais le costume est bien arrivé ! Je l'avais oublié celui-là, comme quoi les méthodes allemandes ça peut marcher !

Réveil vers 6h30 pour prendre un bus qui part à 7h en direction de l'aéroport. J'ai un vieux casque de mal de crâne et le ventre en compote... ça faisait longtemps et ça ne me manquait pas ! A l'aéroport, j'enregistre mes bagages sans problème, mais il y a encore une taxe d'aéroport de 500 baths à payer que j'avais complètement oublié, et il ne me reste que 250 baths en liquide ! Je cherche une solution mais personne ne veut de ma monnaie laotienne et les distributeurs continuent à me faire la gueule. L'heure avance et je trouve la situation paradoxalement drôle : mes affaires sont dans l'avion mais je ne peux pas y aller moi-même ! Du coup je n'ai d'autre choix que de mendier ! Je parcours l'aéroport en expliquant ma situation et une espagnole et une japonaise acceptent de me dépanner de quelques baths... c'est bon ! Je paye la maudite somme, passe la douane et finis par embarquer, un peu au dernier moment. Le vol jusqu'à Hong Kong dure 2h20, dans des conditions toujours aussi généreuses, et on doit avancer notre montre d'une heure en arrivant. J'espère que mon compte sera débloqué dans la journée (la banque ouvrant à 9h, il faut que j'essaye à partir de 15h) ou qu'une banque acceptera de me changer mes Kips. En attendant le métro-navette qui transporte les voyageurs de la porte d'arrivée aux grandes halles de l'aéroport, une fille me reconnaît et me dit qu'on était dans le même bus entre le centre-ville de Bangkok et l'aéroport ce matin. Ouais, ça me dit quelque chose ! On discute, elle s'appelle Vénus, travaille à Hong Kong mais est d'origine mexicaine. Je lui touche un mot de mes inquiétudes de liquidité, elle me propose immédiatement de venir dormir chez elle et son copain si j'ai le moindre problème ! Ouah, j'ai vraiment de la chance. Et puis elle me donne 50 HK$ pour que je puisse rejoindre le centre-ville. Je n'ai eu aucune nouvelle de Jean-Luc et Valérie après mon mail les prévenant de mon passage à HK, mais Laurence m'a répondu que ça lui ferait plaisir qu'on se voit. Venus me prête son portable pour que je l'appelle et on décide de se donner RV plus tard, quand j'aurai réglé mes problèmes de logement et de thunes. Je remercie chaleureusement Venus pour tout ce qu'elle fait pour moi et elle me quitte après m'avoir laissé son numéro de portable. J'attends 15h à l'aéroport et me rend à un distributeur... toujours pas moyen de retirer le moindre sous. J'envoie un texte un peu dramatisé à ma mère pour qu'elle fasse le maximum pour débloquer mon compte, mais ça ne semble pas évident à faire sans délai. Et puis mes bagages sont de plus en plus nombreux et lourds, c'est la merde de trimballer tout ça à HK. Au bout d'un certain temps, je me rend compte que la consigne de l'aéroport accepte les payements en carte de crédit, ça c'est bon, je peux me délester et ne garder que mon petit sac à dos. Je prend le bus qui me conduit à Kowloon en 1 h et de là-bas essaye de trouver un pacifie coffee pour pouvoir avancer un peu ericde avant mon retour. C'est vraiment la galère pour en trouver un mais j'y parviens quand même au bout d'une heure, au 2ème étage d'un centre commercial géant que je n'avais pas encore visité ! L'accès Internet est gratos pour les consommateurs et on peut consommer avec la carte sans montant minimum. Du coup je me paye une banane avec ma MasterCard, c'est vrai que je me fous un peu de la gueule du monde ! Je m'installe devant l'écran pour checker mes mails puis décide de téléphoner à Laurence, car ici le téléphone est gratuit ! Il est un peu plus de 18h, elle ne répond pas et je lui laisse un message. Je me décide aussi à appeler Venus pour lui dire que je n'ai toujours pas de solution pour dormir, elle me répond qu'il n'y a aucun problème pour dormir chez elle et me propose d'aller manger avec elle et son copain vers Central. C'est trop sympa, du coup je laisse tomber Internet et me dirige vers l'île de HK. Je prend le star ferry qui me permet de traverser la baie (pour seulement 2 HK$) à l'heure où le ciel s'assombrit et où les buildings s'illuminent. Je suis étrangement super content d'être ici, je commence à me faire à l'ambiance de cette ville incroyable, même si j'aurais beaucoup de mal à y vivre. Par contre j'avais oublié à quel point il y fait chaud et humide, à quel point on y "boit" l'air ! A la sortie du ferry, j'attends à peine 10 minutes avant de voir arriver Venus et son copain (dont j'ai aussi oublié le nom !), super décontractés. Lui vient du Guatemala, du coup on se met à parler en espagnol tous les trois et ça me fait du bien. Mais après 1 mois et demi à communiquer + en anglais, c'est en anglais que me viennent les mots, et il me faut du temps pour me replonger dans la langue... mais j'arrive encore à me faire comprendre, c'est l'essentiel. Je rappelle Laurence qui est rentrée chez elle fatiguée et ne veut pas ressortir... tant pis pour cette fois, on se dit à la prochaine ! Les 2 latinos m'emmènent dans un reste mexicain, et je trouve que pour mon dernier repas en Asie ça ne manque pas de classe. On mange donc des tacos et des nachos au fromage, arrosés de corona au citron avec du sel pimenté. Ce couple est vraiment génial, on se raconte plein d'anecdotes rigolotes de voyages ou de vie, on voyage en paroles autour du monde... et c'est incroyable, on s'entend super bien, on est morts de rire tout le temps, ils sont très drôles, très enthousiastes, super ouverts. En fait ça fait 2 ans qu'ils vivent à HK et ils projettent de partir vivre ailleurs à la fin de la semaine... mais ils ne savent pas encore où ! ILs se laissent la possibilité de choisir au dernier moment dans quel pays ils veulent passer quelques temps ! A la fin du repas, je veux payer par carte mais ils refusent farouchement en disant que je suis leur invité et que j'aurais fait la même chose pour eux en France s'ils avaient été dans le pétrin. J'espère qu'ils ne se trompent pas et décide d'adopter le Raph-style en acceptant tout cela avec le sourire. Leur building, assez luxueux, est situé tout en haut des escalators géants, à une rue de chez Pierre (qui est parti d'ici depuis le 15 Août) ! L'appartement fait au bas mot 100 m2 et de nombreuses peintures abstraites sont posées sur le sol. Venus, qui les a peintes, passe beaucoup de temps à me montrer toutes ses œuvres. C'est très psyché et souvent inspiré, avec beaucoup de travail sur les couleurs, les formes et les textures. On peut y voir pleins de choses différentes selon le sens où on regarde. On passe longtemps à discuter en analysant ces peintures et dessins tarabiscotés. Ils me prêtent ensuite une serviette, du savon et du shampooing pour que je puisse me doucher, m'expliquent quels bus prendre pour rejoindre l'aéroport facilement le lendemain, et me filent encore 80 HK$ ! Il est parfois difficile d'accepter autant de générosité, mais rencontrer des gens comme ça me donne de l'espoir en plus de me toucher ! Je me couche dans ma chambre climatisée, comme un roi.

Je me lève un peu avant 7h et quitte l'appartement 1 demi heure plus tard, sans réveiller le couple qui dort encore mais en leur laissant un mot de remerciements en mon adresse e-mail. Un premier bus m'emmène jusqu'à Admiralty, en bas de la montagne, et je reconnais le Pacific Coffee dans lequel j'avais commencé à taper les premières lignes de mon récit. Comme je viens de m'apercevoir que mon vol était un peu plus tard que je ne le pensais (1 Ih05 au lieu de 10h30), je décide d'en profiter pour avancer le blog ! J'y reste jusqu'à 8h45, un peu tard, et cours à l'arrête de bus suivant... et là j'attends un demi-heure, en stressant de + en + et en me disant que je suis définitivement le dernier des cons et que je vais réussir à rater mon avion. J'entre dans le bus à 9hl5 et je sais qu'il ne met pas loin d'une heure à rejoindre l'aéroport, ce qui me ferait arriver à 10 h15. Et avec la circulation, c'est finalement à 10h20 que le bus arrive au terminus. J'ai donc 45 minutes pour aller chercher mes bagages à la consigne à l'autre bout de l'aéroport, trouver le hall des départs, enregistrer mes bagages, passer la douane et les contrôles de bagages et rejoindre la lointaine porte d'embarquement, alors que j'étais censé arriver 2h avant ! Je cours comme un malade, arrive essoufflé à la consigne en les speedant à mort, repars avec mon gros sac sur l'épaule et le reste n'importe comment dans les bras, bourre tout le monde pour rentrer dans un ascenseur, trouve le comptoir Aeroflot en tendant billet et passeport... et ça semble passer ! La nana me ressort un vieux "Hurry Up !" et ne me garantit pas que mon gros sac parte avec ce vol, mais elle me tend un carton d'embarquement... ouf ! Je passe douane et contrôles et traverse encore tout l'aéroport en courant car la porte est vraiment loin. J'arrive pile au moment où les derniers passagers finissent d'embarquer et me pose comme une larve sur mon siège après m'être fait accueillir par des grandes poupées russes moyennement souriantes. C'était vraiment moins une, je pense que c'est acceptable comme montée d'adrénaline finale. Je ne reverrai sans doute jamais mon sac, d'accord, mais au moins je suis dans l'avion ! Il est maintenant 15h heure de HK (1 Ih heure de Moscou), et je suis en train de survoler la ville d'Ulan Baator en Mongolie. J'ai une grande pensée pour Noémie qui doit être là, quelques milliers de Km plus bas, et qui regarde même peut-être distraitement cet avion passer... qui sait, avec un peu d'imagination on peut voir à travers les nuages ! J'ai reçu un mail de sa part m'informant qu'elle restait dans ce pays, au moins pour l'hiver. Elle va beaucoup me manquer, mais j'espère qu'elle est heureuse là-bas.

J'écoute à présent le CD de Fan Ling en repensant à ces 6 semaines incroyables. Je me rend compte que tout cela est maintenant derrière moi et revois tous les moments forts en fermant les yeux. Une grande vague d'émotion m'envahit, irrépressiblement. Je revois les discussions de nuit sur le bord de plage à Hong Kong, la folie de Macao, les chants en haut de la moonhill à Yangshuo, Le "Tea Tinie" avec Tang à Guilin, la semaine dans les montagnes du Yunnan en compagnie de la douce Fan Ling, la balade sur la montagne à Dali, l'arrivée au Vietnam à Sapa, la pleine lune éclairant la baie d'Along, l'arrivée au Laos dans un éclat de joie, les moments magiques "pour rien" à Luang Prabang, les fruit-shakes, les temples et les cascades, la sérénité ressentie à Pakbeng, la soirée en boîte, tous les bons moments passés avec Anelor globalement, l'ambiance cosmopolite de Bangkok et la rencontre finale avec les latinos. Je revois tous les visages, toutes les rencontres, tous les émerveillements, et les galères sont étonnement vite rangées au placard. Je me rend vraiment compte la chance que j'ai eu d'avoir pu faire ce voyage, d'avoir pu découvrir ces fabuleux pays, côtoyer ces populations si différentes. C'est triste de se dire que la grande majorité des habitants rencontrés n'auront sans doute jamais les moyens d'une telle expérience, sachant que peu d'entre eux voyagent déjà au cœur même de leur pays. Ça a un côté égoïste mais je suis vraiment heureux d'avoir pu vivre tout ça. Ça ne changera pas le monde, et ça ne changera pas non plus littéralement l'image que je m'en fais ni ma façon de voir les choses. Mais ce genre d'expérience est quand même d'une intensité, d'une richesse énorme. Rien n'est jamais acquis, chaque jour comporte son lot de surprises, de désenchantements, de découvertes. On ne sait jamais exactement où on sera quelques jours plus tard, mais on vit totalement l'instant, jamais à l'abri d'un "court-circuit" pouvant orienter différemment le voyage. On se laisse entraîner par les rencontres. On doute parfois, on peut se sentir seul ou être malade, et on n'est jamais sûr de faire les bons choix. Mais on les fait et on se relève toujours. Je ne veux pas rentrer dans les clichés du genre et faire mon voyageur transi, piqué d'une soudaine ouverture d'esprit sur le monde. Je pense simplement que le monde n'est pas que sa ville, et que se plonger dans d'autres cultures à d'autres endroits permet de relativiser un certain nombre de choses et de gagner (j'espère) en humilité, même si le voyage reste un plaisir quelque peu égoïste.

Je sais seulement que ce voyage va beaucoup compter pour moi et que j'espère en faire d'autres aussi forts.
Je sais seulement que si on me demandais maintenant quel est le sens de la vie, je serais toujours bien embêté, mais je répondrais sûrement que vivre ce genre d'expérience en donne dans une certaine mesure.
Je sais seulement que se retrouver loin de ses repères aide à mieux comprendre où sont ses priorités et qui sont les gens qui comptent vraiment... et surtout à quel point ils comptent. Et je me suis rendu compte qu'il y en a beaucoup.
Je ne sais pas si beaucoup de gens liront ce récit jusqu'au bout, ni à quel point j'y suis trop personnel, trop narratif, trop exubérant... et je me pose des questions sur le côté égocentrique de cette tâche. Mais je me dis à la fois qu'une expérience est toujours bonne à entendre. Et puis je vois vraiment le voyage comme une chance et non comme une fierté. J'avais juste envie de raconter tout ça, écrire m'a aidé à faire le point sur ce que je vivais. J'avais envie (besoin ?) de le faire partager, et après tout je ne fais qu'écrire, je n'oblige personne à lire ! Sachez en tout cas que je suis en train de noircir ma 101ème page depuis mon départ, bravo donc à ceux qui sont arrivés au bout.

Je survole à présent la Russie en écoutant "The Potato", groupe de Rock Thaï génial (suis-je objectif?). Les images se déversent dans ma tête au rythme de la guitare et de la batterie. Tout est encore trop récent et trop confus. Je suis me sens triste. Mais à la fois je me sens bien. Vraiment bien. Mercredi 31 Août - Dans l'avion au dessus de la Russie / 12hll (heure de Moscou)

Lu au court du voyage :
- Le guide du routard Chine (guide)
- Le guide du routard Vietnam (guide)
- Lonely Planet Laos (guide)
- Kiss Kiss / Roald Dahl (recueil de nouvelles)
- Nos amis les humains / Bernard Werber (pièce de théâtre)
- L'herbe rouge / Boris Vian (roman suivi de 3 nouvelles)
- Rashômon / Ryunosuke Akutagawa (recueil de nouvelles japonaises)
- L'œuvre au noir / Marguerite Yourcenar (Roman)

01 septembre 2005

Le Laos, terre de paix

Comme vous avez du le remarquer avec l'arrivée subite des accents dans le post précédent, c'est bien de France que je continue mon récit ! Je profite d'une ultime étape parisienne pour continuer à recopier mes carnets de notes, ne me sentant pas encore "totalement" rentré ! J'ai encore un peu de décalage horaire dans les pattes et je me suis réveillé avec la tourista de retour en France, mon ventre ayant eu du mal à accepter des raviolis et de la bière dans le même repas... mais à part ça je suis vraissemblablement en bonne santé, en forme, joignable, et j'accepte progressivement l'idée du retour. Mais c'est avec non moins de plaisir que je me replonge dans ces dernières semaines de voyage, dont le séjour au Laos fut sans aucun doute l'apogée. Je venais de passer la frontière...

