08 août 2011

Les mystères de l'Ouest malgache

Lundi 8 août

Internet, enfin ! Madagascar est extraordinaire par bien des points, et notamment sa faculté naturelle à se couper du monde. Rien de plus facile ici. Et rien de plus galère quand on tient un blog et qu'on aimerait pouvoir donner des nouvelles régulièrement. Mais pour tout avouer, ça fait un bien fou d'être coupé à ce point là de toute forme de communication. Cet état de fait est probablement dû en partie au côté particulièrement sauvage de l'ouest malgache. Huit jours passés à parcourir terres, rivières et montagnes d'une région débordante de curiosités naturelles fascinantes, en compagnie d'une joyeuse troupe bien métissée. Même si on se serait bien passé des cons.

J'ai essayé de foutre quelques photos directement dans le blog pour une fois.
Il y en a plus
ICI (pour ceux qui n'ont pas Facebook).


Vendredi 29 juillet

Réveil. Il est tôt mais il fait déjà jour et beau. Je boucle mon sac rapidement pour avoir le temps de passer un peu de temps dans le (seul ?) café Internet du bled. Retour en pousse-pousse. La ville en dénombrerait 7000, et les "chauffeurs" galèrent pas mal. La majorité d’entre eux louent leur véhicule pour la journée et dorment entassés dans des dortoirs d’Antsirabé en attendant de ramener un peu d’argent à leur famille qui crèchent en dehors de la ville.



A mon arrivée devant le Green Park, tout le monde est là, ready to go. Fabien, qui n’a pas trouvé assez de touristes de son côté, est venu nous dire au revoir. Le simple fait de voir sa bonne gueule fout la patate. On grimpe dans un minibus, les bagages sont entassés à l’arrière… départ en direction de l’Ouest.

Le chauffeur roule comme un malade sur des routes "douteuses" à "clairement cabossées", et s’enfile 250 km en 4 petites heures. Les sacs ne cessent de tomber de leurs sièges, et on s’agrippe comme on peut à son voisin. On sent le climat changer en même temps que le paysage se transforme. Des hautes terres d’Antsirabé, bien ensoleillées mais jamais suffocantes, avec des terres fertiles et bien irriguées, on passe à des paysages plus arides et montagneux (genre falaises ocres de l’ouest américain) et la chaleur monte au fur et à mesure que le minibus descend en altitude. On traverse encore nombre forêts, petits villages et autres champs cultivés avant d’apercevoir en contrebas la grande rivière Tsiribihina et la ville de Miandrivazo, point de départ de notre descente en pirogue.

On élit domicile dans un petit gîte sympa, avec des lits affublés de moustiquaire, abords du fleuve oblige. Le village n’est à l’évidence pas riche, les habitations sont sommaires, l’électricité fournie par des groupes électrogènes.

Une promenade sur la rive s’impose, on observe les traversées de pirogues dans le contrejour du soleil déclinant. Le village est calme, même si des enfants nous entourent rapidement en criant "Vasaha" et en nous prenant par la main, hilares. Les cheveux longs ne sont pas courant ici. Avec Lolo, on est un peu des spécimens. Ils réclament qu’on les prennent en photo, pas contre un billet, juste pour se regarder après et prendre des fou-rires. Ok, ils réclament des bonbons. Ok, on craque. Les silhouettes des piroguiers se détachent devant un soleil qui se couche sur lla rivière, ça pose.



Retour au gîte. Le couple "prout-prout" veut tout organiser, et surtout qu’on reste tous ensemble. Bribe de discussion :
Eux : - on mange où ce soir ?
Nous : - pour l’instant on allait se boire une petite bière ici, on verra plus tard pour manger, on se promènera et on improvisera
Eux : - Ah, super idée, prenons l’apéro ici avant d'aller au resto.

Aucun resto ne nous accepte, n’ayant pas assez de provision pour faire à manger pour sept ! On finit par trouver grâce dans une enseigne perchée un peu plus haut à qui il reste un ou deux poulets qu'ils peuvent agrémenter de frites. Un autre groupe mange sur la même terrasse, des belges dont la plupart n’ont pas pu récupérer leur bagage en arrivant à Tana. Leur guide vient tchatcher avec nous, la discussion est passionnante. Il nous parle de la tristesse que lui provoquent les problèmes de sono pays et l’instabilité politique préoccupante.

Selon lui, le pays n’a jamais su exploiter un sous-sol richissime (pétrole, minéraux, matières premières…) et des sols fertiles qui devraient permettre, avec une volonté politique, un véritable développement économique. Il se plaint des dissensions entre les 18 ethnies de l’île, attisées par partis politiques différents qui essayent tous de monter les unes contre les autres pour tirer leur épingle du jeu. La population malgache est pourtant plutôt unie au départ, même s'il subsiste quelques tensions historiques entre les habitants des hautes terres du centre et ceux des côtes. Les élites seraient systématiquement corrompues, s’enrichissant au détriment d’une grande majorité pauvre. Dès qu’un homme politique semble vouloir changer de cap, il se cogne à un système branlicotant où l’argent disparait dans des tas de poches intermédiaires, empêchant les réformes de se mener à bien, les écoles et les routes de se construire, une classe moyenne se créer, et par la même l'économie de se relancer sainement. La merde.

