Comme vous avez du le remarquer avec l'arrivée subite des accents dans le post précédent, c'est bien de France que je continue mon récit ! Je profite d'une ultime étape parisienne pour continuer à recopier mes carnets de notes, ne me sentant pas encore "totalement" rentré ! J'ai encore un peu de décalage horaire dans les pattes et je me suis réveillé avec la tourista de retour en France, mon ventre ayant eu du mal à accepter des raviolis et de la bière dans le même repas... mais à part ça je suis vraissemblablement en bonne santé, en forme, joignable, et j'accepte progressivement l'idée du retour. Mais c'est avec non moins de plaisir que je me replonge dans ces dernières semaines de voyage, dont le séjour au Laos fut sans aucun doute l'apogée. Je venais de passer la frontière...
Jeudi 25 Août - Bateau entre Luang Prabang et Pakbeng / 13h55
Mon premier contact avec le Laos est une portion de "Sticky Rice" (riz gluant ou riz collant) qu'on peut pétrir à la main en petites boulettes de riz collé, accompagné de viande de bœuf séchée enfilée en fines tranches sur un bracelet en bambou tressé et agrémenté de différentes feuilles de salade fraiche, de menthe, coriandre, sauce de soja et sauce chili. Un régal de petit déj ! Le bus continue sa route encore toute la journée et on traverse le pays, sans rencontrer la moindre ville. Seulement de magnifiques paysages à l'état naturel, entre jungles de forêts secondaires, plaines marécageuses et collines. Ces terres donnent l'impression d'un pays tranquille et moins industrialisé, moins cultivé. En fait le Laos n'est peuplé que de 6 millions d'habitants en tout et pour tout, c'est à dire moins que sur la petite superficie de Hong Kong ! C'est donc normal que ça se ressente, ça change beaucoup de choses. Il n'existe aucune "grande ville moderne et affairée" au Laos. Tous les villages qu'on traverse semblent être des hameaux paisibles, avec des maisons faites de bois, de bambou tressé et de toits de chaume. On sent une certaine pauvreté mais toutes les personnes qu'on croise sur le bord de la route nous font de grands signes. C'est clair, on n'est plus au Vietnam ! Même leur langue est plus douce à l'oreille, plus chantante, et les visages ont des traits plus arrondis et agréables. A l'intérieur du bus, on rencontre 4 israéliens assez en clan, 2 allemandes assez sympas, et un vietnamien carrément avenant et rigolo qui parle parfaitement français et s'appelle "Viet", tout simplement. Il aura fallu attendre d'être au Laos pour avoir une relation simple et appréciable avec un vietnamien ! Il est en fait guide dans le Nord de son pays et nous conseille pleins d'auteurs à lire. On fait aussi la connaissance d'un slovène et d'un japonais qui semblent voyager ensemble et qui sont dans un autre bus mais qu'on rencontre à chaque halte. Le voyage est d'autant plus long qu'on est obligé de s'arrêter 4h à cause d'un éboulement sur la route ! c'est un peu après 20h qu'on arrive à Vientiane, 25h après notre départ. Au total, on aura passé plus de 38h dans les transports à la suite ! Un "Tuk-tuk" (les taxis du coin, genre de triporteurs assez pittoresques) nous conduit en centre-ville, étonnamment calme en ce début de soirée, et je suis Anelor dans une guest-house qu'elle connait (après 2 mois au Laos elle peut commencer à être un guide de qualité). La dite guest-house est d'ailleurs dans un état de certaine décrépitude, mais moins que son tenancier dont le visage ravagé par la fatigue et une maladie de la peau trahit un évident mal-être, il s'est sans doute fait lourde par sa femme pendant l'année ! Harassés par le long voyage et heureux de pouvoir enfin s'étendre, sans pourtant sans mal que nous sombrons dans les limbes d'un sommeil réparateur.
Lundi, première matinée laotienne. On se balade dans les rues de Vientiane, qu'on a définitivement du mal à appréhender comme une capitale ! La ville est en réalité assez étendue, mais on n'aperçoit aucun immeuble plus haut que quelques étages, de nombreuses routes ne sont même pas goudronnées, et on ne croise pas foule. Par contre on peut trouver tout ce qu'on veut, se balader longtemps sans en voir le bout, et il y a plein de guest-houses, de restos divers, de marchés et de banques. Tout est traduit en anglais ou en français (toujours en souvenir de l'Indochine). L'alphabet Lao est très proche du thaïlandais, tout en boucles voluptueuses. Et puis ici, on quitte toujours ses chaussures avant d'entrer dans un intérieur, les gens vivent presque tout le temps pieds nus. En guise de petit déj', on mange une salade de fruits frais au yaourt (savoureux mélange de mangues, litchis, papaye, ramboutans, banane, ananas, fruit du dragon...) dans la rue, un régal. En me promenant je croise une agence de voyage et décide d'organiser mon retour à Hong Kong. En me renseignant, je m'aperçois qu'il n'y a qu'une faible différence de prix entre l'aller direct Vientiane - Hong Kong et l'aller tronqué Vientiane - Bangkok / Bangkok - Hong Kong ! Du coup je décide de péter les plombs et d'aller à Bangkok en Thaïlande pour une journée avant de rentrer sur HK ! Je réserve directement mes billets : ça me fera un départ pour Bangkok le 29 au matin, un départ pour Hong Kong le 30 au matin, et un départ pour Paris le 31 au matin ! C'est un peu de la folie mais ça me plait de terminer par ce "blitzkrieg" de destinations. A l'heure du déjeuner je goûte le Laap de bœuf, une spécialité qui mélange de la viande coupée en tous petits morceaux, des herbes et des légumes (menthe, coriandre, petits haricots découpés, piment, vermicelles, citron épicé spécial, épices diverses...)- Le tout agrémenté de sticky rice, c'est vraiment délicieux (mais très épicé). Ici, on a l'impression que tout est simple mais que les mélanges sont délicieux. Un peu de citron et de menthe fraîche sur des produits de base et hop ! on s'emmerde plus en mangeant (technique souvent recherchée par un certain RB). Je bois aussi un jus de sapodilla frais, un autre fruit pas très goûteux qui ressemble à une patate et dont la texture, qui part un peu en purée dans la bouche, s'en rapproche aussi. L'après-midi, on va voir la "tuerie" de Vientiane, la couv' du Lonely Planet (qu'Anelor a récupéré au Vietnam à un voyageur qui venait du Laos),le Pha That Luang, grande stupa en or de 45 mètres de hauteur qui n'est autre qu'un reliquaire censé contenir des restes de Bouddha. La flèche centrale, en forme de bulbe, ressemble à un bourgeon de lotus allongé et repose sur un dôme lui-même couronné d'une frise évoquant les pétales de celui-ci. Cette éblouissante Stupa est entourée de nombreux temples et monastères à couper le souffle, comme tous les temples qu'on peut admirer dans ce pays. Ils ont presque tous des toits multiples qui s'emboîtent les uns dans les autres, rehaussés par des enluminures à têtes de dragons qui s'élèvent vers le ciel. Leurs façades sont brillantes et colorées (or, bleu turquoise, rouge vif...) et fourmillent d'innombrables motifs où se mêlent bouddhas et animaux de légendes. On y accède généralement par quelques marches dont les rambardes sont en forme de nagas (sortes de serpents à tête de dragon). Des sculptures de divinités burlesques et d'animaux fantastiques (dragons, chimères, chevaux ailés...) bordent souvent les parcs abritant les temples. A l'intérieur des temples on peut souvent admirer de gigantesques statues de Bouddha en or entourées de grandes fresques racontant des histoires et des légendes sur les murs. C'est magnifique tout en restant sobre, et ce sont de loin les plus beaux temples que j'ai vus de mon voyage. L'avantage c'est qu'ici il y en a partout, c'est très difficile de ne pas en croiser des tonnes en se baladant par la ville. Ils se trouvent tout le temps dans des jardins plus ou moins vastes entourés d'autres mini-temples et de tours à étages dans lesquelles pendent de gros tambours pour l'appel à la prière. De nombreux moines bouddhistes (à la fameuse toge orange et au crâne rasé) habitent dans des bâtiments attenants, vivant dans le recueillement et en respectant 527 préceptes de vie ascétique dans l'enceinte des temples. C'est donc les yeux remplis de splendeurs qu'on se rend en Tuk-tuk à une autre gare routière pour voyager en bus de nuit jusqu'à Luang Prabang (destination préférée d'Anelor), à quelques centaines de Km au Nord. Nous voilà donc déjà reparti pour un trajet de + de 11h... et on a encore du mal à dormir !