Jeudi 25 Août - Bateau entre Luang Prabang et Pakbeng / 13h55

Mon premier contact avec le Laos est une portion de "Sticky Rice" (riz gluant ou riz collant) qu'on peut pétrir à la main en petites boulettes de riz collé, accompagné de viande de bœuf séchée enfilée en fines tranches sur un bracelet en bambou tressé et agrémenté de différentes feuilles de salade fraiche, de menthe, coriandre, sauce de soja et sauce chili. Un régal de petit déj ! Le bus continue sa route encore toute la journée et on traverse le pays, sans rencontrer la moindre ville. Seulement de magnifiques paysages à l'état naturel, entre jungles de forêts secondaires, plaines marécageuses et collines. Ces terres donnent l'impression d'un pays tranquille et moins industrialisé, moins cultivé. En fait le Laos n'est peuplé que de 6 millions d'habitants en tout et pour tout, c'est à dire moins que sur la petite superficie de Hong Kong ! C'est donc normal que ça se ressente, ça change beaucoup de choses. Il n'existe aucune "grande ville moderne et affairée" au Laos. Tous les villages qu'on traverse semblent être des hameaux paisibles, avec des maisons faites de bois, de bambou tressé et de toits de chaume. On sent une certaine pauvreté mais toutes les personnes qu'on croise sur le bord de la route nous font de grands signes. C'est clair, on n'est plus au Vietnam ! Même leur langue est plus douce à l'oreille, plus chantante, et les visages ont des traits plus arrondis et agréables. A l'intérieur du bus, on rencontre 4 israéliens assez en clan, 2 allemandes assez sympas, et un vietnamien carrément avenant et rigolo qui parle parfaitement français et s'appelle "Viet", tout simplement. Il aura fallu attendre d'être au Laos pour avoir une relation simple et appréciable avec un vietnamien ! Il est en fait guide dans le Nord de son pays et nous conseille pleins d'auteurs à lire. On fait aussi la connaissance d'un slovène et d'un japonais qui semblent voyager ensemble et qui sont dans un autre bus mais qu'on rencontre à chaque halte. Le voyage est d'autant plus long qu'on est obligé de s'arrêter 4h à cause d'un éboulement sur la route ! c'est un peu après 20h qu'on arrive à Vientiane, 25h après notre départ. Au total, on aura passé plus de 38h dans les transports à la suite ! Un "Tuk-tuk" (les taxis du coin, genre de triporteurs assez pittoresques) nous conduit en centre-ville, étonnamment calme en ce début de soirée, et je suis Anelor dans une guest-house qu'elle connait (après 2 mois au Laos elle peut commencer à être un guide de qualité). La dite guest-house est d'ailleurs dans un état de certaine décrépitude, mais moins que son tenancier dont le visage ravagé par la fatigue et une maladie de la peau trahit un évident mal-être, il s'est sans doute fait lourde par sa femme pendant l'année ! Harassés par le long voyage et heureux de pouvoir enfin s'étendre, sans pourtant sans mal que nous sombrons dans les limbes d'un sommeil réparateur.

Lundi, première matinée laotienne. On se balade dans les rues de Vientiane, qu'on a définitivement du mal à appréhender comme une capitale ! La ville est en réalité assez étendue, mais on n'aperçoit aucun immeuble plus haut que quelques étages, de nombreuses routes ne sont même pas goudronnées, et on ne croise pas foule. Par contre on peut trouver tout ce qu'on veut, se balader longtemps sans en voir le bout, et il y a plein de guest-houses, de restos divers, de marchés et de banques. Tout est traduit en anglais ou en français (toujours en souvenir de l'Indochine). L'alphabet Lao est très proche du thaïlandais, tout en boucles voluptueuses. Et puis ici, on quitte toujours ses chaussures avant d'entrer dans un intérieur, les gens vivent presque tout le temps pieds nus. En guise de petit déj', on mange une salade de fruits frais au yaourt (savoureux mélange de mangues, litchis, papaye, ramboutans, banane, ananas, fruit du dragon...) dans la rue, un régal. En me promenant je croise une agence de voyage et décide d'organiser mon retour à Hong Kong. En me renseignant, je m'aperçois qu'il n'y a qu'une faible différence de prix entre l'aller direct Vientiane - Hong Kong et l'aller tronqué Vientiane - Bangkok / Bangkok - Hong Kong ! Du coup je décide de péter les plombs et d'aller à Bangkok en Thaïlande pour une journée avant de rentrer sur HK ! Je réserve directement mes billets : ça me fera un départ pour Bangkok le 29 au matin, un départ pour Hong Kong le 30 au matin, et un départ pour Paris le 31 au matin ! C'est un peu de la folie mais ça me plait de terminer par ce "blitzkrieg" de destinations. A l'heure du déjeuner je goûte le Laap de bœuf, une spécialité qui mélange de la viande coupée en tous petits morceaux, des herbes et des légumes (menthe, coriandre, petits haricots découpés, piment, vermicelles, citron épicé spécial, épices diverses...)- Le tout agrémenté de sticky rice, c'est vraiment délicieux (mais très épicé). Ici, on a l'impression que tout est simple mais que les mélanges sont délicieux. Un peu de citron et de menthe fraîche sur des produits de base et hop ! on s'emmerde plus en mangeant (technique souvent recherchée par un certain RB). Je bois aussi un jus de sapodilla frais, un autre fruit pas très goûteux qui ressemble à une patate et dont la texture, qui part un peu en purée dans la bouche, s'en rapproche aussi. L'après-midi, on va voir la "tuerie" de Vientiane, la couv' du Lonely Planet (qu'Anelor a récupéré au Vietnam à un voyageur qui venait du Laos),le Pha That Luang, grande stupa en or de 45 mètres de hauteur qui n'est autre qu'un reliquaire censé contenir des restes de Bouddha. La flèche centrale, en forme de bulbe, ressemble à un bourgeon de lotus allongé et repose sur un dôme lui-même couronné d'une frise évoquant les pétales de celui-ci. Cette éblouissante Stupa est entourée de nombreux temples et monastères à couper le souffle, comme tous les temples qu'on peut admirer dans ce pays. Ils ont presque tous des toits multiples qui s'emboîtent les uns dans les autres, rehaussés par des enluminures à têtes de dragons qui s'élèvent vers le ciel. Leurs façades sont brillantes et colorées (or, bleu turquoise, rouge vif...) et fourmillent d'innombrables motifs où se mêlent bouddhas et animaux de légendes. On y accède généralement par quelques marches dont les rambardes sont en forme de nagas (sortes de serpents à tête de dragon). Des sculptures de divinités burlesques et d'animaux fantastiques (dragons, chimères, chevaux ailés...) bordent souvent les parcs abritant les temples. A l'intérieur des temples on peut souvent admirer de gigantesques statues de Bouddha en or entourées de grandes fresques racontant des histoires et des légendes sur les murs. C'est magnifique tout en restant sobre, et ce sont de loin les plus beaux temples que j'ai vus de mon voyage. L'avantage c'est qu'ici il y en a partout, c'est très difficile de ne pas en croiser des tonnes en se baladant par la ville. Ils se trouvent tout le temps dans des jardins plus ou moins vastes entourés d'autres mini-temples et de tours à étages dans lesquelles pendent de gros tambours pour l'appel à la prière. De nombreux moines bouddhistes (à la fameuse toge orange et au crâne rasé) habitent dans des bâtiments attenants, vivant dans le recueillement et en respectant 527 préceptes de vie ascétique dans l'enceinte des temples. C'est donc les yeux remplis de splendeurs qu'on se rend en Tuk-tuk à une autre gare routière pour voyager en bus de nuit jusqu'à Luang Prabang (destination préférée d'Anelor), à quelques centaines de Km au Nord. Nous voilà donc déjà reparti pour un trajet de + de 11h... et on a encore du mal à dormir !

Je me réveille face à un paysage incroyable, le soleil levant éclairant d'orange les nuages posés sur les flancs de la montagne en contrebas. On arrive au petit matin à Luang Prabang sous un ciel dégagé. Je vois un mec qui met ça mitraillette en bandoulière derrière son dos avant de sortir... tout est normal. Un tuk-tuk nous conduit à la Sy-Somphon guest-house en empruntant des rues très aérées bordés de nombreux palmiers. On croise un peu plus de boutiques par ci par là, mais il est difficile d'identifier un centre-ville là dedans. Anelor me dit que ça lui a fait la même impression à sa première arrivée ici et qu'elle en était un peu décontenancée. On se retrouve seul dans la guest-house, mais la famille qui la tient est d'une gentillesse inouïe et nous montre des albums photos (ils demandent des photos de tous ceux qui passent ici, avec la date et la provenance !) en nous proposant des bananes délicieuses. Anelor retrouve sa photo de l'année passée et reconnaît d'autres personnes qui ont partagé sa route. On peut aussi donner son linge à laver (il était plus que temps), bref on se sent pas mal. Après avoir déposé nos affaires, nous repartons nous promener dans Luang Prabang. On ne tarde pas à croiser un marché. Les vendeurs (beaucoup de femmes) sont assis en hauteur, pieds nus, sur leur étale en bois dressé sur pilotis, et proposent toutes sortes de fringues, de tissus, soieries, artisanat. C'est super beau dans l'ensemble et on a envie d'acheter des tas de trucs. J'essaye de me freiner en me disant que j'en aurai bien le temps plus tard. On arrive même à ce qui ressemble à une rue principale malgré ses arbres et sa tranquillité, qui trajète au Nord jusqu'à l'embouchure du Mékong et du Nam Ou, l'autre fleuve traversant la ville. La rue est farcie d'ouvertures sur des jardins aux temples fabuleux et il est très difficile de déscotcher quand on est dans ce genre d'endroit. Ces temples sont encore plus sublimes qu'à Vientiane. Je me laisse progressivement envahir par l'atmosphère de paix qui flotte sur la ville. Je bois un jus de mangue et les enfants qui passent me lancent des "Sabaydi !" (Bonjour) pleins de joie, au milieu de ces temples, de cette nature luxuriante, et au bord du Mékong. La nourriture est exceptionnelle, personne ne vient nous solliciter dans la rue, les filles sont belles, aucune publicité ne vient ternir les rues (en dehors des devantures des magasins), il fait bon et ensoleillé... là je pense qu'on est pas loin du paradis ! Le manque de sommeil doit bien sûr jouer sur ma psychée à fleur de peau et on rentre faire une sieste après avoir savouré un bon Laap de poisson arrosé de jus de papaye. Pendant le repas un vieil homme torse-nu à l'oeil torve entre dans le resto, un flingue à la main ! Il tend l'autre main en montrant un billet... je fais mine de ne pas le voir et interroge Anelor du regard, inquiet, qui me dit de ne pas faire gaffe, que ce gars était déjà là l'an dernier. Et l'homme se casse, avec toujours le bras le long du corps et le doigt sur la gâchette ! Plus tard Anelor le recroisera dans la rue et prendra peur en voyant l'arme qu'elle n'avait en fait pas vue au resto ! Tout continue à être normal. Au réveil (3h après !) et malgré ma tête embrumée, la magie est toujours là. Dans la rue s'est mis en place le marché de nuit qui couvre la ville sur des centaines de mètres. Des petites loupiotes tamisées éclairent des tentes de fortunes où les articles à vendre sont disposés sur de petits tapis à même le sol. Ici les négociations sont un vrai bonheur : les vendeurs rigolent beaucoup, de bon gré, et c'est tellement sympa qu'on achète souvent avec le sourire, quel que soit le prix final. Anelor, qui adore les petits bracelets aux graines et coquillages tissés, devient frénétique et en achète une cinquantaine ! Poussé par une fièvre consumériste fort joyeuse, on achète des tissus, des T-shirts, des conneries... et on a bien du mal à stopper l'hémorragie ! Mais ça fait un bien fou. Un peu plus loin, le marché de nuit se transforme en "rue de la bouffe". On prend des morceaux de mangue et d'ananas par ci, des nems par là, une cuisse de poulet grillé à un autre endroit, et on se pose à une table en égayant tout ça d'une bonne Lao Béer. En se promenant encore un peu, on tombe sur... Viet, qu'on avait plus revu depuis l'arrivée à Vientiane, qui est avec un ami à lui, un français d'une cinquantaine d'année. Je leur parle de mon envie de me faire masser les pieds (chose que je repousse depuis le début de mon voyage), alors on décide de se donner RV le lendemain soir pour manger ensemble et se faire masser ! Le programme du lendemain va être chargé car, poussé par une envie de sensations fortes et voyant peu à peu se profiler la fin du voyage, j'ai proposé de faire une journée "à don" en passant par une agence de treks & co. Ça donne en perspective du bateau à moteur dans la rivière, un trek à dos d'éléphant, une baignade dans les cascades naturelles et 26 Km de kayak pour revenir en ville ! On préfère donc ne pas se coucher trop tard pour affronter ces aventures du lendemain.
Le mercredi matin, un bus de l'agence "Tiger trail" vient nous chercher devant la guest-house et nous trimballe dans la nature sur une vingtaine de kilomètres avant de s'arrêter. On a un guide juste pour nous, très marrant. Je lui dis que je suis chanteur et il se met à beaucoup me respecter, en m'expliquant que les chanteurs sont tous des gens heureux qui voient la vie comme un jeu et qui n'arrêtent pas de faire des blagues ! Je décide donc de lui en servir, des blagues, même s'il ne les comprend pas toutes (hum). Je fais super pote avec un singe à l'entrée du lieu, puis il essaye de me voler ma bague de Jade achetée en Chine et on se quitte en mauvais termes, dommage. On monte sur un petit bateau à moteur tout en longueur et assez instable qui nous amène à contre-courant jusqu'au site des éléphants. C'est impressionnant car le courant, il est vachement fort (mousson et hauteur de l'eau oblige). On est à 2 doigts de se renverser (c'est peut-être pas vrai mais je sens que les lecteurs ont besoin d'action). La balade à dos d'éléphant, c'est aussi bien rigolo. On est sur une sorte de nacelle-banc et l'éléphante (une femelle qui s'appelle Wd) progresse lentement dans la forêt, en tanguant beaucoup, à pas lourds (normal). Au bout d'un moment, le "chauffeur" qui est sur la tête de l'animal avec les genoux derrière les oreilles nous propose de prendre sa place à tour de rôle. Ça devient carrément casse-gueule mais on tient bon parce qu'on est trop fort. Le petit bateau nous conduit ensuite à l'endroit des fameuses Waterfalls (chutes d'eau). C'est très impressionnant, on a l'impression que l'eau se déverse à même la forêt, sur une large étendue, en passant au milieu des arbres et des pierres. La densité d'eau est énorme, elle s'écoule en de nombreuses cascades plus ou moins larges, par palier, sur une longue distance avant de rejoindre le fleuve. On grimpe un petit chemin sur les abords de ce spectacle inédit, et c'est là qu'on déjeune, dans une cabane sur pilotis avec vue imprenable sur les cascades sauvages. Je vais ensuite me baigner dans une petite cuvette entre 2 cascades. Le courant y est très fort et je dois lutter pour ne pas me laisser emporter par endroits. Je parviens finalement jusqu'à l'arrivée d'une chute d'eau et me mets dessous. L'eau tambourine puissamment sur mon dos et ce massage fait beaucoup de bien. Et puis la fraîcheur de l'eau est la bienvenue en ce jour de soleil de plomb. Je réussis même à faire se baigner Anelor, ce qui n'est pas loin d'être un exploit vu son amour pour le milieu aqueux. On continue donc la journée avec quelques bonnes heures de kayak. Le courant va vite, c'est très agréable. On a 2 kayaks, 1 une place et 1 deux places, et on change régulièrement. Les passages tranquilles où on peut admirer montagnes et forêts alternent avec des rapides de malades avec des vagues de 3 mètres de hauteur (ou pas), mais comme on est vraiment en forme on survit. Moi j'adore le kayak, et en plus j'ai particulièrement la classe en ce jour avec mon T-shirt "Lao Béer" rosé assorti à mon casque... On arrive fièrement à Luang Prabang, fatigué des bras mais repus des sens. La camionnette nous reconduit à notre guest-house, une bonne douche, et c'est reparti pour la ville !

