13 août 2005

Dans les montagnes du Yunnan avec Pocahontas

Je profite d'une petite halte dans la ville de Mendzi, a quelques encablures du Vietnam, pour continuer mon récit. Mendzi n'est même pas citée dans le routard, mais moi je suis un fou. Bon j'avoue, j'y venais pour retrouver Fan "Pocahontas" Ling, une chinoise qui a partage mon voyage pendant 5 jours... mais j'ai l'impression qu'elle m'a pose un gros lapin, et il n'est pas aise de retrouver quelqu'un dans la rue ici ! Bon, revenons justement a ces quelques jours dans le Nord du Yunnan (province chinoise du sud-ouest) et a ma rencontre avec cette demoiselle si spéciale... perso j'ai été plutôt Fan.

Dimanche 7 Août 2005 - Bus en direction de Dali - 20h11

Le lendemain (Mardi 2), le train continue sa longue traversée vers l'Ouest et passe du Gandxi au Yunnan. Les pains de sucres laissent progressivement la place a des plaines plus rocailleuses. De nombreux petits villages sont traverses, les paysans au chapeau pointu s'échinent dans les récoltes. On traverse la ville de Shilin et sa foret de pierres : des milliers de hautes pierres de forment variables jaillissent des paysages pour former un vaste labyrinthe de pitons rocheux sur une immense superficie. Je ne sais pas si j'aurai le temps d'y retourner plus longtemps, d'autant plus qu'il s'agirait d'un des points les plus touristiques de la région. Le train arrive vers 14h a Kunming, avec 3 heures d'avance sur le planning. Entre temps je me suis laisse convaincre par Rock d'aller a Lijiang avec eux, une petite ville de montagne dans le Nord qui est selon lui de loin la plus belle de la province, et j'ai acheté mon ticket de bus sur un coup de tête ! Le Vietnam semble encore s'éloigner de quelques jours mais j'ai vraiment envie de découvrir ces villages en hauteur ou se côtoient des dizaines d'ethnies ancestrales, a 2 pas des montagnes tibétaines. On profite des quelques heures qu'on a a Kunming pour se faire une bonne bouffe locale avec Rock et Sugar, dans une sorte de cantine. On a pas le choix du menu mais le choix du prix (10 a 30 Y). On prend le repas a 20 Y (2 E) et la c'est tout un cérémonial qui commence. De nombreuses petites assiettes et coupelles remplies de viandes séchées, poissons crus et légumes divers sont empilées sur la table sans qu'on ai le droit d'y toucher. Puis un grand saladier de bouillon nous est servi dans lequel sont progressivement ajoutes tous les ingrédients ainsi que des jaunes d'œufs, des herbes et des Rice Noodles (grosses pâtes a base de riz). C'est très épicé (comme d'hab), assez bon et surtout très nourrissant. Une balade en centre ville me fait dire que Kunming n'est autre qu'une grande ville moderne (ya même un Carrefour). Le seul avantage est l'incroyable fraicheur de la ville... en fait le climat reste très doux pour l'altitude (2000 m), mais la différence avec la touffeur des ville précédentes est vraiment appréciable. Désintéresse, je trouve un accès Internet pour mettre a jour mes aventures... dans une salle encore plus grande et bondée qu'a Guilin ! Ça joue en réseau de partout. En fin d'après-midi mes nouveaux amis viennent gentiment me chercher et on rentre en taxi a la gare routière. Là-bas je me rends compte que j'ai oublie mon chapeau dans la salle des ordis, je suis bon pour un nouvel aller-retour en taxi. Heureusement que les chinois sont toujours très en avance. Surtout Rock et Sugar qui, sympathie mise a part, sont un peu trop sages et angoisses, en bref pas très Rock 'n Roll. Un exemple ? Ils stressaient grave de me voir écrire une heure avant l'arrivée a Kunming en train, se demandant si j'aurais le temps de ranger mon cahier a temps. Mais bon grâce a eux j'ai eu le temps de récupérer mon chapeau ! Le bus est compose de plein de couchettes très étroites et on est un peu les uns sur les autres. J'y rencontre 3 filles européennes, une française qui fait ses études en Chine depuis 6 mois et 2 anglaises avec des sales têtes, le genre de filles qui se plaignent de la bouffe locale et qui cherchent les McDo. Le voyage dure une dizaine d'heures et j'arrive a dormir par intermittence. Une pause vers 2h du mat me fait lever : dehors il fait frais, ça sent la vache et on voit les étoiles. On arrive a Lijiang (2400 m d'altitude) vers 6h30.