Je me réveille face à un paysage incroyable, le soleil levant éclairant d'orange les nuages posés sur les flancs de la montagne en contrebas. On arrive au petit matin à Luang Prabang sous un ciel dégagé. Je vois un mec qui met ça mitraillette en bandoulière derrière son dos avant de sortir... tout est normal. Un tuk-tuk nous conduit à la Sy-Somphon guest-house en empruntant des rues très aérées bordés de nombreux palmiers. On croise un peu plus de boutiques par ci par là, mais il est difficile d'identifier un centre-ville là dedans. Anelor me dit que ça lui a fait la même impression à sa première arrivée ici et qu'elle en était un peu décontenancée. On se retrouve seul dans la guest-house, mais la famille qui la tient est d'une gentillesse inouïe et nous montre des albums photos (ils demandent des photos de tous ceux qui passent ici, avec la date et la provenance !) en nous proposant des bananes délicieuses. Anelor retrouve sa photo de l'année passée et reconnaît d'autres personnes qui ont partagé sa route. On peut aussi donner son linge à laver (il était plus que temps), bref on se sent pas mal. Après avoir déposé nos affaires, nous repartons nous promener dans Luang Prabang. On ne tarde pas à croiser un marché. Les vendeurs (beaucoup de femmes) sont assis en hauteur, pieds nus, sur leur étale en bois dressé sur pilotis, et proposent toutes sortes de fringues, de tissus, soieries, artisanat. C'est super beau dans l'ensemble et on a envie d'acheter des tas de trucs. J'essaye de me freiner en me disant que j'en aurai bien le temps plus tard. On arrive même à ce qui ressemble à une rue principale malgré ses arbres et sa tranquillité, qui trajète au Nord jusqu'à l'embouchure du Mékong et du Nam Ou, l'autre fleuve traversant la ville. La rue est farcie d'ouvertures sur des jardins aux temples fabuleux et il est très difficile de déscotcher quand on est dans ce genre d'endroit. Ces temples sont encore plus sublimes qu'à Vientiane. Je me laisse progressivement envahir par l'atmosphère de paix qui flotte sur la ville. Je bois un jus de mangue et les enfants qui passent me lancent des "Sabaydi !" (Bonjour) pleins de joie, au milieu de ces temples, de cette nature luxuriante, et au bord du Mékong. La nourriture est exceptionnelle, personne ne vient nous solliciter dans la rue, les filles sont belles, aucune publicité ne vient ternir les rues (en dehors des devantures des magasins), il fait bon et ensoleillé... là je pense qu'on est pas loin du paradis ! Le manque de sommeil doit bien sûr jouer sur ma psychée à fleur de peau et on rentre faire une sieste après avoir savouré un bon Laap de poisson arrosé de jus de papaye. Pendant le repas un vieil homme torse-nu à l'oeil torve entre dans le resto, un flingue à la main ! Il tend l'autre main en montrant un billet... je fais mine de ne pas le voir et interroge Anelor du regard, inquiet, qui me dit de ne pas faire gaffe, que ce gars était déjà là l'an dernier. Et l'homme se casse, avec toujours le bras le long du corps et le doigt sur la gâchette ! Plus tard Anelor le recroisera dans la rue et prendra peur en voyant l'arme qu'elle n'avait en fait pas vue au resto ! Tout continue à être normal. Au réveil (3h après !) et malgré ma tête embrumée, la magie est toujours là. Dans la rue s'est mis en place le marché de nuit qui couvre la ville sur des centaines de mètres. Des petites loupiotes tamisées éclairent des tentes de fortunes où les articles à vendre sont disposés sur de petits tapis à même le sol. Ici les négociations sont un vrai bonheur : les vendeurs rigolent beaucoup, de bon gré, et c'est tellement sympa qu'on achète souvent avec le sourire, quel que soit le prix final. Anelor, qui adore les petits bracelets aux graines et coquillages tissés, devient frénétique et en achète une cinquantaine ! Poussé par une fièvre consumériste fort joyeuse, on achète des tissus, des T-shirts, des conneries... et on a bien du mal à stopper l'hémorragie ! Mais ça fait un bien fou. Un peu plus loin, le marché de nuit se transforme en "rue de la bouffe". On prend des morceaux de mangue et d'ananas par ci, des nems par là, une cuisse de poulet grillé à un autre endroit, et on se pose à une table en égayant tout ça d'une bonne Lao Béer. En se promenant encore un peu, on tombe sur... Viet, qu'on avait plus revu depuis l'arrivée à Vientiane, qui est avec un ami à lui, un français d'une cinquantaine d'année. Je leur parle de mon envie de me faire masser les pieds (chose que je repousse depuis le début de mon voyage), alors on décide de se donner RV le lendemain soir pour manger ensemble et se faire masser ! Le programme du lendemain va être chargé car, poussé par une envie de sensations fortes et voyant peu à peu se profiler la fin du voyage, j'ai proposé de faire une journée "à don" en passant par une agence de treks & co. Ça donne en perspective du bateau à moteur dans la rivière, un trek à dos d'éléphant, une baignade dans les cascades naturelles et 26 Km de kayak pour revenir en ville ! On préfère donc ne pas se coucher trop tard pour affronter ces aventures du lendemain.
Le mercredi matin, un bus de l'agence "Tiger trail" vient nous chercher devant la guest-house et nous trimballe dans la nature sur une vingtaine de kilomètres avant de s'arrêter. On a un guide juste pour nous, très marrant. Je lui dis que je suis chanteur et il se met à beaucoup me respecter, en m'expliquant que les chanteurs sont tous des gens heureux qui voient la vie comme un jeu et qui n'arrêtent pas de faire des blagues ! Je décide donc de lui en servir, des blagues, même s'il ne les comprend pas toutes (hum). Je fais super pote avec un singe à l'entrée du lieu, puis il essaye de me voler ma bague de Jade achetée en Chine et on se quitte en mauvais termes, dommage. On monte sur un petit bateau à moteur tout en longueur et assez instable qui nous amène à contre-courant jusqu'au site des éléphants. C'est impressionnant car le courant, il est vachement fort (mousson et hauteur de l'eau oblige). On est à 2 doigts de se renverser (c'est peut-être pas vrai mais je sens que les lecteurs ont besoin d'action). La balade à dos d'éléphant, c'est aussi bien rigolo. On est sur une sorte de nacelle-banc et l'éléphante (une femelle qui s'appelle Wd) progresse lentement dans la forêt, en tanguant beaucoup, à pas lourds (normal). Au bout d'un moment, le "chauffeur" qui est sur la tête de l'animal avec les genoux derrière les oreilles nous propose de prendre sa place à tour de rôle. Ça devient carrément casse-gueule mais on tient bon parce qu'on est trop fort. Le petit bateau nous conduit ensuite à l'endroit des fameuses Waterfalls (chutes d'eau). C'est très impressionnant, on a l'impression que l'eau se déverse à même la forêt, sur une large étendue, en passant au milieu des arbres et des pierres. La densité d'eau est énorme, elle s'écoule en de nombreuses cascades plus ou moins larges, par palier, sur une longue distance avant de rejoindre le fleuve. On grimpe un petit chemin sur les abords de ce spectacle inédit, et c'est là qu'on déjeune, dans une cabane sur pilotis avec vue imprenable sur les cascades sauvages. Je vais ensuite me baigner dans une petite cuvette entre 2 cascades. Le courant y est très fort et je dois lutter pour ne pas me laisser emporter par endroits. Je parviens finalement jusqu'à l'arrivée d'une chute d'eau et me mets dessous. L'eau tambourine puissamment sur mon dos et ce massage fait beaucoup de bien. Et puis la fraîcheur de l'eau est la bienvenue en ce jour de soleil de plomb. Je réussis même à faire se baigner Anelor, ce qui n'est pas loin d'être un exploit vu son amour pour le milieu aqueux. On continue donc la journée avec quelques bonnes heures de kayak. Le courant va vite, c'est très agréable. On a 2 kayaks, 1 une place et 1 deux places, et on change régulièrement. Les passages tranquilles où on peut admirer montagnes et forêts alternent avec des rapides de malades avec des vagues de 3 mètres de hauteur (ou pas), mais comme on est vraiment en forme on survit. Moi j'adore le kayak, et en plus j'ai particulièrement la classe en ce jour avec mon T-shirt "Lao Béer" rosé assorti à mon casque... On arrive fièrement à Luang Prabang, fatigué des bras mais repus des sens. La camionnette nous reconduit à notre guest-house, une bonne douche, et c'est reparti pour la ville !
