13 août 2005

Dans les montagnes du Yunnan avec Pocahontas

Je profite d'une petite halte dans la ville de Mendzi, a quelques encablures du Vietnam, pour continuer mon récit. Mendzi n'est même pas citée dans le routard, mais moi je suis un fou. Bon j'avoue, j'y venais pour retrouver Fan "Pocahontas" Ling, une chinoise qui a partage mon voyage pendant 5 jours... mais j'ai l'impression qu'elle m'a pose un gros lapin, et il n'est pas aise de retrouver quelqu'un dans la rue ici ! Bon, revenons justement a ces quelques jours dans le Nord du Yunnan (province chinoise du sud-ouest) et a ma rencontre avec cette demoiselle si spéciale... perso j'ai été plutôt Fan.

Dimanche 7 Août 2005 - Bus en direction de Dali - 20h11

Le lendemain (Mardi 2), le train continue sa longue traversée vers l'Ouest et passe du Gandxi au Yunnan. Les pains de sucres laissent progressivement la place a des plaines plus rocailleuses. De nombreux petits villages sont traverses, les paysans au chapeau pointu s'échinent dans les récoltes. On traverse la ville de Shilin et sa foret de pierres : des milliers de hautes pierres de forment variables jaillissent des paysages pour former un vaste labyrinthe de pitons rocheux sur une immense superficie. Je ne sais pas si j'aurai le temps d'y retourner plus longtemps, d'autant plus qu'il s'agirait d'un des points les plus touristiques de la région. Le train arrive vers 14h a Kunming, avec 3 heures d'avance sur le planning. Entre temps je me suis laisse convaincre par Rock d'aller a Lijiang avec eux, une petite ville de montagne dans le Nord qui est selon lui de loin la plus belle de la province, et j'ai acheté mon ticket de bus sur un coup de tête ! Le Vietnam semble encore s'éloigner de quelques jours mais j'ai vraiment envie de découvrir ces villages en hauteur ou se côtoient des dizaines d'ethnies ancestrales, a 2 pas des montagnes tibétaines. On profite des quelques heures qu'on a a Kunming pour se faire une bonne bouffe locale avec Rock et Sugar, dans une sorte de cantine. On a pas le choix du menu mais le choix du prix (10 a 30 Y). On prend le repas a 20 Y (2 E) et la c'est tout un cérémonial qui commence. De nombreuses petites assiettes et coupelles remplies de viandes séchées, poissons crus et légumes divers sont empilées sur la table sans qu'on ai le droit d'y toucher. Puis un grand saladier de bouillon nous est servi dans lequel sont progressivement ajoutes tous les ingrédients ainsi que des jaunes d'œufs, des herbes et des Rice Noodles (grosses pâtes a base de riz). C'est très épicé (comme d'hab), assez bon et surtout très nourrissant. Une balade en centre ville me fait dire que Kunming n'est autre qu'une grande ville moderne (ya même un Carrefour). Le seul avantage est l'incroyable fraicheur de la ville... en fait le climat reste très doux pour l'altitude (2000 m), mais la différence avec la touffeur des ville précédentes est vraiment appréciable. Désintéresse, je trouve un accès Internet pour mettre a jour mes aventures... dans une salle encore plus grande et bondée qu'a Guilin ! Ça joue en réseau de partout. En fin d'après-midi mes nouveaux amis viennent gentiment me chercher et on rentre en taxi a la gare routière. Là-bas je me rends compte que j'ai oublie mon chapeau dans la salle des ordis, je suis bon pour un nouvel aller-retour en taxi. Heureusement que les chinois sont toujours très en avance. Surtout Rock et Sugar qui, sympathie mise a part, sont un peu trop sages et angoisses, en bref pas très Rock 'n Roll. Un exemple ? Ils stressaient grave de me voir écrire une heure avant l'arrivée a Kunming en train, se demandant si j'aurais le temps de ranger mon cahier a temps. Mais bon grâce a eux j'ai eu le temps de récupérer mon chapeau ! Le bus est compose de plein de couchettes très étroites et on est un peu les uns sur les autres. J'y rencontre 3 filles européennes, une française qui fait ses études en Chine depuis 6 mois et 2 anglaises avec des sales têtes, le genre de filles qui se plaignent de la bouffe locale et qui cherchent les McDo. Le voyage dure une dizaine d'heures et j'arrive a dormir par intermittence. Une pause vers 2h du mat me fait lever : dehors il fait frais, ça sent la vache et on voit les étoiles. On arrive a Lijiang (2400 m d'altitude) vers 6h30.

Rock et Sugar partent de leur cote et je me joins aux européennes pour me diriger en taxi vers la vieille ville, entièrement constituée de petites maisons basses avec un commerce au Rez-de-chaussée et la partie habitable a l'étage, dans le plus pur style naxi (l'ethnie majoritaire de la ville). Les naxis, originaires du Tibet, se sont installe dans le coin il y a déjà mille ans. Les femmes y occupent une place prépondérante et leur religion est un mélange occulte de chamanisme, d'animisme et de lamaïsme tibétain, avec des dongbas, grands sorciers exorcistes veillant sur le peuple et les récoltes. On se promené (sous la pluie qui s'est mise a tomber) a la recherche d'une guest-house mais il est difficile de trouver un logement a cette heure matinale. Du coup on s'arrête pour prendre le petit dej' et on goûte le pain local, frit et imbibe d'huile, qu'on trempe dans du lait au goût très fort. D'ailleurs plus j'y pense et moins je pense que c'était du lait de vache. Comme pressenti les anglaises tirent la tronche a chaque nouvel effet pose sur la table, et la française me prend un peu de haut. Du coup je leur fausse compagnie et me dégote une chambre a la roots dans un logement tenu par une vieille naxi. Je pose mes affaires, m'acheté un parapluie sur la place du marche et me met a arpenter les ruelles composant la vieille ville. Je me rend alors compte qu'elles sont au moins une cinquantaine a s'entrecroiser et qu'on peut facilement se perdre dans ce dédale (ce que je fais régulièrement). Le village reprend progressivement vie en ce matin pluvieux, des vieilles femmes portent de lourds paniers de fruits et légumes accroches a l'extrémité de longs bâtons poses entre leur épaule et leur dos courbe. Je me perd une bonne heure en observant les rues et la population. De nombreux petits canaux longent les habitations (auxquelles ont accède par des mini-ponts de pierre) avant de se déverser dans des courts d'eau plus larges sillonnant la vieille ville. Je perd tellement le sens de l'orientation que je me retrouve a l'entrée Nord alors que je pensais être plein sud ! C'est une grande place pavée avec des roues en bois baignant dans une petite rivière... ça dresse vraiment un tableau de petit village de montagne ayant su préserver son authenticité. J'aperçois a ce moment une jolie chinoise au regard angélique et a la beauté assez touchante sous son parapluie, qui me demande en anglais, avec beaucoup de douceur, si j'accepte de faire un tour en ville avec elle...

D'abord je me méfie un peu en me disant que c'est peut-être une "fille de joie", mais ses yeux ont l'air dénué de tout machiavélisme et, me fiant a mon instinct (bien connu pour ne m'entrainer que dans des bons plans), j'accepte. On fait connaissance en se promenant. Elle s'appelle Fan Ling ("Linda" pour son nom anglais), est du 15 Novembre 84 (une scorpione de 20 ans) et se retrouve seule après s'être engueulée avec ses 3 compagnonnes de voyage. Elle vient d'une ville a l'extrême sud du Yunnan, pas loin du Vietnam, et fait ses études pas très loin de Shanghai. On grimpe sur la colline jouxtant la vieille ville et on a droit a un joli panorama de toitures sombres, éclatées sur une grande superficie, dans le creux des montagnes. On y boit un thé et continue a discuter. Elle est en fait assez timide et très douce... il n'en faut bien sur guère plus pour me faire craquer, et de prime abord je suis loin d'être insensible a son charme. Mais je reste méfiant, d'autant plus quand elle me demande mon groupe sanguin ! En plus j'en sais rien (ben oui j'ai oublie) et elle a l'air très surprise... Ok oublions ça, si je pars sur le principe que c'est une rabatteuse pour une secte trafiquant du sang d'Européen, on a peu de chance de faire copain-copine. On continue à marcher et je ne tarde pas a me rendre compte que la ville est totalement blindée de touristes... c'est super désagréable, surtout dans ces jolis petits passages ou on est oblige de faire la queue dans des bouchons humain pour passer. On mange ensemble. Ça y est je mange chinois a chaque repas, mon ventre a l'air de tenir le coup et je trouve leur nourriture globalement très riche et complète, voire bonne, quoique que souvent un peu grasse. Cette fille a vraiment quelque chose de fascinant et je sens qu'elle est assez fascine par moi aussi, avec mon grand nez et ma dégaine d'européen. Mais ses intentions ne me semblent pas encore évidentes. Elle me fait part de son envie d'aller dans le Shangri-la les jours suivant. Le Shangri-la, c'est le nom donne a un paradis terrestre légendaire qui prendrait racine au Nord de Lijiang. Cachée entre forets, montagnes et canyons, cette terre fertile serait habitée par un peuple pacifique, d'une grande sérénité, qui vivrait en harmonie parfaite avec la nature, les ethnies locales et les dieux. Mais comme personne n'a jamais trouve ce lieu (??), le gouvernement chinois a décrète en 2001 qu'il était situe a Zhongdien (3160 m d'altitude), une ville a 200 km au Nord de Lijiang faisant historiquement partie des montagnes tibétaines... et depuis c'est devenu un nid a touristes ! Ça sent le traquenard, mais ça ne manque pas d'attraits non plus. Surtout qu'a mi chemin se trouvent les gorges du saut du tigre et ses de prodigieuses cascades, a l'endroit ou le fleuve Yangzi, tout droit descendu du Tibet, est le plus étroit. Je lui dis que ça me ferait plaisir d'y aller avec elle et elle est ravie. En ville, on croise ses 3 "amies" et Fan leur fait part de notre intention de voyager ensemble. Elles lui répondent en substance : "Chouette, comme ça tu seras pas avec nous". J'ai un peu l'impression d'être devant un épisode de "Princesse Sarah" quand elle se fait tej' par les méchantes de l'orphelinat, et sa tristesse me donne encore plus envie de la protéger. Ben oui si j'étais un personnage de dessin anime je serais un gentil qui défendrait les gentilles. En tout cas avec moi elle risque plus rien (hum). On va donc acheter des billets de bus pour le lendemain, en direction de ces fameuses gorges. Il n'arrête pas de pleuvoir, c'est chiant. Je me trouve une connexion Internet pendant que Fan Ling va se reposer, puis je vais assister a un concert traditionnel naxi : de vénérables nonagénaires a barbes blanches jouent des instruments rares, parfois a base d'animaux sauvages. La musique est très dense et d'une grande richesse harmonique. Rythmes, chœurs aigus et mélodies hybrides s'entrecroisent pour créer un tout qui respire l'unité et qui semble tout droit issu de la montagne. Entre chaque morceau, leur leader fait des blagues qui déclenchent systématiquement l'hilarité générale. Je crois avoir compris qu'a un moment il se foutait de la gueule de Pavarotti qui ne savait pas chanter... bon en tout cas c'était un bon Show-man. A l'entrée de la salle des photos de l'orchestre avec le président. Ce salop est en photo partout avec les gens sympas. Apres la représentation, je retrouve Fan qui a change d'avis : elle préfère qu'on fasse un parcours en bus de 2 jours qui nous emmènerait dans tous les endroits sympas de la région (en gros une excursion touristique). Je me tâte car j'avais bien envie de tenter la rando qui longe les gorges sur des km, mais même Gloaguen dit que c'est dangereux en temps de pluie, donc je cède. Chacun va dormir dans son hôtel (pas très éloignes l'un de l'autre), et on se levé a 7h pour annuler notre bus sec vers les gorges. Ça roule mais il est trop tard pour partir en tour le jour même, on s'inscrit donc pour le lendemain (une super excursion pas trop chère - 350 Y - avec les trajets + tout le fatra touristique sur 2 jours + une nuit a l'hôtel + les repas). On a la journée a nous et la pluie semble faire une pause même si le ciel reste voile. On est parti pour une balade dans les monts du dragon de Jade (ça envoie). Le parc naturel de la montagne est payant, et après on peut emprunter un télésiège pour se rendre au sommet a 4500 m d'altitude. Mais une nana vient nous voir et nous dit qu'elle peut nous emmener en minibus pour presque rien, sans avoir besoin de prendre le télésiège... ça sent l'entourloupe a plein nez mais Fan semble confiante. En fait elle nous amené au pied de la montagne dans une cours blindée de chevaux et nous incite a en monter un pour atteindre le sommet, moyennant 450 Y (!!). Joli traquenard, elle n'avait jamais eu l'intention de nous conduire la haut. Enerve, je l'insulte en anglais et lui dit de se casser (en lui payant juste le prix de l'aller en taxi). Je comprends que Fan est assez naïve et qu'il ne faut pas trop compter sur elle pour négocier... mais d'un autre cote sans elle je ne comprendrai rien et elle m'explique beaucoup de choses. Et puis elle est belle avec ses petites tresses. En fait je décrète officiellement que cette fille est une héroïne de dessin anime et je l'appelle POCAHONTAS vu qu'elle lui ressemble. Quand je lui dis ça, elle trouve ça incroyable car elle ajustement appris la musique de Pocahontas en cours l'année passée... qu'est ce que je disais, on est en plein dedans, j'adore ça. On part se balader sur les petits sentiers de montagne, c'est très agréable mais ça ressemble beaucoup aux Alpes en tout point, avec un climat comparable. Pocahontas est très fatiguée, elle a une sorte de mal des montagnes. Apres une petite sieste dans les fourres, on est réveillé par un troupeau de yaks broutant tout autour de nous... ok on n'a pas ça dans les Alpes. Pousse par le lyrisme du lieu et pris d'un élan d'affection, je m'approche de Fan Ling et commence a lui caresser l'avant-bras quelques secondes. Elle sursaute et me demande ce que je fais. Jouant mon rôle de personnage de Walt Disney a fond, je lui répond que je voulais savoir si elle avait la peau douce. Elle est sincèrement surprise, me voila au moins fixe sur ses intentions et sur sa bonne foie ! De retour en ville après une bonne bouffée d'air pur, elle doit changer d'hôtel car le sien est complet. Je lui propose de venir dans le mien, en tout bien tout honneur bien sur, mais elle blêmit en voyant qu'il n'y a que 2 lits dans une seule pièce. Je lui dis qu'il y a d'autres chambres mais non, elle veut partir d'ici tout de suite. A priori il est vraiment impensable qu'un garçon et une fille dorme dans la même chambre ici. Bon, je suis plus que fixé là ! Mais quelque part je trouve ça très rassurant de me dire qu'une fille chinoise peut aborder simplement un occidental sans arrière pensée autre que faire sa connaissance et échanger. En plus elle refuse des que je veux lui payer quelque chose, elle ne veut pas du tout avoir l'air profiteuse. Je suis finalement très content de cette rencontre, et voyager avec elle va me permettre de mieux comprendre cette culture chinoise. J'espère que personne ne pense que je suis déçu et que j'essaye de me faire une raison ! Un bon vieil amour platonique avec une jeune chinoise inaccessible, c'est quand même de la bonne Dead-story, non ?

