20 août 2009

Desert de sel, lagunes et geysers volcaniques

Jeudi 20 août - Potosi

Ca y est, j’ai pris un peu de retard. On est déjà à Potosi, et à quelques heures de Sucre, la véritable capitale du pays, où nous logerons ce soir. Et voici enfin livrées nos aventures vécues dans le sud-ouest bolivien. Des paysages désertiques et hors-du temps, des rencontres géniales, les quelques jours les plus envoutants de notre voyage pour l’instant ! Lisez plutôt…

Jeudi 13 août.
Le bus de nuit arrive à Uyuni à 6h du matin, au lieu des 7h prévues (pour une fois c’est dans l’autre sens). On est frigorifié, on n’a quasiment pas fermé l’œil. Le bus (semi-cama) n’était pas si inconfortable, mais la route tellement pourrie (surtout la dernière partie avec seulement des pistes terreuses et cahoteuses), l’habitacle tellement froid (les vitres sont complètement givrées à l’arrivée, il doit faire quelques degrés en dessous de 0), et l’odeur tellement immonde (un délicieux parfum de putrescence parfumait le véhicule) qu’on est pas aussi frais que prévu. Il est tôt, tout est fermé, il fait glacial. On cherche un hôtel recommandé par le Lonely, sans grand succès. On finit par rentrer dans un petit hôtel un peu pourri mais ouvert, central et pas cher. La chambre est froide (pas chaleureuse) et froide (pas chaude), ça ne nous empêche pas de nous glisser dans nos sacs de couchage sous les couvertures, et de dormir les quelques heures qui nous manquent pour reprendre pieds.

Au réveil on est encore un peu assommé, on a encore eu froid dans cette chambre humide sans le moindre pet de soleil. Dehors, par contre, c’est le gros beau temps, avec un ciel très bleu et un soleil très jaune (lire qui cogne). Depuis notre arrivée en Bolivie, on n’a quasiment pas vu l’ombre d’un nuage à l’horizon, alors qu’au Pérou on n’a pas eu un jour sans nuages sombres, voire un peu de pluie. Dès le passage de frontière vers Copacabana, les nuages se sont totalement éclipsés !

On commence à avoir faim. On se pose dans l’un des nombreux restos de la place principale, à l’étage, où on commande des plats et des boissons. Les boissons arrivent, les plats non. L’attente se fait pesante, mon estomac crie. La télé est à fond, et la radio aussi, en même temps ! Des infos sur le meurtre d’un policier à la télé, suivi de musique folklorique andine, pendant que la radio diffuse du Nirvana et du Smashing Pumpkins ! Au boût de 45 minutes je demande à la meuf ce qui se passe, elle me répond « La cuenta ? » (l’addition ?). Elle avait oublié notre commande de bouffe. On la reprend, il n’y a plus ce qu’on voulait. On termine avec deux plats de spaghettis bien gras et bien pas bons qu’on s’enfile vite fait, pas bien contents.

Le café en terrasse qui suit est plus sympa. Des chansons en français sont diffusées à fond, aucune idée de ce que ça peut être. Le gars nous assure que c’est du Manu Chao, moi je suis sûr que non. Ca chante avec l’accent gouailleur parigot, des chansons aux refrains bien français : « Les chiens ont soif les pigeons volent », « Dans mon jardin », « La valse à 5 temps » ou encore « Francine et Ginette ». Ma théorie : un touriste faisant des chansons dans sa cave lui a filé son CD, et il doit être loin de se douter que sa musique passe toute la journée (en boucle, à chaque fois qu’on repasse) sur la place d’Uyuni en Bolivie !

On passe ensuite un bon moment à essayer d’organiser notre tour du sud ouest. La petite ville regorge d’agences de voyages, on ne sait pas laquelle choisir. Toutes proposent exactement les mêmes tours (selon le nombre de jours souhaités), aux mêmes prix. Malheureusement, peu de voyageurs partent pour 4 jours (ce qu’on souhaite faire), et on est sûr de partir que si le 4x4 est plein (6 passagers). On demande au hasard à des « backpackers » dans la rue pour organiser un truc ensemble, sans succès.

La ville a un peu une allure de bout du monde, un peu western, avec plusieurs grandes rues qui se croisent perpendiculairement, des petits bâtiments couleur terre et le soleil, toujours le soleil. L’une des rues est transformée en marché. On s’y achète des gants en laine, un collant chaud pour moi… les nuits ici sont assez inhospitalières. Et puis on voit l’église. On a le contact d’un prêtre français qui officie dans la paroisse d’Uyuni ! C’est « padre pedro », un ami d’Ulla (elle-même amie de la famille d’Alice vivant en haute-Savoie), qui nous a filé ce contact. Il a lui-même officié en temps que prêtre à Potosi pendant 20 ans. A la réception de la paroisse, on demande Jacques Chenal. Il nous accueille dans un petit salon, très sympa, 45 ans environ, pas trop l’air d’un prêtre (ça aide). On boit une tisane en parlant de la Bolivie, de notre voyage, de son travail ici. Ils sont trois prêtres à vivre dans la paroisse, il nous raconte les différences avec la France, les journées cool, l’absence d’agenda nécessaire, les approximations dans les horaires des transports publics,… il a l’air bien tranquille ici. Il nous parle aussi des mélanges naturels entre les croyances des boliviens : ils sont tous immergés de traditions andines, vénèrent la terre de Pacha Mama, tout en allant naturellement à l’église et priant le Christ et la vierge Marie (qu’ils confondent avec Pacha Mama du coup). Ils nous parle du mode de vie ici, nous conseille sur le tour qu’on s’apprête à faire. Du coup il va être 18h et on doit prendre une décision, on ressort en direction de Blue Line Service, une agence qui nous tente.