Après une nouvelle traversée fatale du marché et après avoir croisé une fille en train de faire mine de s'enfoncer un immense couteau dans le ventre (décidément normal), on se retrouve vers 18h aux abords d'un temple qui s'apprête à commencer la prière. On se glisse discrètement dans le fond pour s'immerger dans l'ambiance. Une dizaine de moines de tous âges chantent des mantras langoureux et rythmés à la fois dans cet intérieur splendide, devant une gigantesque statue de Bouddha en or. La prière dure une bonne demi-heure et les sons m'enveloppent d'un bien-être palpable. Ma détente est totale quand je ressors du temple, un peu chamboulé mais serein. Je décide de devenir un moine bouddhiste. Puis je pense qu'il faudra me raser la tête et je lâche l'affaire ! Après quelques lignes tapées sur Internet, je retrouve Anelor, Viet et son pote et on se pose dans un resto de la "grande rue" pour dîner. Viet est toujours aussi agréable et son ami, un français dont il a été le guide au Vietnam 2 ans + tôt, est plutôt intéressant et nous parle de ses voyages en Asie et de nombreux faits politiques et historiques qui m'étaient inconnus. Salade composée et curry de poisson me remplissent bien le ventre et on se dirige vers le "Lotus herbal spa & massage". On est 3 à choisir l'option "foot massage" alors que Viet tente la totale avec un "body massage". La séance dure une heure et c'est super agréable de se faire laver, malaxer, appuyer, frapper, tordre, plier les pieds... mais putain ça fait mal ! Non mais c'est quand même pas mal, surtout qu'elles massent aussi la jambe et terminent par un massage du dos, épaules, cou et tête pendant les 5 dernières minutes. On sort vraiment détendu, voir presque trop (!), et c'est une épreuve que de rejoindre la guest-house à pieds ! Je m'écroule sur mon lit, lessivé mais sans doute le sourire aux lèvres.
Ce matin, le réveil sonne à 6h45 : on a décidé de partir en bateau sur le mékong pour goûter à l'ambiance des petits villages dans les terres laotiennes. Comme on sait qu'on repassera par là, on laisse quelques affaires délicates à Somphon, notre ami de la guest-house. On arrive un peu avant 8h à l'embarcadaire des ferrys (du même type que le petit bateau à moteur de la veille... en beaucoup plus grand). Il y a une trentaine de places sur des petits bancs en bois pas top confortables. Le bateau part vers 8h30 et... ça fait déjà 9h et demi qu'on navigue ! Il est maintenant 18h passées, et j'ai le cul totalement en compote. Ok, les rives du mékong sont jolies, le fleuve est large et imposant, les petits villages sont ravissants, et ça m'a permis de prendre le temps d'écrire toutes ces conneries... mais là j'en ai un peu plein le cul, c'est vraiment le cas de le dire ! A côté de moi, Anelor est en train de terminer Le monde selon Garp qu'elle a entamé ce matin ! Shivaree dans les oreilles : "I close my eyes"... moi qaund je ferme les yeux je me vois au Laos, et quand je les rouvre j'y suis... c'est quand même pas mal. Je me sens vraiment bien ici. Et le temps continue à grignoter les instants, mais je jouirai du maximum jusqu'au bout. Jeudi 25 Août - Bateau aux abords de Pakbeng / 18H16
Lundi 29 Août - Vientiane, dans l'avion pour Bangkok/ 10h30
II commence déjà à faire nuit quand le bateau arrive à l'embarcadaire (une planche posée entre lui et le sol !) de Pakbeng. A première vue, ce village, qui a tout de l'endroit typique avec des habitations en bambou tressé et en bois, souvent sur pilotis et donnant sur le mékong, a évolué très vite (vu son emplacement stratégique entre la Thaïlande et Luang Prabang) et s'est agrandi. On ne s'y sent plus complètement perdu dans la nature. On se dégote une chambre pas chère dans une guest-house, un peu plus haut dans le village, et le calme gagne quand même rapidement les lieux, même si la rue principale est encore animée par quelques restes et guest-houses et par des enfants qui s'amusent à sauter une corde tendue. Après mangre, on s'éloigne un peu de la ville en continuant la route qui longe la Nam Beng (qui se jeté dans le Mékong au niveau du village), et on est rapidement dans la nature, avec un ciel illuminé d'étoiles et le chant des criquets (?). De retour au centre névralgique, on achète un peu d'opium à un gars qui nous en propose... après tout, un voyage en Asie sans son lot d'expérience psychotrope n'est pas consommé entièrement ! On décide de goûter ça le lendemain et on va se coucher.
Vendredi, on se lève tôt sans avoir mis de réveil à sonner et on doit prendre une décision : soit on décide d'aller à Naw Kiaw, un village plus petit, assez loin au nord, soit on passe tranquillement la journée à Pakbeng et on rentre le lendemain à Luang Prabang en bateau (dans le sens du courant cette fois !). Comme j'ai vraiment envie de passer une nuit dans un lieu plus reculé, j'insiste pour qu'on essaye de partir. A la gare routière, le tuk-tuk géant de 9h en direction du Nord est déjà plein à craquer. On nous dit d'attendre le suivant qui part à l0h. Mais à 10h on nous explique que finalement il n'y aura pas de départ avant midi ! En fait le Laos, c'est tellement tranquille qu'ils s'en foutent pas mal des horaires. Je me dis que ça serait très con d'arriver là-bas à la nuit tombée sans profiter de rien, du coup on se fait rembourser nos tickets et on décide de rester. Par contre on troque notre chambre pour une autre, plus excentrée sur le bord du Mékong, à un endroit où on sent vraiment cette ambiance de petit village. C'est là qu'on avale un petit morceau d'opium chacun (il n'y en a pas beaucoup). Le fait de l'avaler plutôt que de le fumer est censé procurer plus d'effet, mais ce dernier est plus long à venir. On mange ensuite dans un reste indien avec une superbe vue sur le fleuve, et c'est très bon mais très lourd. Du coup on entame une promenade digestive en suivant un chemin de terre longeant le mékong. Plusieurs heures se sont passées depuis l'ingestion de l'amer pâte mais rien ne se fait sentir. La balade est super, on marche une bonne heure en traversant des petits hameaux avec pleins d'enfants trop craquants qui nous courent dessus avec des "Sabaydi !" illuminés. Tout le monde est accueillant, on ne croise personne d'autre, on est vraiment dépaysé. Pakbeng semble plus un lieu de passage qu'un endroit où les gens s'arrêtent, on a bien fait de rester. On ne sait pas si la légère pesanteur qu'on ressent vient de l'opium ou du repas de midi dur à digérer ! Du coup on en rachète une dose un peu plus grosse à un gars près de notre guest-house, au retour de la promenade. On l'avale tout de suite. Le goût est extrêmement acre et amer et il vaut mieux ne pas le laisser trop longtemps en bouche. Anelor l'entoure même de papier pour ne pas sentir le goût. On se pose un moment à la guest-house, à se reposer et à bouquiner, allongés sur la terrasse en bois donnant sur le mékong... et 2 heures passent, toujours sans le moindre effet. Et soudain j'ai la nausée et je vais vomir ! Je ne sais toujours pas si c'est du à la bouffe indienne ou si c'est mon corps qui rejeté la substance, mais en tout cas j'ai bien peur de l'avoir libéré en même temps. Une demi-heure + tard. Anelor commence à se sentir de mieux en mieux, l'effet commence à se répandre dans sa tête et son corps. Moi je ne ressens rien, un peu déçu. Et puis soudain un spasme très agréable me parcoure et je me sens moi aussi de mieux en mieux. S'ensuivent 2 ou 3 heures géniales. On est allongé sur nos lits en écoutant des chants tibétains (Anelor a de petites enceintes), super détendu sous l'effet de la pâte. C'est très particulier, mes yeux se ferment de force, ils sont extrêmement lourds, mais je n'ai aucune envie de dormir et me sens au contraire ultra-lucide. Mon corps est parcouru de vagues de bien-être et je fais des micros-rêves géniaux, toujours complètement lucide. Puis je me réveille, on discute un peu, très