Après une nouvelle traversée fatale du marché et après avoir croisé une fille en train de faire mine de s'enfoncer un immense couteau dans le ventre (décidément normal), on se retrouve vers 18h aux abords d'un temple qui s'apprête à commencer la prière. On se glisse discrètement dans le fond pour s'immerger dans l'ambiance. Une dizaine de moines de tous âges chantent des mantras langoureux et rythmés à la fois dans cet intérieur splendide, devant une gigantesque statue de Bouddha en or. La prière dure une bonne demi-heure et les sons m'enveloppent d'un bien-être palpable. Ma détente est totale quand je ressors du temple, un peu chamboulé mais serein. Je décide de devenir un moine bouddhiste. Puis je pense qu'il faudra me raser la tête et je lâche l'affaire ! Après quelques lignes tapées sur Internet, je retrouve Anelor, Viet et son pote et on se pose dans un resto de la "grande rue" pour dîner. Viet est toujours aussi agréable et son ami, un français dont il a été le guide au Vietnam 2 ans + tôt, est plutôt intéressant et nous parle de ses voyages en Asie et de nombreux faits politiques et historiques qui m'étaient inconnus. Salade composée et curry de poisson me remplissent bien le ventre et on se dirige vers le "Lotus herbal spa & massage". On est 3 à choisir l'option "foot massage" alors que Viet tente la totale avec un "body massage". La séance dure une heure et c'est super agréable de se faire laver, malaxer, appuyer, frapper, tordre, plier les pieds... mais putain ça fait mal ! Non mais c'est quand même pas mal, surtout qu'elles massent aussi la jambe et terminent par un massage du dos, épaules, cou et tête pendant les 5 dernières minutes. On sort vraiment détendu, voir presque trop (!), et c'est une épreuve que de rejoindre la guest-house à pieds ! Je m'écroule sur mon lit, lessivé mais sans doute le sourire aux lèvres.

Ce matin, le réveil sonne à 6h45 : on a décidé de partir en bateau sur le mékong pour goûter à l'ambiance des petits villages dans les terres laotiennes. Comme on sait qu'on repassera par là, on laisse quelques affaires délicates à Somphon, notre ami de la guest-house. On arrive un peu avant 8h à l'embarcadaire des ferrys (du même type que le petit bateau à moteur de la veille... en beaucoup plus grand). Il y a une trentaine de places sur des petits bancs en bois pas top confortables. Le bateau part vers 8h30 et... ça fait déjà 9h et demi qu'on navigue ! Il est maintenant 18h passées, et j'ai le cul totalement en compote. Ok, les rives du mékong sont jolies, le fleuve est large et imposant, les petits villages sont ravissants, et ça m'a permis de prendre le temps d'écrire toutes ces conneries... mais là j'en ai un peu plein le cul, c'est vraiment le cas de le dire ! A côté de moi, Anelor est en train de terminer Le monde selon Garp qu'elle a entamé ce matin ! Shivaree dans les oreilles : "I close my eyes"... moi qaund je ferme les yeux je me vois au Laos, et quand je les rouvre j'y suis... c'est quand même pas mal. Je me sens vraiment bien ici. Et le temps continue à grignoter les instants, mais je jouirai du maximum jusqu'au bout. Jeudi 25 Août - Bateau aux abords de Pakbeng / 18H16

Lundi 29 Août - Vientiane, dans l'avion pour Bangkok/ 10h30

II commence déjà à faire nuit quand le bateau arrive à l'embarcadaire (une planche posée entre lui et le sol !) de Pakbeng. A première vue, ce village, qui a tout de l'endroit typique avec des habitations en bambou tressé et en bois, souvent sur pilotis et donnant sur le mékong, a évolué très vite (vu son emplacement stratégique entre la Thaïlande et Luang Prabang) et s'est agrandi. On ne s'y sent plus complètement perdu dans la nature. On se dégote une chambre pas chère dans une guest-house, un peu plus haut dans le village, et le calme gagne quand même rapidement les lieux, même si la rue principale est encore animée par quelques restes et guest-houses et par des enfants qui s'amusent à sauter une corde tendue. Après mangre, on s'éloigne un peu de la ville en continuant la route qui longe la Nam Beng (qui se jeté dans le Mékong au niveau du village), et on est rapidement dans la nature, avec un ciel illuminé d'étoiles et le chant des criquets (?). De retour au centre névralgique, on achète un peu d'opium à un gars qui nous en propose... après tout, un voyage en Asie sans son lot d'expérience psychotrope n'est pas consommé entièrement ! On décide de goûter ça le lendemain et on va se coucher.

Vendredi, on se lève tôt sans avoir mis de réveil à sonner et on doit prendre une décision : soit on décide d'aller à Naw Kiaw, un village plus petit, assez loin au nord, soit on passe tranquillement la journée à Pakbeng et on rentre le lendemain à Luang Prabang en bateau (dans le sens du courant cette fois !). Comme j'ai vraiment envie de passer une nuit dans un lieu plus reculé, j'insiste pour qu'on essaye de partir. A la gare routière, le tuk-tuk géant de 9h en direction du Nord est déjà plein à craquer. On nous dit d'attendre le suivant qui part à l0h. Mais à 10h on nous explique que finalement il n'y aura pas de départ avant midi ! En fait le Laos, c'est tellement tranquille qu'ils s'en foutent pas mal des horaires. Je me dis que ça serait très con d'arriver là-bas à la nuit tombée sans profiter de rien, du coup on se fait rembourser nos tickets et on décide de rester. Par contre on troque notre chambre pour une autre, plus excentrée sur le bord du Mékong, à un endroit où on sent vraiment cette ambiance de petit village. C'est là qu'on avale un petit morceau d'opium chacun (il n'y en a pas beaucoup). Le fait de l'avaler plutôt que de le fumer est censé procurer plus d'effet, mais ce dernier est plus long à venir. On mange ensuite dans un reste indien avec une superbe vue sur le fleuve, et c'est très bon mais très lourd. Du coup on entame une promenade digestive en suivant un chemin de terre longeant le mékong. Plusieurs heures se sont passées depuis l'ingestion de l'amer pâte mais rien ne se fait sentir. La balade est super, on marche une bonne heure en traversant des petits hameaux avec pleins d'enfants trop craquants qui nous courent dessus avec des "Sabaydi !" illuminés. Tout le monde est accueillant, on ne croise personne d'autre, on est vraiment dépaysé. Pakbeng semble plus un lieu de passage qu'un endroit où les gens s'arrêtent, on a bien fait de rester. On ne sait pas si la légère pesanteur qu'on ressent vient de l'opium ou du repas de midi dur à digérer ! Du coup on en rachète une dose un peu plus grosse à un gars près de notre guest-house, au retour de la promenade. On l'avale tout de suite. Le goût est extrêmement acre et amer et il vaut mieux ne pas le laisser trop longtemps en bouche. Anelor l'entoure même de papier pour ne pas sentir le goût. On se pose un moment à la guest-house, à se reposer et à bouquiner, allongés sur la terrasse en bois donnant sur le mékong... et 2 heures passent, toujours sans le moindre effet. Et soudain j'ai la nausée et je vais vomir ! Je ne sais toujours pas si c'est du à la bouffe indienne ou si c'est mon corps qui rejeté la substance, mais en tout cas j'ai bien peur de l'avoir libéré en même temps. Une demi-heure + tard. Anelor commence à se sentir de mieux en mieux, l'effet commence à se répandre dans sa tête et son corps. Moi je ne ressens rien, un peu déçu. Et puis soudain un spasme très agréable me parcoure et je me sens moi aussi de mieux en mieux. S'ensuivent 2 ou 3 heures géniales. On est allongé sur nos lits en écoutant des chants tibétains (Anelor a de petites enceintes), super détendu sous l'effet de la pâte. C'est très particulier, mes yeux se ferment de force, ils sont extrêmement lourds, mais je n'ai aucune envie de dormir et me sens au contraire ultra-lucide. Mon corps est parcouru de vagues de bien-être et je fais des micros-rêves géniaux, toujours complètement lucide. Puis je me réveille, on discute un peu, très enthousiastes et en forme, avec envie de raconter pleins de trucs, puis on repart soudainement dans nos voyages intérieurs, toujours très conscients. C'est sans doute la drogue la plus agréable que j'ai essayé (j'en ai évidement essayé très peu !). A un moment, c'est le tour d'Anelor d'avoir une remontée gastrique. Un autre effet secondaire pas très agréable est un picotement un peu partout sur la peau... du genre "non, non, je n'ai aucune hallucination, mais qu'est ce qu'il y a comme moustiques ici !". J'entends un son de guitare dehors et ma curiosité me pousse à sortir. Il est 22h passées et un couvre-feu interdit d'être dehors, tout est éteint, mais j'aperçois 3 ou 4 laotiens qui jouent de la guitare dans la guest-house d'à côté, dont celui qui nous a vendu l'opium. Ils m'invitent à rentrer et me proposent d'en fumer encore avec eux... c'est reparti ! Ils utilisent pour cela un tube à pipe avec un récipient en verre fixé à l'extrémité. Ils placent la pâte dans un trou fait dans le verre sur le côté, puis la percent encore au centre avec un cure-dents et on doit tirer sur l'embout tout en brûlant la pâte, la flamme étant aspiré par l'appel d'air percé tout en consumant le produit. C'est doux au départ, mais à force ça arrache la gueule. L'effet semble plus immédiat et durer beaucoup moins longtemps, mais je suis déjà globalement très détendu ! On se passe la guitare et je paye mon concert privé laotien... ça c'est fait ! Un irlandais nous rejoins, suivi de peu par Anelor qui a repris un peu la pêche. On discute un bon moment en fumant et en jouant de la guitare. Par contre j'essaye de boire une bière et mon corps signifie rapidement son désaccord en me la faisant rendre. Je suis pourtant vraiment bien ! La nuit qui s'ensuit, assez courte, est habitée de rêves excellents, sans doute influencés par l'effet de la substance qui s'estompe petit à petit mais qui continue à apaiser doucement mon corps et ma tête. Par contre Anelor me réveille au milieu de la nuit en me disant qu'elle a vu rentrer un rat qui est sous mon lit et qui bouffe des trucs ! Je m'extirpe péniblement de mes rêveries, on cherche partout sous le lit, il n'y a rien ! Le problème est qu'en plus le village n'est plus desservi en électricité pendant la nuit. Je mets ça sur le compte de l'opium et me fout de sa gueule, mais lorsque le silence se fait j'entends aussi la bête, plutôt sous le lit d'Anelor ! A la fois je m'en fout un peu, mais elle me dit qu'elle ne peut pas dormir avec cette bête sous son lit... on tend un piège à la bête en mettant des biscuits et de la viande de yak séchée sur le palier pour qu'elle parte, mais rien n'y fait. Un peu plus tard, Anelor me réveille à nouveau en disant que ça continue, que le rat n'est pas parti. On continue à le chercher en vain, et en plus c'est un peu flippant on a peur qu'il nous saute à la gueule. Mais on ne le trouve pas. C'est seulement au petit matin que soudain on le voit surgir de sous mon lit pour s'enfuir dehors. Bon ben on a passé la nuit avec un rat... enfin je crois bien !
La journée est principalement dédiée au retour en bateau à Luang Prabang. On met moins de temps qu'à l'aller, peut-être 7h, dans une relative quiétude malgré un bateau plein à craquer et une tempête de pluie ! Après s'être douché à la guest-house, on passe du temps à déambuler dans le marché, à faire de l'Internet, à boire des fruit-shakes. Puis, comme on est samedi soir, on décide... d'aller clubber ! Direction la discothèque à 2 Km du centre. L'entrée est gratuite et un groupe Live qui joue du bon vieux rock Thaï et de la non moins géniale Lao-Pop ! L'intérieur est très classe, l'ambiance est un peu timorée au départ mais dès que les premiers se lèvent pour bouger leur corps ça devient... la fièvre ! Le groupe laisse la place à une DJette qui commence à passer des tubes plus dansants. Je bois un whisky ou 2, enfourche mes énormes lunettes de soleil kitsch, et c'est parti pour foutre le feu à la dance-floor ! Les laotiens dansent avec nous car on les fait marrer. Et puis un gars à la tête super rigolote et au T-shirt "Amazing" (c'est comme ça qu'on l'appellera par la suite) tombe raide dingue d'Anelor. Il la regarde d'un air illuminé par la grâce et rejoins ses mains en se penchant en signe de respect. Il se met à danser avec elle et à lui parler. Quand il voit qu'on se connait, il se dépêche d'aller demander à une copine à lui de danser avec moi ! Pas mal le plan drague, j'ai beaucoup à apprendre !

Il vient ensuite boire un coup avec nous et on discute. Anelor lui dit qu'elle est mariée mais pas avec moi, et pour l'embrouiller je lui dis qu'on a divorcé hier et qu'elle s'est remariée aujourd'hui par téléphone... le pauvre est un peu perdu mais garde le sourire et continue à avoir une attitude
insistante. A 23h30 pile, la musique s'arrête et tout le monde déserte la piste de danse et le lieu.
Amazing part lui aussi. Mais ce génie a laissé un mot à Anelor avant de partir : "I love you but you don't love me but my number is ... ". Amazing.

