27 juillet 2007

DEad le jaune

Jeudi 26 juillet - Chengdu / 17h54

Ça pète comme titre de post, non ? On dirait qu'on va lire un Tintin ou un truc comme ça. Et... en fait on n'est pas loin de la vérité ! Car sacrée ou pas, je me rappellerai très longtemps des quelques jours passes sur cette incroyable montagne chinoise, dont on ne sort pas indemne... lisez plutôt ce qui suit et vous comprendrez ! Âmes sensibles s'abstenir.

Lundi 23 juillet.

Le réveil sonne a 8h. Je prépare un sac a dos de fortune pour l'ascension de l'Emei Shan, une montagne sacrée qui se trouve a 130 km au sud de Chengdu, puis dépose mon gros sac en consigne a la guest house. J'arrive aussi a m'y procurer un billet d'avion + permit pour le Tibet pas trop cher, une bonne chose de faite. Je passe ensuite quelques heures passées sur Internet a rédiger ce blog notamment. La merde, c'est que j'ai été tellement subversif dans mes récits les années précédentes que le gouvernement chinois a bloque ericde.com, ainsi que ericde.blogspot.com (mon blog l'été passe) ! Du coup je ne peux rien poster d'ici... j'envoie donc le contenu a Manu, qui a crée ericde et qui, en tant qu'hébergeur, grand maitre du site, et ami, accepte de le mettre a jour a ma place.

Nous voici dans un taxi, puis dans le bus en direction d'Emei. 2h30 plus tard, un autre taxi nous emmené a une autre gare routière ou on attend encore 45 minutes le bus qui nous transportera enfin aux pieds de la montagne. Sacrée. Je l'ai déjà dis ? Mais c'est parce que c'est important (et parce que ça claque). Sachez tout de même que l'Emei Shan est l'une des 4 montagnes bouddhiques de l'empire du milieu, que son sommet culmine a 3077m et que beaucoup de chinois rêvent de la gravir au moins une fois dans leur vie.

On entre dans l'enceinte du territoire sacre a la station de Wuxiangang, a 650m d'altitude environ. On est beau et en pleine forme, il est 17h, on y croit. Le chemin est d'abord plat, borde de nombreuses zones marchandes, et longe une rivière assez large qui serpente dans la vallée. Les paysages de montagne sont déjà très beaux, des ponts en bois joignent les deux rives, et on aperçoit quelques statues de vieille pierre en forme d'animaux sur le bord du sentier. Quelques km plus loin, les marches commencent. Le chemin pour parvenir au " Sommet d'or" n'est en fait compose que de marches en pierre, ponctue par des temples, échoppes et autres monastères.

On entame 2 heures de grimpette sans relâche, ça tire déjà bien sur les muscles. Par chance le chemin est vraiment a nous, on est a une heure du jour ou personne n'entame la montée habituellement. Les paysages qui s'offrent a nous sont sublimes, les sapins, cèdres et autres épineux laissent filtrer quelques rayons de soleil. Ça sent bon le sapin, la terre, la pierre. Et puis le Wannian Temple apparait au détour d'une marche. Le temps est magnifique et permet d'admirer cet édifice immense, compose en fait de multiples petits temples rivalisant de beauté, dont un abritant une impressionnante cloche en bronze et un autre une statue du Xleme siècle représentant un grand bouddha sur le dos d'un éléphant. On y rencontre de nombreux voyageurs et pèlerins qui ont élu domicile ici pour la nuit. Sur l'Emei Shan, on peut dormir partout ! Des dortoirs jouxtent tous les temples et monastères, et on peut avoir un lit ou une couverture pour une somme modique, il suffit de demander aux moines qui accueillent tout le monde avec le sourire. Je prend des vieilles japonaises en photo qui sont prises d'un fou rire hystérique en se regardant dans le visualiseur. Bon trip. Nico est, comme moi, émerveille par ce lieu paradisiaque perdu dans la montagne. On décide quand même de le quitter pour avancer un peu l'ascension avant la tombée de la nuit.

Une heure d'efforts (et 400m de dénivelé !) plus tard, on arrive en vue d'un petit monastère alors que la lumière du jour se met a décliner. On est a 1400m d'altitude, un bon début, on peut y passer la nuit. On nous propose même une chambre double a l'étage pour 40Y chacun, c'est le pied. Dehors, l'air est frais et des milliers d'étoiles se sont mises a briller. La lune, qui entame juste la deuxième moitié de sa croissance, trône au dessus du temple et de la montagne. En contrebas, on discerne les lumières du temple Wannian, et beaucoup plus bas, dans le lointain, d'autres lumières se perdent dans la vallée. C'est de ce splendide promontoire qu'on se met a discuter de choix de vie et d'amitié avec Nico. On s'est très peu vu cette année, c'est un vrai plaisir de se retrouver ici avec ce vieux pote de lycée avec qui je me marre quand même bien ! On finit par trouve le sommeil vers 23h30.