enthousiastes et en forme, avec envie de raconter pleins de trucs, puis on repart soudainement dans nos voyages intérieurs, toujours très conscients. C'est sans doute la drogue la plus agréable que j'ai essayé (j'en ai évidement essayé très peu !). A un moment, c'est le tour d'Anelor d'avoir une remontée gastrique. Un autre effet secondaire pas très agréable est un picotement un peu partout sur la peau... du genre "non, non, je n'ai aucune hallucination, mais qu'est ce qu'il y a comme moustiques ici !". J'entends un son de guitare dehors et ma curiosité me pousse à sortir. Il est 22h passées et un couvre-feu interdit d'être dehors, tout est éteint, mais j'aperçois 3 ou 4 laotiens qui jouent de la guitare dans la guest-house d'à côté, dont celui qui nous a vendu l'opium. Ils m'invitent à rentrer et me proposent d'en fumer encore avec eux... c'est reparti ! Ils utilisent pour cela un tube à pipe avec un récipient en verre fixé à l'extrémité. Ils placent la pâte dans un trou fait dans le verre sur le côté, puis la percent encore au centre avec un cure-dents et on doit tirer sur l'embout tout en brûlant la pâte, la flamme étant aspiré par l'appel d'air percé tout en consumant le produit. C'est doux au départ, mais à force ça arrache la gueule. L'effet semble plus immédiat et durer beaucoup moins longtemps, mais je suis déjà globalement très détendu ! On se passe la guitare et je paye mon concert privé laotien... ça c'est fait ! Un irlandais nous rejoins, suivi de peu par Anelor qui a repris un peu la pêche. On discute un bon moment en fumant et en jouant de la guitare. Par contre j'essaye de boire une bière et mon corps signifie rapidement son désaccord en me la faisant rendre. Je suis pourtant vraiment bien ! La nuit qui s'ensuit, assez courte, est habitée de rêves excellents, sans doute influencés par l'effet de la substance qui s'estompe petit à petit mais qui continue à apaiser doucement mon corps et ma tête. Par contre Anelor me réveille au milieu de la nuit en me disant qu'elle a vu rentrer un rat qui est sous mon lit et qui bouffe des trucs ! Je m'extirpe péniblement de mes rêveries, on cherche partout sous le lit, il n'y a rien ! Le problème est qu'en plus le village n'est plus desservi en électricité pendant la nuit. Je mets ça sur le compte de l'opium et me fout de sa gueule, mais lorsque le silence se fait j'entends aussi la bête, plutôt sous le lit d'Anelor ! A la fois je m'en fout un peu, mais elle me dit qu'elle ne peut pas dormir avec cette bête sous son lit... on tend un piège à la bête en mettant des biscuits et de la viande de yak séchée sur le palier pour qu'elle parte, mais rien n'y fait. Un peu plus tard, Anelor me réveille à nouveau en disant que ça continue, que le rat n'est pas parti. On continue à le chercher en vain, et en plus c'est un peu flippant on a peur qu'il nous saute à la gueule. Mais on ne le trouve pas. C'est seulement au petit matin que soudain on le voit surgir de sous mon lit pour s'enfuir dehors. Bon ben on a passé la nuit avec un rat... enfin je crois bien !
La journée est principalement dédiée au retour en bateau à Luang Prabang. On met moins de temps qu'à l'aller, peut-être 7h, dans une relative quiétude malgré un bateau plein à craquer et une tempête de pluie ! Après s'être douché à la guest-house, on passe du temps à déambuler dans le marché, à faire de l'Internet, à boire des fruit-shakes. Puis, comme on est samedi soir, on décide... d'aller clubber ! Direction la discothèque à 2 Km du centre. L'entrée est gratuite et un groupe Live qui joue du bon vieux rock Thaï et de la non moins géniale Lao-Pop ! L'intérieur est très classe, l'ambiance est un peu timorée au départ mais dès que les premiers se lèvent pour bouger leur corps ça devient... la fièvre ! Le groupe laisse la place à une DJette qui commence à passer des tubes plus dansants. Je bois un whisky ou 2, enfourche mes énormes lunettes de soleil kitsch, et c'est parti pour foutre le feu à la dance-floor ! Les laotiens dansent avec nous car on les fait marrer. Et puis un gars à la tête super rigolote et au T-shirt "Amazing" (c'est comme ça qu'on l'appellera par la suite) tombe raide dingue d'Anelor. Il la regarde d'un air illuminé par la grâce et rejoins ses mains en se penchant en signe de respect. Il se met à danser avec elle et à lui parler. Quand il voit qu'on se connait, il se dépêche d'aller demander à une copine à lui de danser avec moi ! Pas mal le plan drague, j'ai beaucoup à apprendre !
Il vient ensuite boire un coup avec nous et on discute. Anelor lui dit qu'elle est mariée mais pas avec moi, et pour l'embrouiller je lui dis qu'on a divorcé hier et qu'elle s'est remariée aujourd'hui par téléphone... le pauvre est un peu perdu mais garde le sourire et continue à avoir une attitude
insistante. A 23h30 pile, la musique s'arrête et tout le monde déserte la piste de danse et le lieu.
Amazing part lui aussi. Mais ce génie a laissé un mot à Anelor avant de partir : "I love you but you don't love me but my number is ... ". Amazing.
Dimanche, on va visiter le musée de Luang Prabang, qui n'est autre que l'ancien palais royal dans lequel ont été rajoutés des statues de Bouddha, des fresques et d'autres témoins du passé. Le palais est déjà en lui-même magnifique avec des fresques intérieures entièrement réalisées avec du verre japonais multicolore retraçant des scènes de batailles, de prières ou de la vie courante. Il y a des trônes en or splendides, des légendes racontées sur les murs, des appartements royaux, des gongs en bronze impressionnants, et puis pleins de livres, la visite se termine par tous les cadeaux prestigieux offert au Laos par d'autres nations, avec notamment un morceau de lune offert par Richard Nixon au nom des Etats-Unis, expliquant qu'un drapeau du Laos y a été déposé par les premiers hommes ayant foulé l'astre. C'est en fait la première fois que j'ai un fragment lunaire à portée de bras et c'est assez émouvant ! Tout le monde est pieds nus dans ce palais luxueux, c'est rigolo. On se rend ensuite dans un grand marché excentré ou on trouve vraiment de tout et j'achète quelques perles de la musique Lao-Pop après avoir écouté pleins de CDs dans la boutique. On y mange un truc particulier, genre une pâte liquide à base de lait et de farine de riz, qui durcit en une pâte blanche un peu translucide quand on la fait chauffer à la poêle. Dedans est roulé un mélange de viande hachée, d'herbes, de morceaux de cacahouète effrités et on rajoute un peu de sauce au vinaigre et soja un peu salée. C'est délicieux ! Je rachète un fruit du dragon, des ramboutans et des mangoustans, et c'est une fois de plus un régal. De retour au centre, cession Internet de quelques heures, puis on grimpe en haut de la colline qui culmine au centre de Luang Prabang où on découvre une vue splendide de cette ville aux mille palmiers et du mékong. On retrouve ici le slovène qui était arrivé à Vientiane en même temps que nous ! Il y a aussi un beau stupa, de jolies statues de Bouddha, un moine qui frappe sur un gong, et... le coucher du soleil derrière les montagnes. C'est ma dernière vision de la ville car je dois déjà partir dans la nuit en direction de Vientiane pour entamer le sursaut final de mon voyage : 24h à Bangkok, 24h à Hong Kong, et retour à la maison ! Je suis pour la première fois saisi d'une vive émotion et un avant-goût de nostalgie se profile dans ma tête. Du coup ce coucher du soleil devient une image symbolique et forte. Le temps s'arrête quelques instants. Et puis redescente. Guest-house. Tuk-tuk. C'est à un carrefour que nos routes se séparent avec Anelor. Elle rentrera en France le 7 septembre, une semaine après moi. Ces 2 semaines passées en sa compagnie auront été géniales et je ne regrette rien. C'est elle qui m'a donné l'étincelle du départ en Asie et c'était top de se retrouver ici. On a beaucoup rigolé, on ne s'est pas engueulé. Et puis je ne peux que la remercier de m'avoir fait découvrir le Laos, ce pays enchanteur ! Le bus de nuit part et commence sa longue descente en direction de Vientiane. J'ai le cœur un peu serré. Lundi 29 Août - Bangkok/ 12h03