Rock et Sugar partent de leur cote et je me joins aux européennes pour me diriger en taxi vers la vieille ville, entièrement constituée de petites maisons basses avec un commerce au Rez-de-chaussée et la partie habitable a l'étage, dans le plus pur style naxi (l'ethnie majoritaire de la ville). Les naxis, originaires du Tibet, se sont installe dans le coin il y a déjà mille ans. Les femmes y occupent une place prépondérante et leur religion est un mélange occulte de chamanisme, d'animisme et de lamaïsme tibétain, avec des dongbas, grands sorciers exorcistes veillant sur le peuple et les récoltes. On se promené (sous la pluie qui s'est mise a tomber) a la recherche d'une guest-house mais il est difficile de trouver un logement a cette heure matinale. Du coup on s'arrête pour prendre le petit dej' et on goûte le pain local, frit et imbibe d'huile, qu'on trempe dans du lait au goût très fort. D'ailleurs plus j'y pense et moins je pense que c'était du lait de vache. Comme pressenti les anglaises tirent la tronche a chaque nouvel effet pose sur la table, et la française me prend un peu de haut. Du coup je leur fausse compagnie et me dégote une chambre a la roots dans un logement tenu par une vieille naxi. Je pose mes affaires, m'acheté un parapluie sur la place du marche et me met a arpenter les ruelles composant la vieille ville. Je me rend alors compte qu'elles sont au moins une cinquantaine a s'entrecroiser et qu'on peut facilement se perdre dans ce dédale (ce que je fais régulièrement). Le village reprend progressivement vie en ce matin pluvieux, des vieilles femmes portent de lourds paniers de fruits et légumes accroches a l'extrémité de longs bâtons poses entre leur épaule et leur dos courbe. Je me perd une bonne heure en observant les rues et la population. De nombreux petits canaux longent les habitations (auxquelles ont accède par des mini-ponts de pierre) avant de se déverser dans des courts d'eau plus larges sillonnant la vieille ville. Je perd tellement le sens de l'orientation que je me retrouve a l'entrée Nord alors que je pensais être plein sud ! C'est une grande place pavée avec des roues en bois baignant dans une petite rivière... ça dresse vraiment un tableau de petit village de montagne ayant su préserver son authenticité. J'aperçois a ce moment une jolie chinoise au regard angélique et a la beauté assez touchante sous son parapluie, qui me demande en anglais, avec beaucoup de douceur, si j'accepte de faire un tour en ville avec elle...