Là-bas on nous dit de laisser tomber, personne ne s’est inscrit pour le circuit de 4 jours. En sortant, on croise un couple d’espagnols (basques) exactement dans notre cas, qui a passé la journée à chercher un tour de quatre jours pour le lendemain ! On s’inscrit ensemble, il ne reste que 2 personnes à trouver avant le lendemain matin 10h, et l’agence semble convaincue d’y parvenir. Soulagé, on retourne voir Jacques dons son salon paroissial.

Cette fois la discussion tourne politique. Je lui pose pas mal de questions sur Evo Morales, si les boliviens continuent de le suivre, qu’est ce que son élection a véritablement changé en Bolivie. Rappelons que Morales est le premier « indigène » à avoir été élu président de Bolivie, avec le soutien de tous les paysans et de toutes les minorités d’origine indienne, qui sont très fiers d’avoir l’un d’entre eux à leur tête. Il dirige le MAS (Movimiento por Socialismo), parti de gauche, très lié à Hugo Chavez au Venezuela. En arrivant ici, j’ai l’image d’un pays progressant grâce à lui, luttant avec tous les pays du « MercoSur » contre la main-mise des Etats-Unis sur l’Amerique latine, donnant des perspectives sociales fortes, ayant nationalisé les hydrocarbures, poussant le syndicalisme, luttant contre les corruptions des régimes précédant, proche du peuple. Bref, j’idéalise un peu le personnage et sa politique. Jacques nous dépeint un tableau beaucoup plus nuancé de la situation : télé d’état à la seule gloire du président, interdiction d’exercer aux journalistes opposants, corruption avérée de tous ses proches, ratification d’une nouvelle constitution sans aucune discussion, rien qui change dans la vie des boliviens au quotidien, aucune décision sociale forte. Les routes restent en piteux état, l’éducation et la santé n’ont toujours pas de bonnes infrastructures, les familles doivent tout payer. Il a mis en place des « bons », argent distribué aux écoliers, aux vieux, à tel corps de métier, mais sans réelle vision sociale forte, selon lui. En allant plus loin, il va même jusqu’à supposer (des amis à lui en sont persuadé) que le pouvoir en Bolivie reste une lutte de quartels de narcotrafiquants, sachant que la plus grande partie de la maigre richesse bolivienne provient du trafic de drogues. Autre fait avéré : Evo Morales aurait accepté de ne pas nationaliser une entreprise minière à côté d’Uyuni en échange d’actions dans l’entreprise. Si tout ce qu’il raconte est vrai, ce n’est donc qu’un homme politique comme les autres et il tombe du piédestal sur lequel je l’avais élevé. Selon Jacques, le peuple est toujours derrière lui (surtout le monde paysan, très nombreux) et sa réélection en décembre prochain semble certaine, mais les habitants de villes ont de plus en plus de ressentiments contre lui et sa politique. Les gens semblent le considérer comme un dieu vivant ou comme un homme à abattre, pas trop de nuances ici ! En tout cas la discussion est très intéressante, on a de la chance de pouvoir partager avec quelqu’un vivant ici. Pour ceux que ça intéresse Jacques fait lui aussi un blog : http://potosi.over-blog.com/. On finit quand même par aller se coucher en le remerciant pour ce moment passé.

On tombe sur un petit resto sur la place, un truc assez touristique où on mange moyen et cher. On s’en fout un peu, on n’a qu’une envie, c’est dormir.

Vendredi 14 août. Tour du Sud-Ouest - Dia 1

Lever 8h. On a eu moins froid que la veille, et la douche est abondante et chaude. On prend le petit déjeuner à la terrasse de l’hôtel, sur la place, au soleil. On se pointe à « Blue Line Service » vers 10h, les basques (Ibon, 34 ans, et Loréa, 35 ans) sont déjà là, ainsi qu’un français (Marc, 37 ans), qui vient compléter le véhicule. Ce dernier arrive tout juste de La Paz du matin, où il arrivait tout juste de Paris la veille au soir ! Entre le décalage horaire, le froid dans le bus de nuit et l’altitude, il ne semble pas plus frais que ça. On va partir à 5 passagers, et il est prévu qu’on passe en prendre un 6ème (qui ne part que pour trois jours) le lendemain sur le trajet. Le tour a donc bien lieu ! Avant le départ, on discute un moment avec Henri Jose, un jeune guide bien cool (qui part malheureusement avec un autre tour) avec qui le contact passe très vite. Discussion autour d’Evo Morales, il dit lui aussi que les prochaines élections sont faites d’avance, mais que les mécontentements se font sentir dans les villes. En allant plus avant dans la discussion, on apprend qu’il va venir vivre quelques temps chez des amis à Lyon d’ici 3 mois ! On s’échange évidemment nos adresses mail pour s’y croiser et tomar algunos « bières » (en français dans le texte).