Dimanche, on va visiter le musée de Luang Prabang, qui n'est autre que l'ancien palais royal dans lequel ont été rajoutés des statues de Bouddha, des fresques et d'autres témoins du passé. Le palais est déjà en lui-même magnifique avec des fresques intérieures entièrement réalisées avec du verre japonais multicolore retraçant des scènes de batailles, de prières ou de la vie courante. Il y a des trônes en or splendides, des légendes racontées sur les murs, des appartements royaux, des gongs en bronze impressionnants, et puis pleins de livres, la visite se termine par tous les cadeaux prestigieux offert au Laos par d'autres nations, avec notamment un morceau de lune offert par Richard Nixon au nom des Etats-Unis, expliquant qu'un drapeau du Laos y a été déposé par les premiers hommes ayant foulé l'astre. C'est en fait la première fois que j'ai un fragment lunaire à portée de bras et c'est assez émouvant ! Tout le monde est pieds nus dans ce palais luxueux, c'est rigolo. On se rend ensuite dans un grand marché excentré ou on trouve vraiment de tout et j'achète quelques perles de la musique Lao-Pop après avoir écouté pleins de CDs dans la boutique. On y mange un truc particulier, genre une pâte liquide à base de lait et de farine de riz, qui durcit en une pâte blanche un peu translucide quand on la fait chauffer à la poêle. Dedans est roulé un mélange de viande hachée, d'herbes, de morceaux de cacahouète effrités et on rajoute un peu de sauce au vinaigre et soja un peu salée. C'est délicieux ! Je rachète un fruit du dragon, des ramboutans et des mangoustans, et c'est une fois de plus un régal. De retour au centre, cession Internet de quelques heures, puis on grimpe en haut de la colline qui culmine au centre de Luang Prabang où on découvre une vue splendide de cette ville aux mille palmiers et du mékong. On retrouve ici le slovène qui était arrivé à Vientiane en même temps que nous ! Il y a aussi un beau stupa, de jolies statues de Bouddha, un moine qui frappe sur un gong, et... le coucher du soleil derrière les montagnes. C'est ma dernière vision de la ville car je dois déjà partir dans la nuit en direction de Vientiane pour entamer le sursaut final de mon voyage : 24h à Bangkok, 24h à Hong Kong, et retour à la maison ! Je suis pour la première fois saisi d'une vive émotion et un avant-goût de nostalgie se profile dans ma tête. Du coup ce coucher du soleil devient une image symbolique et forte. Le temps s'arrête quelques instants. Et puis redescente. Guest-house. Tuk-tuk. C'est à un carrefour que nos routes se séparent avec Anelor. Elle rentrera en France le 7 septembre, une semaine après moi. Ces 2 semaines passées en sa compagnie auront été géniales et je ne regrette rien. C'est elle qui m'a donné l'étincelle du départ en Asie et c'était top de se retrouver ici. On a beaucoup rigolé, on ne s'est pas engueulé. Et puis je ne peux que la remercier de m'avoir fait découvrir le Laos, ce pays enchanteur ! Le bus de nuit part et commence sa longue descente en direction de Vientiane. J'ai le cœur un peu serré. Lundi 29 Août - Bangkok/ 12h03

22 août 2005

Une petite semaine au Vietnam...

Le voyage tire déjà a sa fin et je m'envole pour la France dans seulement 3h ! Je suis donc de retour a Hong Kong, la boucle est bouclée. J'avais envie de revenir écrire quelques bouts de voyage ici, dans le même Pacific Cofee ou j'avais commence a donner mes premières impressions. Ça me parait déjà très loin, c'est marrant. Même si l'ensemble du voyage a passe comme une étoile filante. Ce dernier jour a Hong Kong n'aura pas été épargne de galères et d'excellentes surprises, comme s'il fallait absolument garder une densité dans les moments, jusqu'au bout. C'est très bizarre de rentrer, la joie de revoir les gens se mêle a la peur de retomber (trop) soudainement dans des soucis du quotidiens. Mais trêve de blabla, il me faut maintenant revenir sur mon passage de la Chine au Vietnam et sur mon (court) séjour dans le Nord de ce pays. Je me souviens...

Dimanche 21 Août - Dans le bus, au Laos / 13h55

J'avais demandé a Fan de m'attendre a la gare routière de Mendzi, et elle n'y est visiblement pas. Je la cherche en vain dans tout ce qui me parait ressembler a des stations de bus. Elle n'a peut-être pas eu mon mail, a moins qu'elle ait eu un empêchement. J'essaye déjà de me renseigner sur les moyens de parvenir au Vietnam et on me dit d'aller en bus à Hekou, la ville frontalière, en me pressant pour que je monte dans le dit bus en partance. J'ai une fois de + toutes les peines du monde a me faire comprendre et a collecter les informations voulues (car je ne veux pas partir tout de suite), mais finalement un gars appelle sa fille parlant 2 mots d'anglais pour qu'elle nous rejoigne a la station, et ça le fait. C'est éprouvant de passer autant de temps pour avoir des informations si simples ! Il y a en fait des bus pour Hekou toutes les demi-heures et le dernier part a 17h. Je me dirige a pied vers le centre-ville après avoir dépose mon gros sac a la consigne. Cette capitale de district a une tête de petite ville assez "normale", on ne voit aucun building a l'horizon, tout est plutôt tranquille même si le centre semble en pleine activité. Par contre je suis plus que jamais un extra-terrestre dans cet endroit qui n'est conseille par aucun guide ! J'entre dans une salle Internet pour voir si Fan m'a répondu... pas de nouvelle. Je décide d'y passer un peu de temps pour alimenter ericde, dans l'espoir qu'elle finisse par me répondre, et lui envoie un nouveau mail dans lequel je lui dis exactement ou je me trouve. Sans nouvelle de sa part, je préfère prendre le bus de 17h car je n'ai pas du tout la certitude qu'elle me répondra... l'heure approche et toujours rien, je refais un tour en ville, visite un temple assez joli, retourne a la salle... et finis par quitter les lieux vers 16h30, et je monte dans le dernier bus un peu dépite et déçu.

J'arrive à Hekou vers 21 h, crevé de cette longue journée pleine de tumultes, d'attente, d'incompréhensions et de déceptions. Un gars qui a vraiment l'air défoncé a la coke m'alpague dès ma sortie du bus et me répète 10 fois :"How are you ?", "My name is John", "I speak English, Japanese, French", "Do you want to exchange money ?", "I have a cheap hotel for you", "Do you want a bottle of Brandy ?", "My name is John", "Do you have money ?", "I speak English, Japanese, French"... en reniflant et en tremblant ! De toute façon je n'ai pas l'énergie de galérer pour trouver ou dormir, je le suis donc, en lui disant juste : "Cheap room", "I am seek, I want to sleep". Il m'entraine dans un immeuble sans rien marque dessus, me fais monter 3 étages et je me retrouve dans une chambre un peu pourrie mais avec un matelas et un ventilo, le top ! "John" me donne RV le lendemain a 8h pour "m'aider a retirer de l'argent". Il est + que louche mais je le paye pas cher et m'effondre sur le lit. Mon réveil sonne a 7h et je m'éclipse avant le retour de mon pote le tripe. Je rencontre un autre gars qui m'aide a trouver un magasin de CD ou j'achète 2 ou 3 albums, au hasard des pochettes les plus kitsch, et a changer des $ en Dongs Vietnamiens, car les banques sont fermées le Dimanche. Je change 100 $ et il m'entube un peu, c'était quand même le but de la manœuvre (1.400.000 Dongs au lieu de 1.585.000). Je mange aussi une énorme dernière platée de riz chinoise (après 2 jours de diet totale) avant de passer la frontière, en plein centre-ville, qui donne sur le centre-ville de Lao Cai au Vietnam. Je peux le dire fièrement, JE SUIS ARRIVE A PIEDS PAR LA CHINE ! Et ça, ça en marte + d'un. Je fais donc mes adieux à cet incroyable pays (dans lequel j'ai finalement passé 24 jours) pour en embrasser un autre, le VIETNAM.

On sent tout de suite une différence de physionomie entre les 2 peuples. Les Vietnamiens ont les traits plus anguleux et plus lisses et le regard plus vif et pénétrant. Des mes premiers pas, je suis sollicite par des motos-taxis qui crient "Motobike ! Motobike ! Moto !". Un type à un guichet me propose d'aller en bus à Sapa. Ça fait si longtemps que je n'ai pas besoin de galérer pendant des heures pour faire comprendre ma destination que j'accepte immédiatement, j'apprendrai par la suite que j'ai payé 2 fois le prix. Ok, il faut que je passe en "phase Vietnam" : le but n'est plus de se faire comprendre mais de ne pas se faire prendre pour un con ! Le bus part et le voyage me laisse entrevoir de très jolis paysages de montagnes et de rizières comme j'ai déjà pu voir en Chine. Puis je découvre Sapa, village en altitude totalement saturé de touristes occidentaux ! En plus l'alphabet vietnamien est "lisible" contrairement aux idéogrammes chinois, et toutes les inscriptions en façade sont traduites en anglais ou en français (Indochine oblige). Enfin presque tous les habitants parlent ou comprennent des langues que je pratique, sans parler des innombrables touristes. C'est typiquement une atmosphère que j'aurais exécrée en début de voyage, avec ma volonté de dépaysement, mais là je suis trop content ! Après ces quelques jours passés seul, malade, ignoré, incompris... je peux enfin échanger avec qui bon me semble ! Je me sens sans doute un peu comme dans une oasis après la traversée d'un désert. Un lac artificiel a été creusé près du centre-ville, une étrange petite église de vieilles pierres surplombe timidement la grande place du village... ce lieu a beaucoup de cachet. Dimanche est le jour du marché et un flot humain se déverse dans les ruelles, les escaliers et les esplanades, achetant un fruit par là, une grillade par ci, une guimbarde artisanale ici, entre autres spécialités de l'artisanat des Hmong noirs, l'ethnie majoritaire du coin. Cette minorité est vêtue de noir des pieds à la tête, du collant au chapeau. Dans la rue, une odeur de grillade me fait saliver, ça change de la Chine ou les odeurs de friture grasse et de Dim Sum commençaient à m'écœurer. Je me pose pour boire un café : c'est un expresso, un vrai café noir bien tassé ! Je ne sais pas si ça durera mais en cet instant, j'aime le Vietnam. Je trouve sans problème le "Mountain View Hôtel" dans laquelle je m'installe comme prévu dans la chambre n°2. Anne Laure (que j'orthographierai dorénavant Anelor car elle préfère et c'est plus joli et plus court) n'est pas là mais il y a bien ses affaires, je présume qu'elle est partie en balade pour la journée. Tout se goupille pour le mieux, la ville offre des vues précieuses sur les montagnes et il fait beau. Je m'installe dans une des nombreuses salles d'accès à Internet de la ville et découvre... 3 mails de Fan ling ! Elle n'a pas pu arriver à temps au RV et me cherche partout en ville, espérant que j'y suis encore. Elle dit qu'elle est très triste, qu'elle a vraiment envie de me revoir, que je lui manque cruellement... et son premier message est arrivé quelques instants seulement après le départ de mon bus. Je suis très ému par ces mails et dégoûté qu'on se soit raté de si peu. Je peste à haute voix en français (un bon vieux "fais chier, putain !") et me fait repérer par des français qui, après s'être inquiétés de ma situation, me proposent de partir en balade guidée avec eux l'après-midi. J'accepte, bien sûr, même si j'ai du mal à me remettre sur le coup. Je réponds à Fan en lui disant que je suis malheureusement au Vietnam et que mon visa ne m'autorise pas à revenir en Chine. Je suis plus triste que prévu, mais je resterai sur un souvenir d'autant plus fort s'il est emprunt d'un tendre arrière-goût d'inachevé.

C'est un peu calmé que je pars vers 14h en compagnie de 2 couples d'étudiant en médecine parisiens et du guide. La balade n'est pas très longue mais jolie et les français sont sympas. L'une des filles est la cousine de la copine de Thomas Boulard de LUKE, le monde est petit. Le guide est lui aussi amical même si on a du mal à le comprendre. Il m'explique que la couleur bleu indigo est obtenue en laissant tremper des plantes du coin dans de l'eau pendant presque une semaine. On croise aussi de nombreuses plantations de cannabis. Les bâtons de chanvre servant à confectionner des vêtements résistants. On admire aussi de magnifiques cascades, et encore et toujours des rizières en terrasse. En traversant des hameaux, la population locale (dont beaucoup d'enfants) nous sautent dessus pour nous vendre des babioles ou réclamer de l'argent si les gens les prennent en photo. C'est assez désarmant mais je ne sais pas trop quoi en penser, s'il faut rentrer ou non dans leur jeu. Le plus frustrant est qu'il est de l'ordre de l'impossible que d'être vu autrement que comme un acheteur potentiel, un "$ sur pattes". Bien sûr. on est indéniablement plus riches qu'eux, mais y aurait-il une possibilité de rentrer dans une autre sphère de relation, de trouver une alternative de communication ? Après la balade (qu'on renégocie à la baisse vu qu'elle a duré la moitié du temps prévu), je rejoins la chambre n°2 et... c'est Anelor qui m'ouvre ! C'est trop fort de se voir ici. Anelor, c'est une fille que j'ai rencontré cette année dans des concerts, et c'est elle qui m'a donné envie d'acheter mon billet d'avion à force de me raconter ses propres voyages asiatiques en solitaire. On a plein de choses à se raconter et les bulles de récits s'entremêlent. La chambre est top la classe, avec une belle vue et des toilettes intégrés. Anelor me fait rapidement part de son aversion croissante pour le Vietnam du Nord, elle n'en peut littéralement plus de cette faune touristique et de cette pression locale face à laquelle elle ne sais pas non plus quelle attitude adopter. Elle rêve de rejoindre le plus rapidement possible le Laos, pays dans lequel elle a voyagé pendant 2 mois l'an passé et qu'elle adore (et le mot est faible). C'est rigolo car pour l'instant je me sens personnellement super à l'aise ici, mais je peux comprendre qu'après un mois et demi on craque. Mais elle ne me raconte pas que des aspects négatifs, elle me parle aussi des fabuleuses rencontres qu'elle a faites dans le sud du pays et me donne envie de goûter un tas de fruits et de spécialités locales, ce que nous nous empressons de faire en goûtant des (très bons) nems maison et un mélange de légumes aigres-doux dans un resto le soir même. On va ensuite boire un coup (Ti punch, Tequila et cocktails !) avec 2 italiens excellents, un américain et une "je-sais-plus-quoi" (qui étaient tous sur le même bateau qu'Anelor dans la baie d'Along) avant de s'inscrire à un trek pour le lendemain avec notamment un couple de français et 3 espagnols... je présume que ça ne durera pas, mais cette ambiance cosmopolite me fait pour l'instant "kiffer".