On se pose finalement tous les 2 (c'est plus pratique) dans une guest-house avec dortoirs (la ça passe). Il est conseille et dans le Gloaguen et dans le Lonely Planet et ça se voit : ça parle toutes les langues sauf chinois la dedans ! Pocahontas va se promener puis se coucher, pendant que je profite d'une connexion Internet. Je joins ensuite une tablée avec 3 française et on se raconte nos anecdotes de voyage, on partage nos expériences. A la table a cote, ça parle anglais et espagnol. Finalement un gars un peu + âge se met a nous parler en français, je lui répond en espagnol, puis l'anglais reprend ses droits... on boit quelques bières tous ensemble et c'est un chouette moment. Ça fait parfois du bien de se retrouver autour de codes de communication et d'humour communs, même si voyager avec des chinois est une véritable chance.

Lever aux aurores pour être au Rendez-vous de la super expédition aventureuse dans les montagnes. Je suis le seul occidental du groupe, tous les autres sont des touristes chinois. Le circuit s'avère d'ailleurs ultra-touristique, et même les pauses pipi obligent a traverser des "centres commerciaux a souvenirs" avant d'accéder aux toilettes. Chaque halte "culturelle" est ponctuée d'un flot de vendeurs en tout genre essayant de te vendre des bracelets et autres, te demandant de l'argent si tu les prends en photo dans leur habit traditionnel, ou te vendant des photos de toi qu'ils impriment et plastifient sur place avec toute une armada de matos. C'est vraiment dommage car les lieux sont souvent magnifiques et verte ambiance touristique vient bien souvent ternir le tout. Outre ces agacements, les gorges du saut du tigre sont spectaculaires et étourdissantes, avec ses cascades déchaînées d'eau terreuse (pluie oblige) qu'on approche de si près qu'on semble être a la merci possible du courant. Certaines grandes giclées viennent d'ailleurs inonder le passage à touristes qui hurlent pour leurs appareils photos... belle revanche de la nature ! Les lacs de montagne paraissent figes dans les hauteurs brumeuses pour l'éternité. Les étendues de chevaux sauvages en plaine sont impressionnantes. Les temples tibétains ne manquent pas de prestance, voire même ils en jettent, accoles a la montagne, dans leurs couleurs ternes et dorées a la fois. Je m'écarte le plus possible des groupes et j'essaye d'imaginer ces lieux la nuit, livres a leur seule beauté naturelle, dénués de ce brouhaha incessant, baignes dans une aura lunaire apaisante. Le groupe se met rapidement a me détester car mes flâneries me font toujours arriver le dernier au car, alors qu'eux prennent "les 4 photos a prendre" (en posant dessus) et reviennent tout de suite. Ils sont toujours en groupe et ne supporte pas bien la solitude. Avec Fan Ling, on se lance parfois dans des grandes discussions et on continue a mieux se connaitre. Elle me fait rire car elle est autant a la ramasse que moi pour pleins de trucs (elle a par exemple perdu sa carte a puce téléphonique dans la montagne la veille !). Mais elle a beaucoup plus conscience que Rock et Sugar de la censure du gouvernement sur des tas de sujets, elle sait que c'est un véritable problème. A cote de ça elle est totalement fleur bleue, estimant qu'on ne peut aimer qu'une fois sous peine de grand fourvoiement. Quand je lui dis que j'ai déjà aime plusieurs fois et eu des relations intimes avec plusieurs filles, je la sens défaillir. Elle me dit que c'est typiquement masculin et que les filles cherchent toutes l'homme de leur vie (a part les prostituées). Je lui parle alors de Mai 68 en France, de la lutte des femmes pour le droit a la contraception, le droit de disposer de leur corps et la remise en cause de l'institution du mariage par une bonne partie de la population. Je lui affirme qu'on peut vivre des histoires fortes sans qu'elles soient forcement pour la vie... bon connaissant son référentiel de pensée, j'ai conscience de la portée provocatrice de telles assertions et je sais que je risque de ternir a ses yeux le légendaire romantisme a la française, mais il me semble intéressant de lui parler de ça. Elle est elle-même fille de parents divorces a qui elle en veut et qu'elle n'aime guère, et elle a été principalement élevée par sa grand-mère. Elle veut connaitre mes couleurs préférées (on est en pleine colo), je lui dis bleu et rouge, elle me dit que ce sont les couleurs de l'amour et du sexe. Et elle ? Bleu et blanc : l'amour et la pureté. Je crois que c'est clair. Elle me fait écouter de la musique pop chinoise avec une voix de femme magnifique et... c'est elle qui chante ! Je suis bien sur sous le charme. Dans le car, elle se met aussi a chanter, de plus en plus fort, avec des écouteurs sur les oreilles : je confirme en live, sa voix me transporte.

Le soir, a Zhongdien, on se fait embarquer dans une grande fête traditionnelle, entièrement repensée pour le circuit touristique bien sur. Les festivités ont lieu dans une pièce carre décorée de tibetaneries, avec une large colonne en son centre. Une cinquantaine de personnes sont assises par cote, sur plusieurs rangées. On nous sert le très bon vin local (dont de le goût n'est pas si éloigne du vin de paille) dans des petites coupes en terre cuite, ainsi que du thé tibétain au petit lait, sale... particulier mais ça se boit. On peut aussi y rajouter de la farine de blé du coin pour lui donner un aspect plus pâteux avant de l'ingérer. Je me retrouve a la meilleure place, la ou sont stockes tous les ravitaillements en boisson, je suis donc resservi très régulièrement. Du coup ça me met du baume au coeur et je suis assez emballe par les spectacles de danse et les chants qui se succèdent. A l'occasion de chacun de ces chants, les personnes touchées doivent se lever pour déposer un tissu blanc autour du cou du chanteur ou de la chanteuse qui tourne autour de la colonne centrale. La première partie de soirée est donc très appréciable, plus que la deuxième ou ça devient une sorte d'Intervilles entre les différentes régions représentées sous couvert de traditions locales un peu douteuses. Un peu imbibe, je me fais remarquer en sortant de la salle pour aller aux chiottes, et a mon retour on me tend le micro !! Fan me fait comprendre que je dois chanter quelque chose en français et la foule m'encourage, complètement hystérique... je ne peux plus me défiler. J'entonne "Ange" a un rythme plus rapide que d'habitude et 200 chinois survoltes frappent dans leurs mains en cadence : ça y est, j'ai fais mon concert en Chine ! Ça va vraiment péter sur mon pressbook ! Pendant mon tour de chant, pleins de gens, dont une majorité d'enfants, se lèvent pour me déposer les fameux tissus blancs autour du coup. C'est l'apogée de ma courte gloire dans l'empire du milieu. D'autres chinois m'emboîtent le pas puis la soirée se termine. De retour a l'hôtel, on va boire du thé jusqu'à tard avec Fan et notre guide, un jeune métisse entre les ethnies naxi et zang, assez proche de l'indien d'Amérique dans le style, plutôt beau gosse et la classe (sauf qu'il arrête pas d'envoyer des textos avec son portable !). Fan fait l'interprète entre lui et moi et je lui pose un certain nombre e questions sur le Tibet, le mouvement de libération, les enfants croupissant dans les geôles chinoises... lui non plus n'a jamais entendu parler de ça, alors qu'il n'est qu'a quelques kilomètres... c'est hallucinant. Il nous parle de ses frères et sœurs, du coup je les questionne sur la loi interdisant aux familles d'avoir plus d'un enfant. Ils m'expliquent que la loi est assez récente et qu'elle comporte de nombreuses exceptions. Tu as en fait le droit d'avoir 2 enfants si tu es toi même enfant unique, si tu habites à la campagne ou si t'as du pognon (le fait d'avoir plusieurs enfants prive de toutes les allocations familiales, mais certaines familles peuvent se le permettre). Mais ils disent aussi que beaucoup de familles ont plusieurs enfants car ils ne peuvent faire autrement. Quand je leur demande s'il est facile d'avoir la pilule ou de se procurer des préservatifs, ils semblent très gènes et disent qu'ils n'ont pas pour habitude de parler de ce genre de choses. Je comprends mieux d'où vient le problème !

La nuit est courte et la journée qui suit alterne comme la veille les pauses "culturelles", les pauses "bouffe en 5 minutes, ne perdons pas de temps" (dans un cadre tout de même convivial avec une dizaine de plats a partager, poses sur un plateau tournant au centre de la table), et les pauses... de Fan Ling, qui veut être prise en photo partout et qui efface tous les clichés dont elle n'est pas satisfaite. On s'engueule un peu, je lui explique que pour moi une photo est un souvenir, que la perfection de l'image n'est pas essentielle et qu'a force d'en prendre on passe moins de temps a profiter des sublimes paysages. Même si j'avoue être assez content de certaines photos ! Le soir, le retour a Lijiang se fait encore sous la pluie et on est trempe le temps de se rendre a pied a la gare routière. On prend chacun un billet différent, elle pour Kunming en direction de sa ville natale (Mendzi), et moi pour Dali, entre Lijiang et Kunming, "parce que ça a l'air bien". Un taxi nous ramené a la vieille ville ou on va se coucher dans une nouvelle guest-house (la première ou était Fan), fatigues, mouilles et sans trop se parler. Apres tout c'est normal qu'il y ait quelques petites tensions après 4 jours de voyage ensemble, non ? Le lendemain (Dimanche 7) est encore très pluvieux, et je le passe sur Internet a bosser un peu pour Mediatone, pendant que Pocahontas va faire quelques emplettes. L'ordi est dote de Microsoft office, fait très rare ici, j'en profite donc (Vive les clés USB). Je me rend aussi sur le nouveau site de l'asso, enfin en ligne, et il a vraiment de la gueule même s'il reste des choses a améliorer bien sur. Merci Manu ! Une guitare est accrochée dans la salle commune, je m'en empare et me met a "gratouiller un peu". Tous les chinois présents viennent me prendre en photo ou me filmer, sans doute plus pour le folklore de me voir chanter en français et en espagnol que pour la musique elle même. Puis le fils du patron se pointe (environ 3 ans) et s'effondre en larmes en me voyant... Ok j'ai quand même vole la guitare a Papa, pardon mec. Fan arrive juste a temps pour qu'on s'échange quelques gentillesses et qu'on se rencarde dans sa ville, sur ma route vers le Vietnam. Je m'approche d'elle pour lui faire la bise, a la française, mais elle s'y refuse... décidément le contact n'est pas facile ici, on est loin de l'Espagne ! C'est ainsi que je quitte les hautes montagnes du Nord du Yunnan et la douce compagnie de Fan Ling. Ces 5 jours auront été riches et m'auront vraiment permis de côtoyer de nombreux chinois. Et puis, maigre tout, Fan restera une fille que je n'oublierai pas. Mais trêve de nostalgie, en avant pour Dali ! Jeudi 11 Août - Yuangyang / 23h59

12 août 2005

Du Guangdong au Guangxi : premiers pas chinois

Je suis encore en Chine ! Bon, plus pour très longtemps si tout se passe comme prévu, mais c'est vrai que ce pays m'a happe, de ville en ville, de montagne en rivières... au final j'aurai passe plus de temps ici qu'au Vietnam alors que c'était ma destination principale. C'est un des plus grands avantages du voyage seul et pas planifie, tu peux changer tes plans au jour le jour au hasard des découvertes et des rencontres. Je suis a présent a Yuanyang, un village de montagne magnifique avec des rizières et autres cultures en terrasse a flanc de montagne... a perte de vue. Je ne me plains pas. Sauf que mes intestins me font bien la gueule depuis ce matin, mais bon pour l'instant j'y avais plutôt échappe ! Mais trêve de blabla, j'ai du retard a combler. Revenons 2 semaines plus tôt (déjà !), a mon retour dans la ville aux mille buildings...