Jeudi 25 Août - Bateau entre Luang Prabang et Pakbeng / 13h55
Mon premier contact avec le Laos est une portion de "Sticky Rice" (riz gluant ou riz collant) qu'on peut pétrir à la main en petites boulettes de riz collé, accompagné de viande de bœuf séchée enfilée en fines tranches sur un bracelet en bambou tressé et agrémenté de différentes feuilles de salade fraiche, de menthe, coriandre, sauce de soja et sauce chili. Un régal de petit déj ! Le bus continue sa route encore toute la journée et on traverse le pays, sans rencontrer la moindre ville. Seulement de magnifiques paysages à l'état naturel, entre jungles de forêts secondaires, plaines marécageuses et collines. Ces terres donnent l'impression d'un pays tranquille et moins industrialisé, moins cultivé. En fait le Laos n'est peuplé que de 6 millions d'habitants en tout et pour tout, c'est à dire moins que sur la petite superficie de Hong Kong ! C'est donc normal que ça se ressente, ça change beaucoup de choses. Il n'existe aucune "grande ville moderne et affairée" au Laos. Tous les villages qu'on traverse semblent être des hameaux paisibles, avec des maisons faites de bois, de bambou tressé et de toits de chaume. On sent une certaine pauvreté mais toutes les personnes qu'on croise sur le bord de la route nous font de grands signes. C'est clair, on n'est plus au Vietnam ! Même leur langue est plus douce à l'oreille, plus chantante, et les visages ont des traits plus arrondis et agréables. A l'intérieur du bus, on rencontre 4 israéliens assez en clan, 2 allemandes assez sympas, et un vietnamien carrément avenant et rigolo qui parle parfaitement français et s'appelle "Viet", tout simplement. Il aura fallu attendre d'être au Laos pour avoir une relation simple et appréciable avec un vietnamien ! Il est en fait guide dans le Nord de son pays et nous conseille pleins d'auteurs à lire. On fait aussi la connaissance d'un slovène et d'un japonais qui semblent voyager ensemble et qui sont dans un autre bus mais qu'on rencontre à chaque halte. Le voyage est d'autant plus long qu'on est obligé de s'arrêter 4h à cause d'un éboulement sur la route ! c'est un peu après 20h qu'on arrive à Vientiane, 25h après notre départ. Au total, on aura passé plus de 38h dans les transports à la suite ! Un "Tuk-tuk" (les taxis du coin, genre de triporteurs assez pittoresques) nous conduit en centre-ville, étonnamment calme en ce début de soirée, et je suis Anelor dans une guest-house qu'elle connait (après 2 mois au Laos elle peut commencer à être un guide de qualité). La dite guest-house est d'ailleurs dans un état de certaine décrépitude, mais moins que son tenancier dont le visage ravagé par la fatigue et une maladie de la peau trahit un évident mal-être, il s'est sans doute fait lourde par sa femme pendant l'année ! Harassés par le long voyage et heureux de pouvoir enfin s'étendre, sans pourtant sans mal que nous sombrons dans les limbes d'un sommeil réparateur.
Lundi, première matinée laotienne. On se balade dans les rues de Vientiane, qu'on a définitivement du mal à appréhender comme une capitale ! La ville est en réalité assez étendue, mais on n'aperçoit aucun immeuble plus haut que quelques étages, de nombreuses routes ne sont même pas goudronnées, et on ne croise pas foule. Par contre on peut trouver tout ce qu'on veut, se balader longtemps sans en voir le bout, et il y a plein de guest-houses, de restos divers, de marchés et de banques. Tout est traduit en anglais ou en français (toujours en souvenir de l'Indochine). L'alphabet Lao est très proche du thaïlandais, tout en boucles voluptueuses. Et puis ici, on quitte toujours ses chaussures avant d'entrer dans un intérieur, les gens vivent presque tout le temps pieds nus. En guise de petit déj', on mange une salade de fruits frais au yaourt (savoureux mélange de mangues, litchis, papaye, ramboutans, banane, ananas, fruit du dragon...) dans la rue, un régal. En me promenant je croise une agence de voyage et décide d'organiser mon retour à Hong Kong. En me renseignant, je m'aperçois qu'il n'y a qu'une faible différence de prix entre l'aller direct Vientiane - Hong Kong et l'aller tronqué Vientiane - Bangkok / Bangkok - Hong Kong ! Du coup je décide de péter les plombs et d'aller à Bangkok en Thaïlande pour une journée avant de rentrer sur HK ! Je réserve directement mes billets : ça me fera un départ pour Bangkok le 29 au matin, un départ pour Hong Kong le 30 au matin, et un départ pour Paris le 31 au matin ! C'est un peu de la folie mais ça me plait de terminer par ce "blitzkrieg" de destinations. A l'heure du déjeuner je goûte le Laap de bœuf, une spécialité qui mélange de la viande coupée en tous petits morceaux, des herbes et des légumes (menthe, coriandre, petits haricots découpés, piment, vermicelles, citron épicé spécial, épices diverses...)- Le tout agrémenté de sticky rice, c'est vraiment délicieux (mais très épicé). Ici, on a l'impression que tout est simple mais que les mélanges sont délicieux. Un peu de citron et de menthe fraîche sur des produits de base et hop ! on s'emmerde plus en mangeant (technique souvent recherchée par un certain RB). Je bois aussi un jus de sapodilla frais, un autre fruit pas très goûteux qui ressemble à une patate et dont la texture, qui part un peu en purée dans la bouche, s'en rapproche aussi. L'après-midi, on va voir la "tuerie" de Vientiane, la couv' du Lonely Planet (qu'Anelor a récupéré au Vietnam à un voyageur qui venait du Laos),le Pha That Luang, grande stupa en or de 45 mètres de hauteur qui n'est autre qu'un reliquaire censé contenir des restes de Bouddha. La flèche centrale, en forme de bulbe, ressemble à un bourgeon de lotus allongé et repose sur un dôme lui-même couronné d'une frise évoquant les pétales de celui-ci. Cette éblouissante Stupa est entourée de nombreux temples et monastères à couper le souffle, comme tous les temples qu'on peut admirer dans ce pays. Ils ont presque tous des toits multiples qui s'emboîtent les uns dans les autres, rehaussés par des enluminures à têtes de dragons qui s'élèvent vers le ciel. Leurs façades sont brillantes et colorées (or, bleu turquoise, rouge vif...) et fourmillent d'innombrables motifs où se mêlent bouddhas et animaux de légendes. On y accède généralement par quelques marches dont les rambardes sont en forme de nagas (sortes de serpents à tête de dragon). Des sculptures de divinités burlesques et d'animaux fantastiques (dragons, chimères, chevaux ailés...) bordent souvent les parcs abritant les temples. A l'intérieur des temples on peut souvent admirer de gigantesques statues de Bouddha en or entourées de grandes fresques racontant des histoires et des légendes sur les murs. C'est magnifique tout en restant sobre, et ce sont de loin les plus beaux temples que j'ai vus de mon voyage. L'avantage c'est qu'ici il y en a partout, c'est très difficile de ne pas en croiser des tonnes en se baladant par la ville. Ils se trouvent tout le temps dans des jardins plus ou moins vastes entourés d'autres mini-temples et de tours à étages dans lesquelles pendent de gros tambours pour l'appel à la prière. De nombreux moines bouddhistes (à la fameuse toge orange et au crâne rasé) habitent dans des bâtiments attenants, vivant dans le recueillement et en respectant 527 préceptes de vie ascétique dans l'enceinte des temples. C'est donc les yeux remplis de splendeurs qu'on se rend en Tuk-tuk à une autre gare routière pour voyager en bus de nuit jusqu'à Luang Prabang (destination préférée d'Anelor), à quelques centaines de Km au Nord. Nous voilà donc déjà reparti pour un trajet de + de 11h... et on a encore du mal à dormir !