Les régimes se sont succédé sans parvenir à grand-chose. Ratsiraka est passé de socialiste révolutionnaire dans les années 70 à grand défenseur d’une économie libérale dans les années 90. Ravalomanana, qui lui a prit le pouvoir en 2002 après une crise née d’élections dénoncées frauduleuses, a tenté de faire bouger les lignes dans le bon sens et d’engager des réformes… tout en enrichissant sa famille et ses entreprises et en rachetant les médias. Un classique. Il a aussi ouvert le pays aux investissements américains, africains et chinois au détriment de la France, mise un peu sur la touche, qui ne serait pas étrangère au coup d’état de Rajoelina en 2009 ! Ce dernier, jeune homme d’affaire aux dents longues (34 ans), maire de Tana, surnommé "TGV", s’octroie le pouvoir malgré l’interdiction par la constitution malgache degouverner le pays avant 40 ans révolus. Depuis son arrivée au pouvoir, qu’il estime transitoire (des élections en bonnes et dues formes sont promises depuis 2 ans), la liberté de la presse n’a cessé de se dégrader, l’analphabétisation gagne encore du terrain…

Le guide est très véhément, on sent qu’il a besoin de s’exprimer, il nous remercie de venir à Madagascar et de parler de la situation autour de nous. Il emploie des formules marrantes comme : "Je ne ferai jamais de politique, ce n’est pas mon rôle, je ne serai jamais partisan… mais je ne laisserai pas un gamin de 35 ans décider de l’avenir de ce pays !" ou encore "je ne critique pas, mais si j'ai une bouche, c'est pour parler".

Il nous éclaire aussi sur les fadhis, sortes de tabous visant à respecter les ancêtres, variant d’une ethnie à une autre. L'un d'eux interdit aux femmes de mettre au monde des jumeaux ou des triplés. Les malheureux sont alors déposés à la naissance à l’entrée d’un enclos de zébus et piétinés par le troupeau. Un autre oblige le père à manger le prépuce de son fils circoncis avec de la banane. Nice.

On fait un peu mieux connaissance avec nos compagnons de route.

Olivier et Christine, premiers rencontrés, sont très sympas. Ils habitent au Mans, lui est instit spécialisé dans les cas sociaux, détenus et autres handicapés, elle est infirmière. Ils ont des enfants de 16 à 24 ans, leurs fils ont les cheveux longs, ils écoutent de la chanson, aiment les Cowboys Fringants et Renan Luce…

Olivier (2) et Catherine, prof de sport et architecte, ne semblent pas si affreux… on verra bien. S'ils ont déjà beaucoup voyagé et ne sont pas là par hasard, ils semblent manquer furieusement de rock ‘n roll.

On termine la soirée avec Lolo et Alice en discutant à la terrasse d’un café avec les piroguiers qui vont nous conduire le lendemain, et leur potes, bien entamés par les THB, racontant pas mal de conneries, nous proposant du pouf-pouf (quelque chose à fumer) et nous parlant des jolies filles de Morondava qu'ils vont voir quand ils sont loin de leur femme.

Au moment de se mettre au lit, rencontre avec Moï et Linda, le dernier couple qui a fait la route en taxi brousse de Tana à Miondrivazo en une journée et qui vient d’arriver pour se joindre au wagon. 30-35 ans, tout sourires, habitant à… Tassin la demi-lune !


Samedi 30 juillet

Lever aux aurores. Les coqs du bled ont la particularité originale de se réveiller (et de nous réveiller) dès minuit, et jusqu’à 6h le matin !

Petit déj copieux avant le départ en pirogues. Notre flotte est composée de quatre embarcations en bois. Un couple par pirogue (on accepte Lolo dans la notre) + 1 piroguier en chef à l’arrière + 1 ou 2 accompagnateurs malgaches dispatchés (jeunes frères et sœurs des piroguiers qui veulent nous accompagner, Max le guide, Hadza le cuisinier, …) + beaucoup de matériel (braseros, couverts, packs d’eau, matelas en mousse, tentes, bagages…) + 3 poules vivantes ! On appelle ces dernières Nicolas, Carla et Claude, pour être sûr de ne pas trop s’attacher.



Dans notre pirogue, équipe de luxe :
  • Ferdinand,16 ans, chef piroguier, pas très loquace mais très gentil et qui envoie du lourd avec la pagaye.
  • Martin, 9-10 ans, son petit frère, tout fou, rigolo, et qui envoie du lourd avec la pagaye.
  • Alice, Lolo et moi-même, plutôt contents d’être là, bien installés sur nos matelas en mousse, adossés aux sacs, une pagaye en bois à se partager à trois… on la laisse généreusement à Lolo, en se disant qu’il est de toute probabilité qu’il envoie du lourd avec la pagaye.
Le voyage commence. La pirogue tangue un peu, c’est loin d’être désagréable. On est vautré, on est bien. Sur la première partie de la descente, la végétation n’est pas si dense. Des terres vaguement cultivées, des champs en friche, quelques arbres. Quelques oiseaux qui se manifestent le long du parcours, hérons, martins pêcheurs, un rapace aussi.

Hadza se jette à l’eau, remonte dans les arbres du bord, et nous ramène un gros caméléon sur une pagaie, qu’il tend juste devant ma gueule. Vraiment trop cheulou cette bestiole, je suis pas rassuré.

On passe quand même globalement toute la journée à ne RIEN faire, sinon regarder défiler le paysage, prendre le soleil, et se laisser bercer par le son des coups de pagayes dans l’eau et le mouvement de balancier lancinant de la pirogue. Des familles de paysans nous disent régulièrement bonjour sur les rivages, surtout des enfants qui courent un moment sur le côté pour nous accompagner et discuter avec les piroguiers. Max nous a expliqué qu’en absence de planning familial, les couples avaient souvent jusqu’à 10 ou 12 enfants, surtout dans les campagnes. La plupart ne vont pas à l’école et vont travailler dans les champs dès qu’ils en ont la force.