D'abord je me méfie un peu en me disant que c'est peut-être une "fille de joie", mais ses yeux ont l'air dénué de tout machiavélisme et, me fiant a mon instinct (bien connu pour ne m'entrainer que dans des bons plans), j'accepte. On fait connaissance en se promenant. Elle s'appelle Fan Ling ("Linda" pour son nom anglais), est du 15 Novembre 84 (une scorpione de 20 ans) et se retrouve seule après s'être engueulée avec ses 3 compagnonnes de voyage. Elle vient d'une ville a l'extrême sud du Yunnan, pas loin du Vietnam, et fait ses études pas très loin de Shanghai. On grimpe sur la colline jouxtant la vieille ville et on a droit a un joli panorama de toitures sombres, éclatées sur une grande superficie, dans le creux des montagnes. On y boit un thé et continue a discuter. Elle est en fait assez timide et très douce... il n'en faut bien sur guère plus pour me faire craquer, et de prime abord je suis loin d'être insensible a son charme. Mais je reste méfiant, d'autant plus quand elle me demande mon groupe sanguin ! En plus j'en sais rien (ben oui j'ai oublie) et elle a l'air très surprise... Ok oublions ça, si je pars sur le principe que c'est une rabatteuse pour une secte trafiquant du sang d'Européen, on a peu de chance de faire copain-copine. On continue à marcher et je ne tarde pas a me rendre compte que la ville est totalement blindée de touristes... c'est super désagréable, surtout dans ces jolis petits passages ou on est oblige de faire la queue dans des bouchons humain pour passer. On mange ensemble. Ça y est je mange chinois a chaque repas, mon ventre a l'air de tenir le coup et je trouve leur nourriture globalement très riche et complète, voire bonne, quoique que souvent un peu grasse. Cette fille a vraiment quelque chose de fascinant et je sens qu'elle est assez fascine par moi aussi, avec mon grand nez et ma dégaine d'européen. Mais ses intentions ne me semblent pas encore évidentes. Elle me fait part de son envie d'aller dans le Shangri-la les jours suivant. Le Shangri-la, c'est le nom donne a un paradis terrestre légendaire qui prendrait racine au Nord de Lijiang. Cachée entre forets, montagnes et canyons, cette terre fertile serait habitée par un peuple pacifique, d'une grande sérénité, qui vivrait en harmonie parfaite avec la nature, les ethnies locales et les dieux. Mais comme personne n'a jamais trouve ce lieu (??), le gouvernement chinois a décrète en 2001 qu'il était situe a Zhongdien (3160 m d'altitude), une ville a 200 km au Nord de Lijiang faisant historiquement partie des montagnes tibétaines... et depuis c'est devenu un nid a touristes ! Ça sent le traquenard, mais ça ne manque pas d'attraits non plus. Surtout qu'a mi chemin se trouvent les gorges du saut du tigre et ses de prodigieuses cascades, a l'endroit ou le fleuve Yangzi, tout droit descendu du Tibet, est le plus étroit. Je lui dis que ça me ferait plaisir d'y aller avec elle et elle est ravie. En ville, on croise ses 3 "amies" et Fan leur fait part de notre intention de voyager ensemble. Elles lui répondent en substance : "Chouette, comme ça tu seras pas avec nous". J'ai un peu l'impression d'être devant un épisode de "Princesse Sarah" quand elle se fait tej' par les méchantes de l'orphelinat, et sa tristesse me donne encore plus envie de la protéger. Ben oui si j'étais un personnage de dessin anime je serais un gentil qui défendrait les gentilles. En tout cas avec moi elle risque plus rien (hum). On va donc acheter des billets de bus pour le lendemain, en direction de ces fameuses gorges. Il n'arrête pas de pleuvoir, c'est chiant. Je me trouve une connexion Internet pendant que Fan Ling va se reposer, puis je vais assister a un concert traditionnel naxi : de vénérables nonagénaires a barbes blanches jouent des instruments rares, parfois a base d'animaux sauvages. La musique est très dense et d'une grande richesse harmonique. Rythmes, chœurs aigus et mélodies hybrides s'entrecroisent pour créer un tout qui respire l'unité et qui semble tout droit issu de la montagne. Entre chaque morceau, leur leader fait des blagues qui déclenchent systématiquement l'hilarité générale. Je crois avoir compris qu'a un moment il se foutait de la gueule de Pavarotti qui