Mardi 2 Août 2005 - Train en direction de Kunming - 10h17

Arrivée a Hong Kong amusante, avec un flic de douane qui m'aide a remplir les paperasses en alternant les rires, les "bonjour" et les "merci". Un coup de fil a Pierre : il est déjà chez lui et m'attend pour partir en Chine ! Je grimpe donc chez lui aussi vite que possible, boucle mes bagages et nous sommes rapidement a la gare. Notre objectif est de dormir a Guangzhou (Canton) mais il n'y a plus de train. On en trouve un qui va jusqu'à la frontière chinoise, a Shenzen, et on se dit qu'on verra bien là-bas. La douane se franchit sans soucis. Dans la fille d'attente on rencontre un black d'origine togolaise résidant a Canton, il parle donc très bien français. Il s'appelle Didier, il est la pour faire du "business". Il nous sort des phrases majestueuses, ce genre de vérité dont seuls les blacks ont le secret. Il veut qu'on lui trouve "le papier de l'Europe" pour qu'il puisse envoyer sa femme faire du business là-bas. Il est évidement prêt a nous payer pour qu'on se marrie avec elle ! Quoi qu'il en soit, la Chine, c'est plus Hong Kong, et passe la frontière on ne comprend plus rien ! Plus personne ne parle anglais et rien n'est traduit. C'est donc une chance d'avoir notre Didier qui nous qui nous aide a savoir ou acheter les billets pour Canton et quel train prendre. Ici c'est le règne du chaos ! Les chinois semblent beaucoup moins obéissants que les Hong Kongais, ils te bourrent pour passer devant toi au guichet, crient, crachent par terre... c'est assez déroutant mais finalement beaucoup plus humain ! Il n'est pas rare d'entendre des rots tonitruants dans le hall de gare (souvent féminins !) et ceux qui mangent des plats cuisines semblent faire le concours de "celui qui fait le + de bruit en mangeant". Dans le train, on commence a sentir les regards sur nous, on se sent vraiment étrangers. Par contre on se met a chanter des conneries super fort et personne ne fait mine de réagir... on ne sait pas s'ils nous prennent pour des malades ou si rien ne les étonne. On décide de jouer chacun un rôle "cliché" pendant ces quelques jours. Moi m'exclamant devant toute nouveauté, hurlant a la splendeur et au dépaysement, sortant des phrases genre "ça change ma conception du monde" et manifestant mon désir de me fondre a la population. Pierre campant le touriste de base qui se plaint des conditions, qui insulte les chinois en français, qui joue a la game-boy advance au lieu de s'intéresser a leur culture et qui me fait remarquer que l'émotion n'est rien d'autre que de la chimie, donc pas de quoi s'extasier. Je pense qu'on a pousse le délire a un niveau de drôlerie assez haut ces quelques jours et qu'on aurait amplement pu prétendre a une émission comique quotidienne avant le JT qui aurait fait beaucoup d'ombre a Kaamelot.

A Canton, on ne comprend vraiment rien de rien. Comme Pierre est déjà venu ici la semaine précédente et qu'il n'a pas trouve la ville exceptionnelle, on voudrait rapidement prendre un train pour Guilin ou Yangshuo (a 450 Km a l'Ouest) sachant que le trajet dure... 17h ! On essaye de se renseigner auprès des très nombreuses agences de voyage qui bordent un des couloirs, mais on ne les comprend pas, et après avoir tente d'établir une communication téléphonique avec le chef de l'agence on croit comprendre qu'ils veulent juste nous réserver une chambre pour la nuit a Canton. On repart donc sans avoir la moindre idée des horaires ni des moyens de gagner Guilin. On repère un hôtel bon marche et bien situe sur le guide du routard (que l'on appelle a présent le GLOAGUEN en hommage a son fondateur Philippe Gloaguen, routard premier, qui a su exploiter le filon avec pragmatisme). Il se trouve sur l'ile de Shamian, colée au centre ville mais beaucoup plus calme. Un taxi devrait pouvoir nous y emmener, mais on n'a malheureusement pas le moindre Yuhan (la monnaie chinoise) en poche. On trouve un gars qui accepte les HK$, facile, et nous voila parti... mais pour ou c'est une autre histoire, car le chauffeur, qui ne parle pas un mot d'anglais, semble ne pas comprendre la carte qu'on lui montre. Mais il part quand même, en rigolant beaucoup. Il roule longtemps sur des immenses voies rapides et on se prend un fou rire avec Pierre en pensant s'éloigner de la ville. Ce qui est sympa c'est que lui aussi est mort de rire en nous voyant comme ça, on est donc tous en train de rire aux larmes en se perdant au loin... enfin c'est ce qu'on croit, car soudain Pierre reconnaît l'ile ! On avait été très mauvaise langue, mais au moins on se sera bien marre. La chambre au Youth hostel nous coûte 200 Y (20 Euros), et même si elle est top la classe et climatisée on se dit que Gloaguen s'est bien embourgeoise (l'hôtel est dans les suggestions "très bon marche")... mais la nuit est bonne.

Le lendemain matin (Vendredi 29) on s'aperçoit qu'on peut réserver nos trajets depuis l'enceinte de l'hôtel. C'est pratique mais le train pour Guilin est plein. Du coup on réserve un avion (a 800 Y), c'est beaucoup plus rapide (on peut y être le soir même) et ça nous laisse toute la journée pour visiter Canton. Le temps de changer un peu d'argent et nous voila en ville. L'ile de Shamian est effectivement paisible avec ses larges avenues boisées et fleuries, ses bâtiments de l'époque coloniale bien conserves et ses berges remplies d'adeptes du Tai-Shi. Mais ça n'est pas non plus incroyable et ne mérite pas les 3 étoiles au Gloaguen, normalement symbole de "tuerie absolue, si vous ratez ça vous êtes des cons". On déjeune dans un resto sympa sur les bords de la rivière des perles, mais je commande un truc un peu ose (un mélange de viandes...), tellement ose que je ne touche guère a l'enchevêtrement d'os et de tripailles qui ornent mon assiette. Heureusement ya du riz. Je fais vraiment des efforts pour manger chinois mais j'ai vraiment pas de chance. Dans le resto ils sont 6 ou 7 a nous servir, on est l'attraction principale. En se baladant dans les rues du centre ville, on découvre une ville très sympa, bcp + agréable et typique que ce que Gloaguen voulait bien nous faire gober. Selon lui, Canton aurait vendu son âme au capitalisme et a la modernité, a l'instar de toutes les grandes villes chinoises. En réalité, en occultant les buildings et les voies rapides, le centre respire encore la tradition, avec des nombreux marches typiques (épices, poissons, jade, jouets,...) et beaucoup de gens jouant a même la rue. Mais je dois bien avouer que, venant de HK, n'importe quelle ville paraîtrait sereine ! Par ailleurs on visite un temple magnifique (Hua Lin)contenant pas moins de 500 statues dorées d'ahrats, les élevés de Bouddha. Cette merveille n'ayant qu'une étoile au Gloaguen, je me sens roule et décrète officiellement ne plus me fier a lui... bon ok je ne peux pas, ce con m'est indispensable. Au final, Canton m'aura séduit, et Pierre aura lui aussi découvert une facette de la ville (la plus charmante) qu'il avait occulte a sa première venue. Un taxi nous emmené au nouvel et ultramoderne aéroport de Canton (et qui dit ultramoderne dit : on traduit les affichages en anglais), et l'avion finit par décoller a 21h30. Dans le coucou l'ambiance est très bon-enfant, tout le monde rigole et crie l'équivalent du "oie" français a chaque soubresaut aérien. Tout le monde sauf notre voisin de droite qui semble paralyse de peur et qui réclame de l'eau toutes les 10 minutes pour prendre un nouveau cachet. On sent progressivement la chimie faire son effet en lui, ses traits se détendent, et il va jusqu'à y aller d'un rire bruyant et jovial au moment du pourtant très brusque atterrissage !

L'aéroport de Guilin est moins récent que celui de Canton. On suit le gros des troupes pour prendre une navette en direction de la ville, et j'y entends parler... catalan ! C'est un couple qui travaille en Chine depuis 2 ans et qui nous propose d'aller directement a Yangshuo avec eux en partageant le taxi si nécessaire. Cette ville semble plus petite et plus belle que Guilin, alors pourquoi pas ! Une chinoise leur dit qu'elle peut arriver a nous chopper un bus si on se dépêche, du coup on la suit a la sortie de la navette et on se retrouve effectivement dans un minibus. Le trajet est une horreur, c'est le tape-cul total sur une route de merde et on manque plusieurs fois l'accident de peu avec un malade au volant qui double sans aucune visibilité. On arrive finalement sains et saufs a destination. La même chinoise qui nous avait suivi dans le bus nous montre un hôtel pas cher (70 Y) et bien. Il est assez tard et on souhaite bonne nuit aux catalans (qui sont au même hôtel). Le téléphone sonne un demi-heure après notre installation : c'est la chinoise qui veut nous aider a planifier notre journée du lendemain ! On pense bien que c'est une sorte de guide a touristes, mais elle a pour l'instant été bien utile et elle peut bien nous aider dans notre découverte des environs, on lui propose donc de monter pour en discuter. Elle s'appelle Gloria ! En fait tous les chinois se choisissent un nom anglais (en général assez ridicule) pour faciliter les choses vu qu'on a souvent du mal a prononcer leur nom véritable (en l'occurrence un truc comme Cow Tiao Tsu). Elle nous propose tout un programme : lever tôt, location de vélos, balades dans les rizières, contemplation d'un Banyan Tree millénaire, visite d'une grotte avec bain de boue, déjeuner a la ferme et remontée de la rivière Li en bateau ! On accepte tout, et je vais jusqu'à rajouter aux festivités la grimpette de la Moonhill, parce que Gloaguen vente le point de vue qu'on a au sommet, et puis ya le mot lune dedans. Elle a l'air de tirer la gueule (?) mais est OK. Elle n'est pas excellente en anglais et on a parfois du mal a se comprendre, mais en la faisant répéter ça le fait a peu près. Pendant qu'on parle, le téléphone retentit a nouveau : c'est le réceptionniste de l'hôtel qui veut s'assurer que la fille n'est pas une pute ! Marrant.

Le réveil sonne de bonne heure, et Gloria nous appelle en même temps pour nous speeder. En mettant le nez dehors on aperçoit immédiatement ces grandes collines calcaires a pic qui entourent la petite ville et qu'on appelle communément des "pains de sucres". Je traduis d'ailleurs cela par "Sugar pain" (la souffrance du sucre !) ce qui fait beaucoup rire Pierre qui est plutôt fan de mon anglais. Apres un petit truc avale sur le pouce, nous voila parti dans les campagnes, enfourchant fièrement nos vélos de location. Pierre et Gloria roulent en tandem et je les suis péniblement avec mon vélo "normal" (parce qu'un tandem ça va plus vite). Le paysage est de toute beauté : d'innombrables pains de sucres se perdent a l'horizon, des rizières bordent routes et sentiers, des paysans vaquent dans les champs, des yaks cheminent... On est complètement ailleurs, je n'avais jamais vu ce type de paysage et d'ambiance, on se croirait tout droit projeté dans un monde fantastique. La route est malheureusement encombrée de véhicules en tous genres (vélos, motos, voitures, camions, bus...) et le code de la route est tout simplement... occulte. Mais c'est splendide. Par contre les deux autres tracent tellement sur le tandem que je n'ai pas le temps de laisser flâner mon regard autant que je le voudrais. On attache nos vélos pour faire un petit circuit pédestre avec des paons, des vendeurs de boissons chères et des paysans un poil clichés... ça pue l'attrape-touriste a plein nez, avec une petite traversée de rivière en bateau le temps d'une photo et une autre pause photo devant le fameux gigantesque banyan tree. On est bien sur précèdes et suivit de plein de touristes qui font le même trajet dans le même sens. Le seul truc vraiment sympa, c'est que les touristes en question sont pour l'immense majorité des chinois venus d'autres régions, ça change des gros allemands (ça marche aussi avec anglais). Par contre ils ne font que prendre des photos, et toujours les mêmes, ce qui fait 2 chinois différents allant au même endroit doivent avoir exactement la même collection de photos avec que la tronche qui change. Parce que bien sur il faut être sur toutes les photos sinon ça n'a pas d'intérêt. On finit par remonter sur les vélos, direction la Moonhill. On entame la grimpette a pied... et c'est un gros morceau ! On arrive en haut en nage (surtout moi) après une bonne demi-heure de montée très pentue, et je comprend mieux pourquoi Gloria faisait la gueule. Mais ça vaut le coup. Au dessus de nous se dresse une arche naturelle avec un vaste trou perce dans la roche, tel un anneau lunaire. Et, bien sur, le point de vue sur les paysages alentours est splendide. Pas rassasie, on monte carrément au sommet de l'arche et la, c'est 360 degrés de beauté. Je ne pense tout simplement pas avoir déjà vu un spectacle naturel aussi époustouflant. La rivière zigzague entre les pains de sucres et les rizières qui se perdent a l'infini. On est complètement seuls au sommet et aucun bruit néfaste ne vient entraver cette félicite naturelle. Sauf un klaxon de temps en temps, ok. Gloria accepte de nous chanter quelque chose en chinois, et la c'est juste le pied. Une longue chanson traditionnelle vient accompagner le plaisir des yeux, on vit un moment fort et touchant la haut. Quelques instants après, le sommet est pris d'assaut par une horde de touristes... fuyons ! On aura eu déjà beaucoup de chance d'avoir ce si long moment de solitude sur ce promontoire. La redescente est moins éprouvante mais termine de nous casser les jambes, et on repart en vélo jusqu'à la ferme de "Moonmother", une vieille femme un peu édentée mais très énergique qui a une sacrée classe du haut de ses 80 printemps. Et puis la terrasse donne sur la Moonhill, c'est joli. On s'entend vite super bien avec Mamie Lune, même si on se comprend pas. Gloria nous traduit la carte et nous aide a choisir, du coup pleins d'énormes plats arrivent au centre de la table pour que tout le monde se serve, comme il est coutume en Chine (en en foutant partout et en crachant par terre si possible !). Légumes du coin, bœuf cuisine, soue de tofu... la c'est vraiment de la bouffe locale, j'ai craque. C'est d'ailleurs a ce moment précis que mon intestin se manifeste, bien décide a me le faire symboliquement payer, et me voila courant aux chiottes turcs du dessous. On pourrait dire que j'ai fini par attraper une sacrée tourista, mais je préfère le dire tout net : j'ai grave la chiasse. Mais ça ne m'empêche pas de manger et c'est excellent, merci mamie moon. Apres le repas (et les traditionnelles photos avec la patronne), c'est reparti. On s'enfonce toujours un peu plus dans le sud profond de Yangshuo, jusqu'à l'entrée de la "Moon Water Cave". Décidément, ils aiment bien la lune par ici. On entre dedans avec un groupes de 8 chinois, et on est tous très beaux avec nos jolis casques jaunes et nos maillots de bain (slip pour Pierre qui n'en a pas). La grotte est très belle et on peut deviner des formes d'animaux et autres dans la roche (avec un peu d'imagination) aux détours de passages plus ou moins exigus. En plus certaines stalagmites musicales font des bruits sympas quand on les percute. Les chinois de notre groupe sont surexcites et ne cessent de se marrer, surtout 3 jeunes filles un peu fofolles. Vient l'heure du bain de boue, on est complètement dégoulinant, c'est un vrai bonheur. Ce qui craint c'est qu'on a amené nos appareils photo (sur les conseils de Gloria) et que c'est un exploit d'arriver a ne pas leur faire rendre l'âme dans cette grotte. Celui de Pierre survit d'ailleurs de justesse. A la fin on s'est bien intègre au groupe et on prend plein de photos avec les minettes survoltées. La sortie est plus haute dans la montagne et on la redescend a pied, du coup Pierre s'empare du mégaphone insupportable du guide (le résonnement naturel de la grotte jie semblait pas lui suffire) et hurle dedans des conneries en anglais. C'est la fête. On est déjà bien fatigue de la journée et on reprend les vélos en sens inverse. Cette fois c'est moi qui conduis le tandem avec Gloria derrière, et Pierre le vélo. A peine a-t-on commence a pédaler qu'il se met a pleuvoir pas mal. Une pause ou deux, et on repart a chaque accalmie. Mais le chemin du retour est assez long, et il se met a tomber des cordes a un endroit ou on ne peut pas s'abriter. Je sors le poncho un peu tard et toutes nos affaires sont déjà trempées, je baigne dans l'eau des pieds a la tête. Et la dessus, Pierre crevé ! Comme il pleut a torrent et qu'on a pas trop le choix il continue a pédaler en mettant le plus de poids possible sur le pneu avant (indemne). On prend de l'avance avec le tandem et j'essaye de préserver le sac avec tous nos trucs précieux et qui craignent l'eau... on manque de se vautrer plusieurs fois en roulant dans des grandes flaques. Pierre n'a pas l'air de suivre, je me dis que je partirai le chercher en taxi avec son vélo des mon arrivée en ville. On y arrive mais Gloria se perd et on a du mal a communiquer entre la pluie, notre anglais et ma capuche. Finalement on retrouve Pierre, qui a fait l'exploit de rouler 5 Km avec le pneu arrière crevé sous la pluie ! On se donne Rendez-vous la ou on a loue les vélos, on arrive avant lui et on l'attend longtemps. Finalement je le retrouve a l'hôtel ou il attendait depuis longtemps après avoir fait tt le tour de la ville, n'ayant pas retrouve l'endroit des vélos. Et la Gloria continue a nous speeder pour qu'on aille prendre le bateau "comme prévu". On lui explique qu'on est trempe, qu'il continue a pleuvoir et qu'on a bien besoin de repos. On avait pas prévu de rester a l'hôtel, du coup il est plein et on est oblige de changer. Le Youth hostel est moins classe mais moins cher et la douche qu'on y prend est une bénédiction. On étend notre merdier. Bon, ça va mieux. Le soir, Gloria revient pour nous sortir et nous faire découvrir Yangshuo la nuit... elle veut nous faire danser dans un truc de djeuns'. On la suit (accompagne de sa copine de l'hôtel), mais la on commence a faire n'importe quoi, a ne pas les suivre, a se rebeller contre l'autorité du guide. Du coup c'est nous qui les promenons de partout, sur les berges de la rivière Li puis dans les rues fiévreuses de monde. La copine n'en peux plus et se casse. Sur la place principale, je commence a dire a Pierre que les voyageurs que j'avais rencontre a Hong Kong partaient ensuite our Yangshuo, et a ce moment ils apparaissent devant nous ! Délire. On discute vite fait mais ils sont morts de faim et on se quitte rapidement. On se pose finalement au Green Lotus Club, et on se retrouve a cote... des catalans de la veille ! C'est rigolo car la ville est vraiment blindée de monde. Apres 1 ou 2 bières on change pour le Blue Lotus (!) et on assiste a un karaoké-Live assez majestueux. L'ambiance est plutôt chaude, une chinoise vient me faire un bisou pour gagner un pari sous les acclamations du bar... tout est normal. Gloria baille de plus en plus, on lui dit d'aller se coucher, je crois qu'on la bien tuée. Mais on fait pas les malins non plus. On va se coucher vers 2h pour un réveil a... 4h30 ! Ben oui Gloria a repousse la remontée de la rivière en bateau le lendemain aux aurores, pour ne pas qu'on ai de problème avec la police... pas compris.