Le lendemain nous partons à pieds en début de matinée avec la petite troupe. J'hallucine d'ailleurs vraiment de voir à quel point je n'ai aucune difficulté à me coucher et me lever tôt ici. A noter qu'au Vietnam il est une heure de moins qu'en Chine et que le soleil s'y lève vers 5h30 pour se coucher vers 18h30 ! Du coup les villes se mettent en activité très tôt et les rues sont envahies dès 5-6h. On part donc pour un trek d'une journée. On se retrouve très vite au beau milieu des rizières en terrasses, en zigzaguant entre 2 niveaux sur des petites bandes de terres très étroites. On emprunte aussi de minuscules sentiers caillouteux et on doit rajouter des pierres dans l'eau pour passer des gués. Les paysages sont très beaux et on est en plein cœur de la nature. Il se met à pleuvoir dru, ça devient glissant et on n'est pas loin de plonger dans une rizière, une rivière ou une flaque de boue. Et la pluie redoublant, on accélère, ce qui n'est pas forcément recommandé. On s'en sort les chaussures boueuses et les pieds trempés mais indemnes, ce qui n'est pas loin d'être étonnant. Une éclaircie se pointe, on se pose sous un préau bétonné pour casser la croûte avec les vivres transportés par le guide : pain, fruits (dont un mélange entre une pomme et une poire très rafraichissant), œufs, tomate, et bien sûr... Vache qui rit (la vache la + riche du monde, qui cartonne tout ici) ! Pendant qu'on mange 3 petits garçons jouent dans les flaques d'eau et font les marioles devant 3 filles qui les observent sagement, c'est assez rigolo et ils sont trop forts. On continue la marche avec les montagnes nuageuses en arrière-plan, et les différentes teintes de verts humides étincellent à chaque rayon de soleil. Une nouvelle averse nous oblige à nous réfugier sous un toit boire un thé. Des jeeps nous attendent quelques pas + loin pour nous ramener à Sapa. Elles traversent une rivière sujette à un fort courant et on se la joue "Camel Trophy". La balade aura été agréable, loin des sollicitations à outrance (même si plusieurs jeunes femmes ont quand même essayé de nous vendre des sacoches), et puis j'aurai pu parler espagnol avec mes camarades de marche. Avec Anelor ça se passe super bien, j'ai l'impression qu'on est à peu près dans le même état d'esprit et c'est vraiment un plaisir de l'avoir retrouvé. Le soir, on mange une bonne fondue locale à l'hôtel, avec un réchaud au milieu de la table dans lequel mijote un bouillon aromatisé avec des herbes, des épices et un bâton de citronnelle, dans lequel on rajoute progressivement différentes salades et de la viande de bœuf (ça marche aussi avec d'autres viandes et du poisson). C'est délicieux et ça pète le bide. On s'endort tôt, une fois de plus.

Mardi, on décide de rejoindre Hanoi après avoir fait quelques emplettes au marché. Anelor brûle de rejoindre le Laos (ça devient une obsession !), et je lui dis que je ne suis pas contre l'accompagner (après tout pourquoi pas, et puis elle le vend bien) mais ça m'embête de ne pas aller à la baie d'Along avant. Elle y est déjà allé une semaine auparavant dans le cadre d'un circuit touristique de 2 jours et n'a pas été plus emballée que ça, mais elle accepte d'y retourner avec moi avant d'aller au Laos. Sympa, je tope là ! Je ne sais pas si elle sait à quoi elle s'engage en voyageant avec moi, ni si elle me supportera, mais pour l'instant ça le fait alors allons-y ! Par contre mon "grand voyage au Vietnam" avec mon visa de 3 mois va probablement être réduit à moins d'une semaine. On part en direction de Lao Cai avec un bus à prix "normal", et on se renseigne à la gare : un train de nuit part à 18h pour arriver à la capitale à 4h le matin. On passe l'après-midi entre Internet et un verre de jus de canne à sucre (pressé devant nous) et on entre dans notre compartiment-couchettes les mains pleines de denrées délicieuses à grignoter pour dîner (vache qui rit, knakis et pain). Les couchettes sont (très) dures. Les vietnamiens sont tous endormis dans l'heure du départ, comme des chinois. On passe un bon moment à discuter alors que le train parcoure le Nord-Vietnam en direction d'Hanoï, et j'ai ensuite beaucoup de mal à trouver le sommeil. Je repense à des bribes de mon voyage et à tous ceux qui me sont chers. Le fait d'être loin me fait me rendre compte à quel point certaines relations sont précieuses et fondamentales dans ma vie, je fais le point. D'ailleurs je n'arrête pas de parler d'un tel ou d'une autre à Anelor qui s'y perd un peu et que ça doit saouler, mais ça ne sera pas la première personne que je saoule à raconter ma vie ! Mes pensées vagabondent de personnes en souvenirs, récents et plus lointains, jusqu'à ce que les régulières pulsations du train parviennent à me faire basculer dans le sommeil.

Le train stoppe en gare d'Hanoï sous une pluie qui a reprit du service. Des dizaines de "motodops" nous foncent dessus, la ville bat déjà son plein autour de la gare, à 4h passé de quelques minutes. On attend que la pluie se calme avant de rejoindre le quartier historique à moto et on se pose dans la guest-house qu'Anelor avait quitté quelques jours auparavant, qui a l'avantage d'avoir un ventilateur par lit ! Nos affaires posées et après une bonne douche, on repointe le nez dehors, et je découvre une ville impressionnante. Les routes sont inondées de motos, on ne voit et n'entend que ça, dans tous les sens. Elles manquent toutes les 5 secondes d'avoir un accident mais n'en ont jamais, évitant les piétons au dernier moment et slalomant entre les autres véhicules avec une précision irréelle. On a un peu l'impression d'être dans un plan parallèle où les voitures auraient été remplacées par des motos ! Et puis c'est vraiment un no man's land de règles et les priorités semblent laissées au bon vouloir de chacun. On ne peut pas faire un pas sans être interpellé par un "motobike !", ce qui passe de rigolo à pénible selon le moment dans la journée et le niveau de fatigue et d'acceptation de l'instant. Après avoir visité un petit temple sur les bords du lac jouxtant le vieux Hanoï, on écume la ville à moto (car le chauffeur se perd complètement) pour se rendre à l'ambassade du Laos afin de faire mon visa. Je me rends compte sur place que j'ai laissé mon passeport à l'hôtel ! Nouvel aller-retour motorisé donc, beaucoup plus direct cette fois. Ici on n'a pas envie de s'emmerder, on ne me demande ni photo ni papier à remplir, il suffit de mettre 30 $ sur la table et ça roule, alors que c'est une véritable galère de la France. On se balade ensuite longuement dans le quartier et je découvre des entrelacs de rues à thèmes (instruments de musiques, épices, fruits, tableaux, habits...), pleines de vie. On se glisse entre 2 étales pour rentrer dans un petit temple en pleine cérémonie. Des femmes nous font signe d'enlever nos chaussures et de nous assoir. Un moine en habit effectue des gestes précis, des mouvements un peu arabisants avec les bras, au rythme de mantras chanté par un autre homme et de percussions produites par un mini-orchestre de cymbales bizarres. Comme de nombreuses inscriptions sont en chinois, je crois que c'est une cérémonie liée au confucianisme, religion fondée sur une philosophie morale basée sur la bonté naturelle de l'homme et sa capacité à se perfectionner en respectant 4 préceptes : s'intéresser à toute chose qui existe, pénétrer le secret des choses, avoir des idées nettes et maintenir la pureté du cœur. Il y a plus de femmes que d'hommes dans le lieu et on sent que le moment est partagé avec plus ou moins d'intensité par les fidèles. Certains semblent habités d'une foie inébranlable et suivent les gestes avec beaucoup d'attention, alors que d'autres regardent ailleurs, discutent et boivent du thé (qu'ils nous servent) ! Après 40 minutes de rythmes soporifiques et de sonorités berçantes (provoquant quelques endormissements passagers chez moi), le retour à la furie du centre-Hanoï est une véritable épreuve. On continue à errer dans les petites rues en croisant des dizaines de touristes, des centaines d'étalés en tout genre et des milliers de motos. J'essaye d'appeler le restaurant Van Song à Along, dont le tenancier m'a été chaudement recommandé par les français rencontrés à Sapa pour m'aider à organiser des visites de la baie sortant des sentiers battus. Je tombe sur sa femme qui me dit juste de venir, qu'on verra bien sur place. Le gars de l'agence de laquelle j'ai appelé veut me faire payer 20.000 dongs pour 2 minutes au téléphone, je lui dis que c'est trop, il se casse... je ne comprends rien, du coup je me casse aussi sans payer ! Retour à la guest-house, chaque pas devient une lutte et chaque coup de klaxon une agression (et dans ce cas on est dans la merde à Hanoï). Une bonne sieste sous surveillance rapprochée du ventilateur remet dans des dispositions plus acceptables, même si ma tête dans le cul ne prend que progressivement le large. L'après-midi passe tranquillement et j'en profite pour passer un moment sur Internet et gérer une ou 2 urgences pour Mediatone, avec notamment un mail du Jay fraichement rentré d'Inde qui me conseille plein de trucs à faire au Vietnam... trop tard ! Et puis Anelor est allé chercher mon passeport avec mon visa du Laos, je ne peux plus reculer. Balade nocturne. La ville bouillonne toujours. Je suis en réalité assez mitigé sur cette ambiance, qui est à la fois pleine de vie, de surprises à chaque coin de rues, et épuisante. Les vietnamiens semblent ici majoritairement voués à tirer profit de l'explosant tourisme, et ils le font avec une insistance qui fatigue. J'arrive finalement à joindre Phong, le boss du resto à Along, qui m'explique quel bus local prendre et envoie des gens nous chercher à l'arrivée vers 11h. Le soir on se fait un festin de fruits frais, entiers, en jus ou en milk-shake, en parcourant les rues. Je goûte le très bon fruit du dragon, qui, il est vrai, ressemble à se méprendre à un gros oeuf de dragon, rouge violacé à pointes, et qui est à l'intérieur blanc à points noirs, doux et fondant en bouche. Et puis je goûte en vrac des mangues, des tamarins, des longanes, des ramboutans, des mangoustans, des fruits du Jacquier, de la noix de coco fraiche, du jus d'avocat au citron... un régal, ma préférence allant au mangoustan, qui ressemble extérieurement à une sorte d'aubergine en forme de tomate et qui contient à l'intérieur des quartiers blancs attachés à un noyau central, au goût un peu acidulé et délicieux. De retour à la guest-house, je m'écroule sur mon lit tout habillé et le stylo à la main, et ne me réveille qu'au lendemain !

Le Jeudi, le concept, c'est : "En route pour la baie d'Along". On prend le bus avec 1h de retard ce qui nous fait arriver à midi à Bai Chày (épicentre des départs en bateau), et pourtant 2 personnes à moto nous tendent un papier sur lequel est écrit : "Suivez ces gens... Van Song". Ça doit faire une heure qu'ils nous attendent avec cette mystérieuse invitation ! Au restaurant, le fameux Phong (ou Van Song ?) nous fait signe de nous assoir en attendant que le service se termine car il est très occupé. Il parle parfaitement français, avec un style assez bourru, pas forcément souriant, mais ça lui donne un côté authentique qui me mets paradoxalement en confiance. On en profite pour commander un bon poisson grillé. Dès que le resto commence à se vider, il vient s'assoir avec nous et nous demande notre état d'esprit, ce qu'on veut faire. Il nous détaille toutes les possibilités et, après les avoir pesé, on décide de faire une traversée de la baie dans l'après-midi pour rejoindre l'île de Cat-Ba, de revenir après un moment manger puis dormir sur le bateau, et enfin de faire une grande balade sur la baie le lendemain en se levant aux aurores, sans oublier quelques visites de grottes et de sites pittoresques. Avec un bateau privé et un équipage de 2 personnes, la nourriture, l'eau et la possibilité d'y dormir, ça nous coûte seulement 30 $ chacun, ce qui est vraiment un bon prix (dixit des gens à qui on en a parlé par la suite). Le bateau part rapidement avec nous à bord, et nos 2 compagnons d'équipage sont d'une extrême gentillesse, aux petits soins avec nous, nous proposant sans cesse du thé... même s'ils ne parlent que vietnamien. Le petit bateau s'éloigne progressivement de la ville et atteint le site même en une heure. Le site, c'est des centaines de collines et de petites montagnes plus ou moins abruptes, de toutes formes et à la végétation variée, qui jaillissent de l'eau de partout, comme autant de petites îles. Le bateau se perd entre ces nombreuses étrangetés naturelles, impressionnantes par leur imposance et leur nombre. On peut se perdre pendant des heures dans ce dédale sans en faire le tour, et chaque hauteur semble très différente selon l'angle d'arrivée et l'impact des rayons du soleil. Nous avons beaucoup de chance qu'il fasse si beau, nous avons rencontré des personnes à Hanoï dont la sortie avait été annulé peu de temps avant pour cause de typhon violent ! Perdus au beau milieu de ce splendide nul part, le bateau arrête son moteur pour nous laisser nous imprégner du calme du lieu. Nous sommes seuls sur cette eau entourée de montagnes et j'en profite pour faire un plongeon et nager un peu dans ce paysage, c'est du bonheur. Anelor ne me suit pas, elle n'est pas vraiment ce qu'on pourrait appeler une fille aquatique ! Le bateau redémarre et continue son sinueux trajet pendant que je sèche au soleil sur le pont.

On accoste à Cat-Ba vers 18h et on enfourche une moto pour se rendre au sommet de l'île et avoir une vue d'ensemble du site à l'heure du soleil couchant... comme ça ça paraît tentant, malheureusement le conducteur ne comprend pas bien (à moins que ce sommet n'existe pas ?) et il nous emmène à l'entrée d'un parc naturel. On essaye de lui expliquer qu'on veut aller en hauteur, et il finit par nous emmener au seul point de vue sur la mer... qui n'est pas face à la baie d'Along ! C'est malin. Par contre les nuages sont jolis, c'est déjà ça. On embarque dans le bateau vers 19h30 pour repartir en direction du merveilleux no man's land de la baie qui s'obscurcit. Il fait nuit à présent, la pleine lune se lève au dessus d'une colline (!) et baigne la baie d'une apaisante clarté, qui apporte au silence un soupçon d'éternité. Le bateau est arrêté et nos compagnons nous apportent un délicieux repas avec du poisson cuisiné, du riz, une énorme assiette de nems et de l'alcool de riz. Dehors l'eau reflète la vague tâche lumineuse de la lune montante et les contours incertains des montagnes voisines, et on est seuls au milieu, à manger un festin ! Repus, je plonge à nouveau dans l'eau opaque et m'immerge encore davantage dans cette ambiance extraordinaire. Je nage sous l'eau pour mieux ressurgir dans ce spectacle alchimique entre lune, terre et eau. J'ai bien sûr une grande pensée pour Kevin en espérant avoir d'autres occasions de pleines lunes aussi intenses avec lui. Après cette halte du temps, la réalité reprend ses droits, le moteur se réenclenche, et le bateau, qui n'a pas l'autorisation de stationer dans la baie pour la nuit, file en direction du port de Bai Chày. Il pose l'encre pas très loin de la ville et nous nous endormons sur le pont dans ce climat doux. On est plus que satisfaits de la journée et Anelor préfère aussi nettement ces conditions comparé à sa visite précédente.
Le jour commence à peine à pointer son nez qu'on entend déjà le ronronnement du moteur. Une heure de navigation plus tard, on est à nouveau dans la baie d'Along, plus à l'Ouest cette fois. Après une bonne omelette au jambon, une soupe de nouilles et un café en guise de petit déj', on entame cette longue promenade en mer ponctuée de visites. Tout en naviguant, on essaye de reconnaître des formes sur les rochers. On est aider par notre "chauffeur" qui nous montre du doigt certaines particularités naturelles en nous tendant un papier avec tout écrit en français. Le plus rigolo : la tête de François Mitterrand dans la roche ! On visite une grotte qui me fait penser à celle de la flûte de roseaux à Guilin, avec ses formes filandreuses à la Giger et surtout ses éclairages fluos multicolores ! On y est par chance quasiment seuls vu l'heure matinale, du coup c'est quand même mieux. Et puis on a une très belle vue des environs à la sortie de la grotte, en hauteur. L'étape suivante est un îlot dont on peut atteindre le sommet à pieds. On y parvient après une grimpette éreintante mais on ne regrette pas une seconde en découvrant la vue prodigieuse en haut, avec 360° de paysages au plein cœur de la baie. On ne voit pas la fin, des "pains de sucre" surgissent de la mer à perte de vue. Et puis la baie est d'autant plus tranquille aujourd'hui que c'est le jour de la 7ème plaine lune de l'année, jour (férié) des âmes errantes ici. Et quand on sait que c'est du haut de cette montagne qu'a eu lieu une historique rencontre entre De Gaulle et Mao (c'est ce dont je me rappelle, mais est-ce possible ?), ça a encore plus de poids. La curiosité suivante est la grotte du tunnel, qui n'est autre qu'un lac intérieur auquel on accède par un (plus) petit bateau en passant par un tunnel bas. Une légende raconte que c'était la baignoire dans laquelle les fées se baignaient dans les temps anciens... on comprend qu'elles n'y viennent plus vu la poubelle que c'est devenu ! Après cette bonne balade de 6h, le bateau nous ramène petit à petit vers l'embarcadère de départ auquel on arrive un peu après midi. On est bien sûr très heureux et on remercie chaleureusement nos potes d'équipage dont le sourire ne s'est jamais éteint pendant 2 jours. Bon, la baie d'Along... ça c'est fait ! On décide de repartir immédiatement en bus pour Hanoï, dans le but de partir au Laos dès que possible (le soir même ?).