ne savait pas chanter... bon en tout cas c'était un bon Show-man. A l'entrée de la salle des photos de l'orchestre avec le président. Ce salop est en photo partout avec les gens sympas. Apres la représentation, je retrouve Fan qui a change d'avis : elle préfère qu'on fasse un parcours en bus de 2 jours qui nous emmènerait dans tous les endroits sympas de la région (en gros une excursion touristique). Je me tâte car j'avais bien envie de tenter la rando qui longe les gorges sur des km, mais même Gloaguen dit que c'est dangereux en temps de pluie, donc je cède. Chacun va dormir dans son hôtel (pas très éloignes l'un de l'autre), et on se levé a 7h pour annuler notre bus sec vers les gorges. Ça roule mais il est trop tard pour partir en tour le jour même, on s'inscrit donc pour le lendemain (une super excursion pas trop chère - 350 Y - avec les trajets + tout le fatra touristique sur 2 jours + une nuit a l'hôtel + les repas). On a la journée a nous et la pluie semble faire une pause même si le ciel reste voile. On est parti pour une balade dans les monts du dragon de Jade (ça envoie). Le parc naturel de la montagne est payant, et après on peut emprunter un télésiège pour se rendre au sommet a 4500 m d'altitude. Mais une nana vient nous voir et nous dit qu'elle peut nous emmener en minibus pour presque rien, sans avoir besoin de prendre le télésiège... ça sent l'entourloupe a plein nez mais Fan semble confiante. En fait elle nous amené au pied de la montagne dans une cours blindée de chevaux et nous incite a en monter un pour atteindre le sommet, moyennant 450 Y (!!). Joli traquenard, elle n'avait jamais eu l'intention de nous conduire la haut. Enerve, je l'insulte en anglais et lui dit de se casser (en lui payant juste le prix de l'aller en taxi). Je comprends que Fan est assez naïve et qu'il ne faut pas trop compter sur elle pour négocier... mais d'un autre cote sans elle je ne comprendrai rien et elle m'explique beaucoup de choses. Et puis elle est belle avec ses petites tresses. En fait je décrète officiellement que cette fille est une héroïne de dessin anime et je l'appelle POCAHONTAS vu qu'elle lui ressemble. Quand je lui dis ça, elle trouve ça incroyable car elle ajustement appris la musique de Pocahontas en cours l'année passée... qu'est ce que je disais, on est en plein dedans, j'adore ça. On part se balader sur les petits sentiers de montagne, c'est très agréable mais ça ressemble beaucoup aux Alpes en tout point, avec un climat comparable. Pocahontas est très fatiguée, elle a une sorte de mal des montagnes. Apres une petite sieste dans les fourres, on est réveillé par un troupeau de yaks broutant tout autour de nous... ok on n'a pas ça dans les Alpes. Pousse par le lyrisme du lieu et pris d'un élan d'affection, je m'approche de Fan Ling et commence a lui caresser l'avant-bras quelques secondes. Elle sursaute et me demande ce que je fais. Jouant mon rôle de personnage de Walt Disney a fond, je lui répond que je voulais savoir si elle avait la peau douce. Elle est sincèrement surprise, me voila au moins fixe sur ses intentions et sur sa bonne foie ! De retour en ville après une bonne bouffée d'air pur, elle doit changer d'hôtel car le sien est complet. Je lui propose de venir dans le mien, en tout bien tout honneur bien sur, mais elle blêmit en voyant qu'il n'y a que 2 lits dans une seule pièce. Je lui dis qu'il y a d'autres chambres mais non, elle veut partir d'ici tout de suite. A priori il est vraiment impensable qu'un garçon et une fille dorme dans la même chambre ici. Bon, je suis plus que fixé là ! Mais quelque part je trouve ça très rassurant de me dire qu'une fille chinoise peut aborder simplement un occidental sans arrière pensée autre que faire sa connaissance et échanger. En plus elle refuse des que je veux lui payer quelque chose, elle ne veut pas du tout avoir l'air profiteuse. Je suis finalement très content de cette rencontre, et voyager avec elle va me permettre de mieux comprendre cette culture chinoise. J'espère que personne ne pense que je suis déçu et que j'essaye de me faire une raison ! Un bon vieil amour platonique avec une jeune chinoise inaccessible, c'est quand même de la bonne Dead-story, non ?