Le réveil n'est évidement pas très frais et nos affaires ne sont évidement pas sèches. Le hall de l'hôtel est vide et la porte d'entrée verrouillée. On sent le traquenard, on se dit qu'on ne va pas pouvoir sortir et on est comme 2 cons avec nos gros sacs et nos gueules atterrées du matin. Mais Gloria se pointe et fait résonner la sonnette jusqu'à réveiller la patronne. On sort en courant pour chopper un minibus devant nous emmener a notre point d'embarquement. Les paysages qui s'éveillent de la pénombre sont incroyables et nous tiennent éveilles le temps du trajet. A 5h30 environ, nous naviguons sur la rivière Li. La traversée est lente et paisible, baignée dans une fraiche atmosphère de début de journée, et le soleil apparait progressivement derrière les pains de sucre. C'est effectivement la meilleure heure et nous ne rencontrons quasiment aucune autre embarcation sinon quelques barques de pécheurs aux attelages de cormorans. On entend les oiseaux siffler le lever du jour et leurs chants bercent ces visions de nature sublimée de part et d'autre de la rivière sinueuse et apaisante. Si apaisante qu'il nous arrive de somnoler voire de dormir quelques instants, allonges sur le pont, mais les réveils en sont d'autant plus saisissants. Une petite pause pour nous faire alpaguer par la population locale qui essaye de nous refourguer (avec succès !) des cailloux de la rivière tailles, et c'est reparti. La balade dure finalement 3 bonnes heures et c'est sous un soleil déjà assez teigneux que nous reprenons un minibus pour le centre ville de Guilin. Sur place, notre premier objectif est d'organiser nos départs respectifs. Pierre travaille a HK le lendemain matin, et je voudrais pour ma part rejoindre Kunming (beaucoup plus a l'Ouest) car il existe une ligne de train Kunming-Hanoi. Gloria est complètement paumée dans Guilin et est obligée d'appeler un autre guide en renfort ! Guide 2 s'appelle "Mike", mais appelons le guide 2, ça sonne toujours plus local. Il est un peu plus âge et semble assez démerdard avec son petit calepin sature de numéros de téléphone. Il nous emmené dans une agence de voyage et Pierre finit par réserver un avion, car plus de place dans les trains. Je réserve pour ma part une couchette dans un bus qui va a Kunming en 20h, départ a 17h. Tout est règle, on a le temps de faire 2-3 trucs dans le coin ! Direction la flûte de roseaux, un peu plus au Nord, avec guide 2 qui nous suit "parce qu'on est fun". La grotte est gigantesque et éclairée de manière très rigolote, de toutes les couleurs. Les formes crées par la roche sont surprenantes, filandreuses et angoissantes... on se croirait dans un lieu entièrement sculpte par HR Giger ! Le seul hic réside dans le tour organise au mégaphone qui parvient maigre tout a briser l'emprise du lieu, surtout quand on ne comprend rien. Du coup on s'enfuit, et les quelques instants qu'on arriver a passer seuls entre 2 groupes nous permet de mesurer la force qui se dégage d'un tel lieu. Allez, on n'a pas été trop déçu, on décide donc de continuer a se fier a Gloaguen pour la suite. Un taxi nous emmené cette fois a l'Est de Guilin pour visiter le Mausolée des princes de Jingjiang (guide 2 n'est plus la). On se pose d'abord dans une gargote pour casser la croûte, et la c'est carrément... pas bon. Des espèces de morceaux gras et osseux de poulet trempant dans un liquide assez suspects. Allez, mangeons du riz gaiement. Par contre ils nous offrent des petits gâteaux a la courgette fourres d'herbes et de sucre, particulier mais pas mauvais du tout. Le prix annonce est exorbitant, on se casse en en payant la moitié, en moyen terme avec la tenancière. La fatigue commence a nous assaillir et on porte nos gros sacs vu qu'on n'a pas d'hôtel pour la nuit. Et la on paye pour voir un truc tout simplement minable : une maison chinoise avec quelques panneaux et un tertre tout ce qu'il y a de plus banal. C'est nul, c'est sûrement pour ça qu'on y est seul et que le lieu n'est desservi ni par des bus ni par des taxis ! Du coup on marche en plein cagnard jusqu'à rejoindre une route ou passent les bus municipaux. On a un petit moment de fatigue et de déprime, et on en perd presque un moment notre humour décapant, pourtant a toute épreuve. Gloria commence un peu a nous énerver car on ne la sent pas des plus débrouillardes et on perd patience quand elle ne nous comprend pas. Mais il ne faut pas craquer, elle a quand même fait énormément pour nous.

Arrivée à Guilin juste a temps pour mon bus. A la station, on m'apprend que celui-ci a eu un accident et est cassé, et que celui du lendemain est plein. Ne pas s'énerver, il doit y avoir une solution. Je vais à la gare : plus de place non plus dans les trains du jour et du lendemain ! La c'est la merde. Mais guide 2 réapparaît et se lance dans une discussion enlevée avec le mec des bus. Ils ont l'air de bien s'engueuler, mais au final guide 2 me tend un ticket (un bout de papier avec des inscriptions qu'il a écrit lui-même !) en me disant que je peux prendre un autre bus qui passe dans une heure, mais que je devrai attendre debout 5 heures avant qu'une couchette se libère pour moi. Je suis pas a ça prêt bien sur, donc tout devrait rouler. On file 300 Y a Gloria pour son aide pendant ces 2 jours. Elle a l'air de trouver que c'est beaucoup, refuse dans un premier temps. Elle doit aussi se faire pas mal de pourliches a droite a gauche, mais quand même passer 48h avec des lascars comme nous c'est pas de tout repos, ça mérite bien salaire ! Au revoir et remerciements a Pierre, on aura passe des super moments ensemble et je n'oublierai pas la façon dont il m'a accueilli ici, même si c'est un gros con. C'était SUPER, mec. Me voila livre à moi-même pour la première fois ! Pendant l'heure d'attente, je rencontre 2 suisses allemands (dont un juif, avec la kippa), une israélienne (hasard) et un coréen du sud. Le juif et la fille se mettent à parler en hébreu et je parle français et anglais avec les autres. Ça devient plutôt convivial. Le gars de la station nous fait finalement signe de le suivre et on marche 1 quart d'heure dans les rues, jusqu'à un point ou on est censé arrêter un bus qui va a Kunming pour monter dedans. C'est ce qu'on fait, sauf qu'il n'y a aucune place de libre dans les couchettes. Moi j'étais au courant mais manifestement pas les autres... ils prennent ça plutôt bien. En regardant vers l'avant du bus, je vois qu'une énorme engueulade a pris corps entre le chauffeur, un grand baraqué avec un chicot a la place d'une dent au faciès très peu avenant, et le gars des bus, plus gringalet et qui gesticule en reculant. Ce dernier me fait finalement signe de le rejoindre, avec un air contrit. Je viens voir de quoi il retourne, le chauffeur s'empare de moi, me crache dessus et me jette violement dehors. J'essaye de m'accrocher en insistant, en suppliant, en disant que j'ai paye ma place comme tout le monde, mais il me pousse a l'extérieur et démarre sans moi. La c'est vraiment la galère ! Le gars des bus m'explique par des gestes qu'il était a 2 doigts de se faire taper, que le bus était trop plein, qu'il n'avait pas le droit de me vendre ce billet. Coup de déprime, surtout que je sais qu'il n'y a plus de place pour le lendemain. Il appelle guide 2 qui nous rejoint, s'excuse, me rembourse le bus et m'aide a trouver un hôtel pas cher près de la station. Apres avoir passe plein de coups de fil, il me dit qu'il a un plan pour m'avoir une couchette dans le train du lendemain grâce a un ami qui travaille a la gare et qui connait un autre gars qui pourrait m'arranger. Bref c'est l'embrouille, mais je n'ai que ça auquel me raccrocher et je n'ai pas le choix. Il me donne Rendez-vous a 20h pour aller manger avec moi et me promener en ville. Il veut me pousser a aller me faire masser, avec possibilité de terminer la nuit avec la masseuse (grand sourire de sa part)... je lui dis ne pas être intéressé pour la nuit, mais un massage pourquoi pas après cette (très) longue journée. La chambre d'hôtel sent un peu les égouts mais la clim fonctionne ce qui n'est pas rien. A 20h, je poireaute un moment devant l'hôtel mais personne ne vient. Bon, il faudra que je le retrouve le lendemain si je veux profiter de son plan. Une nana de l'hôtel me montre un endroit ou on peut se connecter a Internet : une salle immense avec des centaines d'ordinateurs. Je lis mes mails et en envoie quelques uns. Je me sens très fatigue et seul, paradoxalement, au milieu de tous ces chinois pour qui ma présence ne semble pas passer inaperçue. C'est en plus le jour du déménagement de la maison et une soudaine nostalgie m'envahit, que je partage par mail interpose. J'ai vraiment l'air d'effrayer tout le monde avec ma dégaine d'occidental et mes yeux humectes de larmes. Mais l'émotion est importante pour faire le deuil des choses et je pense que j'en avais besoin.