Dès l'arrivée à la capitale, on prend un autre bus local pour se rendre à la petite gare routière qui dessert l'Ouest d'Hanoï, en espérant se rapprocher le plus possible de la frontière. Le bus suivant ne part malheureusement que le lendemain matin à 6h. Sur place, les gens sont super insistants et lourds, ils nous suivent pour qu'on retire de l'argent, veulent nous loger dans tel hôtel... ça nous saoule mais on n'a pas le choix. On se pose donc dans une chambre d'hôtel minuscule, bruyante mais presque gratuite (1 € par personne la nuit !), et on descend pour manger dans une gargote sympa mais qui nous entube encore en nous faisant payer plus cher que les locaux (genre on nous sert dans 3 petites assiettes ce qu'on veut, alors qu'en nous le servant dans une seule grande c'est beaucoup moins cher). Je répète, ça ne me dérange pas tellement de payer plus cher, mais c'est la façon perfide et détournée qu'ils utilisent qui m'agace. Je préfère qu'ils fassent une colonne prix local et une colonne prix étranger ! On va ensuite se siroter de succulents fruit-shakes en terrasse (quand on prend conscience de la saveur des fruits ici, ça devient vite une drogue) en observant le jeu des jeunes femmes coiffées et habillées comme des reines qui se font maladroitement haranguer par des gars sur leurs motos avant de sortir. Un gamin joue à l'épée avec un bâton de canne à sucre. Je brûle de le défier en duel et de refaire Star Wars avec lui, mais il trouve un adversaire à sa mesure, une petite fille qu'il éclate. De retour à la chambre, on discute un peu de l'histoire de ce pays avec Anelor, de la colonisation française à la guerre du Vietnam. On sent que tout ça a laissé quand même beaucoup de traces évidentes, et la réaction des gens n'est certainement pas étrangère à tout cela. J'ai été pour ma part assez effrayé en me replongeant dans l'histoire du colonialisme "à la française", surtout concernant de certaines réactions de fierté tardives et très violentes, quand tout pouvait se régler de façon beaucoup plus pacifique et progressive. Et puis vient la guerre du Vietnam... une boucherie totale et aberrante, 15 millions de tonnes de bombes larguées, 72 millions de litres de produits chimiques déversés (dont le fameux "agent orange"), 4 millions de civils vietnamiens décimés, 150 milliards de $ dépensés... tout ça pour rien, sous couvert de valeurs de "liberté". Non, la lutte pour la domination de l'influence américaine sur le monde n'est pas foireuse que depuis la guerre en Irak. Anelor me montre une brochure qu'elle a ramené du musée de la guerre à Hô Chi Minh-Ville, on y voit notamment une photo où posent 4 soldats américains, dont l'un tient en l'air les 2 têtes fraichement arrachées du corps de soldats vietnamiens, en exhibant un sourire béat. Que peut-il bien passer dans la tête d'un soldat pour considérer des restes humains sanguinolents comme un trophée si glorieux ? Qu'est ce qui est capable de rendre fous les gens au point de prendre un énorme plaisir à torturer pendant des heures un autre être humain, quelles que soit les idées qu'ils défendent ? Bien sûr chaque guerre charrie son lot d'atrocités, et il est sans doute nécessaire de parfois se forcer à se les remémorer pour les combattre avec plus d'ardeur par la suite. Ça donne vraiment l'impression d'un cruel gâchis, et c'est si récent. Et il ne fait nul doute que de telles scènes continuent à parsemer le globe, sans être forcément sous le feu des projecteurs. C'est revigoré par ces belles pensées et ces douces images que je finis par trouver le sommeil, et cris et cendres ne me quittent pas de la nuit.

Le lendemain, ça tambourine à la porte dès 5h20... c'est le chauffeur du bus qui vient nous réveiller ! On s'exécute et s'installe dans le minibus. Le trajet est super inconfortable et on est les uns sur les autres : ils ont quand même réussi l'exploit de faire rentrer 22 personnes dans un bus à 14 places ! Ils sont fous ces viets. Et puis la route est pourrie, du coup on arrive à Môc Châu avec le cul en compote, 4h + tard. A ce moment on est encore plutôt confiant, on ne se doute pas de la journée de merde qui nous tend les bras ! On est tout de suite sollicité par des moto-taxis et on leur dit qu'on veut rejoindre le Laos par la frontière à 20 Km + au sud. On négocie longtemps le prix de la course et on finit par donner les 130.000 dongs qui nous restent en se disant qu'ils ne serviront plus. Après une bonne demi-heure sur des routes de montagne en traversant des petits villages, ma moto s'arrête et me montre une sorte de bureau un peu calme. Anelor arrive à son tour et on essaye de comprendre la situation. Aucune personne en présence (un garde, quelques villageois, nos 2 motodops) ne parle un mot de français ou d'anglais, mais on finit par comprendre que le poste-frontière est fermé aux étrangers depuis toujours. On s'énerve en essayant de dire à nos chauffeurs qu'ils se sont bien foutus de notre gueule, qu'on voulait aller au Laos, pas contempler le Laos à travers un poste-frontière fermé. On leur demande de nous ramener à l'endroit ou ils nous ont pris et de nous rembourser, mais ils n'ont pas l'air de l'entendre de cette oreille. A Môc Châu, ils nous réclament même le double pour avoir fait l'aller-retour ! On refuse de payer et se rend à la petite gare routière suivis des 2 bikers. Là on essaye d'expliquer la situation à d'autres personnes pour qu'ils nous soutiennent, et certains semblent nous donner raison mais ne se mettent pas en 4 pour nous aider. On regarde mieux les cartes et on voit que le poste-frontière que nous savons ouvert est en réalité plus à l'Est et est atteignable en s'arrêtant dans la petite ville de Mai Châu. Un bus en direction d'Hanoï se pointe et on fait mine de se lever, mais les motodops nous en empêchent et continuent à réclamer leur pognon. On a même plus de dongs, il reste juste à Anelor un billet de 10 $ et deux de 1 $. Dépité et pressé, on lui donne 1 $, il s'obstine à tenir mon sac pour m'empêcher d'y aller pendant qu'Anelor tente de faire patienter le bus. Je tire dessus d'un coup très sec, il s'agrippe en rugissant d'un air féroce, je lui répond en criant aussi, avec un regard de haine... c'est pas loin de partir en live. Finalement je lui tends le deuxième billet de 1 $ et en profite pour tirer encore un gros coup sur mon sac qui me revient, et je rejoins vite Anelor dans le bus impatient. Bon, on demande d'être déposé à Mai Châu, ça nous coûte 10 $ (plus qu'à l'aller pour beaucoup moins de Km), et le gars essaye de nous en prendre 13 S en vain. Il réclame ses 3 $ de plus pendant tout le trajet et on essaye de l'ignorer mais c'est épuisant. On se retrouve à un carrefour à quelques Km de la ville en question, à laquelle des motos nous amènent. On découvre qu'il n'y a aucun bus qui aille jusqu'à la frontière, à une centaine de Km au sud. Les motos nous proposent d'y aller pour 20 $ chacun, en prétextant qu'il y a 200 Km à parcourir. Anelor vient de retrouver un billet caché ed 20 $ dans ces affaires ainsi que quelques maigres dongs, mais on n'a pas assez. On cherche une banque pour retirer, mais on est Samedi et tout est fermé jusqu'à Lundi ici. On essaye de trouver un hôtel qui accepterait de nous filer du liquide en échange d'un payement en carte bleue, mais personne ne l'accepte. On a beau faire fonctionner nos neurones, aucune solution ne nous vient... et on n'a d'autre choix que de se faire raccompagner à l'embranchement de la grande route et de prendre un bus pour rentrer sur Hanoï ! Et encore, heureusement qu'Anelor a retrouvé ces billets dans son sac sinon on ne pouvait même pas rentrer. C'est un peu la déprime. On s'est fait trimballer toute la journée dans des bus de merde, on s'est pris la tête avec des gens, on a galère... pour rien. Et on est bloqué par un ridicule problème de liquidité alors qu'on a tous les 2 de l'argent sur nos comptes. C'est quand même une bonne Dead galère. Quand Anelor me dit que c'est la journée la plus lose de tous ses voyages confondus, je me risque à lui expliquer que ce n'est pas mon cas et que voyager avec moi n'est pas dénué de conséquences ! De retour à la charmante gare routière, on repart en direction de notre première guest-house à dos de moto, décidé à prendre un bus le lendemain qui nous emmènerait directement à Vientiane, la capitale du Laos, sans passer par la case galères. Ce trajet en moto est super flippant, je crois mourir plusieurs fois mais je ferme les yeux et reste en vie... des motos arrivent de partout, on zigzague entre les engins, parfois à contresens ! La course est longue et je me rends compte à quel point Hanoï est une grande ville. Arrivé dans le vieux quartier, ma première action est de retirer plein de pognon ! C'est alors qu'Anelor me rejoins et me dit qu'on peut partir dès ce soir par un bus de nuit si on se décide dans l'instant... bingo, allons-y ! Je prends l'argent, paye les tickets, d'autres motos viennent nous chercher pour nous emmener jusqu'au bus en question et on repart dans la jungle chaotique de la circulation. A 19h, on est confortablement assis dans le bus. Cette fois on croise les doigts, on devrait y arriver ! Quand je dis confortablement c'est bien sûr en comparaison avec les minibus du jour, mais pour bien y dormir c'est une autre histoire. On y arrive quand même un peu mais les réveils pour cause de mal de dos ou de fesses ou de pauses nocturnes sont fréquents.

A l'ouverture de la frontière (beaucoup plus au sud que celles qu'on a essayé de franchir la veille), vers 6 ou 7 h du matin, le bus nous fait sortir pour régler les formalités de passage. C'est un peu la cohue mais tout se passe sans anicroche, le visa vietnamien est tamponné USED, on change nos Dongs vietnamiens en Kips Laotien (1 $ = 10.000 Kips), le visa laotien est accepté... Après tant d'effort, le Laos nous tend enfin les bras, et Anelor est tellement heureuse en passant la frontière qu'elle explose de joie en un rire libérateur et se met à tournoyer sous la pluie.

Dimanche 21 Août -Vientiane / 22h40

13 août 2005

La délicate traversée du Yunnan vers le Sud

J'arrive de moins en moins a trouver le temps de raconter mes aventures asiatiques, et je trouve ça plutôt bon signe. Je me dis parfois que c'est un exercice un peu pénible et que je préfère vivre a fond les choses plutôt que les ressasser et les décortiquer a chaud sur Internet, mais je pense aussi au suspens insoutenable que j'ai initie pour des milliers de lecteurs fidèles, étant capables de tout pour se procurer les manuscrits en avant-première (a ce propos j'ai entendu dire qu'il circulerait de nombreux faux, prenez garde aux contrefaçons et a ceux qui assurent avoir photocopie des carnets voles). Je ne peux donc pas décernent laisser en plan les ericde-addicts, voila donc la suite. Pour info j'écris d'une station Internet... au Laos ! Mais pour mieux comprendre ce qui m'a progressivement pousse a me rendre dans ce prodigieux pays, continuons d'abord la lente traversée du Yunnan vers le Sud, en direction de mon objectif initial mais toujours lointain, le Vietnam...

Samedi 13 Août 2005 - Bus pour Mendzi / 9h10

Dali est une ville de montagne qui n'a rien perdu de son charme d'antan, voire qui s'efforce de préserver son caractère authentique en reconstruisant des rues et des bâtiments "a l'ancienne". Ce qu'on appelle Dali est en réalité seulement la vieille ville, très touristique et excentrée par rapport au Dali moderne, a une dizaine de km au Sud. Ses principaux attraits : son climat doux, son grand lac (40 Km du Nord au Sud et 5 Km d'Est en Ouest), ses montagnes, ses nombreux villages alentours et leurs marches locaux.

Arrivée de nuit dans cette vieille ville a taille humaine que je traverse a pied sans peine. Installe dans une guest-house modeste (mais sympa) de la rue principale, je ressort pour prendre le pouls du Dali nocturne. Dehors l'ambiance bat son plein, ça fourmille de bars musicaux et tous les magasins sont ouverts. Mon premier contact est avec une vieille femme en costume Bai (l'ethnie du coin) qui vient me proposer de la marijuana ! Elle a du me prendre pour un sale drogue. Quelques pas plus loin, 2 québécoises qui travaillent comme "racoleuses" pour un pub dansant me voient et me sautent dessus en criant... je suis vêtu de mon T-Shirt "Les Cowboys Fringants", tout est normal ! Du coup elles sont surprises que je sois français. Encore un peu plus avant, "Le Café de Jack" avec un Karaoké survolte au Rez-de-chaussée et un resto qui fait toute sorte de bouffe a l'étage. Je commande une tomate-mozzarella, avec une mozzarella qui n'en est pas, mais avec beaucoup de goût, excellente... je ne pensais pas manger de fromage ici, mais bon c'est assez hallucinant. A cote, un panneau lumineux montre un dessin de la tour Eiffel, et l'inscription indique "Bar français" puis son nom, "Le Black Lodge" (référence a Twin Peaks ?) ! Je m'engouffre dans un passage étroit et découvre le dit-bar, qui diffuse du Gainsbourg dans une ambiance feutrée. Ça me plait mais il n'y a pas un chat et l'endroit a quelque chose de terrifiant (je suis sans doute oriente par le nom...). Je continue mon chemin et tombe sur le "Bird Café", rempli de voyageurs de toutes nationalités qui se retrouvent entre 2 verres de bière et une partie de billard. On a du mal a s'imaginer en Chine ! Un jeune français bourre qui reprend du Bob Marley a la guitare s'arrête pour me proposer un joint en disant en substance : "Yes mon pote, t'es français, on va pouvoir grave teufer ensemble". Je prend mes jambes a mon coup ! Je crois que maigre tout le capital sympathie de ce type, il représente a peu près tout ce que je n'ai pas envie de croiser ici ! De retour en direction de ma guest-house, je tombe sur 3 hollandais rencontres dans le bus et on trinque avec une bonne bière (La "Tsin Tao", star locale). Les 2 québécoises qui ont fini de bosser passent par la et se joignent a nous. Le contact est vraiment super facile dans ce nid de voyageurs, et même si c'est très touristique les rencontres sont agréables et la ville respire quelque chose qui me plait. Apres réflexion c'est peut-être le premier endroit auquel je me rend ou il y a plus d'occidentaux que de touristes chinois... merde la je suis encore en train de critiquer les chinois, ferais-je preuve d'un manque d'ouverture d'esprit ? La question me taraude. Bon, en tout cas je me couche pas trop tard et me fais réveiller vers 3h du mat' par 3 gars qui rentrent en fanfare dans le dortoir. J'ai a priori pique le lit d'un anglais sans savoir, et il ne comprend rien, il le réclame... il finit heureusement par s'écrouler sur le lit d'à cote, ivre-mort. Je suis rassure car me faire péter la gueule par un anglais bourre en Chine, ça l'aurait fait assez moyen !