Mardi 24 juillet

Le réveil sonne a 7h, le jour est levé depuis peu, on est des warriors, on y va. Apres une première volée de marches qui donnent le ton, on s'avale une omelette aux légumes, un bol de riz et une boisson au lait (et aux 15 nutriments essentiels...) au hasard d'une échoppe. Il fait encore très beau et le soleil ne tarde pas a nous faire transpirer a grosses gouttes. Les marches sont interminables, on parle moins, on se concentre sur notre respiration. On s'accorde quelques pauses pour visiter un temple par ci, admirer une vue par la, se repérer sur la carte de la montagne qu'on a toujours sous la main. On se dit parfois qu'on n'y arrivera jamais en voyant le chemin qu'il nous reste a parcourir, les mètres qu'ils nous restent a monter, mais on repart toujours. Aux environs de 2600m d'altitude, un bon bol de noodles aux œufs nous remet d'aplombs pour entamer l'ultime ascension. Et du thé bien sur. Du thé, j'en bois plusieurs litres par jour depuis mon arrivée en Chine, je ne peux plus m'en passer. Dans un temple, on se retrouve nez a nez avec des singes sauvages qui courent le long des poutres rouges. Cette montagne est aussi connue pour le nombre incroyable de singes en liberté qui y vivent. On les appellent les " Joking Monkeys" car ils n'arrêtent pas de se marrer et de taquiner les voyageurs.
Les dernières heures sont difficiles. Pour moi ça va plutôt bien, mes muscles sont chauds et j'ai l'impression de ne plus sentir la douleur, même si ça reste pénible, mais Nico, affaiblie par une diarrhée chronique, est un peu plus souffrant. On rencontre de plus en plus de monde qui grimpe a nos cote, dont un nombre incalculable de petites vieilles chinoises de plus de 70 ans, en pleine santé et qui sourient en montant, nous disent bonjour. Globalement, on représente quand même une véritable attraction pour la population locale, qui nous matte systématiquement avec des gros yeux. Les voyageurs occidentaux sont rares, mais les quelques regards échanges ne laissent aucun doute : ils sont tout aussi épuises que nous.

On finit par y arriver ! Le sommet, a 3077m d'altitude, est de toute beauté. Malheureusement, le ciel s'est progressivement voile et on se retrouve perdu dans les nuages. Une atmosphère cotonneuse, comme un voile onirique se dégage de cet étrange sommet. Une gigantesque stupa d'or se dresse sur la place principale, avec des visages de déesses regardant dans 10 directions différentes. D'autres temples dores lui tienent compagnie. Par moment, un rayon de soleil parvient a percer la couche de nuages, et tout l'or se met a briller de façon éclatante. L'air est frais. L'après-midi touche a sa fin. Bonheur d'être la, perdus dans les nuages, a côtoyer ces merveilles. On redescend quelques centaines de marche pour se poser dansun hôtel pas cher. L'objectif : se coucher tôt pour se lever avant le lever du soleil et se donner une chance de voir son apparition au dessus d'une mer de nuages, si le temps est clément. On est épuise, nos cuisses sont en feu. J'allume la télé dans la chambre et regarde un dessin anime avec des poissons. A la fin la maman meurt, attaquée par un serpent de mer, c'est super triste, je zappe. Clips. De la pop mièvreuse, j'adore ça. Les garçons pleurent, les filles aussi. Tentative de rock a grosses guitares ici... ah non, la mélodie est totalement pop, et... ah, c'est un clip promotionnel pour une console de jeux... subversif? Les images ont raison de moi... 23h.

Mercredi 24 juillet

5h. Il fait nuit noire quand le réveil sonne, mais on aperçoit les étoiles ! Ça se tente. On loue un manteau a la réception de l'hôtel et on regrimpe jusqu'au sommet... les rebords de la place sont progressivement envahis par une marrée de monde. Attente. Des nuages noirs voilent un peu l'horizon qui s'éclaircit puis se met a rougeoyer. Soudain, une immense clameur se fait entendre... on voit une virgule rouge sortir de l'horizon, a travers les nuages. Ça forme vite un cercle parfait, qui finit par se hisser en partie au dessus de la brunie pendant un instant. Magnifique vision rouge orangée prise dans le tumulte des nuages. Il est 6h du matin, on est content de s'être levé... et on a conscience du chemin qui nous reste a faire en descente !