Me revoilà a déambuler dans Guilin. Passée la grande rue principale et son agitation, avec pleins de magasins de fringues, de salons de massages et de coiffeurs ouverts, la ville devient charmante et le passage se fait rare. En passant dans une rue remplie de petits restas, un homme me fait signe de venir m'assoir en me montrant une chaise et... une bouteille de bière. Ouaouh, une bonne bière, ça c'est une idée géniale. Le gars s'appelle Tang, il gère le resto et parle très bien anglais. Il y a plein de bassines remplies de poissons sur le trottoir. Tang est le chinois le + sympa que j'ai rencontre jusqu'à présent. Des qu'une bière est finie, il en ouvre une autre et refuse que je paye. Quelques dizaines de minutes passent avant qu'un couple d'anglais en balade ne croise aussi le chemin du resto, et c'est reparti ! Ils se joignent aussi a nous (cette fois c'est moi qui les interpelle) et partagent bières, histoires et rires. Paul et Carly viennent de Birmingham et ont fait un grand tour de Chine. Ils disent que c'est la première fois qu'ils passent autant de temps a discuter avec un chinois et qu'ils sont si bien reçus... je dois avoir un peu de chance. En plus d'être agréable, Carly est ravissante, ce qui ne gâche rien. Et Paul est le genre d'anglais que j'aime bien. Il pourrait jouer sans problème dans un groupe pop-rock a succès et avoir des centaines de groupies, il aurait toujours cet air intouchable et dédaigneux, genre laissez-moi vivre ma vie. On discute longtemps, on siffle pas mal de bières, et on se quitte en se promettant de se retrouver le lendemain midi pour manger ensemble au resto de Tang ! Je ne me sens déjà plus seul et m'endors content pour une longue nuit reposante qui me remet sur les rails.

Je me rend au resto a midi (au lever du lit) et Tang me reçoit avec une poignée de main prolongée et un sourire des plus avenant. Il m'avoue avoir mal a la tête avec les bières de la veille mais il a l'air plutôt en forme. Je le trouve vraiment génial, cultive et drôle, et il m'explique plein de trucs sur son pays. Il me demande ce que je veux manger, je lui dis que je suis tente par un poisson, alors il me fait lever pour lui montrer celui que je veux dans les bassines ! Il me conseille une sorte d'anguille, son meilleur poisson (et le + cher). Ça me fait plaisir de faire un bon repas chez lui, j'accepte. Il me propose alors de me faire 2 assiettes différentes avec 2 moitiés d'anguille, une épicée et frite à l'huile d'olive, l'autre bouillie et mitonnée avec des petits légumes. Je ne peux pas refuser. Il s'empare alors du long poisson, le pose a terre et se met a le frapper de toutes ses forces avec une grosse latte en bois ! Il s'y prend a une dizaine de fois, en pleine rue, et le poisson frémit et se tord a chaque coup... c'est assez dingue, ça sera la première fois qu'on tue devant moi ce que j'aurai dans la bouche dans la foulée. Ses préparations sont bien sur délicieuses, et il m'explique pendant que je mange les différentes méthodes de cuisson et les différences entre un bon et un mauvais poisson. L'assiette épicée est délicieuse, elle m'arrache bien la gueule mais je me demande pourquoi on ne mange jamais de poisson épicé en France. Apres ce repas copieux, Tang débarrasse la table et annonce avec un large sourire : "Now it's Tea Time !". Il sort une tablette a thé en bois et commence la préparation avec une extrême minutie. Chaque objet en bois faisant partie du set joue un rôle très particulier. Il prépare un thé spécial, fort et amer, réservé a l'amitié. Le thé qui déborde coule dans le fond de la tablette, dans lequel baignent des petites pierres sculptées représentant sa famille, afin que tous ces moments d'amitié autour du thé les préservent et les nourrissent. Chaque geste compte. Les petites tasses sont dans un premier temps remplies puis versées dans le fond pour les purifier et rendre le thé meilleur. Puis c'est le service pour de vrai. Le thé se sent longuement avant d'être bu et savoure, afin que tous nos sens soient en alerte et que l'odeur se propage dans tout le corps pour préparer la venue du liquide. C'est un moment particulièrement exquis et le thé est sans aucun doute le meilleur que j'ai jamais bu, extrêmement fort mais avec une multitude de saveurs en bouche et une douce amertume. Sur ce arrive le couple d'anglais, sortis tardivement du lit. Ils commandent du poulet et Tang leur prépare 3 assiettes cuisinées différemment ! Il adore partager sa passion et veut nous faire découvrir toutes ses spécialités. Apres le repas, Tang ré-initie le cérémonial du thé avec la même magestria. Paul et Carly sont aussi enthousiastes que moi et on trinque tous les 4 au thé de l'amitié. Apres quoi Tang nous propose de nous accompagner en ville pour nous montrer les plus beaux endroits. Carly lui a dit au détour d'une conversation qu'elle adorait la peinture, nous voici donc rapidement dans une galerie d'art dont le peintre est un ancien prof de Tang. Les œuvres sont très belles et très bon marche, et on craque tous les 3 avec plaisir. Nous partons ensuite faire un tour pour admirer les pains de sucre en plein cœur de la ville. Ils sont assez nombreux et des parcs sont aménages autour de chacun d'eux, accueillant de nombreuses personnes faisant leur Tai-Shi ou leurs exercices en plein air. Je finis par prendre congé de Paul et Carly et retourne chercher mes bagages (que j'avais entreposes chez Tang) après cette journée réjouissante. Je retrouve guide 2 en le faisant appeler de la gare routière et il ne me fait pas faux bond. Il m'explique qu'il a du aider des étrangers a aller a l'hôpital, d'où son lapin de la veille. On entre dans un taxi direction la nouvelle gare au Nord de la ville. Là-bas guide 2 parlemente avec un gars un peu bourru qui semble acquiescer, mais je ne lui fait pas totalement confiance. Dans la salle d'attente de la gare, un jeune couple me salue en anglais, et guide 2 en profite pour en faire mes nouveaux mentors. Il leur explique l'histoire et se casse sans demander d'autre argent que le prix du train (normal, j'ai vérifie) et le prix du taxi pour rentrer en ville. "Rock" et "Sugar" (!) me disent que tout a l'air ok et acceptent de m'aider. Et effectivement tout roule, et ils arrivent a me dégoter une couchette a cote d'eux pour qu'on puisse discuter. Merci guide 2, t'as vraiment assure. Le train fait en réalité Shanghai-Kunming en 48h ! Les couchettes sont propres, c'est le top. Je suis a nouveau l'attraction principale du train mais je commence a m'habituer et joue le jeux en répondant aux "Hello !" et consorts. Rock est sympa, il me paye a bouffer et on discute jusqu'à tard. Je profite d'être avec un étudiant pour lui demander ce qu'il pense du gouvernement chinois. La propagande a l'air d'aller bon train car il me certifie qu'il n'y a plus aucun problème maintenant, que tout le monde peut dire ce qu'il pense du régime dans la rue ou sur Internet, que la liberté d'expression gagne du terrain. Je lui demande pourquoi il n'y a que des journaux et télés d'état, il pense que les choses sont justes un peu lentes a se mettre en place. Il me dit qu'en 10 ans l'ouverture de la Chine sur le monde a été considérable (ce que je conçois vu la modernisation du pays). Il a récemment découvert Star Wars et d'autres blockbusters américains qui ne sont pas accessibles depuis si longtemps, il a donc vraiment l'impression que la Chine est tournée vers l'extérieur. Je pense que le gouvernement a très bien compris comment donner cette impression de liberté tout en ne laissant filtrer que les informations qui l'arrangent. De plus en plus de chinois sont connectes a Internet haut-débit, mais presque tous les sites mettent largement en avant les jeux en ligne, les sonneries de téléphone a télécharger et les pubs. Tout est fait pour donner l'impression que tout est possible a présent, en aliénant suffisamment les gens avec cette nouvelle modernité pour qu'ils ne pensent même pas a gratter la surface. En vérité chaque personne critiquant le régime se retrouve en prison (si ce n'est pire) et de nombreux sites ferment a cause de la censure. Je demande aussi a Rock pourquoi les chinois n'élisent pas leurs dirigeants, il me répond qu'ils sont trop nombreux et que ça serait trop complique a mettre en place. Je lui demande s'il est au courant des exactions commises par l'armée chinoise au Tibet, il n'en a jamais entendu parle. Il a pourtant 21 ans, étudie a Shanghai et est loin d'être con. Apres des heures de discussions, il conclue par : "Bon, peut-être que ça prend du temps, mais on est sur la bonne voie". Positivons au lieu d'agir, c'est exactement ce que souhaite le gouvernement. Mais après tout nos informations aussi sont peut-être biaisées par tel ou tel lobbies, donc prudence aussi (c'est ça qu'il faut dire Patoche ?). On parle aussi musique et je lui fait écouter (et découvrir) Nirvana, System of A Down et Radiohead... il est surpris mais ça lui plait ! Il me confirme que le Rock n'occupe pas une grande place en Chine. Sinon dans le train l'ambiance est rigolote : tout le monde jeté des trucs et crache par terre et une équipe de nettoyage vient passer la serpillère toutes les 10 minutes ! Ils s'adaptent a leurs mœurs et ça crée des emplois : il doit y avoir pas loin de 50 personnes pour le seul nettoyage ! Avant de me coucher, une femme d'une cinquantaine d'année vient me demander de parler avec sa fille et son petit fils (5 ans), qui apprennent tous les 2 l'anglais (!). Elle est prof de chinois a l'université et son anglais est irréprochable, ce qui est peu courant. Elle me donne son numéro pour que je l'appelle en cas de pépin car son mari est flic ! Sympa. Avant de me coucher je jette un œil dehors : c'est la première fois que j'aperçois autant d'étoiles ici. La rame est maintenant baignée dans l'obscurité, le silence est de mise et on n'entend que le doux ronronnement du train et le doux ronflement du voisin. C'est dans ces temps de pause, dans ces heures passées a se laisser transporter d'un oint a un autre, a laisser vagabonder ses pensées en admirant les étoiles, que le voyage prend vraiment du sens et qu'on mesure la chance qu'on a de pouvoir vivre cela.

02 août 2005

De Hong Kong à l'enfer du jeu

Ça fait plus d'une semaine que je n'ai pas eu le temps de recopier mes notes... c'est plutôt bon signe ! C'est vrai qu'il s'est passe pas mal de choses depuis le dernier post : petites a moyennes galères, découverte de lieux sublimes, rencontres riches, et chemin parcouru tant bien que mal. Je suis actuellement a plus de 1200 Km de Hong Kong, a Kunming, la capitale de la province du Yunnan dans le Sud-Ouest de la Chine. Je suis entoure de centaines d'ordinateurs et d'autant de chinois qui soit jouent en réseau, soit me montrent du doigt en rigolant. S'ils continuent je me levé et je leur casse la gueule. Bon OK ils ont l'avantage du nombre. Revenons plutôt a mes derniers jours dans la ville aux mille buildings et a ma descente aux enfers dans le stupre et la luxure de Macao...

Mercredi 27 Juillet - entre HK et Macao / 10h48

Lundi, je passe pas mal de temps sur Internet le matin, puis pars a la recherche de l'endroit ou on peut obtenir des visas pour la Chine. Pierre a pose son Vendredi et a décide de partir avec moi en direction de Guilin et Yangshuo. De la il retournera a Hong Kong alors que je descendrais vraisemblablement en direction du Vietnam. Apres avoir bien galère pour trouver le Visa office, je poireaute 2h avant de passer a un guichet avec une nana au moins aussi sympa qu'un Lemmy (Motorhead) au réveil. Elle refuse ma demande car elle ne comprend pas ce qu'est un "intermittent du Spectacle". Tu m'étonnes, j'ai pas choisi la facilite la. Elle veut ma Name Card (carte de visite)... finalement je lui ponds un Music Promoter et ça a l'air de passer. Je remplis aussi les papiers pour Pierre et lui fait une jolie signature. Sur le papier je mets qu'il travaille, il me dira plus tard qu'il n'a pas le droit de travailler, qu'il est censé être en voyage.. Oups une boulette. Les passeports doivent nous être rendus Mercredi (2 jours après), on verra bien. Une fois ces formalités accomplies, je prends le ferry qui me fait traverser la baie en direction du quartier de Kowloon et décide de me faire le musée d'art de HK. Un petit musée ça fait jamais de mal.


Beaucoup de vieilles peintures chinoises et de calligraphies. C'est intéressant (je prend l'audioguide en anglais pour comprendre un peu le sens de tout ça), mais rien ne me scotche totalement. Il y a aussi beaucoup de bronze, de verre, de céramique ou de corne de rhinocéros sculptée... on survole ainsi 4000 ans de dynasties au travers de l'artisanat chinois. J'essaye de m'y repérer un peu dans les dynasties mais c'est le bordel. En gros a chaque fois c'est la même chose, quelqu'un se révolte et reprend des terres et forme une nouvelle dynastie. Sauf qu'a certains moments de l'histoire, la Chine est divisée jusqu'à huit territoires, et a d'autres moments plus "stables" l'empire de Chine englobe a peu près toute l'Asie actuelle. Alors ensuite quand tu vois un vase avec juste une étiquette indiquant : Vase de la dynastie Ming, t'es dans la merde pour savoir l'époque et le lieu. Bon vers la fin du musée j'ai compris ou c'était écrit très clairement, j'avoue. Une chose a retenir de tout ça ? Les chinois ils déchirent grave en céramique et en corne de Rhino. Non sans blagues il y a des objets assez surprenant et d'une finition incroyable. Une autre galerie temporaire est appelée Afrench Vision of China et comporte quelques lithographies un peu pourries et quelques gravures qui ont sans doute plus de valeurs historiques qu'artistique. Mais comme c'est des artistes français (inconnus pour moi) ils ont une expo spéciale. Ici la France, c'est du pain béni ! La majorité des magasins de fringue ont des noms français, souvent avec plein de fautes ce qui est tordant, genre "Moiselle" ou "C'est belle". Des qu'on dit qu'on est français quelque part c'est des sourires, on est vu comme les romantiques pacifistes. Merci Chichi. Dernière galerie intéressante qui montre le travail d'un peintre chinois contemporain, Hon Chi-fun. En sortant du musée, je me fais une séance d'omnimax truc (grosse boule comme la géode), avec un film qui explique la relativité. Plein d'étoiles qui tournoient, bien foutu et impressionnant. Sauf qu'a la fin ça explique que la bombe atomique est garante de la paix dans le monde et que plus de la moitié du globe a l'électricité grâce aux centrales nucléaires. On perd pas le nord a Hong Kong. En plus j'avais une place numérotée et je me suis retrouve au pire endroit, mais ils n'ont pas voulu que je change de place maigre la centaine de sièges vacants. Me voila ensuite dans le Space muséum, il y a plein de petits mécanismes a actionner pour mieux comprendre l'espace, comme a la Villette. C'est rigolo mais pas très "local".