Petite pause à côté d’un village pour déjeuner, tous les enfants viennent une fois encore se joindre à nous. Hadza nous a préparé un repas de compèt, il a épluché des légumes en julienne et fait mijoter le tout avec un assaisonnement parfait depuis la pirogue, sur un brasero posé en son centre ! Une bonne viande de zébu avec ça, on se régale. On reprend le fil de l’eau le ventre plein.



Le calme absolu reprend son droit. Ni montre, ni téléphone, ni connexion, ni rien, juste la pirogue, la nature, les arbres, la rivière, la glande, accompagnés du petit sifflotement de Ferdinand à l’arrière.

Arrêt sur un terre-plein désertique recouvert de sable pour passer la nuit. On plante des tentes qui ont déjà bien vécues et dans laquelle on rentre difficilement à deux avec les bagages. Le soleil ne tarde pas à se coucher derrière le fleuve, l’horizon explose de couleurs.



Max nous propose de nous poser sur une nappe de fortune et nous amène l’apéro. Des princes. Rhum arrangé à la vanille, ça passe tout seul. Moï est déjà bien éméché, il avoue avoir éclusé toute la journée une bouteille de rhum local concocté par un des piroguiers, "L’eau de la Tsirhibina", probablement distillé avec l’eau de la rivière mélangé avec quelques douceurs pour tenter d’atténuer son côté débouche-chiottes.

Excellent ragout de légumes, pâtes, viande de zébu bouillie, tranche d’ananas… tout est goutû, parfaitement assaisonné et fait à base de produits frais, un régal.

Quelques verres et accords de guitares plus tard, l’ambiance devient véritablement détendue. L’instrument (tout désaccordé, plein de trous, rafistolé à la zob) passe de mains en mains. Des mélodies malgaches, françaises ou espagnoles montent dans une nuit noire constellée de mille étoiles, dont la croix du Sud qui se détache nettement au dessus du fleuve, hémisphère sud oblige.

Et puis le silence, le calme, la nature qui bruisse, qui chuchote d’incompréhensibles secrets. On reste là à terminer les bouteilles et à discuter, les gens vont se coucher progressivement, les derniers à une heure qui nous semble exagérément tardive… il n’est que 22h.


Dimanche 31 juillet

Max réveille le camp avec 3 (faux) accords de guitare au lever du jour. Le petit déj est déjà prêt, œufs au plat, cafés. Pliage de tentes. On est sur l’eau.

Le paysage change dès le matin, il y a plus de végétation autour, de forêts. Et avec les arbres plus d’animaux à chercher des yeux. On ne tarde pas à apercevoir des lémuriens, ces fameux primates qui n’ont survécu sur la Grande Ile que grâce à l’absence de leurs cousins les singes, qui auraient provoqué leur disparition dans le reste de l’Afrique. Des crocodiles aussi, qui se font bronzer peinard au soleil sur les rochers prêt de l’eau, et qui plongent dans le courant dès qu’on les dérange un peu trop.



La flore est tout aussi passionnante à découvrir… bon, surtout pour des botanistes. Pour moi, ça reste des arbres et des fleurs. Mais à ce qu’il parait, l’endémisme à Madagascar est véritablement dingue. Pour les moins cultivés d’entre vous (j’en faisais partie peu de temps avant d’écrire ces lignes), une espèce endémique est une espèce qui n’existe que dans une région ou un pays. En l’occurrence, 85% des espèces végétales de Madagascar sont endémiques, comme 95% des poissons d’eau douces, les cinq familles de lémuriens, 98% des reptiles et amphibiens, plus de 40% des oiseaux, et 2900 espèces de papillons environ (on va pas mégoter). Et bon, sans dire que ça se voit, ça fait plaisir de le savoir et de se sentir dans un endroit unique.

Vers midi, les pirogues arriment aux abords d’une cascade, un cadre trois étoiles pour déjeuner. Martin, le gosse de la pirogue, choppe les trois poules par les pattes d’une seule main et les saigne à la gorge une à une, de manière aussi naturelle que j’éplucherais une carotte (peut-être même plus aisément).

Vers le coin d’eau, on est entouré d’autres groupes de vasahas, mais l’étape n’est pas désagréable : baignade, douche, massage naturel avec le flot de la cascade. Alice et Christine tentent d’apprendre à Rova (prononcer « Rouva »), la nièce de Max de 12-13 ans, à nager. Le soleil n’a pas débandé depuis notre départ, il fait chaud et l’eau fait du bien à tout le monde.

Pendant le déjeuner, notamment composé de spaghettis aux (très frais) abats de poules, plusieurs sifakas (lémuriens blancs) nous observent quelques mètres seulement au dessus de nous, dans l’arbre qui nous fait de l’ombre.

L’après-midi défile tranquillement au rythme de l’eau, agrémentée de siestes bien méritées, de silences contemplatifs, de lecture aspirantes et de trois coups de pagayes à l’envie (toujours raisonnable). Le cul en prend quand même un coup en fin de journée.