Je commence a expliquer a Nico que je ne supporte pas de descendre lentement... du coup je me met a descendre les marches très vite, en trottinant, sans m'arrêter. A peine 250m de dénivelé plus loin, et mon genou droit commence a me faire souffrir ! Je ne calme pas le jeu pour autant et le mal empire. La, je commence a faire attention, mais c'est un peu tard, et je n'ai plus trop le choix. Une sorte de tendinite me terrasse, ça devient douloureux même sur le plat, et je suis dans l'obligation de descendre les marches en boitant. Je ne peux bientôt presque plus plier la jambe ! A l'allée, je ne passais déjà pas inaperçu, mais la j'ai carrément l'impression d'être une bête de foire ! Tous les porteurs (des gens qui portent les visiteurs du haut en bas de la montagne pour une misère) me proposent de me prendre, rigolent beaucoup en montrant mon genou. Mais non, j'ai ma fierté, je descendrai tout seul ! Ben oui, quand on est con, on est con. Tout le monde rigole a mon passage.

Seules les pauses calment la douleur pour un précieux moment. Lors de l'une d'elles, on est tranquillement assis avec Nico sur des marches lorsqu'on se fait titiller par des singes, qui jouent notamment avec la canne en bois que je me suis acheté sur le chemin pour me soutenir. Mais l'un d'eux se met a montrer les dents a Nico et ils sont une dizaines a venir vers nous ! On ramasse nos affaires en hâte, un singe vole un sac (heureusement vide) dans le sac de Nico... des chinois s'avancent vite a notre rescousse pour leur faire peur et les éloigner. Voila, c'est fait, on s'est fait attaquer par des singes. On continue par un autre chemin qu'a l'allée, beaucoup plus long, " pour voir d'autres temples". Une belle connerie, on ne pensait pas que ça rallongeait autant. Mais superbe. On descend une vallée recouverte d'arbres et de plantes tropicales. Les falaises abruptes sont recouvertes d'arbres et de nuages qui viennent s'y accrocher, comme dans les peintures de montagnes chinoises quoi. C'est splendide, mais je souffre. Et mon T-shirt dégouline de transpiration. On croise un pèlerin qui s'arrête toutes les 6 marches pour faire une prière compliquée ou il s'allonge complètement sur les marches, embrasse la terre, et se relevé. Un fou. Entendez bien, je respecte la folie, je trouve ça génial.

Ça aura mis le temps, mais Nico se met lui aussi a souffrir, du genou gauche ! Il comprend ma douleur, on parcoure encore une vingtaine de kilomètres en claudiquant, en souffrant a chaque marche descendue, mais en s'extasiant devant la magnifique petite vallée de montagne, son ruisseau, ses chutes d'eaux, ses singes et ses inscriptions millénaires sur la pierre.

On finit par arriver en bas. Je tiens a peine sur ma jambe gauche, tant elle a fait tout l'effort pour deux, et mon genou me lance sans cesse. Nico n'en peux plus non plus. On arrive juste a temps, vers 16h30, pour prendre place dans l'un des derniers bus a destination de la ville. 17h30, on est dans le bus qui nous ramène vers Chengdu. A l'arrivée, j'arrive a peine a marcher avec ma canne jusqu'à un taxi ! Retour a l'hôtel, on se pose enfin. Une bonne douche. Du Niflugel (gel contre les tendinites que j'avais eu le génie de prendre). Rencontre d'Alex dans le dortoir, un allemand qui fait 2 fois la taille d'un homme, il vaut mieux s'en faire un ami. Petite bière dans le hutong, quelques brochettes, au lit.

Jeudi 26 juillet

Ce matin, premier geste, première souffrance. Le Niflugel a fait des miracles, mon genou ne me lance plus du tout... tout le reste, oui ! Je n'ai jamais eu de telles courbatures de toute ma vie, je ne savais même pas que l'être humain avait autant de muscles ! Les mollets, les cuisses, les fesses, les reins, les bras (l'appui de la canne ?)... c'est l'horreur. On se traine jusqu'à un resto sympa ou on mange des morceaux de poisson, des boulettes de viandes et des légumes, baignes dans un grand bouillon avec pleins de trucs, Qu'on trempe dans une sauce ultra piquante (Sichuan oblige). Et puis direction le salon de massage : une heure de massage complet du corps suivi d'une heure de massage des pieds ! Le comble de la souffrance. Je me dis que ça va faire du bien, mais je mords l'oreiller tout le long pendant que le gars me masse les mollets, me tapote les cuisses,... et j'ai toujours l'air aussi con quand je marche. Demain, un journée entière de bus pour aller dans le JiuZhaiGou (parc naturel) dans le nord du Sichuan devrait nous remettre d'aplombs ! Bon, vous le savez maintenant, je vais rentrer svelte, muscle et beau. C'est vraiment la classe les voyages.

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