Nos « mochillas » sont attachées sur le toit du 4x4 (Toyota Landcruiser, immatriculation « 948 BAG »), chacun est à sa place. Notre conducteur s’appelle Edgar, la quarantaine souriante, il nous salue chaleureusement, nous dit qu’on va passer 4 jours ensemble, qu’il va falloir se supporter mais qu’on devrait y arriver. Il a l’air bien fun, c’est parti.

Première étape, au sud de la ville : le cimetière de trains. Des carcasses de métal datant de la fin du XIXème siècle recouvrent une plaine désertique. Uyuni était à l’époque la ville par laquelle tous les trains passaient, le plus grand croisement ferroviaire de Bolivie. Ils servaient au transfert des minerais (principalement de l’argent) en provenance de Potosi, mais aussi d’autres mines avoisinantes, nombreuses dans le sud-ouest bolivien. Les trains sont laissés depuis 1926 à l’abandon ici, dans cet espèce de musée à ciel ouvert témoignant de cette époque révolue. La Bolivie n’est effectivement plus le pays minier par excellence, comme il a pu l’être. Des morceaux de taule jonchent le sol en vrac, et les nombreuses carcasses de wagons rouillés se suivent sans se ressembler. On peut grimper dedans, s’y accrocher, passer de l’un à l’autre. Endroit singulier.

On repart jusqu’à Colchani, petite ville bordant le Salar (pas encore à portée de vue). C’est ici qu’est installée la plus grande activité de transformation et d’empaquetage du sel provenant du salar. Le sel est amené là très humide, il passe deux jours à sécher au soleil avant d’être déposé au dessus de four chauffés au quiñas (combustible local). Les gros morceaux secs sont ensuite moulinés et mélangés avec de l’iode, puis empaqueté par paquets d’un kilo. Chaque jour, 3000 Kg de sel sont ainsi confectionnés et prêts à être vendus dans toute la Bolivie. A côté de cette petite usine, une autre fabrique des blocs de sel servant à la construction de bâtiments, et un petit marché vend des objets issus de l’artisanat local, à base de sel, bien sûr.

Encore quelques km, et nous foulons enfin le fameux Salar d’Uyuni. Cette majestueuse étendue de sel recouvre une superficie de 3500 km², avec une profondeur de 76m de sel et de 120m en tout (en comptant l’eau souterraine). Pour la petite histoire, le lac Minchin recouvrait tout le sud-ouest bolivien il y à 40000 à 25000 ans. Il s’est évaporé, laissant l’endroit sec pendant 14000 ans avant l’apparition du lac Tauca, qui ne laissa 1000 ans plus tard que 4 souvenirs : les lacs Poopo et Uru, et les concentrations de sel de Uyuni et de Coipasa.

On ne voit bientôt plus que du blanc à l’horizon, à 360°, on se croirait sur une immense étendue de neige. C’est absolument éblouissant, au sens figuré comme au sens propre, avec le soleil se reflétant sur le blanc de toute sa puissance. On s’arrête à côté de poches d’eau thermales, gazeuses, excellente pour lutter contre les rhumatismes selon Edgar.

On déjeune dehors, avec la vue sur le blanc sans fin, à côté d’un petit hôtel de sel, renfermant lui-même des sculptures en sel en forme d’animaux ! Edgar nous prépare de la viande de lama accompagnée de quinoa et de petits légumes : délicieux. On passe un moment à profiter de l’absence de tout élément indicatif de distance dans les environs pour faire des tas de photos irréelles entre des éléments lointains mais semblant au même niveau sur les photos. On commence à bien faire pote avec Loréa, Ibon et Marc. Les basques voyagent depuis 2 mois sur un voyage total de 6 mois, et Marc, plutôt branché montagne, a quelques 3 semaines de vacances qu’il veut passer dans les hauteurs de la cordillère des Andes ! Il a lui-même effectué un tour du monde d’un an entre 2000 et 2001.

C’est reparti pour une longue traversée du salar, tout bonnement irréelle. On roule sur la glace, sur les nuages, en n’apercevant au loin que des sommets montagneux qui surgissent d’on ne sait où. On a beaucoup de mal à évaluer les distances et Edgar nous assure que certains d’entre eux sont séparé par plus de 100 Km. Il nous dit aussi que tomber en panne au milieu du salar peut être mortel : aucune route n’est dessinée, chaque m² du salar étant carrossable, et il se peut qu’aucune voiture ne passe par le même chemin pour porter assistance à un véhicule, qui peut être extrêmement loin d’une quelconque sortie ou d’une quelconque habitation. Tous les chauffeurs ont le devoir de faire un crochet s’ils voient un véhicule est à l’arrêt. Ici le soleil règne en maître absolu, il est omniprésent. Il est presque impossible d’enlever ses lunettes de soleil, avec lesquelles le blanc immaculé prend par instant des teintes tour à tour grises ou vertes. En s’arrêtant au milieu du rien, on peut voir les formes hexagonales des milliers de plaques de sel, comme des alvéoles blanches s’étreignant à l’infini. Quand il pleut, Edgar nous explique que l’eau peut dépasser les 70 cm de hauteur sur tout le salar, le transformant en formidable étendue d’eau sur lesquels se reflètent les nuages, on a alors l’impression de rouler dans le ciel. Edgar n’arrête pas de faire des blagues pourries, du genre il a oublié la bouffe et on ne pourra pas manger pendant 4 jours, ou encore il fait semblant de tomber en panne en faisant cahoter et s’arrêter la voiture au milieu du désert. Puis il prend un fou rire et repart. Quand il nous parle il se retourne en lâchant le volant et en continuant de rouler à fond… il s’en fout, peu de chance qu’il sorte de la route ! Il se repère seulement aux sommets environnants pour garder le cap souhaité.