Je retourne sur HK Island, arrêt de métro Causeway Bay, et vais manger vietnamien avec les mêmes personnes que le ciné le deuxième jour (j'aurais tout le temps de manger chinois au Vietnam !). C'est de nouveau très sympa, on commence a bien se connaître et a bien se chambrer. On aimerait faire le championnat du monde de Bowling en rajoutant une équipe Hong Kongaise (Laurence et Harry), mais le noir de monde sur place nous incite a nous replier dans un bon bar ou on boit de la bière du monde entier (belge en l'occurrence). On s'échange nos adresses e-mail entre 2 batailles de cacahouètes et 3 conneries de Valérie qui nous font bien marrer, puis on se quitte quelques photos plus tard en se promettant de se revoir a Lyon, a HK ou ailleurs. C'est clair qu'ils vont me manquer. Chez Pierre, je me prépare pour Macao le lendemain et les 6 ou 7 tasses de thé bues au cours du repas ne m'aident pas a trouver le sommeil. Je m'endors pourtant et me réveille en sursaut avec 2 révélations : 1) L'Abbé Pierre est mort (je viens de vérifier, c'est faux), 2) Mon visa étant dans l'appareil administratif de Hong Kong, je ne peux pas me rendre a Macao le lendemain (c'est un autre territoire, sans nécessite de visa mais avec douane). On arrive a une révélation sur deux utile, c'est pas mal.

Je me levé pourtant de bonne heure le lendemain pour continuer de recopier mes notes ici même. Je visite ensuite un nouveau centre commercial (encore du patrimoine culturel) et parviens a négocier une bonne réduction pour une SD card IGo (je vais pouvoir ramener un max de photos). C'est étonnant mais en fait on peut tout négocier sauf dans les supermarchés ici. Au fait, j'avais peur qu'il n'y ai pas de festival a Hong Kong, mais il y en a un énormissime tous les êtes. Ça s'appelle le Shopping Festival et tu peux avoir des réducs sur des milliers de produits !


Me voila parti pour l'ile de Lamma en ferry, au Sud de HK. Dépaysement total. Passe le petit village de commerces et de plages a l'arrivée, plus un chat ! L'ile est totalement a l'état de nature et les voitures n'y ont pas accès. Par contre tous les chemins sont bétonnes et une grosse centrale thermoélectrique borde l'un des rivages... ils peuvent pas s'empêcher. J'emprunte donc le petit sentier bétonne reliant Yung Shue Wan a Sok Kwu Wan, autre village desservi par des ferry. La ballade, qui dure Ihl5 environ, longe le littoral a flanc de colline, alternant grimpettes et redescentes. La flore est dense et variée et la faune est très sympa : papillons, lézards, araignées géantes, serpents venimeux (enfin j'en sais rien mais si c'est le cas j'ai échappe a la mort, ce qui donne beaucoup plus de piment a l'histoire). Faire une ballade en plein cagnard a 80% d'humidité dans l'air, c'est quelque chose de super intéressant... mais je ferai pas ça tous les jours ! Tu transpires juste quelques litres de flottes, c'est pas grave si tu rebois régulièrement. Arrive a Sok Kwu Wan, j'en n'ai pas assez et décide de repartir faire un tour dans le sud de l'ile, a la recherche de beaux points de vue. Et la, ça devient carrément spécial : je marche une quarantaine de minutes sans croiser le moindre pékin (joke), avec pour seuls compagnons des bruits suspects et stridents. De nombreux papillons géants volètent a quelques centimètres de moi. Je croise un cimetière chinois a ma gauche (des arcs de cercle en béton avec une photo sordide au centre et un rond rouge - a la japonaise -juste au dessus), recouvert en partie par la nature. Encore une quarantaine de minutes de marche, ça monte globalement pas mal avec beaucoup de marches (en béton...).



J'arrive exténué a un point de vue en hauteur donnant sur le versant sud de l'ile, et je me repose dans un petit abris ombrage typiquement chinois prévu a cet effet. La vue est splendide et les contours de l'ile se détachent très distinctement. Végétation intense parsemée de roches, sable fin et océan scintillant au soleil. C'est pas mal, un véritable havre de paix. Deux autres personnes sont arrives exactement en même temps que moi, par deux chemins différents du mien. Nous nous présentons, l'un est slovène et habite l'ile pour 2 semaines, l'autre est étudiant a HK et il est venu arme d'un matos photo... très offensif. S'ensuit une longue discussion très sympa (en anglais) a la croisée des chemins, au milieu de nul part. On parle de nous, de tout, de rien, on échange des points de vues et on se passe nos adresses, se promettant un pied a terre dans nos pays respectifs. Ça vaut ce que ça vaut mais ça fait du bien, et ça me donne l'impression que le "voyage" commence vraiment. Chacun repart par un chemin différent, et me voila crapahutant le plus haut sommet de l'ile. La montée est longue et éreintante mais la récompense en est d'autant plus appréciable. Me voici dominant l'ile, son vert manteau, ses plages lointaines, ses roches millénaires et... sa centrale. Ça gâche juste tout mais c'est quand même une super belle vue qui s'étend sur de nombreuses iles autour (dont HK). Je chemine sur la crête sur quelques centaines, puis entend un truc derrière moi pas rassurant... ce n'est qu'un lézard ce coup ci mais, un peu flippe, j'accélère la cadence... et me prend une suite de gigantesques toiles d'araignées dans la gueule, tissées de part et d'autre du chemin. Je m'essuie tant bien que mal (torse poil bien sur), ça fait comme des boules moites que j'essaye de jeter au sol. J'en ai plein mon chapeau, plein le torse, et surtout je flippe de découvrir dans mes doigts une énorme araignée. A un moment une lanière noire de mon sac me frôle l'épaule et ça me fait sursauter. J'essaye d'aller toujours assez vite, entame la descente et dévale des milliers (?) de marches qui n'en finissent pas. J'arrive vers 17h30 a bon port et j'entends parler français juste avant de monter dans le ferry. Je fais connaissance avec ces 3 voyageurs pendant le trajet. Loïc et JB ont dans les 22-23 ans et viennent de Valence (des Rhône-Alpins !), ils voyagent depuis 8 mois ! Ils ont fait le tour d'Afrique, sont remonte par l'Egypte au Moyen-Orient puis sont allés en Inde, au Tibet, et les voila en Chine. Ils ont rencontre Kim (le 3eme) au Népal. Lui est belge d'origine flamande et indonésienne, et il vient de parcourir pas mal de pays asiatiques. Leur objectif est de remonter la Chine jusqu'en Mongolie, puis de prendre le transsibérien avant d'arriver en car en France. Ça c'est du voyage, ça rigole pas trop. A terre, je les invite a boire un coup pour qu'ils me parlent un peu plus de leurs voyages. Une petite Guinness plus tard, nous repartons en quête de manger pas cher (car ils commencent a être regardant niveau sous, fin de voyage oblige), et le moins cher et plus nourrissant a Hong Kong n'est autre que... Me Do ! ! ! Sérieusement c'est 4 fois moins cher qu'ailleurs ici, genre concurrence déloyale. Du coup je les accompagne (on rentre dans une catégorie supérieure la, mais où nous arrêterons nous ?). En plus on peut payer avec la carte OCTOPUS, qui te permet aussi de prendre tous les transports en commun 10% moins cher, qui marche pour les distributeurs de canettes dans la rue et au 7 eleven, la plus grande marque de supermarché de HK. On est en plein dans la world compagnie et je rentre gaiement dans ce système, heureux consommateur profitant des commodités offertes en bouffant des hamburgers, et surtout en me demandant comment les gens faisaient, "avant"... ça tourne mal, vivement le départ !

Je reste avec les 2 voyageurs pour la soirée et on traverse tout le quartier de Kowloon de bas en haut, parcourant les tumultueux marches de nuit Temple street market et Ladie's market. On y trouve vraiment tout et n'importe quoi, mais surtout... n'importe quoi. Gadgets inutiles, slips kitsch, souris en peluche qui sautillent, fringues a la con, outils improbables, compilations françaises des armes 70, chaussures mal contrefaites, pipes pour bab, posters des chevaliers du zodiaques, figurines de Dark Vador et bijoux insolites. En gros tout ce qui me plait, je viendrais sûrement y faire des folies juste avant de partir ! Je rentre plutôt vanné de cette journée éprouvante mais riche en rencontres inattendues.



Le lendemain, je me levé bien décidé a me rendre a Macao. Je suis au Visa office a 9h pétantes pour l'ouverture et récupère les passeports sans problème, puis direction le terminal des ferry pour Macao ou je prend un tout en un, aller-retour + hôtel. L'hôtel revient a environ 36 euros, ce qui est en fait ultra cher pour les environs mais le moins cher en réservation depuis HK, et puis je m'en fout de toute façon je vais gagner tellement de pognon aux jeux que ça me le remboursera largement (hum).

Macao est située sur une péninsule chinoise et est le dernier territoire étranger a avoir été rétrocède a la république de Chine, en 1999. Cette ancienne colonie portugaise est pleine de charme, un bel exemple de cohabitation entre orient et occident, entre tradition et modernité. Les quartiers y sont tantôt influences par HK avec de grands buildings auxquels viennent se coller d'immenses casinos rivalisant en devantures multicolores, tantôt par la Chine avec des tas de ruelles traditionnelles et de marches typiques, et tantôt par le Portugal avec de nombreux bâtiments de l'époque coloniale. Beaucoup d'églises charmantes et bien entretenues (aux couleurs blanches et jaunes crémeux, extérieurs comme intérieurs) parsèment la vieille ville. Elles voisinent harmonieusement des temples chinois très joli, ériges en l'honneur de telle ou telle divinité issue de la mer. La majorité des ruelles sont composées de mosaïques noires et blanches modernes, représentant des figures marines. Tout le quartier historique dégage une ambiance très méditerranéenne et chaleureuse, on est loin des préjuges de ville sordide qu'on peut avoir sur Macao. Une ville a échelle humaine avec un passe s'exprimant de multiples manières, au carrefour des civilisations, quelque part entre Asie et l'Europe. En l'occurrence c'est en Asie.


Je me fais des mon arrivée trimballer dans un vélo-taxi pendant une heure (après une difficile négociation), pour me faire une idée globale de la péninsule. En réalité il ne me montre presque que les casinos ! Des qu'on passe devant l'un d'eux, il se retourne pour me dire "Casino !" en le montrant du doigt. Je lui demande quel est le plus important (rentrant dans son trip par dépit) mais a part les chiffres et quelques mots il ne comprend rien a l'anglais. Finalement il s'arrête devant un grand casino (Le Lisboa) et me dit : "Casino /". Il fait une pause, un grand sourire et ajoute : "Number one /". J'ai ma réponse. Il fait une pause pour que je visite un temple puis me pose dans la vieille ville ou je flâne un bon moment. A midi je mange dans un resto du poisson frit cuisine a la portugaise avec plein de petits légumes et d'huile d'olive (on commence a saisir un brun de cohérence, non ?). Ça coûte 100 Patacas = 100 HK$ = 10 Euros, pas donne. De toute façon je m'en fout ce soir je serai riche. A oui la monnaie ici c'est donc des patacas. En français on traduirait ça par "pataquès", mais comme ça veut rien dire je préfère dire "patates" (et puis ça fait sûrement plaisir a Guillaume). "Allons claquer des patates a Macao" est notamment une phrase qui a de la gueule, je trouve. Apres le repas, je continue a baguenauder dans les ruelles macanaises, vais voir les vestiges d'une église, puis monte en haut du vieux fort portugais, encore agrémente d'imposants canons d'époque. L'intérieur a été réaménagé et abrite a présent le musée de Macao, qui retrace l'histoire de la ville depuis le début de son expansion coloniale. Très peu d'objets d'art ou de documents d'époque, il est surtout constitue de galeries modernes qui replongent le visiteur dans l'histoire grâce a des mécanismes a actionner pour avoir lumières, sons et animations. Ça a l'air pourri comme ça, mais c'est tellement bien foutu qu'on se laisse bluffer, et puis on apprend pleins d'anecdotes historiques, et on découvre des poètes portugais. OK je ferme ma gueule, ça avait pourtant l'air d'un vaste traquenard (et c'en est sans doute un mais on tombe dedans sans se plaindre).



Me voici a présent attable a un bar avec vue sur la mer, dans lequel je termine de rédiger ces notes que j'avais commencées sur le ferry. Le soleil vient de se coucher et les néons clignotants qui viennent de s'allumer me donnent un aperçu de la ville de nuit. Ah oui ici il fait nuit vers 19h30. Bon... fini de rigoler les enfants, un petit tour a l'hôtel (dans l'ile de Taipa, au sud de la péninsule, reliée a Macao par un long pont), et c'est parti pour le frisson suprême. Demain, les jeux n'auront plus aucun secret pour moi et je serai le roi du monde. Tremblez, Macanais, ericde est dans la place, ça va taquiner de la grosse mise et claquer la machine a sous ! La fièvre me gagne, il est temps pour moi de plonger dans la luxure et le vice, dans l'ENFER DU JEUX. Macao / 19h53

Jeudi 28 Juillet - Au départ de Macao / 15h30

Je suis ruiné ! ! Revenons sur les détails de cette nuit subversive et démoniaque...