Je me lève tôt (comme presque tous les jours ici !) pour profiter de la journée. J'hésite à aller au musée de la ville, mais comme j'y suis déjà allé à Figueiras, sa ville natale, je me dis que ça ne vaut pas le coup (Ok elle est nulle, mais si j'avais pas fait de blague pourrie j'aurais eu de nombreuses remontrances...). Je me motive finalement pour faire une bonne balade autour du lac, surtout qu'on est Lundi et que c'est le jour du grand marche de Shapping, a 30 Km au Nord. Apres un bon petit dej a l'anglaise avec des œufs brouilles et des toasts bien gras et bien sales, je saute dans un bus local (pas cher mais qui part quand il est plein) qui m'emmené dans ce fameux village. Le marche couvre la totalité de ce dernier et on y trouve à peu prêt tout : du manger (des tas d'odeurs inédites provenant de denrées inconnues se mélangent dans les narines), des objets "utiles" (affaires de toilette, outils, casseroles et appareils ménagers), de l'artisanat local (colliers, sacs, bracelets, ceintures, pipes...), des témoins du passe (photos de familles, cartes du parti maoïste, petits livres rouges...). C'est un régal de se promener dans ce labyrinthe d'étals en tout genre et j'y passe plusieurs heures, en rentrant dans des négociations sans fin. Ici tout le monde sait compter anglais, évidement. J'arrive a tirer des prix corrects pour les conneries que j'achète (je pense) mais non sans mal et souvent après plusieurs passages. On est ici au point le + au Nord du lac Ersai et je demande a un triporteur (avant a une roue avec guidon de moto et espace arrière 4 passager soutenu par 2 roues) de m'emmener dans un autre village sur le versant Est de la rive, mon but étant d'y prendre un bateau pour me balader sur le lac (d'après Gloaguen c'est possible). Je négocie la course a 2 Y mais il m'en demande 7 a l'arrivée... comprends pas. En fait j'ignore que les chiffres se montrent d'une manière très particulière avec la main. De 1 a 5 c'est ok si tu n'utilises pas le pouce (a part pour le 5), et ensuite ça devient le bordel. Genre le 7 c'est le pouce + l'index pointes vers le haut, et le 8 c'est la même chose mais pointes vers le bas... après le 9 c'est u truc arrondi bizarre avec les phalanges, le 10 c'est une croix... bref c'est la merde, et a chaque fois que je négocie quelque chose a 2 Y avec les doigts on m'en demande 7, je me dit qu'ils se foutent vraiment de ma gueule et on m'explique tout ça seulement quelques jours + tard ! Du coup j'apprend aussi a compter a haute voix et ça facilite un peu les négos. Je sais aussi dire : "c'est trop cher", "c'est très bon", "c'est très beau", merci beaucoup", "bonjour", "l'addition s'il vous plait", "je ne comprends pas", "je suis perdu", "je suis français"... bref quelques trucs utiles !

Je me retrouve dans un village de pécheurs très modeste et je comprend vite que peu de touristes se rendent sur cette rive vu le regard des habitants a mon approche. J'essaye de demander ou est l'embarcadère pour les bateaux mais personnes ne me comprend. Je croise finalement 2 canadiens qui font le tout du lac en vélo et qui m'aident a demander aux gens en utilisant un lexique anglais-chinois. A priori il n'y a aucun bateau ici. il faut aller dans un autre village a 10 Km au Sud. Par chance les canadiens ont pris un aller-retour en bateau entre Dali et un des villages de cette rive, et comme ils vont tenter de rentrer a vélo ils me donnent leur retour (50 Y !). C'est vraiment sympa, mais têtu et n'écoutant que trop ma connerie et Gloaguen, je décide quand même de trouver un bateau ici-même. Je trouve une sorte de dock et essaye d'expliquer aux gens ou je veux aller, en anglais, en montrant des idéogrammes sur le lexique du routard, en montrant sur une carte, en faisant des gestes... mais peine perdue, je perd juste du temps et ma patience. Un triporteur m'amené finalement au village suivant ou je trouve un bus local pour continuer le trajet vers le Sud. Les paysages sont magnifiques et baignes de calme, des crustacés sèchent sur des grandes toiles retenues par des pierres tout le long de la route et les paysans et pécheurs, hommes et femmes, s'attèlent a leurs taches dans les champs a cultures variées (Riz, Mais, Tabac,...) et sur le lac, avec les montagnes comme trame de fond. Le bus me pose finalement en plein virage... il y ajuste un portique avec un temple-pagode payant a visiter. Je ne sais pas ou je me trouve et me dis que je me suis fais une fois de + bien entube. Par dépit je visite quand même le temple. Un moine a toge orange me tend de l'encens pour que je prie... et fasse une offrande ! C'est vrai que d'en haut le point de vue sur le lac est joli. En redescendant, je découvre un chemin qui mené a la berge et tombe sur... un embarcadère ! Le bus ne m'avait pas trompe mais c'est une chance que je m'en rende compte, c'est vraiment handicapant de ne pas comprendre ce que disent les gens ! Je tend le ticket a un gars qui m'invite a monter sur un bateau, tout fonctionne, je traverse le lac en largeur et débarque assez près de Dali. Une calèche me ramené a la vieille ville. Je pourrais en rester la car j'ai fait un joli tour et qu'il est déjà 18h. Mais je me dis que le temps ici m'est compte et, pas rassasie, je remonte dans un bus local en direction du Nord pour visiter encore quelques villages ! Je descends en vue d'un petit chemin de terre qui est censé me mener a ????, village connu pour son charme. Je demande à un triporteur de me conduire au centre, mais il me pose chez un de ses potes qui insiste pour que j'assiste à un spectacle traditionnel qui fleure le guet-apens. Je refuse donc de rester et me casse à pieds. Les rues ne sont en effet pas moches mais c'est la fin de journée et l'activité cesse peu a peu. Et puis je ne trouve pas vraiment l'endroit ou les rues sont les plus charmantes, et le village est plus grand que prévu. Du coup je débarque dans un coin carrément crade. Des jeunes filles a qui je demande mon chemin m'indiquent une direction qui me fait sortir de la ville, sympa. Je marche longtemps pour rejoindre la route principale longeant le fleuve et décide d'aller encore plus au Nord, dans un autre village plus avenant dans lequel je n'avais fait que passer en bus le matin. Je vois au loin un bus passer dans la bonne direction : Ok il y en a encore. Arrive au croisement, j'attends un bon moment, avec une famille. Je leur montre avec mon maigre lexique ou je veux aller, ils ont l'air de me dire d'attendre, que c'est ok. Un triporteur s'arrête et me propose de m'emmener, je lui dis non car les bus sont moins chers. Il s'excite et insiste beaucoup, ;l'air de dire qu'il n'y a plus de bus. Je prends ça pour des mensonges afin que j'y aille avec lui et tiens bon. Et puis le temps passe. Et puis la nuit tombe. Et puis je commence a me sentir décourage. Au bout d'un moment, la famille elle-même me montre des mots sur le lexique : "Bus", "II n'y a pas". Je soupçonne le chauffeur de leur avoir dit de me dire ça et persiste a ne rien vouloir entendre... connement bien sur, plus personne ne passe sur cette putain de route ! Je finis donc par céder et me fais emmener a ????, qui est sans doute encore desservie par les bus. Mais arrive là-bas que nenni, le village est plonge dans le calme de la nuit et plus rien ne bouge ! Les chinois se couchent vraiment tôt, surtout dans les petits villages comme ça. Et en plus je ne reconnais pas du tout l'endroit ou j'étais passe plus tôt dans la journée, et les habitants me regardent d'un air méfiant. J'en ai vraiment marre, je demande au triporteur de faire demi-tour et de me ramener a Dali mais il dit que c'est trop loin et refuse ! On est a pas loin de 30 Km effectivement. J'entre dans un magasin encore allume. J'essaye de comprendre ou je suis et dessine sur une feuille de papier la grande allée avec pleins d'arbres dont je me rappelle du matin, et tout le monde rigole, sans comprendre pourquoi je fais des dessins ! Ils sont vite une dizaine autour de moi a essayer de me comprendre en vain. Je leur demande de me ramener a Dali, ils refusent. Dans un autre magasin, une bonne femme parle un anglais très approximatif, mais c'est déjà énorme. Elle me propose de dormir a l'hôtel ici, je lui explique que j'ai déjà une chambre a Dali... il est maintenant 21h et il fait nuit depuis longtemps. Je fais vraiment une tête de déprime (sans vraiment me forcer) et un gars me propose de me ramener en triporteur, a un prix sympa... il est sans doute pris en pitié ! Le voyage est assez inconfortable mais je vis mon retour à la guest-house comme une bénédiction. Je jure que je ne prévoirai plus rien qui me sorte des sentiers battus au delà de 18h ! Dans le dortoir, l'anglais a laisse son lit a un français, Greg, qui va donner des cours de français en Chine a partir de cette année. Il me présente Steph, une fille avec qui il voyage... entre autres, car ils sont 8 français a faire chemin ensemble ! Je leur raconte mes galères du jour et ça me fait un bien fou d'être compris, et puis ils sont très sympas. Dans le dortoir nous rejoignent encore 2 gars, l'un vient du Yemen et l'autre du Népal. Je ne tarde pas a m'endormir après cette prise de contact amicale.

Le Mardi, j'ai un peu plus de mal avec le réveil et ma tête dans le cul du matin me pousse a prendre mon temps ainsi qu'une bonne douche a l'eau froide. Je recroise Greg et Steph qui me présentent "les autres" : Pascal. Caro, encore Pascal, Anne-Ce... et puis Rémi et Marie, un autre couple qu'ils ont rencontre a Pékin et qui les a rejoins ici. On décide de faire tous ensemble une randonnée sur les crêtes des montagnes surplombant le lac. Un télésiège nous hisse en haut ou nous partons tranquillement sur un chemin aménage de 15 Km après avoir jeté un œil a un joli temple a l'arrivée. C'est en fait plus a flanc de montagne que sur des crêtes et le chemin est large, plat et dallé. Mais les points de vue sont effectivement a tomber. Heureusement il y a une rambarde (hum). On admire en alternance le lac et Dali de haut, et puis des belles cascades aux creux de la falaise. On est loin des klaxons. Et surtout les personnes avec qui je marche sont vraiment excellentes, je me sens super bien avec ce groupe de potes avec qui on rigole beaucoup sans oublier d'avoir des discussions super intéressantes. Bouquins, religions, recul sur le voyage, rôle de l'éducation, brassage des cultures... ils se posent des vrais questions, ce qui en fait des gens intéressants. Rémi est instit a Paris et fait partie d'une association qui propose une pédagogie alternative pour les enfants, Pascal est déjà prof de français en Chine, Steph est prof d'anglais a Avignon. Marie kiné. Anne-Cé s'apprête a rentrer dans un IUP Gestion d'entreprise culturelle (!). Bref des gens qui me plaisent. On croise pas mal de plantations de cannabis, a priori les gens du coin se servent dans la nature ! Au bout du chemin, après 15 Km sinueux, on arrive a une sorte de mini-circuit touristique avec un jeux d'échecs chinoises géant, des ponts suspendus, des dresseurs de singes et des vendeurs de Mais bouillants (super bons). On cherche pendant une heure le moyen de redescendre la montagne a pied mais on ne trouve pas... tout nous pousse a utiliser (et payer) des télécabines modernes pour redescendre. C'est assez énervant car on sait qu'il existe un chemin ! Dans les cabines on a la chance d'entendre des reprises de Titanic et d'Yves Montant au synthé... ok on n'aura pas fait ça pour rien. En bas, on monte a 8 dans un minibus taxi qui nous ramené a Dali. A peine sur place, je loue un vélo (pour 2 Y !) et pars jeter un œil aux "3 pagodes", une des grandes curiosités du coin. C'est vrai qu'elles sont impressionnantes, surtout la plus haute, mais le parc les abritant est très cher d'accès, je reste donc a les admirer de l'extérieur avant de repédaler jusqu'à la ville (2 petits km). J'ai juste le temps de faire mes affaires et de manger un bout en compagnie des français pour leur dire au revoir, et me voila dans un bus local en direction de Dali la nouvelle ville, un billet de train de nuit pour Kunming en poche. Je me retrouve encore le seul occidental dans le bus et montre le mot "gare" au conducteur et a d'autres chinois, pour qu'ils me disent quand sortir. Le véhicule est blinde et je fais chier tout le monde avec mon gros sac. Mais les gens me parlent, je suppose qu'on fait potes. Au bout de quelques arrêts l'un des gars a qui j'ai montre ma destination me fait signe de sortir du bus, et je me retrouve... devant l'hôpital de la ville ! Je suis oblige de reprendre un taxi pour me rendre à la gare, encore assez éloignée. Décidément je dois avoir du mal a communiquer. Le train de nuit dans lequel je rentre est gigantissime, avec 2 étages, des rames a perte de vue et un flot humain qui se déverse sur le quai de manière ininterrompue a son arrivée en gare. Il faut se faire une raison, y a du monde dans le coin. Dans ma rame, je rencontre Laurence, une française qui voyage elle aussi seule, et 3 espagnols, la quarantaine, qui voyagent entre hommes, et qui étaient a cote de moi le premier resto auquel j'ai mange a Dali ! Comme Laurence parle un peu castillan, c'est en espagnol qu'on discute principalement. Les chinois ont une capacité a s'endormir n'importe quand et n' importe où assez impressionnante, du coup on reste très rapidement les seuls éveilles dans le train, a raconter des conneries. C'est encore un moment très sympa qu'on passe dans cette rame, a la croisée des voyages. Je dors plutôt bien dans ma couchette, et le train arrive a Kunming a 6h.