On sort du salar par le nord, au pied du volcan Tunupa. La zone est d’abord un peu marécageuse, avec des dizaines de flamands roses y ayant élu domicile. Un peu plus loin, un pâturage de lamas et derrière, un chemin menant à un petit village en pierre. On s’y installe dans un bâtiment de sel très accueillant, sorte d’auberge pour voyageur à la déco un peu kitsch dont la salle à manger donne une vue splendide sur le salar en contrebas. Au dîner, une bonne soupe de légumes et un plat bien costaud mélangeant pommes de terre, viande, œufs, tomates et oignons. Dehors, les étoiles sont magnifiques. On tombe sur Marco, pote d’Edgar et maître des lieux, à qui on pose des questions sur le ciel. Il nous propose carrément de le suivre pour observer le ciel avec son télescope, installé un peu plus loin à côté du village !

Là bas, plus aucune lumière ne vient gêner l’observation. La voie lactée est hallucinante. Je connais ma propension à exagérer, mais là je suis formel : je n’ai JAMAIS vu autant d’étoiles de toute ma vie. On observe Vénus au télescope et ses anneaux rouges. Et puis on reste béats devant la majesté du ciel. D’autant plus que c’est un ciel parfaitement inconnu pour moi : l’hémisphère sud ne donne pas à voir les mêmes étoiles que l’hémisphère nord ! Du coup je me sens un peu perdu. Marco nous montre « La croix du Sud », « La Queue du Dragon », nous parle des « Trois Vierges », pas encore levées. Génial. Pendant ce temps, Edgar tourne le tourne le télescope et se met à crier : « Un missile, un missile arrive droit sur nous ! ». Sacré Edgar.

C’est la tête pleine d’étoile qu’on va tous se coucher dans l’auberge, après une journée remplie de tant de belles images qu’on a du mal a croire que ça n’a été le fruit que d’une seule journée. Il en reste trois.

Samedi 15 août. Tour du Sud-Ouest - Dia 2

A 6h, ça frappe à la porte. C’est Marco qui nous réveille à cette heure là pour qu’on s’habille aussi vite que possible pour venir admirer la lune ! Elle est décroissante, on n’en voit plus qu’un petit tiers. Elle se lève vers 3h du matin, elle n’était donc pas là lors de la session d’observation nocturne. On sort tous aussi vite que possible. L’aube se lève doucement, mais il reste suffisamment d’obscurité pour pouvoir admirer les cratères de l’astre lunaire. A côté, Jupiter s’est levé aussi, et Vénus a changé de sens. On a vraiment de la chance d’avoir posé des questions sur le ciel, Edgar lui-même ne savait pas que son pote possédait un télescope !

On petit déjeune avec des beignets bien gras trempés dans du Nescafé. On est fin prêt pour l’ascension du volcan Tunupa.

Edgar nous dépose quelques 3 km plus haut et nous ouvre une grotte (l’entrée est protégée par un cadenas) dans laquelle on découvre plusieurs momies, deux adultes et deux ou trois enfants, extrêmement bien conservées dans la sèche obscurité du lieu. En sortant, l’ascension peut commencer. Il est 8h et Edgar nous donne RV à l’auberge vers 11h30. Si on se perd, il nous conseille d’écrire notre problème sur un papier et de le lancer le plus loin possible avec une pierre, en attendant que quelqu’un le trouve et vienne nous chercher. Rassurant.

On commence à 4000m d’altitude. On suit un chemin de crête pas trop raide mais qui grimpe bien quand même, le long de petits murets de pierre servant probablement à délimiter les terrains de culture de quinoa, qui recouvrent les flancs bas du volcan. On arrive au premier mirador après une heure de marche, à 4360m d’altitude. La vue sur le salar commence à être complètement magique. Les montagnes environnantes grignotant sur l’étendue de sel, on a l’impression qu’elles surgissent d’un océan de nuages. La robe du volcan passe du rouge au blanc en passant par le rose, des couleurs qui n’existent pas sinon dans les contes. On a l’impression de gravir un paysage de légendes. On aperçoit quelques « Viscachas » courir entre les pierres, des espèces de lapins avec une tête de kangourou ! On continue l’ascension, ça devient plus raide et demande plus de concentration, avec des pierres de plus en plus bringuebalantes. Alice est crevée, elle nous attend à mi-chemin, sur la crête. Marc a carrément pris un autre chemin, celui-ci semblant un peu facile pour un alpiniste ! On n’a pas vraiment le droit de gravir le volcan et d’arriver jusqu’au cratère, mais juste de grimper en haut d’un petit sommet attenant. Mars semble s’en balancer. On est donc trois avec Ibon et Loréa à se retrouver au sommet du second mirador. On est à 4800m. 800m d dénivelé en 2h, avec cette altitude, ça n’est pas rien, et on est à bout de souffle. Le point de vue est encore plus féérique que le précédent, on voit le désert de sel qui s’étend dans toutes les directions, à perte de vue, au pied du volcan. Sublime.