On se pose finalement tous les 2 (c'est plus pratique) dans une guest-house avec dortoirs (la ça passe). Il est conseille et dans le Gloaguen et dans le Lonely Planet et ça se voit : ça parle toutes les langues sauf chinois la dedans ! Pocahontas va se promener puis se coucher, pendant que je profite d'une connexion Internet. Je joins ensuite une tablée avec 3 française et on se raconte nos anecdotes de voyage, on partage nos expériences. A la table a cote, ça parle anglais et espagnol. Finalement un gars un peu + âge se met a nous parler en français, je lui répond en espagnol, puis l'anglais reprend ses droits... on boit quelques bières tous ensemble et c'est un chouette moment. Ça fait parfois du bien de se retrouver autour de codes de communication et d'humour communs, même si voyager avec des chinois est une véritable chance.

Lever aux aurores pour être au Rendez-vous de la super expédition aventureuse dans les montagnes. Je suis le seul occidental du groupe, tous les autres sont des touristes chinois. Le circuit s'avère d'ailleurs ultra-touristique, et même les pauses pipi obligent a traverser des "centres commerciaux a souvenirs" avant d'accéder aux toilettes. Chaque halte "culturelle" est ponctuée d'un flot de vendeurs en tout genre essayant de te vendre des bracelets et autres, te demandant de l'argent si tu les prends en photo dans leur habit traditionnel, ou te vendant des photos de toi qu'ils impriment et plastifient sur place avec toute une armada de matos. C'est vraiment dommage car les lieux sont souvent magnifiques et verte ambiance touristique vient bien souvent ternir le tout. Outre ces agacements, les gorges du saut du tigre sont spectaculaires et étourdissantes, avec ses cascades déchaînées d'eau terreuse (pluie oblige) qu'on approche de si près qu'on semble être a la merci possible du courant. Certaines grandes giclées viennent d'ailleurs inonder le passage à touristes qui hurlent pour leurs appareils photos... belle revanche de la nature ! Les lacs de montagne paraissent figes dans les hauteurs brumeuses pour l'éternité. Les étendues de chevaux sauvages en plaine sont impressionnantes. Les temples tibétains ne manquent pas de prestance, voire même ils en jettent, accoles a la montagne, dans leurs couleurs ternes et dorées a la fois. Je m'écarte le plus possible des groupes et j'essaye d'imaginer ces lieux la nuit, livres a leur seule beauté naturelle, dénués de ce brouhaha incessant, baignes dans une aura lunaire apaisante. Le groupe se met rapidement a me détester car mes flâneries me font toujours arriver le dernier au car, alors qu'eux prennent "les 4 photos a prendre" (en posant dessus) et reviennent tout de suite. Ils sont toujours en groupe et ne supporte pas bien la solitude. Avec Fan Ling, on se lance parfois dans des grandes discussions et on continue a mieux se connaitre. Elle me fait rire car elle est autant a la ramasse que moi pour pleins de trucs (elle a par exemple perdu sa carte a puce téléphonique dans la montagne la veille !). Mais elle a beaucoup plus conscience que Rock et Sugar de la censure du gouvernement sur des tas de sujets, elle sait que c'est un véritable problème. A cote de ça elle est totalement fleur bleue, estimant qu'on ne peut aimer qu'une fois sous peine de grand fourvoiement. Quand je lui dis que j'ai déjà aime plusieurs fois et eu des relations intimes avec plusieurs filles, je la sens défaillir. Elle me dit que c'est typiquement masculin et que les filles cherchent toutes l'homme de leur vie (a part les prostituées). Je lui parle alors de Mai 68 en France, de la lutte des femmes pour le droit a la contraception, le droit de disposer de leur corps et la remise en cause de l'institution du mariage par une bonne partie de la population. Je lui affirme qu'on peut vivre des histoires fortes sans qu'elles soient forcement pour la vie... bon connaissant son référentiel de pensée, j'ai conscience de la portée provocatrice de telles assertions et je sais que je risque de ternir a ses yeux le légendaire romantisme a la française, mais il me semble intéressant de lui parler de ça. Elle est elle-même fille de parents divorces a qui elle en veut et qu'elle n'aime guère, et elle a été principalement élevée par sa grand-mère. Elle veut connaitre mes couleurs préférées (on est en pleine colo), je lui dis bleu et rouge, elle me dit que ce sont les couleurs de l'amour et du sexe. Et elle ? Bleu et blanc : l'amour et la pureté. Je crois que c'est clair. Elle me fait écouter de la musique pop chinoise avec une voix de femme magnifique et... c'est elle qui chante ! Je suis bien sur sous le charme. Dans le car, elle se met aussi a chanter, de plus en plus fort, avec des écouteurs sur les oreilles : je confirme en live, sa voix me transporte.

Le soir, a Zhongdien, on se fait embarquer dans une grande fête traditionnelle, entièrement repensée pour le circuit touristique bien sur. Les festivités ont lieu dans une pièce carre décorée de tibetaneries, avec une large colonne en son centre. Une cinquantaine de personnes sont assises par cote, sur plusieurs rangées. On nous sert le très bon vin local (dont de le goût n'est pas si éloigne du vin de paille) dans des petites coupes en terre cuite, ainsi que du thé tibétain au petit lait, sale... particulier mais ça se boit. On peut aussi y rajouter de la farine de blé du coin pour lui donner un aspect plus pâteux avant de l'ingérer. Je me retrouve a la meilleure place, la ou sont stockes tous les ravitaillements en boisson, je suis donc resservi très régulièrement. Du coup ça me met du baume au coeur et je suis assez emballe par les spectacles de danse et les chants qui se succèdent. A l'occasion de chacun de ces chants, les personnes touchées doivent se lever pour déposer un tissu blanc autour du cou du chanteur ou de la chanteuse qui tourne autour de la colonne centrale. La première partie de soirée est donc très appréciable, plus que la deuxième ou ça devient une sorte d'Intervilles entre les différentes régions représentées sous couvert de traditions locales un peu douteuses. Un peu imbibe, je me fais remarquer en sortant de la salle pour aller aux chiottes, et a mon retour on me tend le micro !! Fan me fait comprendre que je dois chanter quelque chose en français et la foule m'encourage, complètement hystérique... je ne peux plus me défiler. J'entonne "Ange" a un rythme plus rapide que d'habitude et 200 chinois survoltes frappent dans leurs mains en cadence : ça y est, j'ai fais mon concert en Chine ! Ça va vraiment péter sur mon pressbook ! Pendant mon tour de chant, pleins de gens, dont une majorité d'enfants, se lèvent pour me déposer les fameux tissus blancs autour du coup. C'est l'apogée de ma courte gloire dans l'empire du milieu. D'autres chinois m'emboîtent le pas puis la soirée se termine. De retour a l'hôtel, on va boire du thé jusqu'à tard avec Fan et notre guide, un jeune métisse entre les ethnies naxi et zang, assez proche de l'indien d'Amérique dans le style, plutôt beau gosse et la classe (sauf qu'il arrête pas d'envoyer des textos avec son portable !). Fan fait l'interprète entre lui et moi et je lui pose un certain nombre e questions sur le Tibet, le mouvement de libération, les enfants croupissant dans les geôles chinoises... lui non plus n'a jamais entendu parler de ça, alors qu'il n'est qu'a quelques kilomètres... c'est hallucinant. Il nous parle de ses frères et sœurs, du coup je les questionne sur la loi interdisant aux familles d'avoir plus d'un enfant. Ils m'expliquent que la loi est assez récente et qu'elle comporte de nombreuses exceptions. Tu as en fait le droit d'avoir 2 enfants si tu es toi même enfant unique, si tu habites à la campagne ou si t'as du pognon (le fait d'avoir plusieurs enfants prive de toutes les allocations familiales, mais certaines familles peuvent se le permettre). Mais ils disent aussi que beaucoup de familles ont plusieurs enfants car ils ne peuvent faire autrement. Quand je leur demande s'il est facile d'avoir la pilule ou de se procurer des préservatifs, ils semblent très gènes et disent qu'ils n'ont pas pour habitude de parler de ce genre de choses. Je comprends mieux d'où vient le problème !