Installation du campement sur une parcelle à peine moins désertique que la veille, les tentes toujours amorties dans une zone sableuse. Le traditionnel coucher de soleil vient sonner le glas de ce deuxième jour en pirogue, et c’est avec plaisir qu’on s’apprête à faire la fête à Nico, Claude et Carla, préparés avec un soin tout particulier, bien marinés, épicés et croquants sur le dessus, tendres à l’intérieur. On hallucine sur les résultats culinaires obtenus avec trois bouts de ficelle et deux braseros. Je tombe sur une cuisse plutôt charnue… sûrement pas celle de Carla, que je parierais plus légère.

La discussion continue tard, ça parle voyages essentiellement, Catherine nous parle de ses baroudages de jeunesse en Guyane tout en se plaignant de l’inconfort d’une tente, tout le monde est bien détendu. Malgré tous les bons moments passés avec les malgaches en journée, ils continuent à préférer ne pas trop se mélanger avec nous, une gêne subsiste malgré nos tentatives répétées de les inviter à notre nappe. Ils dorment tous à même le sol, sans tente, on est vraiment privilégié. Seul Max passe plus de temps avec nous pour discuter et nous briefer sur la suite, toujours calme et aux petits soins, avec la pointe d’ironie qui va bien. Il a l’adorable accent malgache qui transforme le JE en ZE et les CHE en SE. "Change" devient ainsi "Sanze"… après quelques jours, on comprend. Parfois.


Lundi 1er août

Le troisième jour de pirogue commence après le tralala matinal classique : réveil à 6h, petit déj de rois au milieu de rien, pliage du campement. Après deux jours de bivouac, on commence tous à avoir de bonnes têtes de vainqueurs. Nos accompagnateurs malgaches sont eux toujours en pleine forme, surtout les gamins qui ne se plaignent jamais de rien et ne rechignent devant aucune injonction de la part des plus grands.

Les embarcations traversent des terres plus vertes que la veille, avec de nombreuses plantations de tabac, de patates douces ou encore de haricots. Niveau bestiole, des chauves-souris sortent en masse d’un trou de falaise pour nous suivre du regard, un immense papillon noir à pois jaunes (ou blancs) nous survole, et des petits crocodiles continuent leur bronzette au soleil.

Sur les rivages des enfants crient, d’autres jeunes nous demandent nos bouteilles d’eau en plastique vides pour leur offrir une seconde vie, des vieux nous observent sans bruit, un peu hagards, d’autres encore jouent de la musique, notamment sur une petite guitare genre ukulélé local. La musique malgache la plus courante est un mélange de rythmiques world, reggae et samba avec des sons de sirènes, de sifflets et… d’accordéon. Ce qu’ils appellent rock est plutôt de la pop guimauve à plusieurs voix. Il me tarde de découvrir leur scène métal.

Midi sonne la fin du voyage le long de la Tsiribihina. On remercie chaleureusement les piroguiers, Hadza, Martin, toute la troupe qui va après une courte pause prendre le chemin du retour pour Miandrivazo à contre-courant. Ils peuvent en avoir pour 5 jours à l’aide d’un bâton à remonter le fleuve, à moins qu’ils ne se fassent remorquer par un des rares navires à moteur qui sillonne le fleuve contre un bon billet. En pleine saison des pluies, avec la crue du fleuve et le courant, ce même trajet peut prendre jusqu’à trois semaines !



Gros comité d’accueil hétéroclite dans le petit hameau du bord de fleuve et déjeuner entouré de nombreuses personnes nous regardant manger, notamment des enfants au ventre ballonné, symptôme typique de malnutrition… ça coupe un peu l’appétit.



Petite balade de 4km à pieds pour rejoindre le petit village d’Antsiraraka, alors que les sacs sont transportés sur des charrettes tractées par des zébus, sur lesquelles on grimpe aussi par intermittence pour passer des gués de rivière ou des tronçons inondés. Le commander in chief des charrettes à zébu est un vieil homme pas vraiment commode mais qui dégage un certain respect, plus dû à la hachette qu’il manie à démesure qu’à son âge avancé. Le long du chemin, les rizières sont verdoyantes et beaucoup plus hautes que précédemment. Le soleil tabasse. Les paysans travaillent dans les champs, portent des sacs de riz volumineux et suent à grosses gouttes.

A Antsiraraka, arrivée dans l’enchevêtrement de petites huttes de bois, bambous et de feuilles de palmiers qui nous sert d’hôtel. Les chambres sont pourvues de vrai lit, ça va faire du bien. Les douches sont assez sommaires, avec juste un seau rempli d’eau de la rivière et des récipients en plastique pour s’en asperger…, à l’africaine. Le pire, c’est qu’on se lave très bien et qu’on s’aperçoit qu’on a besoin de beaucoup moins d’eau qu’on peut le penser pour prendre une bonne douche complète… ça fait réfléchir.

Le soir, bonne bouffe tous ensemble. La descente en pirogue et la marche en plein cagnard a bien séché tout le monde, mais à part Catherine et Olivier qui continuent à se plaindre à grands coups de petites remarques que j’ai de plus en plus de mal à supporter, le groupe s’entend bien, est ultra content d’être ici et s’apprête à savourer une nuit en dur. Ce qu’on fait tous après quelques derniers verres de THB et de Carte Noire, un alcool local pour le moins surprenant, présenté sur l’étiquette comme "un rhum extra fin au goût subtil et inimitable, qui ravira les connaisseurs avertis". Effectivement, il vaut mieux être averti.