Mon hôtel, sur l'ile de Taipa (reliée a Macao non par 1 mais par 3 ponts très impressionnants), est en fait un putain d'hôtel de luxe, mec ! C'en est assez gênant. Un ground m'ouvre en souriant et m'accompagne dans ma grande chambre climatisée, avec sa spacieuse salle de bain, sa télé 26 chaines et ses molettes vintages pour tamiser la lumière. Je me console en me disant que j'aurai bien le temps de pioncer dans des guest-house dortoirs plus tard, on est a Macao merde. Je sors dignement, lave et en futal, et me dirige en bus vers le Lisboa ("Number One"). La bas ça pullule, hommes d'affaires, touristes en short, l'entrée n'est pas ce qu'on peut appeler sélect. On garde mon sac a la consigne et me voila dans le plus grand casino de la ville. Je viens de retirer 500 HK$ (ce casino très usité par les Hong Kongais n'accepte malheureusement pas les fameuses patates locales), ça va chier. Au Rez-de-chaussée, c'est des centaines de tablées de Big & Small. Ce jeux a le mérite d'être simple et efficace : Tu mises ton pognon sur Big, sur Small, ou sur un nombre puis des dés sont tires dans une cloche opaque qui donne... des formes d'animaux. Bon il faut croire que le résultat correspond a un nombre entre 1 et 17. Small, c'est entre 1 et 8. Big, c'est entre 10 et 17. Tu mises le bon, c'est 2 fois ta mise. Tu te plante, tu l'as dans le cul. Si t'as le bon nombre exact tu gagne beaucoup, et si t'as mise le 9 et que ça tombe c'est Jack-Pot. Simplissime non ? Le souci c'est que ça joue gros, avec une mise minimum de 200 HK$ ! Je me lance et mise donc 200 HK$ sur Big... perdu. OK je comprends que ça peut aller très vite. Autour de moi les gens misent des milliers de HK$ et perdent ou gagnent sans broncher. Allez, soyons con, je tente de récupérer mes sous et mise tout ce qui me reste, 300 HK$... gagne ! C'est super grisant cette connerie, me voila avec 600 en poche alors que j'aurai pu tout perdre. Je décide de me calmer et d'aller faire un tout vers les machines a sous a l'étage. Avec 100 HK$, je joue environ une heure en alternant gains et pertes, c'est assez rigolo et beaucoup moins stressant que le jeu du bas qui rend cintré. Je finis par perdre, pas cool. Je me ballade ensuite dans les étages, le casino est énorme. Je surprends dans les salons prives des parties de baccarat qui semblent pas trop rigoler. Un coup de dalance me prend et je me met a chercher de quoi me mettre sous la dent. Je découvre au sous-sol un immense centre commercial, avec tout pour te faire claquer les patates fraichement gagnées : produits de luxe (montres suisses, parfums Chanel, sacs Vuitton...), restas la classe, comptoirs boursiers... et pleins de putes qui se baladent en quête de quéquette. L'ambiance est spéciale ! Je me pose a une table dans ce qui ressemble + a une cantine qu'un resta, les prix y sont étonnamment corrects. Je commande un magret de canard très bon mais prépare comme chez nous (ça compte pas comme chinois ça !). Soudain je m'aperçois que toutes les tables avoisinantes sont soit occupes 1) par des putes qui mangent un bout avant d'en manger d'autres 2) par des mecs mangeant ou buvant... avec des putes ! Je comprend qu'elles essayent toutes de capter mon regard, que je m'efforce d'attarder ailleurs. Ça doit être complètement anormal d'être seul a une table ici. La table adjacente est occupée par un mec et une jeune chinoise, et je crois comprendre que c'est un genre de mac qui apprend le métier a une inexpérimentée. Il me montre beaucoup et fais des signes a la fille pour qu'elle me choppe. C'est super glauque comme scène. Elle finit par se retourner, assez peu sure d'elle, et a me faire des signes. Je me sens super mal et lui dis en anglais que je ne suis pas intéressé. Elle a l'air de mal le vivre, pour elle c'est qu'elle ne me plaît pas (sinon que ferais-je ici ?), alors qu'elle est bien sur canon comme toutes les autres. En gros elles ont toutes des têtes de chinoises top avec des seins gonfles, ce qui est un peu transgénique mais loin d'être ragoûtant. Mais je me sens a mille lieux de mes valeurs. Ici tout n'est que régit par le pognon, le sexe en premier. Si je ne pensais pas être capable de payer quelqu'un pour du sexe, j'en suis a présent intimement convaincu. Ça n'ajuste aucun sens, et encore mois dans ce palais aseptisé où on se paye une pute pour fêter son gain comme on saute d'un building pour celer sa perte. Je termine le plat et m'enfuit. Retour dans l'enfer du jeu, ça commence a me taper sur le système, je décide d'en finir. Je mise 400 HK$ sur Small... perdu. Shit, j'ai plus que 100 en poche. Happe par le vice, je change mes dernières 100 patates en poche, j'ai assez pour retenter ma chance. 200 HK$ sur Big... encore perdu ! Le pire, c'est que tu as beau avoir décide de dilapider ta thune au casino, ça reste ultra frustrant de perdre. Pris d'un maladif accès de connerie, je sors pour retirer a nouveau 500 HK$... heureusement pour moi ma banque ne l'entend pas de cette oreille et me dit en substance : "Ton heure a sonne mec, bouge de la, ton quota est explose". Merci Crédit Mut', fini la turlute ! Je me résigne donc a sortir mais j'ai pomme mon papier de la consigne pour récupérer mon sac. Ça se complique, la nana de la réception appelle son "manager" qui me fait remplir plein de papiers et me demande de décrire mon sac dans les moindres détails.

Sorti de l'enfer, je m'aperçois qu'il n'y a plus de bus en direction de Taipa, qu'il est interdit d'utiliser les ponts a pied, que je n'ai plus une patate en poche et que je ne peux plus retirer... je me dis que ce n'est qu'une petite Dead galère, que je vais dormir dans les rues de Macao alors qu'un hôtel 3 étoiles m'attend a cote. En errant dans les rues quasi-désertes (on est en semaine, et les gens qui sortent du casino prennent le taxi), je dégote un distributeur de petits billets qui accepte de me filer 300 patates. Sauve, j'attrape un taxi, et atterrit dans ma chambre fraiche et douillette. Je m'endors vite et tôt (vers les 2h) et fais ma première grasse mat1 depuis mon arrivée en Asie, je veux rentabiliser cet hôtel qui me coûte plus cher que prévu !



Je pars vers midi visiter les iles Taipa et Coloane, qui font partie du territoire de Macao. Taipa semble tout aussi moderne, avec déjà 2 ou 3 casinos et des tas de buildings qui bordent l'artère principale. Mais des qu'on s'en éloigne, tout devient beaucoup plus typique. Le "village" est compose de nombreuses ruelles tranquilles, dans le style en mosaïque de sa grande sœur Macao. Beaucoup de bâtiments de style portugais. Des petites pâtisseries locales qui ont l'air excellentes (ont l'air, car j'ai pas faim, je viens de manger des pains au chocolat dans la rue précédente... quel con). Je visite le House Muséum, 3 maisons bourgeoises qui ont été réagencées avec le mobilier de l'époque portugaise et pleins de panneaux explicatifs sur les modes de vie et les coutumes de l'époque coloniale, et sur la façon dont l'ile s'est développée en parallèle de Macao. Encore une fois pas mal foutu.

L'île de Coloane préserve un peu plus d'espaces naturels et sa partie village est elle aussi très paisible, avec une église des plus mignonnes donnant sur la place principale... et surtout elle n'a encore aucun casino ! Rassérène, je parviens a rejoindre le terminal de ferrys (en prenant le premier bus qui passe, au pif) et me voila dans le bateau... qui vient d'accoster a Hong Kong ! J'ai survécu a l'enfer du jeu, et me voila de retour dans l'enfer du Jeu. Hong Kong/ 16h40

24 juillet 2005

Ils sont fous ces Hong Kongais !

Hong Kong est définitivement une ville de malades. Au terme de trois jours passes dans cette ville qui bat a mille a l'heure, on ne peut qu'avoir envie d'en voir un peu plus mais aussi de fuir loin vers plus de quiétude ! ! Je décide de recopier une partie de mes notes en ce matin brumeux et étouffant, dans un café si climatise que ça serait de la folie de ne pas mettre de pull ! ! La musique qui passe est de la soupe américaine (j'aurais préfère de la "Canton Pop" !) et le café que je bois en même temps est "a l'américaine", autrement dit pisseux. Mais ne nous arrêtons pas a de si basses critiques et reprenons au départ... ou plutôt a l'arrivée.

Samedi 23 Juillet - Hong Kong / 13h21 (Heure de HK = Heure française +6)

Arrivée sans encombre en plein orage sur l'ile qui constitue a elle seule l'aéroport de Hong Kong. Les éclairs zèbrent l'océan agite et révèle des iles de différentes tailles. L'avion semble atterrir sur l'eau jusqu'au dernier moment ou il touche terre. A peine le sas de l'avion ouvert et un pied mis a l'extérieur, je me sens déjà noyé dans une chaleur tropicale inédite qui me fait tourner la tête. J'apprendrai plus tard que le taux d'humidité dans l'air ce jour la était de 98%, c'est a dire tout simplement le maximum envisageable sur terre ! Les douanes me demandent d'enlever mon chapeau (au cas ou j'aurais planque un Smith & Wesson sur mon crâne), le passeport est vérifie... me voila Hong Kongais ! Pierre est la et m'accueille comme un roi : il me donne une carte chargée a bloc pour me balader en transports en commun dans la ville, un téléphone portable de son entreprise pour pouvoir se joindre facilement et un billet de 100 HK$ ("au cas ou tu sois en rade")... ah oui j'allais oublie une tape dans le dos aussi et un "Bienvenu mon pote".

Effectivement en terme de bienvenue j'ai connu pire ! On prend un car qui nous amené sur l'île de Hong Kong en passant par différentes autres iles, via d'immenses voies rapides érigées au dessus du sol. La différence entre la température extérieure suffocante, sous la pluie, et la température a l'intérieur du bus (18 degrés ?) est saisissante... mais on a intérêt a s'y habituer vite, c'est comme ça absolument partout a Hong Kong. D'après Pierre s'il y avait la possibilité de construire une serre climatisée au dessus de la ville nul doute qu'ils le feraient sans hésiter !


A la sortie du bus on est au cœur de la ville et ça devient impressionnant : il n'y a que des buildings immenses qui rivalisent de hauteur, de modernisme et d'originalité, et des panneaux publicitaires, omniprésents, sur les façades, au dessus des rues, sur les transports en communs, au sol et au ciel... je connaissais des vues de HK qui montraient ce genre d'ultra-modernisme pousse a l'extrême, mais ce qui choque est la quantité effarante de ces vues, a chaque carrefour, a chaque mouvement du regard. J'ai pris de nombreuses photos de ce "psychédélisme post-capitalistique". Pour aller chez Pierre il faut monter assez haut sur la colline qui domine l'île de Hong Kong en son centre. Pour ce faire nous empruntons un escalator de 800 m de long (le plus grand du monde, comme pleins d'autres choses a HK, ils aiment bien), fabrique par une entreprise française d'ailleurs, heureusement morcelé en nombreux tronçons. Ça me permet d'observer pour la première fois la foule grouillante et cosmopolite (surtout dans ces quartiers riches de l'ile) qui anime la ville. On sent globalement que les gens ont de l'argent (après recherche le revenu moyen par mois et par habitant est de 1200 euros). On sent le règne du fric et de la consommation. On sent la colonie anglaise derrière tout ça, l'influence de cet ultralibéralisme très british, mais pousse a son paroxysme grâce a l'acceptation du peuple. Ici, pas de droits sociaux, pas de contrats de travail, pas de retraite, pas de système de santé... et presque pas de chômage ! Le Hong Kongais moyen travaille plus de 60 heures par semaine sans se poser de questions, et vient travailler le Dimanche si l'entreprise le lui demande. Les conditions de travail sont aberantes. Pierre bénéficie heureusement de conditions plus qu'acceptables en bossant pour une entreprise française (il teste si les jouets fabriqués en Chine répondent aux différentes normes de sécurité pour les enfants). On a du mal a croire qu'Hong Kong fasse partie intégrante de la République de Chine avec son régime communiste totalitaire. HK bénéficie en réalité d'un statut spécial au sein de la Chine depuis sa rétrocession en 1997, mais l'influence du pouvoir central s'y fait progressivement sentir. Ce régime dictatorial ote toute liberté individuelle, censure la presse (ou plutôt interdit la presse libre !) et dicte a sa population quoi penser et quoi faire. Mais il accueille les bras ouverts HK et ses richesses, peu importe que ce soit le fruit du capitalisme pousse a l'extrême. Les autres grandes villes chinoises sont d'ailleurs elles aussi rattrapées par cette folie financière. Les inégalités augmentent a un rythme impressionnant, mais ils voient les chiffres de la croissance (d'environ 10%) et ils l'acceptent. En rentrant de plein pied dans la mondialisation, la Chine est donc en elle même un paradoxe en faisant cohabiter un système collectiviste et dictatorial avec un système ultralibéral ou seule la loi du marche décide. On vit une époque formidable.

Mais revenons au voyage ! Pierre habite un petit appart super sympa de 30m2 environ ("immense pour un Hong Kongais seul"), climatise (de manière acceptable !), au 14eme étage d'un building a flan de colline. Je pose nés affaires et nous allons manger (indien, soyons cohérents) avant qu'il ne reparte au taf. Je vais pour ma part me perdre dans ces dédales vertigineux de buildings et d'escalators. Arrive aux abords de la baie, je prend un vieux ferry qui me transporte de l'autre cote, dans le quartier de Kowloon. La traversée est reposante, on voit se dessiner sur toutes les berges des buildings de toutes formes et couleurs, jusqu'à perte de vue ou la brume rend les formes vaporeuses et indistinctes. Curieusement je trouve ça assez joli ! A Kowloon je continue ma promenade, toujours cette même folie visuelle, l'espace reste sature de pubs aux couleurs kitschissimes et de vidéos géantes. Je visite un parc très agréable (enfin un peu de vert), même s'il est lui aussi entièrement pense et formate. La végétation y est quand même luxuriante, avec son lot d'arbres aux formes étranges et de plantes que je ne connais pas. Soudain le décalage horaire se fait sentir et je me sens piquer du nez (je préfère le sentir avant sinon avec le mien ça fait mal...). Je m'allonge sur un banc et m'assoupi quelques heures. Je suis réveillé brutalement par une femme flic qui hurle a 1m de moi : "DONT SLEEP !, DONT SLEEP !, DONT SLEEP !" Je me redresse halluciné sur le banc, avec les yeux vitreux du gars qu'on a réveille en plein rêve. J'ai ensuite appris que les Hong Kongais étaient démesurément civilises, que personne ne fraudait, ne traversait au rouge, ne crachait par terre ou ne jetait de papiers par terre (sous peine d'une amende de 1500 HK$ = 150 euros). Ce que je faisait n'était pas digne d'une conduite d'homme civilise, j'ai du en choquer plus d'un ! Personne ne s'écarte trop des sentiers battus ici, même la drogue, sévèrement réprimée (la vente de drogue est passible de peine de mort dans le reste de la Chine), est quasiment introuvable (parait-il, je ne suis pas un drogue moi... hum).