La redescente est un peu longue et nécessite une bonne concentration pour ne pas se fouler la cheville sur un caillou branlant. On récupère Alice en chemin, mais aucune trace de Marc. On arrive jusqu’en bas, là où nous a déposé Edgar, et il nous reste encore 3 km de sentier pour arriver à l’auberge. Les basques ont pris une longueur d’avance, mais on parvient à faire du stop avec Alice et on leur fait des grands signes en passant à côté d’eux dans un 4x4… eux tirent un peu la gueule. A midi tout le monde est là, sauf… Marc. On parle à Edgar du fait qu’on l’a perdu dans la montagne, il prend une tête très sérieuse : « Donde esta Marc ? » (où est Marc ?), ne cesse-t-il de répéter. A chaque fois qu’il passe devant moi, il fait mine de pleurer sur mon épaule : « Donde esta Maaaaaaaarc ??? ». Puis il me regarde et explose de rire. Vers midi et demi, une heure après le RV, on a finit de manger (une bonne purée maison avec un plat de saucisses en rondelles et en sauce), toujours pas de nouvelle, on commence à s’inquiéter. Il finit par arriver à 12h35, sur le toit d’une voiture… il a bien gravit le volcan jusqu’à son cratère, et il avait mal compris le lieu et l’heure de RV, vu qu’il ne comprend pas tout en espagnol ! J’essayerai de bien tout traduire par la suite.

Marc ne prend pas même le temps de manger et on est reparti ! Après avoir à nouveau emprunté le salar en direction du sud sur une cinquantaine de km, la jeep s’arrête à côté de l’isla Incahuasi. Outre le fait qu’elle soit la seule bande de terre sur des km à la ronde, cette « île » vallonnée au milieu du sel est aussi recouverte de centaines de cactus géants ! On grimpe sur ses petites collines envahies de cactus, avec une vue à 360° sur le salar, on la sillonne de part en part. Encore un lieu bien pittoresque et envoutant. C’est ici qu’on doit récupérer celui qu’on appelle tous « le 6ème passager ». Très mystérieux. D’après la première note parvenue à Edgar, il devait être australien et s’appeler Rodrigo Ramirez ! Puis une seconde note stipule une certaine Andrew d’Angleterre. Andrew s’avère être un homme, évidemment, un bon vieux londonien, roux, évidemment. Pas évident d’arriver dans un groupe qui commence à se connaitre et à rigoler à longueur de temps sur des « running gags ». Il a l’air assez calme, ne parle ni espagnol (ou très peu) ni français (ces deux langues étant les plus parlé dans l’habitacle), et lit « Le labyrinthe de la solitude ». Pas gagné.

On repart un peu plus serré, cette fois en direction de la sortie sud du salar. Sur notre droite, la cordillère des Andes crée une frontière naturelle avec le Chili, regorgeant de volcans (pas en activité). On fait une pause au milieu du désert pour faire une dernière série de « photos débiles », tout le monde mettant du sien pour trouver des idées plus débiles que les précédentes (et on s’en sort bien). On finit par dire au revoir à l’étendue blanche, non sans regret.

Le chemin est maintenant en terre. Après quelques km de route bien pourave, à croiser des troupeaux de « bicuñas » sauvages (plus petits, moins poilus et plus rapides que les lamas, mais de la même famille), on arrive à St Juan, un petit hameau perdu, habitation esseulée au milieu de rien. Alentours, un paysage de far west « tibétain » : des montagnes bien rêches, des sentiers allant nulle part, du sable et des cailloux.

L’ambiance n’est pas bien à la rigolade ici, on se fait accueillir de manière assez austère par les hôtes des lieux, qui ne laissent pas échapper le moindre sourire malgré des tentatives de dialogues polies et drôles (hum) de note part. Un autre groupe débarque dans les lieux, eux non plus n’ont pas l’air de bien rigoler, on est vraiment bien tombé. On s’efforce quand même de discuter un peu en anglais avec Andrew. On doit payer pour avoir de l’eau chaude, et une fois allumée il faut la laisser couler… du coup on fait tous la queue devant la douche et dès que l’un sort l’autre fonce tête baissée sous le jet. On se dépêche, on n’est pas sûr qu’il y en ait pour tout le monde. Ca fait un bien fou. Dehors il fait en dessous de 0°. Une bonne soupe, un bon plat mélangeant tous les féculents possible (pâtes, riz et frites) et sources de protéines (viande et œufs…), et puis on achète des bières pour faire glisser le tout dans la bonne humeur, avant d’aller se coucher dans une chambre rien que pour nous avec Alice, dans le No man’s land de St Juan.

Dimanche 16 août. Tour du Sud-Ouest - Dia 3

Réveil à 7h, petit déj rapide, on décolle à 7h30 de St Juan. On a encore une longue journée de route vers le sud, jusqu’à la laguna colorada, autre merveille promise de ce tour du sud-ouest. En fait c’est une journée presque entièrement sous le signe des lagunas. Une lagune, c’est un lac, mais en moins profond. Enfin je crois.

Le paysage est semi-désertique, toujours très far west. Notre première sortie de voiture a pour objectif d’admirer le colossal volcan Tapacilcha, qui s’élève à 5800m d’altitude à quelques km de nous. En semi-activité, ce volcan dégage quelques fumerolles qui se dispersent au gré du vent. Un vent qui souffle de plus en plus fort. La lune, presque imperceptible, se cache dans le ciel, juste au dessus.