Mardi 2 août

Réveil à 5h30… en pleine forme ! Ça doit être l’effet vacances combiné au Carte Noir...
Aujourd’hui c’est 4x4 toute la journée pour atteindre la région des Tsingys, le deuxième temps fort du tour. On se retrouve avec Alice et Lolo dans le véhicule de Catherine et Olivier. Pas de chance. Le chauffeur est tout doux et souriant, il écoute de la pop malgache mièvre et lancinante, mélange de Walt Disney et de comédie musicale. Moi j’aime bien.



Pause de mi-parcours à Belo sur Tsirinbihina, juste après avoir navigué avec les 4x4 à l’aide d’un bac sur plusieurs km le long du fleuve, pas loin de l’embouchure de la mer. Le marché du bled est en pleine activité, on rachète plein de fournitures nécessaires (eau, mouchoirs, clopes…). On peu acheter de nombreuses épices et autres denrées alimentaires, la plupart étant vendu par unité de kapokas, correspondant à la contenance d’une boite de conserve vide de lait concentré. De nombreuses femmes ont le visage peinturluré de pâte d’écorce pour soigner leur peau, comme en Birmanie.



Déjeuner dans un resto : médaillons de gambas au beurre et à l’ail, des bananes rôties caramélisées au gingembre… on n’en peut plus de bien manger.

L’après-midi, la route se corse : 100 km à parcourir sur de la piste secondaire cahoteuse bien pourrie, voire à chier sur les 25 derniers Km. Presque 5h de route. On finit par arriver à Bekopaka après avoir passé un autre gué en bac. La mine soulagée, l’estomac dans les chaussettes.



On est reparti pour 2 jours de bivouac sur la rive du fleuve Manombolo. Sauf Catherine et Olivier qui se sont payé deux nuits dans un hôtel de luxe avec piscine à 2 km de là, tout en disant que si les lits étaient aussi inconfortables que la veille, ils préféraient encore dormir en tente. Classe.

Effectivement, le confort du camping reste rudimentaire, avec des douches froides à l’africaine, à l’eau du fleuve, et des trous dans le sol en guise de toilette, mais personne d’autre ne s’en plaint, tout le monde est ravi des attentions de Max, de l’organisation sans accroc, des repas succulents et de la bonne ambiance qui règne. Rova est de plus en plus à l’aise avec nous, et Ludovic, autre gamin de la famille qui nous a rejoins après les pirogues, est lui aussi super bon trip.

On dîne sur une terrasse couverte en dur, encore des gambas, entières cette fois. La soirée est particulièrement agréable. Christine, toujours très attentionnée et qui nous materne un peu (Olivier trouve qu’elle nous parle à Lolo et moi comme à ses "gars"), commence à se lâcher. Le couple est en fait en voyage de noces, ils viennent de se marier après 27 ans de vie commune ! Linda et Moï sont eux aussi en pleine forme, ça rigole à fond. Étonnant comme l’absence des deux relous peut détendre une ambiance de groupe. On goûte quand même à la bien nommée Eau de Monombola, préparation de Max à base d’un de ces rhums "au goût inimitable", dans lequel il a ajouté de la banane et du miel pour tenter de nous cacher le tord-boyaux qui se cache derrière. Petit malin.


Mercredi 3 août

Lever à 5h30… les boyaux tordus ! Un mal de ventre plutôt explicite, les contractions intestinales douloureuses ne laissent pas de doute quand à la teneur des festivités qui s’annoncent. On me renvoie une image pas bien glorieuse avec ça, une sale mine au joli hâle verdâtre. On doit partir à 6h30 pour les Tsingys, je n’imagine pas abandonner après avoir être arrivé jusque là, ça me rendrait plus malade encore, du coup je rejoins le 4x4 après un dernier passage à la case toilettes, tout le monde m’attend.

Une heure d’attente au bureau des autorités du parc (Mora mora), récupération de deux guides, Augustin et Rénadi. Il reste une vingtaine de km de piste défoncée vers le nord avant d’arriver à l’entrée des Grands Tsingys. Dans la précipitation, je me rends compte avec un temps de retard que j’ai oublié d’enfiler mes chaussures de marche, indispensables pour affronter les arrêtes rocheuses effilées omniprésentes. M’en fout, j’irai en tong (ou plutôt en sandales allemandes). Malade, en tong. Malgré l’évidente pitié que je provoque chez autres, je pense les faire bien rire sous le manteau.

Avant de parler de la journée, prenons le temps de lever le mystère sur ces curiosités géologiques appelées Tsingys. Alors voilà, la Grande Ile se sépare de la "plaque Africaine" il y a 160 millions d’années (on est toujours sur de l’estimation, hein). Sa partie ouest est d’abord immergée dans l’océan, émerge quelques millions d’années, replonge un moment, revient au grand jour… les étonnantes "cathédrales karstiques" dressées actuellement sont le fruit de cette indécision. Avec le coup de pouce d’un bon mouvement tectonique des familles, quand même. Et voilà une immense forêt de montagnes calcaires, recouvrant un parc de 250 km du nord au sud et d'environ 17 km d'est en ouest. Les pointes acérées si particulières sont dues à l’érosion, accélérée par la tombée de pluies acides à l’époque ou l’activité volcanique de l’île emplissait l’air de souffre.



Le spot me fait penser à la forêt de Shilin dans le Yunan en Chine, formé de manière comparable, recouvrant une superficie impressionnante aussi, mais d’une hauteur beaucoup plus modeste.

On est un peu moins cons, on peut y aller. Augustin et Rénadi guident le groupe dans un dédale de pierres entrecoupé de zones de forêts. Dans la forêt, des lémuriens toujours, les fameux sifakas blancs. Et puis encore une multitudes d’arbres et de plantes, endémiques, à coup sûr. Certains arbres sont déformés par des lianes qui s’enroulent autour d’eux, les étranglant comme des serpents.