Je me réveille face à un paysage incroyable, le soleil levant éclairant d'orange les nuages posés sur les flancs de la montagne en contrebas. On arrive au petit matin à Luang Prabang sous un ciel dégagé. Je vois un mec qui met ça mitraillette en bandoulière derrière son dos avant de sortir... tout est normal. Un tuk-tuk nous conduit à la Sy-Somphon guest-house en empruntant des rues très aérées bordés de nombreux palmiers. On croise un peu plus de boutiques par ci par là, mais il est difficile d'identifier un centre-ville là dedans. Anelor me dit que ça lui a fait la même impression à sa première arrivée ici et qu'elle en était un peu décontenancée. On se retrouve seul dans la guest-house, mais la famille qui la tient est d'une gentillesse inouïe et nous montre des albums photos (ils demandent des photos de tous ceux qui passent ici, avec la date et la provenance !) en nous proposant des bananes délicieuses. Anelor retrouve sa photo de l'année passée et reconnaît d'autres personnes qui ont partagé sa route. On peut aussi donner son linge à laver (il était plus que temps), bref on se sent pas mal. Après avoir déposé nos affaires, nous repartons nous promener dans Luang Prabang. On ne tarde pas à croiser un marché. Les vendeurs (beaucoup de femmes) sont assis en hauteur, pieds nus, sur leur étale en bois dressé sur pilotis, et proposent toutes sortes de fringues, de tissus, soieries, artisanat. C'est super beau dans l'ensemble et on a envie d'acheter des tas de trucs. J'essaye de me freiner en me disant que j'en aurai bien le temps plus tard. On arrive même à ce qui ressemble à une rue principale malgré ses arbres et sa tranquillité, qui trajète au Nord jusqu'à l'embouchure du Mékong et du Nam Ou, l'autre fleuve traversant la ville. La rue est farcie d'ouvertures sur des jardins aux temples fabuleux et il est très difficile de déscotcher quand on est dans ce genre d'endroit. Ces temples sont encore plus sublimes qu'à Vientiane. Je me laisse progressivement envahir par l'atmosphère de paix qui flotte sur la ville. Je bois un jus de mangue et les enfants qui passent me lancent des "Sabaydi !" (Bonjour) pleins de joie, au milieu de ces temples, de cette nature luxuriante, et au bord du Mékong. La nourriture est exceptionnelle, personne ne vient nous solliciter dans la rue, les filles sont belles, aucune publicité ne vient ternir les rues (en dehors des devantures des magasins), il fait bon et ensoleillé... là je pense qu'on est pas loin du paradis ! Le manque de sommeil doit bien sûr jouer sur ma psychée à fleur de peau et on rentre faire une sieste après avoir savouré un bon Laap de poisson arrosé de jus de papaye. Pendant le repas un vieil homme torse-nu à l'oeil torve entre dans le resto, un flingue à la main ! Il tend l'autre main en montrant un billet... je fais mine de ne pas le voir et interroge Anelor du regard, inquiet, qui me dit de ne pas faire gaffe, que ce gars était déjà là l'an dernier. Et l'homme se casse, avec toujours le bras le long du corps et le doigt sur la gâchette ! Plus tard Anelor le recroisera dans la rue et prendra peur en voyant l'arme qu'elle n'avait en fait pas vue au resto ! Tout continue à être normal. Au réveil (3h après !) et malgré ma tête embrumée, la magie est toujours là. Dans la rue s'est mis en place le marché de nuit qui couvre la ville sur des centaines de mètres. Des petites loupiotes tamisées éclairent des tentes de fortunes où les articles à vendre sont disposés sur de petits tapis à même le sol. Ici les négociations sont un vrai bonheur : les vendeurs rigolent beaucoup, de bon gré, et c'est tellement sympa qu'on achète souvent avec le sourire, quel que soit le prix final. Anelor, qui adore les petits bracelets aux graines et coquillages tissés, devient frénétique et en achète une cinquantaine ! Poussé par une fièvre consumériste fort joyeuse, on achète des tissus, des T-shirts, des conneries... et on a bien du mal à stopper l'hémorragie ! Mais ça fait un bien fou. Un peu plus loin, le marché de nuit se transforme en "rue de la bouffe". On prend des morceaux de mangue et d'ananas par ci, des nems par là, une cuisse de poulet grillé à un autre endroit, et on se pose à une table en égayant tout ça d'une bonne Lao Béer. En se promenant encore un peu, on tombe sur... Viet, qu'on avait plus revu depuis l'arrivée à Vientiane, qui est avec un ami à lui, un français d'une cinquantaine d'année. Je leur parle de mon envie de me faire masser les pieds (chose que je repousse depuis le début de mon voyage), alors on décide de se donner RV le lendemain soir pour manger ensemble et se faire masser ! Le programme du lendemain va être chargé car, poussé par une envie de sensations fortes et voyant peu à peu se profiler la fin du voyage, j'ai proposé de faire une journée "à don" en passant par une agence de treks & co. Ça donne en perspective du bateau à moteur dans la rivière, un trek à dos d'éléphant, une baignade dans les cascades naturelles et 26 Km de kayak pour revenir en ville ! On préfère donc ne pas se coucher trop tard pour affronter ces aventures du lendemain.
Le mercredi matin, un bus de l'agence "Tiger trail" vient nous chercher devant la guest-house et nous trimballe dans la nature sur une vingtaine de kilomètres avant de s'arrêter. On a un guide juste pour nous, très marrant. Je lui dis que je suis chanteur et il se met à beaucoup me respecter, en m'expliquant que les chanteurs sont tous des gens heureux qui voient la vie comme un jeu et qui n'arrêtent pas de faire des blagues ! Je décide donc de lui en servir, des blagues, même s'il ne les comprend pas toutes (hum). Je fais super pote avec un singe à l'entrée du lieu, puis il essaye de me voler ma bague de Jade achetée en Chine et on se quitte en mauvais termes, dommage. On monte sur un petit bateau à moteur tout en longueur et assez instable qui nous amène à contre-courant jusqu'au site des éléphants. C'est impressionnant car le courant, il est vachement fort (mousson et hauteur de l'eau oblige). On est à 2 doigts de se renverser (c'est peut-être pas vrai mais je sens que les lecteurs ont besoin d'action). La balade à dos d'éléphant, c'est aussi bien rigolo. On est sur une sorte de nacelle-banc et l'éléphante (une femelle qui s'appelle Wd) progresse lentement dans la forêt, en tanguant beaucoup, à pas lourds (normal). Au bout d'un moment, le "chauffeur" qui est sur la tête de l'animal avec les genoux derrière les oreilles nous propose de prendre sa place à tour de rôle. Ça devient carrément casse-gueule mais on tient bon parce qu'on est trop fort. Le petit bateau nous conduit ensuite à l'endroit des fameuses Waterfalls (chutes d'eau). C'est très impressionnant, on a l'impression que l'eau se déverse à même la forêt, sur une large étendue, en passant au milieu des arbres et des pierres. La densité d'eau est énorme, elle s'écoule en de nombreuses cascades plus ou moins larges, par palier, sur une longue distance avant de rejoindre le fleuve. On grimpe un petit chemin sur les abords de ce spectacle inédit, et c'est là qu'on déjeune, dans une cabane sur pilotis avec vue imprenable sur les cascades sauvages. Je vais ensuite me baigner dans une petite cuvette entre 2 cascades. Le courant y est très fort et je dois lutter pour ne pas me laisser emporter par endroits. Je parviens finalement jusqu'à l'arrivée d'une chute d'eau et me mets dessous. L'eau tambourine puissamment sur mon dos et ce massage fait beaucoup de bien. Et puis la fraîcheur de l'eau est la bienvenue en ce jour de soleil de plomb. Je réussis même à faire se baigner Anelor, ce qui n'est pas loin d'être un exploit vu son amour pour le milieu aqueux. On continue donc la journée avec quelques bonnes heures de kayak. Le courant va vite, c'est très agréable. On a 2 kayaks, 1 une place et 1 deux places, et on change régulièrement. Les passages tranquilles où on peut admirer montagnes et forêts alternent avec des rapides de malades avec des vagues de 3 mètres de hauteur (ou pas), mais comme on est vraiment en forme on survit. Moi j'adore le kayak, et en plus j'ai particulièrement la classe en ce jour avec mon T-shirt "Lao Béer" rosé assorti à mon casque... On arrive fièrement à Luang Prabang, fatigué des bras mais repus des sens. La camionnette nous reconduit à notre guest-house, une bonne douche, et c'est reparti pour la ville !