Je prends une photo d’Egar en train de pisser un peu plus loin. Très solennel, il me conte la malédiction du pipi : « celui qui prendra en photo Edgar urinant verra sa carte mémoire de photos reformatée ». Et merde. De mon côté, je lui fais croire qu’avec Alice, on fait partie d’une secte dont le but est de découvrir le corps momifié d’Elvis Presley dans le désert. On porte tous les deux le même T-shirt « Dig Up Elvis » (le groupe rock de Julien Doré), avec Elvis dessiné en squelette dessus. Connerie sur connerie.

On papote sans arrêt dans le véhicule, l’ambiance est top. Edgar nous raconte qu’un pote à lui a fait un tour du salar avec Leonardo Di Caprio. Délire. Et puis on parle un peu politique bolivienne : pour lui, Evo Morales n’a pas eu assez de temps pour faire ce qu’il voulait, et son prochain mandat risque d’aller plus loin dans les réformes. Tout en ayant pas mal de recul, il souhaite le voir reconduire, et trouve que beaucoup d’efforts ont déjà été faits en terme de construction de routes, d’électrification des villages reculés (c’est notamment le cas dans le sud-ouest que nous traversons), de prémice de système de retraites, d’augmentation du salaire de base (passé de 450 Bs = 45 € à 800 Bs = 80 € environ, ça reste très bas), de représentativité des classes pauvres, etc. Un autre témoignage qui me redonne un brun d’espoir.

Nouvelle pause. On est au bord de la Laguna Cañapa, à 4105m d’altitude. On est complètement seuls, pas une seule autre jeep à l’horizon (c’est loin d’être toujours le cas). Cette lagune est habitée par une centaine de flamands roses à la robe pimpante. Derrière, des montagnes aux couleurs terre, vert et ocre. Au dessus, le ciel, d’un bleu allant du clair au très profond en regardant à la verticale. Le mélange entre paysage désertique, désolation et magnificence de toutes ces couleurs qui se superposent est saisissant. On croise même des perdrix !

Nouvel arrêt, nouvelle lagune : la Laguna Onda. Edgar se demande où peut bien se trouver la laguna Toyota (haha). Il nous dépose pour qu’on profite de la promenade à pied le long de l’eau, et part plus loin nous faire à manger. Le spectacle est sensiblement le même qu’à la lagune précédente, mais on ne s’en lasse pas. Des flamands roses par centaines qui filtrent l’eau, volètent, animent ce paysage du bout du monde.

On rejoint Edgar, qui a dressé une table dehors. Le vent souffle encore plus fort, on se sert de pierres pour empêcher la nappe de voler. Milanesa de pollo (filet de poulet pané), pâtes ET patates (comme d’hab). Un renard l’air tout perdu et claudiquant sur trois pates pointe son nez, on lui file nos restes, il vient manger juste à côté de nous, pendant que des mouettes (Alice pense que ce ne sont pas des mouettes, mais appelons-les comme ça) essayent de piquer aussi quelques bequetées.

La route est de plus en plus cahoteuse et terreuse, le paysage de plus en plus désertique. On s’arrête devant un nouveau spectacle naturel : des pierres volcaniques disséminées dans le désert (ça y est, on est entouré de sable) et prenant des formes incongrues avec leur érosion millénaire. On y trouve notamment le fameux « arbre de pierre », qui ressemble plus selon moi à une girolle de pierre. On se promène un moment entre ces formes érodées mystérieuses, dans un décor sujet à de grandes bourrasques de vent qui nous aveugle régulièrement les yeux de sable tournoyant. Un vent de plus en plus glacial.

On tente tant bien que mal de se réchauffer dans la voiture. La route est longue mais on finit par arriver au but de la journée : la fameuse Laguna Colorada. Je dis fameuse mais je ne connaissais pas son existence avant ce voyage. Elle semble pourtant connue, elle fait partie de la liste encore en lice des 7 nouvelles merveilles du monde ! Je dis encore en lice car il y a en ce moment même des élections (!) pour définir ces 7 nouvelles merveilles. On peut voter ici : http://www.new7wonders.com/.

Bon, et franchement on peut voter pour elle. La laguna colorada est une immense lagune, à 4278m d’altitude, dont la profondeur ne dépasse jamais 80 cm et surtout, de couleur disons rouge rouille. Sa coloration provient des algues et du plancton qui prospèrent dans des eaux riches en minéraux. On y voit encore des centaines de flamands roses, de trois espèces différentes. On est vraiment dans un lieu riche en toutes les palettes de couleurs, plus encore que précédemment. De bas en haut, de la terre marron, des touffes de plantes vertes, un dépôt blanc le long de la rive, l’eau bleue, puis l’eau qui devient rouge, les flamands roses, les reflets dorés du soleil, du gel blanc qui recouvre une partie de l’étendue, des montagnes terreuses et ocres au sommet grisonnant et neigeux, et puis le ciel immense passant par tous les bleus. On a l’impression d’une image photoshop absolument pas crédible !