La troupe s’enfonce dans une faille, puis traverse des grottes à la frontale, il faut parfois ramper un peu ou se faufiler dans des boyaux étroits. S’ensuivent des grimpettes entre les rochers, certains passages bien escarpés nous obligent à nous accrocher à des câbles avec des baudriers. Le chemin est bien balisé et hors de portée pour personne, avec beaucoup de petits rochers cloués à la roche initiale pour servir de marches, ou encore des échelles et des pontons en bois. Mais faut quand même faire gaffe à où on met les pieds (surtout en tong) et les mains, les tsingys étant bien tranchants. On prend progressivement de la hauteur, et les sujets au vertige commencent à perdre leur sang-froid les uns après les autres.



La végétation continue à trouver une raison d’être dans ce paysage rocheux hostile, avec des arbres fixés dans la roche et dont les racines ressortent un peu plus bas et poussent sur plusieurs mètres à l’air libre avant de trouver de petites parcelles de terre dans lesquels s'ancrer. Des lianes qui sortent d’on ne sait où permettent de s'y accrocher pour mieux se hisser.

Mon ventre, après avoir littéralement pourri ma première heure de balade en m’empêchant de profiter de l’invraisemblable environnement, commence à me laisser du répit, je reprends des couleurs.

Au plus haut de la progression, des belvédères permettent de contempler à 360° les grands tsingys à perte de vue. Magistral. On a l’impression d’admirer les restes d’un autre temps, une cité naturelle oubliée dans laquelle la végétation aurait repris quelques rennes. Les lieux conviendraient parfaitement à un récit de Lovecraft, devenant le berceau de créatures ancestrales démoniaques. Ma théorie est beaucoup plus fiable : nous serions devant l’ancien habitat des dragons au temps où ils peuplaient la terre. Les grottes sous les tsingys leur servaient de lieu de nidification, ils régnaient ensuite autour de ces cimes rocheuses qui leur permettaient de sa cacher au reste du monde. C’est leur propre souffre qui aurait provoqué les pluies acides provoquant leur perte dans un acte manqué d’autodestruction. J’imagine des centaines de dragons volant au dessus de ces pointes rocheuses à perte de vue… ça fait froid dans le dos. Ok, je ne suis peut-être pas tout à fait guéri.



Un pont suspendu bringuebalant au dessus du vide fait le lien entre deux massifs karstiques. Certains l’empruntent plus à reculons que d’autres. Alice est particulièrement brassée par l’épreuve mais s’en sort haut la main, tremblante, blême, mais vaillante dans l’effort.



Redescente. Nos pas nous mènent dans les profondeurs entres les roches, dans une Grande grotte appelée La Cathédrale. Puis les pierres laissent la place à la forêt, à nouveau. Encore une petite heure de marche avant d’avoir bouclé la boucle. Des oiseaux à tête bleue se baladent. Un lémurien géant fait sa sieste, pendant entre deux arbres tel un hamac. Mon ventre, après une période de non aggression, recommence à me tourmenter. Une ronce s’accroche à mes jambes. Rien ne va plus. Je pars devant pour arriver au parking au plus vite, direction les toilettes (un trou infesté de mouches).

Je m’endors dans la jeep dès le démarrage et me réveille à la rivière. Réveil vaporeux, le ventre grinçant mais moins douloureux, vite rempli par une plâtrée de pâtes bienvenues. Il est déjà 16h. A part les relous, tout le monde décide d’aller faire un tour du côté des Petits Tsingys, dont l’entrée se situe juste à côté. J’irai moi aussi jusqu’au bout !

1h30 de balade plus tard, on est au sommet de ces tsingys miniatures, qui s’étendent sur une superficie immense, mais beaucoup moins hauts et laissant bien plus de place à la végétation. Signe de mon rétablissement, je fais de nouveau des jeux de mots pourris. Certains s'en seraient bien passé. Perché sur un belvédère, on attend patiemment un coucher du soleil, qui ne vient jamais, caché à l’horizon par des nuages menaçants.

A peine rentré au campement, on décide d’embringuer Augustin et Rénadi dans une visite nocturne de la forêt ! Le reste du groupe abdique. Avec Alice et Lolo, on est des warriors, on ne lâchera rien. Une vingtaine de minutes de marche plus tard, dans une obscurité croissante nous sommes en plein chœur de la forêt. Nos amis nous demandent de n’allumer nos frontales que si nécessaire, pour se repérer quelques secondes, mais de globalement rester silencieux, dans la pénombre absolue. On entend des bruissements, des petits bruits au dessus de nous. Les guides sont trop forts. Ils s’arrêtent, écoutent, et pointent d’un coup leur lampe dans une direction, faisant mouche à chaque fois.

On observe une race de lémurien miniature, de 30g seulement, qui ressemblent presque plus à des rongeurs mais avec leur longue queue caractéristique et leur saut de branche en branche. C’est une espèce nocturne. Ils sont trop forts aussi pour dégoter des caméléons accrochés aux branches, en plein sommeil. Ils nous expliquent qu’il est plus facile de les repérer dans l'obscurité avec leur peau un peu luisante à la lumière des torches et leur incapacité de changer de couleur dans la nuit. On en voit de trois types différents, blancs, bruns et verts, de différentes tailles. On peut les toucher, leur dos est plutôt rugueux. Je me fais à ces bestioles qui sont en fait ultra friendly.