Je me ballade ensuite dans les marches qui ouvrent vers 18h dans les rues de Kowloon, on y trouve a peu près tout et l'ambiance y est bon enfant. Comme je suis un consommateur de merde j'achète un splendide T-shirt jaune avec une fille en rouge qui mange une sucette au milieu, et puis un truc écrit en chinois (Attention Léo la compet' est réouverte !). Je rentre chez Pierre (métro et pieds) et nous voila repartis dans la ville. Une pizza a l'italienne (restons cohérents) et direction le quartier de Wan Chai, ou "ça bouge grave" le soir, avec des bars de toutes confessions (attrapes-touristes, petits rads sympas, bars musicaux, bars a putes...). On se rend au "palais du Rock a Hong Kong" selon Pierre, The Wanch, dans lequel se produit un groupe de reprises Rock. Ça enchaine du Led Zep, du Deep Purple et du Doors, et ça joue pas si mal maigre un son trop fort. Le chanteur, cheveux longs et ultra-efféminé, et me fait délirer avec des poses crooner a hurler de rire. Le public semble très enthousiaste, c'est le top. Avant de rentrer on entre dans un bar a putes "juste pour voir" : plein de jeunes chinoises qui se frottent a des vieux occidentaux yeux injectés de sperme... ça fait pas tre envie on ressort prestement.

La nuit qui suit, la première a HK, est excellente, et c'est en pleine forme que j'entame cette journée après 10h de sommeil. On est Samedi après-midi et j'écris dans un gymnase ou Pierre est venu jouer au Badminton avec des amis de sa boite je crois. Ils parlent français et ont l'air sympas. It's time to go !

Dimanche 24 Juillet - Hong Kong / 22h48

Lendemain soir. La journée d'hier a été géniale, même si Hong Kong me semble de plus en plus dingue... et puis je suis loin de l'aventure et de l'ascétisme, ici c'est plutôt le règne du confort, de l'opulence et de la consommation de loisirs, mais chaque expérience en son temps ;-). Nous sortons du gymnase et allons tous au ciné. Tous, c'est Valérie (copine de travail de Pierre, d'origine cambodgienne), Jean-Luc (son mari, qui travaille aussi a Hong Kong - ils vivent ici depuis 3 ans et demi avec leurs 2 enfants, ils ont pris la nationalité française après s'être extrade pour fuir le régime de Polpot au Cambodge), Laurence (une autre copine de travail d'origine Hong Kongaise mais qui a vécu plusieurs années a Lyon a la Guillotiere !), Harry (Hong Kongais pur souche, le seul a ne pas parler français), Pierre et moi. Le film que nous allons voir, Fantastic 4, est une daube intégrale, mais on se retrouve ensuite pour boire un coup et c'est beaucoup mieux.



Les 4 personnes que je rencontre sont vraiment très sympas, c'est agréable de pouvoir parler sans limite avec des habitants de HK pour mieux cerner la ville, faire des comparaisons avec la France, etc... Jean-Luc et Valérie décident de nous inviter avec Laurence pour manger une paella espagnole chez eux (une idée germe dans ma tête : "passer 6 semaines en Asie sans manger rien de local"... non c'est con, OK). Harry nous quitte, non sans m'avoir écrit en chinois sur un bout de papier l'adresse de Jean-Luc et Valérie. A savoir qu'ici les gens parlent principalement le cantonais (Canton étant la grande ville chinoise la plus proche), alors que ce qu'on appelle communément le chinois est en fait le mandarin, parle notamment a Pékin et Shangai. Je m'éloigne a mon tour pour me rendre dans un Pacific Coffee (chaine de cafés systématiquement équipée en Internet) écrire mes premières impressions sur ericde et relever mes mails. En sortant j'attrape un taxi (non sans mal, les rues sont compliquées... et en + ils roulent a gauche) et montre a son chauffeur le précieux bout de papier sur lequel est inscrit l'adresse. Il me fait signe que c'est bon et démarre, puis me dit quelque chose que je ne comprends pas. Il se met a parler tout seul. Comme il a un écouteur dans les oreilles je pense qu'il s'adresse a quelqu'un d'autre, mais après avoir répète 10 fois une sorte d'onomatopée se rapprochant de "Fifafo" en me regardant dans le rétroviseur, je comprend qu'il me parle. Et il continue, je dirai sur le ton de l'interrogation : "Fifafo ?, Fifafo ?". Je lui dis en anglais que je vais chez des amis, qu'on m'a juste dit de montrer ce papier ou figure leur adresse. Il a l'air de comprendre, se tait et continue a rouler. Il grimpe avec son taxi sur la colline, beaucoup plus a l'Est de l'ile que chez Pierre, en empruntant une longue route sinueuse qui offre de très belles vues sur la ville. Ça ressemble un peu a Mulholland Drive et je n'ai pas la moindre idée de ma destination, ça contribue a l'atmosphère inquiétante qui règne dans le taxi qui s'éloigne du centre. Il finit par s'arrêter au pied d'un immeuble magnifique, surplombant la baie. Il me répète : "FIFAFO ! FIFAFO !". C'est alors que je comprends et explose de rire : le numéro de l'immeuble est le 354 de la rue, le "Three, Five, Four" !. Le rire est partage quand je raconte l'anecdote a table. On rigole beaucoup pendant ce repas, l'ambiance est super détendue et on raconte plein de conneries, ça fait du bien. L'appartement est très grand et bien place, c'est une "commodité" que fournit l'entreprise de Jean-Luc. Il a une très bonne place de manager informatique dans une entreprise de produits de luxe et est en charge de toute l'Asie pacifique ! Au menu c'est foie gras, salade composée, paella, poulet rôti, bons vins... je ne pensais pas faire un seul repas de cette qualité ici, je me régale. Vers 23h on décide de faire un bowling et on part en voiture tous les 5. Laurence ne joue pas, on fait donc un FRANCE-CAMBODGE, Pierre et moi contre le couple. On se fait éclater par le Cambodge et le bon jeu toute en régularité de Jean-Luc, mais non sans quelques coups d'éclats typiquement français. Globalement on se fait remarquer en criant, sautant partout, faisant des gestes aux ralentis ou s'écrasant ostensiblement par terre en cas d'échec. 2-1 pour le Cambodge, c'est pas si mal. On a l'idée d'aller dormir sur la plage dans le Sud de l'ile et les 3 autres nous y emmènent en voiture !

La plage est plutôt belle, dans une baie entourée de montagnes, et la lune est encore quasi pleine dans le ciel. Seule les étrangeté : les barrières qui plongent dans l'eau a quelques dizaines de mètres du sable. On m'explique que c'est des protections anti-requins... tout est normal. Derrière nous, des buildings a n'en plus finir, il n'y a décidément pas de havre de verdure sur l'ile. Il n'y a d'ailleurs plus du tout de place pour construire et ils envisagent de créer des lopins de terre artificiels dans la mer pour agrandir la surface constructible (a l'instar du nouvel aéroport, entièrement terra formé sur l'eau). Je profite de cette simili-quiétude, assis a regarder la mer, pour discuter longuement avec Jean-Luc qui m'en apprend davantage sur différentes destinations asiatiques et sur la vie a Hong Kong. Il me raconte la période d'angoisse et de paranoïa qui a accompagne le Sras il y a 2 ans (HK a été la ville la plus touchée, et difficile d'enrayer une maladie quand on est 7 millions a vivre les uns sur les autres) : il avait fait rapatrie en France Valérie et les enfants mais lui a vécu ces scènes irréelles ou personne ne se baladait sans masque, ou la moindre toux dans une rame de métro déclenchait la panique, ou les lieux publics étaient déserts. Pour le coup, l'épidémie a sûrement été stoppée grâce a leur obéissance aveugle a toutes les mesures sanitaires préconisées, ce qui aurait été une autre paire de manche en Europe. Mais les Hong Kongais ont la mémoire courte : on n'entend plus parler de cette période, sinon pour regretter ne pas avoir acheté de biens immobiliers a l'époque avec la plus-value consécutive !

Allez, continuons sur Hong Kong. Il n'y a réellement aucune délinquance, aucune criminalité, aucun vol (ou presque), tout le monde ne vit que pour obtenir une position sociale, gagner de l'argent, avoir de beaux habits et de belles voitures. Personne ne se cache d'avoir de l'argent, c'est au contraire extrêmement bien vu, un signe de réussite très respecte. Quand les gens perdent leur emploi ou échouent dans ce qu'ils avaient projeté, ils préfèrent se jeter d'un building plutôt que d'être un boulet pour la société. Ce qui explique le faible nombre de mendiants et de voleurs... on accepte la société telle qu'elle est et on s'en retire si on ne parvient pas a l'intégrer ! Il n'est a priori pas rare de voir des attroupements en bas de buildings ou carrément de voir des gens sauter (de tout âge), sans que cela choque personne. Mais on a pourtant une impression de bonheur relatif dans cette ville, maigre la pression écrasante générée par le système. Et puis la population y est extrêmement flexible, s'adaptant aux changements sans piper mot. La rétrocession de HK a la Chine en 1997 s'est donc faite sans problème majeur, peu importe que le pouvoir de Pékin soit totalitaire (il est vrai que la ville bénéficie d'un régime spécial, mais le pouvoir central gagne du terrain). Le mandarin est devenu langue obligatoire a la place de l'anglais alors que personne ne le parlait auparavant... aucun problème ! En terme de logement il n'est pas rare de voir des familles entières (grands-parents compris) s'entasser dans un 30m2... aucun problème ! Ils travaillent a des horaires invraisemblable... aucun problème ! Ils sont complètement dans l'acceptation des choses. Ça fait relativiser pas mal, quand on pense au tôle que provoque la moindre restriction sociale en France. Je ne suis pas en train de dire qu'il faut cesser de défendre nos acquis sociaux, mais on a aussi beaucoup a apprendre de ce genre d'attitude.

Nos amis partent vers 3h et je me baigne pour la première fois dans la mer de Chine, au clair de lune. L'eau est heureusement un peu fraiche mais très bonne. C'est un peu dur de sécher sans serviette avec l'humidité de l'air... mais ça se fait. S'ensuit un temps calme absorbe de sérénité, entre discussions et repos, Radiohead dans les oreilles. Le jour finissant par pointer son nez derrière la montagne, je propose qu'on monte au sommet observer le soleil levant sur les buildings (ça c'est de la poésie !). On prend le premier bus qui passe, il est en direction d'Aberdeen... j'insiste pour qu'on s'y rende car c'est le nom de la ville ou a grandi Kurt Cobain ! C'est pas du tout le chemin et, comme on pouvait s'y attendre, il n'y a rien a voir, on reprend un taxi pour The Victoria Peak. On a perdu du temps et le soleil est déjà levé, mais le pire est qu'un grand centre commercial est érige au sommet, avec des horaires d'ouverture donnant notamment droit d'accès aux splendides terrasses avec vue. Effectivement, quel intérêt de laisser les gens profiter d'une jolie vue sans qu'ils puissent consommer ? Dégoûte, on parvient quand même a trouver un angle de vue super chouette en cherchant beaucoup. On voit la baie de HK se lever dans un filet de lumière nébuleuse... bon OK c'est joli, mais j'ai l'impression de vendre mon âme au diable en l'avouant ! On redescend avec le premier Peak Tram, un funiculaire vieux d'un siècle dont l'inclinaison atteint jusqu'à 45 degrés vers le bas ! Puis on remonte jusqu'à chez Pierre a pieds, les escalators ne fonctionnant pas a cette heure. Il est 8h du mat et je plonge rapidement dans un sommeil d'enclume.



Réveil a 15h, Pierre a dormi beaucoup moins que moi. On joue de la guitare puis je sors me balader. Je passe toute la fin d'après-midi sur l'ile que je parcours de long en large en empruntant les vieux Tramway britanniques prévus a cet effet (ressemblant aus bus a étage de Londres). Me voici replonge dans un délire kaléidoscopique de pubs et de commerces sans fin. Je décide de visiter un centre commercial de bout en bout, après tout ce sont les seuls monuments culturels ici (le plus vieux bâtiment a 1 siècle !). Je tombe au 1 leme et dernier étage de ce dernier sur le NAMCO World, un immense réseau de salles d'arcades sur toute sa superficie. Je remarque aussi que le réseau piéton est extrêmement bien pense dans la cite, très souvent en hauteur, avec de grands tunnels surplombants les voies routières. J'arrive a Victoria Park, un des plus grands parcs, au nord-est de l'île. Un grand espace vert est dégage en son centre, entre 2 fastfoods et quelques terrains de sport. J'entends de la musique a l'une des extrémité : un groupe de rock chinois se produit en plein air ! Le son est fort et pourri (normal avec une régie sur le cote), mais ce qui est très drôle, en plus d'entendre le chant chinois, c'est qu'il n'y a pas le lights du tout ! Du coup on ne voit rien, on entend juste du gros son. D'ailleurs ça n'intéresse personne, le public debout n'est composé que d'une vingtaine de personnes... décidément, le Rock 'n Roll ne viendra pas mourir a Hong Kong.

J'écris a présent a une table du Peak Café, un bar très agréable pas très loin de chez Pierre dont la devanture donne sur les marches de la colline. Nous sommes maintenant Lundi 25 Juillet depuis peu de temps.