On finit par quitter cette vision folle pour se rendre au lieu de repos, quelques km plus au sud. Tout le monde nous a prévenu : on risque d’être exposé à des températures allant de -20° à -30°, dues aux vents glaciaux qui soufflent la nuit dans cette région hostile ! On est prêt. Le bâtiment est très sommaire. Pas d’eau chaude, pas d’électricité, et on dort à 6 dans le même dortoir (ça, c’est plutôt sympa). Pour se réchauffer, on achète 3 bouteilles de vin (bolivien et chilien) qu’on se partage en trinquant avec force conviction, à l’instar des autres tablées alentours (on est assez nombreux ici) qui n’y vont pas de main morte non plus. C’est notre dernier soir ensemble, et l’alcool tente de refouler la pensée du départ. Les langues se délient bien et les discussions partent dans tous les sens, et surtout dans tous les pays. On parle de voyages, de façon de voyager, de tous les continents, de la difficulté de revenir au monde « normal » après une coupure d’un an à parcourir le monde. Marc, qui est consultant financier, nous raconte à quel point il était difficile pour lui de comprendre l’intérêt de « tout optimiser », à la moindre virgule, au retour de son périple. Andrew vient de voyager 6 mois, il repart dans 10 jours et déprime déjà. Les basques parlent de leur itinéraire prévu pour les 4 prochains mois… moi ça me fait complètement rêver, cette discussion est presque dangereuse !

On finit par tous s’emmitoufler dans des couches et des couches pour lutter au mieux contre la rudesse du climat, et on s’endort encore plein d’images dans la tête, qui continue à voyager.

Lundi 17 août. Tour du Sud-Ouest - Dia 4

Ibon nous réveille tous à 5h. La nuit n’a pas été aussi froide qu’on nous l’avait prédit et on se réveille presque transpirant sous nos multiples couches. On se dépêche d’empaqueter nos affaires, un petit pipi, et hop dans le « 948 BAG ». Il fait encore nuit noire, on a des millions d’étoiles pour seule compagnie, et puis la lune, qui se lève juste, petite virgule reprenant son cycle de croissance.

Le calme relatif règne quand même dans le landcruiser, je somnole un peu en regardant le spectacle à travers la fenêtre. Réveil soudain. On est arrêté juste à côté d’un grand geyser de fumée qui sort puissamment du sol à la verticale. On sort, il fait glacial. L’aube commence à pointer au loin. Tout autour de nous, il n’y a que désolation volcanique et fumée sortant du sol, et puis ce geyser d’où surgit une vapeur chaude (on met les mains devant pour se réchauffer) qui empeste le souffre. Au réveil, ça fait bizarre, on a l’impression d’être dans un film post apocalyptique à la John Carpenter. On rentre dans la voiture aussi vite qu’on en est sorti, il fait vraiment trop froid. Dix minutes plus tard à peine, rebelote, il faut ressortir. Cette fois plus de gros geyser, mais des dizaines de fumerolles chargées d’odeur sulfureuse, sortant d’autant de petits cratères bouillonnants d’un liquide saumâtre. Je me perds entre les cavités fumantes, je ne me sens définitivement plus sur terre. Le « Sol de Mañana » (c’est le nom de ce lieu) est à 4850m d’altitude, et il y fait pas loin de -30°, ce qui rajoute encore à la fascinante inhospitalité de ce paysage de science-fiction. De retour dans le 4x4, impossible de se réchauffer, on a tous les orteils gelés. Ca recommence quand même à déconner avec Edgar.

Il n’est pas loin de 9h quand on s’arrête à nouveau, et le soleil a déjà pris un poil de hauteur. On est cette fois stationné à côté d’une source thermale d’eaux chaudes ! Le soleil a commencé à réchauffer l’atmosphère et il ne doit plus faire très loin de 0°, pour autant l’envie de se dépoiler dehors n’a absolument rien de naturel. Le bassin est fumant et 2 ou 3 personnes baignent déjà dedans en nous disant de venir les rejoindre, que c’est le bonheur. Crédules, on se change tous en quelques instants (et en criant) et on saute dans le bassin. L’eau doit être autour de 30-35°, c’est effectivement le bonheur. Dedans, on est tellement entouré de vapeurs que même la température extérieure parait agréable. Mes pieds me brûlent, passer de l’état congelé à très chaud leur fait tout bizarre. Certaines personnes ont même du mal à entrer dans l’eau, ils y vont cm par cm, comme si l’eau était glacée ! Malheureusement Alice n’a pas prévu de maillot de bain ni de vêtements de rechange (dans le sac, sur le toit de la voiture) et préfère ne pas se baigner. Moi je suis aux anges. Le soleil continue de monter, éclairant les montagnes et les volcans alentours, alors que je me prélasse dans cette baignoire extérieure naturelle en profitant du spectacle. Au bout d’une vingtaine de minutes, Edgar nous convie pour le petit déj, et sortir de l’eau s’avère plus difficile encore que d’y rentrer ! On se change à toute allure, mes cheveux gèlent immédiatement, ainsi que l’eau des serviettes et des maillots dès qu’on les pose pour les faire sécher.

Après un bon petit déjeuner en intérieur à base de gâteau bourre-bourre et de « smacks » locaux au yaourt liquide, on est bien ragaillardi, l’eau thermale nous donne l’impression d’être réchauffé pour la journée. On continue notre route vers la pointe sud-est du pays, dans un environnement toujours très désertique. On aperçoit bientôt les trois volcans bordant la frontière chilienne, dont le Licancabur, haut de 5960 m et dont le sommet abriterait une ancienne crypte inca. A ses pieds, le magnifique lac à la robe verte, appelé « Laguna Verde ». En vérité trop profond pour être une lagune, on ne va pas chipoter, on est quand même dans le pays des lagunes, merde. C’est une importante concentration de carbonates de plomb, de souffre, d’arsenic et de calcium qui donne cette coloration à l’eau du lac, en plus du vent glacé fouettant en permanence sa surface, mettant en valeur sa brillante écume. Autant dire qu’il n’y a aucun signe de vie dans ce lac toxique, et qu’on n’a pas intérêt à s’y baigner. Mais c’est beau, et avec le volcan au sommet rouge et blanc derrière, il se dégage une fois de plus un florilège de couleurs.