Après une nouvelle traversée fatale du marché et après avoir croisé une fille en train de faire mine de s'enfoncer un immense couteau dans le ventre (décidément normal), on se retrouve vers 18h aux abords d'un temple qui s'apprête à commencer la prière. On se glisse discrètement dans le fond pour s'immerger dans l'ambiance. Une dizaine de moines de tous âges chantent des mantras langoureux et rythmés à la fois dans cet intérieur splendide, devant une gigantesque statue de Bouddha en or. La prière dure une bonne demi-heure et les sons m'enveloppent d'un bien-être palpable. Ma détente est totale quand je ressors du temple, un peu chamboulé mais serein. Je décide de devenir un moine bouddhiste. Puis je pense qu'il faudra me raser la tête et je lâche l'affaire ! Après quelques lignes tapées sur Internet, je retrouve Anelor, Viet et son pote et on se pose dans un resto de la "grande rue" pour dîner. Viet est toujours aussi agréable et son ami, un français dont il a été le guide au Vietnam 2 ans + tôt, est plutôt intéressant et nous parle de ses voyages en Asie et de nombreux faits politiques et historiques qui m'étaient inconnus. Salade composée et curry de poisson me remplissent bien le ventre et on se dirige vers le "Lotus herbal spa & massage". On est 3 à choisir l'option "foot massage" alors que Viet tente la totale avec un "body massage". La séance dure une heure et c'est super agréable de se faire laver, malaxer, appuyer, frapper, tordre, plier les pieds... mais putain ça fait mal ! Non mais c'est quand même pas mal, surtout qu'elles massent aussi la jambe et terminent par un massage du dos, épaules, cou et tête pendant les 5 dernières minutes. On sort vraiment détendu, voir presque trop (!), et c'est une épreuve que de rejoindre la guest-house à pieds ! Je m'écroule sur mon lit, lessivé mais sans doute le sourire aux lèvres.
Ce matin, le réveil sonne à 6h45 : on a décidé de partir en bateau sur le mékong pour goûter à l'ambiance des petits villages dans les terres laotiennes. Comme on sait qu'on repassera par là, on laisse quelques affaires délicates à Somphon, notre ami de la guest-house. On arrive un peu avant 8h à l'embarcadaire des ferrys (du même type que le petit bateau à moteur de la veille... en beaucoup plus grand). Il y a une trentaine de places sur des petits bancs en bois pas top confortables. Le bateau part vers 8h30 et... ça fait déjà 9h et demi qu'on navigue ! Il est maintenant 18h passées, et j'ai le cul totalement en compote. Ok, les rives du mékong sont jolies, le fleuve est large et imposant, les petits villages sont ravissants, et ça m'a permis de prendre le temps d'écrire toutes ces conneries... mais là j'en ai un peu plein le cul, c'est vraiment le cas de le dire ! A côté de moi, Anelor est en train de terminer Le monde selon Garp qu'elle a entamé ce matin ! Shivaree dans les oreilles : "I close my eyes"... moi qaund je ferme les yeux je me vois au Laos, et quand je les rouvre j'y suis... c'est quand même pas mal. Je me sens vraiment bien ici. Et le temps continue à grignoter les instants, mais je jouirai du maximum jusqu'au bout. Jeudi 25 Août - Bateau aux abords de Pakbeng / 18H16
Lundi 29 Août - Vientiane, dans l'avion pour Bangkok/ 10h30
II commence déjà à faire nuit quand le bateau arrive à l'embarcadaire (une planche posée entre lui et le sol !) de Pakbeng. A première vue, ce village, qui a tout de l'endroit typique avec des habitations en bambou tressé et en bois, souvent sur pilotis et donnant sur le mékong, a évolué très vite (vu son emplacement stratégique entre la Thaïlande et Luang Prabang) et s'est agrandi. On ne s'y sent plus complètement perdu dans la nature. On se dégote une chambre pas chère dans une guest-house, un peu plus haut dans le village, et le calme gagne quand même rapidement les lieux, même si la rue principale est encore animée par quelques restes et guest-houses et par des enfants qui s'amusent à sauter une corde tendue. Après mangre, on s'éloigne un peu de la ville en continuant la route qui longe la Nam Beng (qui se jeté dans le Mékong au niveau du village), et on est rapidement dans la nature, avec un ciel illuminé d'étoiles et le chant des criquets (?). De retour au centre névralgique, on achète un peu d'opium à un gars qui nous en propose... après tout, un voyage en Asie sans son lot d'expérience psychotrope n'est pas consommé entièrement ! On décide de goûter ça le lendemain et on va se coucher.
Vendredi, on se lève tôt sans avoir mis de réveil à sonner et on doit prendre une décision : soit on décide d'aller à Naw Kiaw, un village plus petit, assez loin au nord, soit on passe tranquillement la journée à Pakbeng et on rentre le lendemain à Luang Prabang en bateau (dans le sens du courant cette fois !). Comme j'ai vraiment envie de passer une nuit dans un lieu plus reculé, j'insiste pour qu'on essaye de partir. A la gare routière, le tuk-tuk géant de 9h en direction du Nord est déjà plein à craquer. On nous dit d'attendre le suivant qui part à l0h. Mais à 10h on nous explique que finalement il n'y aura pas de départ avant midi ! En fait le Laos, c'est tellement tranquille qu'ils s'en foutent pas mal des horaires. Je me dis que ça serait très con d'arriver là-bas à la nuit tombée sans profiter de rien, du coup on se fait rembourser nos tickets et on décide de rester. Par contre on troque notre chambre pour une autre, plus excentrée sur le bord du Mékong, à un endroit où on sent vraiment cette ambiance de petit village. C'est là qu'on avale un petit morceau d'opium chacun (il n'y en a pas beaucoup). Le fait de l'avaler plutôt que de le fumer est censé procurer plus d'effet, mais ce dernier est plus long à venir. On mange ensuite dans un reste indien avec une superbe vue sur le fleuve, et c'est très bon mais très lourd. Du coup on entame une promenade digestive en suivant un chemin de terre longeant le mékong. Plusieurs heures se sont passées depuis l'ingestion de l'amer pâte mais rien ne se fait sentir. La balade est super, on marche une bonne heure en traversant des petits hameaux avec pleins d'enfants trop craquants qui nous courent dessus avec des "Sabaydi !" illuminés. Tout le monde est accueillant, on ne croise personne d'autre, on est vraiment dépaysé. Pakbeng semble plus un lieu de passage qu'un endroit où les gens s'arrêtent, on a bien fait de rester. On ne sait pas si la légère pesanteur qu'on ressent vient de l'opium ou du repas de midi dur à digérer ! Du coup on en rachète une dose un peu plus grosse à un gars près de notre guest-house, au retour de la promenade. On l'avale tout de suite. Le goût est extrêmement acre et amer et il vaut mieux ne pas le laisser trop longtemps en bouche. Anelor l'entoure même de papier pour ne pas sentir le goût. On se pose un moment à la guest-house, à se reposer et à bouquiner, allongés sur la terrasse en bois donnant sur le mékong... et 2 heures passent, toujours sans le moindre effet. Et soudain j'ai la nausée et je vais vomir ! Je ne sais toujours pas si c'est du à la bouffe indienne ou si c'est mon corps qui rejeté la substance, mais en tout cas j'ai bien peur de l'avoir libéré en même temps. Une demi-heure + tard. Anelor commence à se sentir de mieux en mieux, l'effet commence à se répandre dans sa tête et son corps. Moi je ne ressens rien, un peu déçu. Et puis soudain un spasme très agréable me parcoure et je me sens moi aussi de mieux en mieux. S'ensuivent 2 ou 3 heures géniales. On est allongé sur nos lits en écoutant des chants tibétains (Anelor a de petites enceintes), super détendu sous l'effet de la pâte. C'est très particulier, mes yeux se ferment de force, ils sont extrêmement lourds, mais je n'ai aucune envie de dormir et me sens au contraire ultra-lucide. Mon corps est parcouru de vagues de bien-être et je fais des micros-rêves géniaux, toujours complètement lucide. Puis je me réveille, on discute un peu, très enthousiastes et en forme, avec envie de raconter pleins de trucs, puis on repart soudainement dans nos voyages intérieurs, toujours très