De retour au campement, un passage aux toilettes à raison de mes dernières inquiétudes, je suis guéri. L’appétit est là, le repas fait du bien. Je ne bois plus que de l’eau minérale. On est quand même cassé, on a marché 8h en tout. Les relous nous ont rejoins pour le dîner, Catherine se plaint de l’absence de bulles dans leur jacuzzi.


Jeudi 4 août

Lever 5h, peinard. Même plus mal. Tentes et sacs ficelés sur le toit des jeeps. Les véhicules des différents groupes font la course au petit matin pour être les premiers sur le bac qui traverse la rivière Manombolo chaque demi-heure environ avec trois 4x4. On a été bon, on sera de la première traversée.

Le début de voyage secoue dans tous les sens, comme prévu… je redoute une rechute qui ne viendra pas. Traversée d'un village bien paumé. L'atmosphère y est électrique. Des centaines de paysans marchent les uns derrière les autres, pas l'air bien contents, armés de lances ou de fusils ! Les 4x4 se frayent un chemin, ce n’est pas vraiment rassurant à proprement parler. Max nous explique que des zébus ont été volés. Ici, on ne rigole pas avec les vols de zébu. En l'absence de forces coercitives à proximité, on les chasse et on fait justice tout seul. On apprendra par la suite que les deux fêtards du premier jour à Tana avaient croisé un cadavre humain lors de leur descente de la Tsiribihina. Lardé de coups de machette. "Un voleur de zébu", selon leur guide.

Dans l’habitacle à quatre roues motrices, la présence de Catherine et Olivier me devient insupportable, leur petits commentaires méprisants, leurs remarques acerbes... je commence à faire une intolérance physique. Trop d’air, pas assez d’air, les repas n’étaient pas bons, pas assez copieux, il faut faire-ci, il faut faire ça, mal au dos, mal au genou… et mal à la tête pour moi. Je comprends qu’à cinquante ans passés il n’est pas évident de partir pour une semaine dans un confort relatif pour un périple au rythme assez soutenu, mais dans ce cas on voyage différemment, on va chercher des prestations plus chères et plus en adéquations avec ce qu’ils sont. Catherine s’est fait opéré du genou il y a 2 mois, n’aime pas le riz… un voyage tout à fait adapté ! Vu comme elle ne cesse de nous rabâcher ses expériences passées, j’imagine qu’elle va passer toute l’année à s’enorgueillir auprès de ses proches d’être venu jusqu’ici dans des conditions déplorables, qu’elle ne va cesser de louer l’incroyable beauté sauvage des tsingys… Alors que depuis le début du tour, on a l’impression qu’ils n’ont pas pris un gramme de plaisir, pas le moindre fun, qu'ils vivent l'une des pires expériences de leur vie. Rien ne semble pouvoir les satisfaire.

Pause déjeuner à Belo sur Tsiribihina, même resto qu’à l’aller. Queues de crevettes sauce aigre douce, mortel. Et puis encore trois quarts d’heure pour passer le bac sur la Tsiribihina. Les enfants nous pressent à coups de "donne moi le bonbon", "donne moi l’argent"… et si on donne quelque chose c’est la castagne entre eux. Situation désagréable.

L’après-midi, la piste a presque des allures de route, c’est moins casse-bonbons. On arrive dans une zone connue pour ses baobabs, d’où des pauses régulières pour voir ça de plus prêt.

D’abord le Baobab Géant, un de ceux qui ne tiendraient chez personne. 850 d’âge. Une circonférence correspondant à 12 personnes bras tendus (on a testé pour vous).

Ensuite le Baobab Amoureux, curiosité composé de deux baobabs siamois enlacés. Look réglementaire pour une carte postale.



Et puis le clou du spectacle pour finir, la légendaire Allée des Baobabs. Des dizaines de baobabs alignés de part et d’autres du chemin, et le soleil qui se couche là-dessus. Là aussi, le spot acquiert sans problème son BAC Cartes Postales.



Arrivée de nuit à Morondava, sur une route pleine de poussière sur laquelle tout le monde se double et se redouble sans vergogne, partagée entre piétons et vélos suicidaires, vieilles bagnoles, et 4x4 manquant de s’emplâtrer les uns dans les autres.

Devant l’hôtel, les sacs et le matériel sont descendus du toit. Max revient vers nous furax : les chambres avaient été réservé "sous X" par un stagiaire, et finalement prises par d’autres personnes. L’hôtel est maintenant complet. Nous on trouve l’histoire plutôt drôle et pas bien grave. Les relous sont furax, bien sûr. On recharge tout.

On se retrouve au Batelage, un autre hôtel à la cool et pas cher tenu par un vrai bon, l’un des premiers à avoir imaginer le tour de l’Ouest tel qu'on est en train de le boucler. A peine posé, on file profiter de la mer. On se mouille les pieds dans les fortes plutôt vagues (ou l’inverse) du Canal du Mozambique. Ça fait un bien fou. On n’est plus qu’à quelques encablures (400 petits km) du continent africain. Des mini-brochettes sont avalées dans une gargote dansante aux abords de la plage, pas assez pour rassasier son monde. On décide de finir à l’Oasis aka Chez Jean le Rasta, à deux pas de l’hôtel.

Le lieu n’est autre qu’un temple dressé en hommage à Bob Marley : posters sur les murs, tentures, stickers dans les chiottes, couleurs vert-jaune-rouge omniprésentes… même la carte du menu termine par un stupéfiant "Bob appétit" ! Du coup tout le monde nous fait de grands signes à Lolo et moi… à Madagascar, cheveux longs riment avec rasta : on est ici des fumeurs de splif ambulants !