Mon projet est d'aller visiter de plus près la foret de Shilin (que j'avais traverse succinctement en train) dans la journée, puis de rejoindre la ville de Juangshui encore plus au Sud. Je me dégote déjà une place dans un bus pour Shilin, qui fait l'aller-retour dans la journée, en espérant trouver un autre bus de là-bas. Comme j'ai un peu d'attente, je rejoins mes compagnons de la nuit a la gare, et on fout le bordel en fêtant l'anniversaire de Lorenzo, un des 3 espagnols qui fête ses 47 ans ! Je prend ensuite le petit dej' (des pâtisseries très bonnes, avec des pâtes sucrées un peu spéciales) avec Laurence qui m'accompagne jusqu'à mon bus. C'est encore un au revoir touchant (il y en a sensiblement autant que de rencontres agréables). Plus tard, dans le bus, je discute avec un étudiant qui parle un peu anglais. Il me dis que j'ai paye mon ticket 2 fois plus cher que lui ! Je ne sais pas trop si c'est normal, mon avis sur la question n'est pas très clair, mais ce qui est sur c'est que l'impression de m'être fait entuber est bien réelle. Le bus fait une halte "obligatoire" pour visiter un temple a l'intérêt plutôt limite. A Shilin, mon nouveau pote chinois m'aide a chercher un bus pour Juangshui, mais les réponses sont genre : "facile, tu prends un bus jusqu'à un hameau perdu, la tu en arrête un autre qui n'est pas censé s'arrêter...". La je flaire la grosse galère (sans doute un improbable instinct de survie), et je décide de faire le retour a Kunming avec le même bus... et du coup je renégocie le prix du trajet, na. En entrant dans le site même de la foret de Shilin, je peux tout de suite confirmer que c'est ultra-touristique. Des chemins tous traces et assez larges parcourent des territoires entièrement entretenus d'arbres tailles et de gazon vert, sur lequel poussent comme des champignons des rochers biscornus. C'est un peu un Hong Kong ou les buildings seraient remplaces par des rochers ! Tout le monde se rue vers un escalier central qui permet de monter sur l'un des plus hauts rochers pour avoir une vue d'ensemble. Du coup je m'éloigne au maximum du troupeau et me retrouve vite a peu près seul, a une centaine de mètres seulement de l'épicentre ! Je fais attention a ne pas me faire repérer et sors du chemin... ce qui est marrant c'est que des qu'on sort de ce qui est visible depuis le chemin, la nature reprend ses droits en redevenant sauvage, et donc belle. Je me perd entre les pitons rocheux, parvient a grimper sur certains et découvre des points de vue sublimes. Cet endroit a vraiment quelque chose de fantastique : les rochers parsèment l'espace a perte de vue dans une nature majestueuse. Je retrouve un long chemin périphérique qui fait le tour du site touristique et rejoins le point le plus éloigne de l'entrée. Il n'y a plus un chat. Un petit panneau montre un sentier étroit qui s'éloigne au delà du contour officiel, avec une inscription, en substance : "frontière de l'espace aménage, zone a risques". Génial, je fonce ! Je marche encore une bonne demi-heure dans la campagne rocheuse entourée de rivières et de petites forêts. C'est très beau, j'ai du mal à comprendre pourquoi je suis seul ici, mais j'en profite a fond. Et tout au bout du chemin, perdu au milieu de rien, je retrouve... 4 français ! Ils étaient en train de se faire la même réflexion que moi, ne comprenant pas pourquoi personne ne venait jusqu'ici. On monte sur un grand rocher qui surplombe le paysage... C'est dur de trouver les mots, disons que "ça déchire" pourrait faire l'affaire. De nouveau dans la zone "protégée", sur le chemin du retour, je découvre un petit escalier creuse dans la roche... je m'engouffre dans un dédale d'autres escaliers qui montent et qui descendent, de mini-ponts et de tunnels. C'est l'endroit le plus dense de la "foret", ou les rochers se touchent et s'entremêlent, et c'est assez étonnant a parcourir, avec régulièrement des très beaux points de vue. Je me mets a cavaler dans tous les sens et commence a flipper car je suis complètement perdu et le temps presse avant le départ du bus. Je cours au hasard et j'atterri essouffle... en haut du point de vue central du site ! Je dévale l'escalier, cours comme un dératé et monte dans le bus qui n'attendais plus que moi. C'était assez juste. Je mets seulement un quart d'heure a me remettre de ma course car je suis un grand sportif. De retour a Kunming, j'ai trop de chance d'avoir "mon nouveau pote chinois". Il m'avance et me prend mon billet pour Juangshui, m'accompagne en taxi (qu'il paye) a une "Bank of China" pour que je puisse retirer, me remmené a la gare routière, et je dois insister pour qu'il accepte que je lui rembourse mon trajet en bus et le taxi ! C'est incroyable la différence qui peut exister entre ceux qui font tout pour te sucer ton pognon et t'entuber et ceux qui feraient n'importe quoi pour te venir en aide. Il essaye même d'appeler un hôtel (numéro dans le routard) pour me reserver une chambre mais ça ne décroche pas. Je le remercie chaleureusement. Je suis miraculeusement en vie après le voyage en bus (mais je commence a m'habituer a être a deux doigts de mourir a chaque virage !). Il est 23h a Juangshui et j'essaye de me repérer sur la petite carte du routard pour me diriger vers un hôtel pas cher. Il est tard et je suis claque, et bien sur je me plante de cote. J'essaye de demander mon chemin a des gens qui me fuient... on sens que c'est peu touristique par contre. En fait cette destination (ainsi que la suivante) ne sont même pas cites dans le "Lonely Planet" et seules quelques pages y sont consacrées dans le Gloaguen. Je suis en train de tourner en rond quand un homme d'environ 60 ans me vient en aide. Il ne parle pas anglais mais s'efforce de me comprendre avec beaucoup de patience. Il m'emmène a un hôtel, je lui dis que c'est trop cher et lui montre les adresses indiquées sur le guide, en me servant aussi du lexique pour lui montrer des mots. Il prend un taxi avec moi et on se retrouve dans un quartier manifestement plus piéton, quasi-désert a cette heure. Il m'entraine dans un hôtel très typique et charment mais hors de prix. En fait il a compris ce que je cherchais et ne fais que demander des renseignements a la réception. Il m'accompagne finalement jusqu'à la guest-house que je cherchais... située très loin de la ou elle était située sur le plan du routard, c'est pour ça qu'il galérait depuis le début ! Autant dire que sans lui c'était pas gagné. Il m'aide enfin a négocier le prix du lit a la baisse. Avant de s'absenter définitivement, il me laisse sa carte de visite : il travaille dans les assurances-vie ! La en tout cas il a bien assure. En ce qui concerne l'hôtel, il est vraiment miteux au sens propre du terme, avec des cafards de partout dans la chambre et les douches, et les toilettes sont des espèces de box en béton déversant directement les excréments dans une fosse septique a ciel ouvert juste derrière... la cour intérieure menant aux chiottes est déjà zone sinistrée ! Mais j'arrive quand même à dormir convenablement, ce qui est l'essentiel.

Je me leve tôt et entame de bonne heure une balade a pied dans la ville. Juangshui est somme toute assez "bâtarde". Trop grande pour être charmante, trop petite pour en jeter. Mais, comme partout ici, ça pullule, avec des grandes artères et beaucoup de bruits de klaxon. Par contre aucun touriste, ni chinois ni occidental. C'est en fait assez intéressant de se retrouver dans un lieu comme ça pour observer la "vraie vie", loin des vieilles villes reconstruites pour le tourisme. De nombreux ouvriers en bleu de travail sont de sortie, et des hommes de tous âges se retrouvent sous la "Tour du Soleil" pour jouer (cartes, échecs chinoises, go, majong, des et autres). Je visite une mosquée (très) chinoise, avec des femmes voilées en train de pratiquer dans une salle de classe annexe. Mais la "tuerie" de la ville est sans nul doute son temple de Confucius, rassemblant sur une immense superficie de grandes étendues d'eau avec pleins de nénuphars, des portiques imposants aux sculptures impressionnantes, des patios calmes entoures de verdure ou se réunissent des musiciens, des parcs aères, et puis le temple en lui même, très coquet et entoure d'armes bizarroïdes. On se demande comment un si vaste espace de quiétude a pu être préserve dans une ville si bouillonnante. En fin de matinée, j'arrive a convaincre un taxi de m'emmener a droite a gauche dans la région et de me ramener ensuite en ville, en lui montrant les idéogrammes des lieux qui m'intéressent. Je suis tellement content qu'il me comprenne que j'accepte a un prix un peu élevé ! Le pont du double dragon traverse un petit fleuve et est constitue d'une pagode en son centre. C'est mignon mais pas top, mais son nom racheté tout. Je visite ensuite un petit village pittoresque qui comprenait dans l'ancien temps la grande demeure d'une riche famille bourgeoise. Les petites ruelles étroites y sont vraiment charmantes, avec des ouvertures en cercle dans les murets permettant de passer d'une habitation a une autre. Des poulaillers ont repris vie entre les murs de cette ancienne prestigieuse maison, qui est par ailleurs restée intacte avec des belles fontaines et des sculptures très fines sur les paravents en bois. De retour a Juangshui-ville, je me mets a chercher la gare routière, décide a partir pour Yuangyang dans la journée. Et c'est encore une galère sans nom ! La ou le bus m'avait dépose la veille, il y a un parking de bus mais je ne vois pas de guichet. Je demande a tout le monde en montrant le mot "gare routière", mais personne ne sait. Un taxi me propose de m'y emmener, mais je lui dis que je préfère y aller a pied, alors il m'indique une direction. Je demande ensuite mon chemin, tant bien que mal, tous les 100 m, et les gens disent que c'est toujours plus loin (ou en sens contraire parfois !). Je marche donc super longtemps avant d'atteindre la gare routière, très excentrée. La on me dit juste qu'il y a des bus toutes les demi-heures, pas besoin de réserver. Je retourne dans le centre, cette fois derrière une moto, j'ai vraiment perdu une bonne heure pour rien. Affame, je me pose dans une sorte de cantine pour travailleurs, avec des plats de viande, de légumes et de soupe en self-service (pour 5 Y le repas - 0,5 E !). Je m'installe a une table et tout le monde vient me reluquer et me parler. Bien sur pour moi c'est du chinois. Du coup la marna qui tient ça veut tout me faire goûter et je me retrouve avec des assiettes bien garnies de mélanges légumineux étranges, notamment des sortes de fayots mélanges avec des céréales genre pilpil, des préparations de viande de porc épicées, des soupes... c'est donc le ventre plein que je retourne chercher mes affaires a la guest-house. Un taxi me reconduit a la gare routière ou je rentre dans un bus avec les idéogrammes de Yuangyang dessus. Le trajet est splendide, on passe par une petite route étroite a flanc de montagne faisant apparaitre au détour des virages des panoramas d'une beauté insolente sur les vallées et montagnes voisines, avec des cultures en terrasse (en escalier) a perte de vue. Et puis David Bowie, Pearl Jam et les Smashing Pumpkins m'offrent un bon tremplin pour m'envoler dans ce décor. Le voyage dure 3h, puis je dois encore prendre un minibus pour gravir la montagne et accéder au petit village souhaite. Ce dernier trajet est un vrai fiasco : une demi-heure d'attente a cause de travaux au milieu de la chaussée, puis le véhicule tombe en pane en pleine montée ! Du coup on monte dans un autre bus de passage, plus gros mais déjà blinde, et le conducteur roule comme une bombe, alors qu'une gamine malade est en train de vomir par la fenêtre...

Yuangshuo est une petite ville de 15000 habitants, collée a la montagne, qui est réputée pour proposer des vues imprenables sur les environs, et surtout sur les rizières en terrasses. Je me pose dans un petit hôtel pas cher et super confortable et propre, avec une chambre a moi, donnant sur les montagnes. L'hôtelier est aux petits soins. Quand je lui fais comprendre que je veux laver mon linge il demande a sa fille de le faire et il refuse que je le paye ! Une petite balade m'aide a mieux me repérer dans le village. Je m'arrête dans une autre de ces petites cantines rustiques qui donnent dans la rue. On me prépare une omelette a la tomate et une soupe (pas excellente) pour trois fois rien. En m'allongeant assez tôt dans mon lit (après avoir aperçu tous mes habits étendus sur le balcon !), j'allume la télé et tombe sur... Nadal et Moya qui s'affronte pour les masters de tennis de Montréal, commente en chinois ! La situation est assez comique, je suis comme un dingue devant la télé en train d'encourager Moya (parce que pas Nadal) dans une chambre d'hôtel perdue dans une montagne chinoise. Je finis quand même par sombrer, mis a terre par cette journée harassante et par la défaite de Moya.

Je n'ai pas besoin d'attendre la sonnerie de mon réveil (prévu a 7h) pour me réveiller, le ventre tordu de douleur. C'est ici que commence la journée la plus désagréable de mon voyage ! Je passe toute la matinée entre mon lit et les toilettes, et mon corps procède a une purge méthodique et méticuleuse de tout ce qu'il contient. Vers 13h, une accalmie pointe son nez et je tente une sortie en triporteur vers l'un des magnifiques points de vue de la région. C'est vrai que ces rizières en terrasses a perte de vue sont très impressionnantes. Je tente une petite balade et mon intestin ne fait pas trop la gueule. De retour en ville, il se met a pleuvoir des cordes et mon ventre recommence. Je m'enferme toute l'après-midi et la soirée dans le centre Internet, en profitant pour recopier des notes, en faisant des allers-retours aux toilettes ! Avant de me coucher dans ma chambre d'hôtel, je me dis que j'ai de la chance d'être dans ce cadre confortable et sympa, avec l'hôtelier qui me propose d'aller m'acheter des médicaments ! Je m'endors avec le bide toujours en vrac et sans avoir rien avale de la journée.

Le lendemain (Samedi 13), je me levé un peu avant 7h et reprend un minibus pour me descendre de la montagne, après 1 ou 2 passages aux toilettes. La ville dans laquelle j'atterri est construite sur les bords du fleuve rouge, appelé ainsi a cause de sa couleur terreuse, aux reflets ocres au soleil, qui s'écoule en direction du Vietnam. Mon objectif est de rejoindre Fan dans sa ville de Mendzi, entre ici et la frontière. Le bus part a 9h30. Et m'y voila en train d'écrire, longeant le fleuve rouge et sinuant entre les montagnes, en direction de Pocahontas. Je n'ai pu lui envoyer un mail que la veille pour la prévenir de mon arrivée, et je ne sais pas si elle sera au Rendez-vous. J'espère vraiment la revoir surtout qu'elle doit me conseiller dans l'achet de CD de pop chinoise ! J'ai ensuite Rendez-vous avec Anne Laure au Vietnam demain, a Sapa (a 1 heure de route de la frontière). On a gère par textos interposes, et j'ai le nom de l'hôtel ou elle est et son numéro de chambre, donc tout devrait bien se passer a ce niveau. Mon ventre continue a me travailler, surtout avec les secousses intempestives du bus, mais l'état d'alerte semble passe. J'arrive a Mendzi dans quelques instants... retrouverai-je mon indienne de Chine ?

Samedi 13 Août - Mendzi / 12h59