conscients. C'est sans doute la drogue la plus agréable que j'ai essayé (j'en ai évidement essayé très peu !). A un moment, c'est le tour d'Anelor d'avoir une remontée gastrique. Un autre effet secondaire pas très agréable est un picotement un peu partout sur la peau... du genre "non, non, je n'ai aucune hallucination, mais qu'est ce qu'il y a comme moustiques ici !". J'entends un son de guitare dehors et ma curiosité me pousse à sortir. Il est 22h passées et un couvre-feu interdit d'être dehors, tout est éteint, mais j'aperçois 3 ou 4 laotiens qui jouent de la guitare dans la guest-house d'à côté, dont celui qui nous a vendu l'opium. Ils m'invitent à rentrer et me proposent d'en fumer encore avec eux... c'est reparti ! Ils utilisent pour cela un tube à pipe avec un récipient en verre fixé à l'extrémité. Ils placent la pâte dans un trou fait dans le verre sur le côté, puis la percent encore au centre avec un cure-dents et on doit tirer sur l'embout tout en brûlant la pâte, la flamme étant aspiré par l'appel d'air percé tout en consumant le produit. C'est doux au départ, mais à force ça arrache la gueule. L'effet semble plus immédiat et durer beaucoup moins longtemps, mais je suis déjà globalement très détendu ! On se passe la guitare et je paye mon concert privé laotien... ça c'est fait ! Un irlandais nous rejoins, suivi de peu par Anelor qui a repris un peu la pêche. On discute un bon moment en fumant et en jouant de la guitare. Par contre j'essaye de boire une bière et mon corps signifie rapidement son désaccord en me la faisant rendre. Je suis pourtant vraiment bien ! La nuit qui s'ensuit, assez courte, est habitée de rêves excellents, sans doute influencés par l'effet de la substance qui s'estompe petit à petit mais qui continue à apaiser doucement mon corps et ma tête. Par contre Anelor me réveille au milieu de la nuit en me disant qu'elle a vu rentrer un rat qui est sous mon lit et qui bouffe des trucs ! Je m'extirpe péniblement de mes rêveries, on cherche partout sous le lit, il n'y a rien ! Le problème est qu'en plus le village n'est plus desservi en électricité pendant la nuit. Je mets ça sur le compte de l'opium et me fout de sa gueule, mais lorsque le silence se fait j'entends aussi la bête, plutôt sous le lit d'Anelor ! A la fois je m'en fout un peu, mais elle me dit qu'elle ne peut pas dormir avec cette bête sous son lit... on tend un piège à la bête en mettant des biscuits et de la viande de yak séchée sur le palier pour qu'elle parte, mais rien n'y fait. Un peu plus tard, Anelor me réveille à nouveau en disant que ça continue, que le rat n'est pas parti. On continue à le chercher en vain, et en plus c'est un peu flippant on a peur qu'il nous saute à la gueule. Mais on ne le trouve pas. C'est seulement au petit matin que soudain on le voit surgir de sous mon lit pour s'enfuir dehors. Bon ben on a passé la nuit avec un rat... enfin je crois bien !
La journée est principalement dédiée au retour en bateau à Luang Prabang. On met moins de temps qu'à l'aller, peut-être 7h, dans une relative quiétude malgré un bateau plein à craquer et une tempête de pluie ! Après s'être douché à la guest-house, on passe du temps à déambuler dans le marché, à faire de l'Internet, à boire des fruit-shakes. Puis, comme on est samedi soir, on décide... d'aller clubber ! Direction la discothèque à 2 Km du centre. L'entrée est gratuite et un groupe Live qui joue du bon vieux rock Thaï et de la non moins géniale Lao-Pop ! L'intérieur est très classe, l'ambiance est un peu timorée au départ mais dès que les premiers se lèvent pour bouger leur corps ça devient... la fièvre ! Le groupe laisse la place à une DJette qui commence à passer des tubes plus dansants. Je bois un whisky ou 2, enfourche mes énormes lunettes de soleil kitsch, et c'est parti pour foutre le feu à la dance-floor ! Les laotiens dansent avec nous car on les fait marrer. Et puis un gars à la tête super rigolote et au T-shirt "Amazing" (c'est comme ça qu'on l'appellera par la suite) tombe raide dingue d'Anelor. Il la regarde d'un air illuminé par la grâce et rejoins ses mains en se penchant en signe de respect. Il se met à danser avec elle et à lui parler. Quand il voit qu'on se connait, il se dépêche d'aller demander à une copine à lui de danser avec moi ! Pas mal le plan drague, j'ai beaucoup à apprendre !
Il vient ensuite boire un coup avec nous et on discute. Anelor lui dit qu'elle est mariée mais pas avec moi, et pour l'embrouiller je lui dis qu'on a divorcé hier et qu'elle s'est remariée aujourd'hui par téléphone... le pauvre est un peu perdu mais garde le sourire et continue à avoir une attitude
insistante. A 23h30 pile, la musique s'arrête et tout le monde déserte la piste de danse et le lieu.
Amazing part lui aussi. Mais ce génie a laissé un mot à Anelor avant de partir : "I love you but you don't love me but my number is ... ". Amazing.
Dimanche, on va visiter le musée de Luang Prabang, qui n'est autre que l'ancien palais royal dans lequel ont été rajoutés des statues de Bouddha, des fresques et d'autres témoins du passé. Le palais est déjà en lui-même magnifique avec des fresques intérieures entièrement réalisées avec du verre japonais multicolore retraçant des scènes de batailles, de prières ou de la vie courante. Il y a des trônes en or splendides, des légendes racontées sur les murs, des appartements royaux, des gongs en bronze impressionnants, et puis pleins de livres, la visite se termine par tous les cadeaux prestigieux offert au Laos par d'autres nations, avec notamment un morceau de lune offert par Richard Nixon au nom des Etats-Unis, expliquant qu'un drapeau du Laos y a été déposé par les premiers hommes ayant foulé l'astre. C'est en fait la première fois que j'ai un fragment lunaire à portée de bras et c'est assez émouvant ! Tout le monde est pieds nus dans ce palais luxueux, c'est rigolo. On se rend ensuite dans un grand marché excentré ou on trouve vraiment de tout et j'achète quelques perles de la musique Lao-Pop après avoir écouté pleins de CDs dans la boutique. On y mange un truc particulier, genre une pâte liquide à base de lait et de farine de riz, qui durcit en une pâte blanche un peu translucide quand on la fait chauffer à la poêle. Dedans est roulé un mélange de viande hachée, d'herbes, de morceaux de cacahouète effrités et on rajoute un peu de sauce au vinaigre et soja un peu salée. C'est délicieux ! Je rachète un fruit du dragon, des ramboutans et des mangoustans, et c'est une fois de plus un régal. De retour au centre, cession Internet de quelques heures, puis on grimpe en haut de la colline qui culmine au centre de Luang Prabang où on découvre une vue splendide de cette ville aux mille palmiers et du mékong. On retrouve ici le slovène qui était arrivé à Vientiane en même temps que nous ! Il y a aussi un beau stupa, de jolies statues de Bouddha, un moine qui frappe sur un gong, et... le coucher du soleil derrière les montagnes. C'est ma dernière vision de la ville car je dois déjà partir dans la nuit en direction de Vientiane pour entamer le sursaut final de mon voyage : 24h à Bangkok, 24h à Hong Kong, et retour à la maison ! Je suis pour la première fois saisi d'une vive émotion et un avant-goût de nostalgie se profile dans ma tête. Du coup ce coucher du soleil devient une image symbolique et forte. Le temps s'arrête quelques instants. Et puis redescente. Guest-house. Tuk-tuk. C'est à un carrefour que nos routes se séparent avec Anelor. Elle rentrera en France le 7 septembre, une semaine après moi. Ces 2 semaines passées en sa compagnie auront été géniales et je ne regrette rien. C'est elle qui m'a donné l'étincelle du départ en Asie et c'était top de se retrouver ici. On a beaucoup rigolé, on ne s'est pas engueulé. Et puis je ne peux que la remercier de m'avoir fait découvrir le Laos, ce pays enchanteur ! Le bus de nuit part et commence sa longue descente en direction de Vientiane. J'ai le cœur un peu serré. Lundi 29 Août - Bangkok/ 12h03
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