Encore quelques kilomètres au sud, et nous voilà à la frontière chilienne. C’est ici qu’on dit au revoir à Loréa, Ibon et Andrew, qui se rendent tous trois à San Pedro de Atacama au Chili. Beaucoup de voyageurs choisissent cette option pour quitter la Bolivie et continuer sur les hauteurs chiliennes. Bien sûr on s’échange nos mails, bien sûr on se dit au revoir chaleureusement, bien sûr on s’invite les uns les autres à l’occasion. C’est donc amputée d’une moitié que la joyeuse compagnie repart vers le nord. Et à peine quelques km plus loin, c’est Marc qu’on va déposer à son tour au pied du volcan. Il va lui aussi partir en direction du Chili, mais ne voulait pas s’y rendre avant d’avoir gravi le Licancabur. Accolades renouvelées.

L’habitacle est maintenant bien triste, on n’est plus qu’Alice, Edgar et moi pour le long chemin du retour jusqu’à Uyuni. Un bon point, on est beaucoup plus confortable. Alice se pose sur la banquette arrière et moi devant avec Edgar, alors qu’on était jusque là toujours coincés tout derrière, au niveau des roues, sans grande place pour les jambes. Les 6 ou 7 heures de route (de chemin) pour rentrer n’ont pas un intérêt immense, sinon le loisir de se reposer pour Alice et de discuter avec Edgar pour moi, tout en chiquant des feuilles de coca. Je lui pose plein de questions sur sa vie, il me raconte qu’il a trois enfants de 12 (Edgar junior), 16 et 18 ans (deux filles ainées), que sa femme les a quitté il y a 5 ans pour un jeune chilien, qu’il gagne 1300 Bs par mois avec ce boulot qu’il adore (ça se voit), qu’il compte continuer encore 18 ans (jusqu’à ses 58 ans) à arpenter les routes du sud-ouest bolivien, qu’il est en train de racheter l’agence existante « Nueva Aventura » (courrez-y tous), qu’il aimerait partir en vacances au lac Titicaca ou au Mexique avec ses enfants… De son côté il me pose plein de questions sur la France, sur moi. Bien sûr une phrase sur deux est une connerie, dite très sérieusement et suivie d’un éclat de rire. On a un peu le même humour, avec Edgar, on se comprend bien et on rigole comme des cons. On chante aussi beaucoup, on invente des paroles en espagnol. Depuis le début du voyage, Edgar chante « Perdonala, perdonala, Dios moi, perdonala, na sabe lo que hace !!!! » (Pardonne la, pardonne la mon Dieu, pardonne la, elle ne sait pas ce qu’elle fait). Une chanson qu’il a inventée et qu’il ne cesse d’entonner super fort, dès qu’un petit silence s’est installé. On peut le dire, je suis le premier fan d’Edgar. On arrive en fin de journée à Uyuni. On n’a fait qu’une pause pour déjeuner une frugale platée de riz, tomate et thon mayo arrosé de Coca, le voyage a été bien épuisant, avec des routes bien pourries. Accolade à nouveau, avec Edgar cette fois. On lui file quelques 200 Bs supplémentaires pour le remercier de ces 4 jours incroyables, en lui promettant de recommander son agence autant que possible. Il nous dépose à l’hostal « Marith ». Ca y est, on est seuls.

Alice va se doucher pendant que je vais me promener dans le marché couvert du coin. J’achète un bouquet de fleur à une jeune fille qui s’applique à faire un truc bien joli, et puis plus loin un chapeau melon. Des vieilles marchandes me demandent pour qui sot les fleurs, je leur répond pour ma copine, elles sont toutes émeus, me disent que c’est très gentil de ma part et me couvrent de sourires et d’encouragement ! Vous inquiétez pas, je gère l’image des français.

Le soir, on traverse la ville pour manger un bon cheeseburger et une bonne crêpe fourrée au resto « La Loco », tenu par un français, à l’ambiance tamisée, feu de bois central, verre de vin, crêpe à la pomme caramélisée, Pink Floyd en fond sonore. Sur le chemin du retour, toute la population est encore en train de danser sur de la musique locale diffusée à fond par de multiples enceintes tournées vers la rue, femmes et filles d’un côté, hommes et garçons de l’autre. On s’emmitoufle dans le lit et on s’enfile deux épisodes de « Damages » (génial) avant de dormir d’un sommeil de plomb.

Mardi 18 août. Lever vers 7h30, et douche à peine chaude et sans pression. Vers 8h30, Edgar surgit dans notre chambre pour nous donner la carte de son agence, nous souhaiter une bonne suite de voyage et nous faire une dernière accolade amicale. Un Edgar au réveil, ça fait toujours du bien. On va reprendre des forces avec un petit déj bien complet avant de filer dans le bus qui doit nous emmener jusqu’à Potosi. Dans le bus, une famille française insupportable qui commente tout avec une espèce d’insupportable suffisance nous oblige à monter le son de nos écouteurs.

Jeudi 20 aoûtPotosi / 10h50

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