La nuit est courte et la journée qui suit alterne comme la veille les pauses "culturelles", les pauses "bouffe en 5 minutes, ne perdons pas de temps" (dans un cadre tout de même convivial avec une dizaine de plats a partager, poses sur un plateau tournant au centre de la table), et les pauses... de Fan Ling, qui veut être prise en photo partout et qui efface tous les clichés dont elle n'est pas satisfaite. On s'engueule un peu, je lui explique que pour moi une photo est un souvenir, que la perfection de l'image n'est pas essentielle et qu'a force d'en prendre on passe moins de temps a profiter des sublimes paysages. Même si j'avoue être assez content de certaines photos ! Le soir, le retour a Lijiang se fait encore sous la pluie et on est trempe le temps de se rendre a pied a la gare routière. On prend chacun un billet différent, elle pour Kunming en direction de sa ville natale (Mendzi), et moi pour Dali, entre Lijiang et Kunming, "parce que ça a l'air bien". Un taxi nous ramené a la vieille ville ou on va se coucher dans une nouvelle guest-house (la première ou était Fan), fatigues, mouilles et sans trop se parler. Apres tout c'est normal qu'il y ait quelques petites tensions après 4 jours de voyage ensemble, non ? Le lendemain (Dimanche 7) est encore très pluvieux, et je le passe sur Internet a bosser un peu pour Mediatone, pendant que Pocahontas va faire quelques emplettes. L'ordi est dote de Microsoft office, fait très rare ici, j'en profite donc (Vive les clés USB). Je me rend aussi sur le nouveau site de l'asso, enfin en ligne, et il a vraiment de la gueule même s'il reste des choses a améliorer bien sur. Merci Manu ! Une guitare est accrochée dans la salle commune, je m'en empare et me met a "gratouiller un peu". Tous les chinois présents viennent me prendre en photo ou me filmer, sans doute plus pour le folklore de me voir chanter en français et en espagnol que pour la musique elle même. Puis le fils du patron se pointe (environ 3 ans) et s'effondre en larmes en me voyant... Ok j'ai quand même vole la guitare a Papa, pardon mec. Fan arrive juste a temps pour qu'on s'échange quelques gentillesses et qu'on se rencarde dans sa ville, sur ma route vers le Vietnam. Je m'approche d'elle pour lui faire la bise, a la française, mais elle s'y refuse... décidément le contact n'est pas facile ici, on est loin de l'Espagne ! C'est ainsi que je quitte les hautes montagnes du Nord du Yunnan et la douce compagnie de Fan Ling. Ces 5 jours auront été riches et m'auront vraiment permis de côtoyer de nombreux chinois. Et puis, maigre tout, Fan restera une fille que je n'oublierai pas. Mais trêve de nostalgie, en avant pour Dali ! Jeudi 11 Août - Yuangyang / 23h59

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