Rova et Ludo mangent avec nous, on les a complètement adoptés. Max reste toujours un poil à l’écart et ne vois jamais d’un bon œil que les enfants passent trop de temps avec nous, surtout Rova… un protectionnisme qui doit s’expliquer par les nombreux « dérapages » de touristes avec de jeunes malgaches.

Après quelques bouchées de crevettes et quelques ti-punchs tapageurs, la fiesta bât son plein, tout le monde a envie de profiter de cette dernière soirée. Catherine et Olivier vont se coucher. Moï part vite loin dans les tours, Olivier (le cool) le rejoint, tout le monde danse, les filles se lâchent aussi. La musique est exclusivement jouée en live par des gars assis autour d’une table qui se refilent des instruments, qui chantent chacun leur tour ou font des pauses pour se rouler des pétards. Des bons eux aussi. Quelques chansons bien rythmées en malgaches, mais aussi des vieux tubes reggae français périmés ("J’ai des petits problèmes dans ma plantation" de Kana) ou des improvisations terminant invariablement par "Legalise it" ! Des expats français bien éméchés trainent autour du bar, racontent n’importe quoi en se roulant eux aussi des cônes. Je tire sur quelques uns, histoire de me fondre dans le décorum. L’un d’eux explique que le nouveau président autoproclamé « TGV » est un génie et qu’il a refait 100% des routes depuis son accession au pouvoir, ce qui nous fait péter de rire après les derniers jours passés. On retrouve aussi pas mal de têtes de touristes qui ont suivi le même parcours que nous dans d’autres groupes.
Jean le rasta chante d’ailleurs "La chanson du Vasaha", dont les paroles relatent le tour de l’Ouest de Madagascar pour touristes, sans rien oublier : pirogue, cascade, charrette à zébus, tsingys, baobabs… de l'ironie, des souvenirs et un tube en puissance qui n’a pas fini de nous trotter dans la tête. La soirée se termine avec des rhums banane offerts par la maison et un guitariste (excellent par ailleurs) qui s’applique sur des arpèges de Bob Marley (Olivier y va d’ailleurs de son « Redemption Song ») ou de Cabrel… il est temps de rentrer.


Vendredi 5 août

Je suis le seul à avoir mis mon réveil à 6h, pour intercepter le chauffeur de minibus qui est censé nous reconduire d’une traite à Antsirabé. Max est debout lui aussi pour m’épauler. Je suis donc chargé de négocier un délai… de 24h ! Tout le monde veut profiter de l’océan une journée supplémentaire. La discussion tourne court : le chauffeur rigole en disant qu’il doit être à la pointe nord de l’île le lendemain soir. Foiré. J’obtiens quand même un délai de quelques heures pour permettre à tout le monde de dormir un peu ou de profiter de la mer un moment.

Après m’être recouché une heure ou deux, on se lève pour aller prendre le petit déj face au Canal du Mozambique. Le soleil n’est pas encore bien haut et il fait déjà bien chaud, des petits bateaux naviguent prêt de la plage, quelques dizaines de personnes commencent à sortir leur maillots de bain. Pas le temps de se baigner pour nous, mais l’envie picote un peu.

De retour à l’hôtel, je demande à la nana de la réception le nom des chanteurs français qui ont percé ici. Garou (?) et Diam’s. Ah merde. Le minibus passe nous récupérer vers 10h et le reste de la journée n’est que route. 10 bonnes heures, avec seulement quelques pauses pour pisser. Déjeuner dans une cantoche de village avec de l’eau du riz (bouilli donc) à boire en guise d’eau de table. Escale à Antsirabé pour déposer le jeune Ludo, futur grand guide de l’Ouest, excellent, souriant de bout en bout. On rend aussi le matos de bivouac à Hadza, qui est venu nous saluer, tous sourires lui aussi. Tout le monde, plutôt calmé par la soirée de la veille, contemple et bouquine. Rova lit L'homme invisible d’H.G. Wells que lui a offert Olivier (le cool). Super idée.

Arrivée au Green Park hôtel à 20h passées, il fait nuit depuis un moment. Chacun s'installe dans son bungalow avant de revenir dire au revoir à Max et Rova, remercier vivement pour l’expérience qu’ils nous ont permis de vivre dans un territoire extraordinaire, reculé et encore peu fréquenté. Tous sauf Catherine et Olivier. Christine va toquer à la porte de leur chambre pour leur dire qu’on est tous là et leur demander s’ils veulent participer à un pourboire global pour Max. La réponse est un non catégorique, ils refusent même d’aller dire au revoir. Imbéciles.

On les laisse partir devant pour dîner, et on prend la direction inverse avec les autres. Bouffe à L’Arche, le resto où on a rencontré "Ah bah oué hein" Fabien. Sans les relous, l’ambiance est toujours aussi sympa, on revient sur la semaine tout en dégustant d’excellents pavés de zébus. On commence à avoir plein de petites complicités crées au fil des jours.

On finit par aller se coucher, épuisé, avec la ferme intention de ne plus jamais permettre à Catherine et Olivier de se dresser sur notre chemin.

Lundi 8 août - Fianarantsoa

1 commentaire:

Alex Zeman a dit…

J'adore ! Je suis sur-fan ! On dirait Las Vegas Parano sans les drogues mais loin quand même ! Encore ! :)