14 août 2011

D'Antsirabé à Manakara

Dimanche 14 août

Nous voici de nouveau à Tana, retour à la case départ avant d’emprunter une nouvelle direction, le nord-est. Les deux-tiers du voyage sont déjà derrière nous, on entre dans le douloureux « money time ». On en a pourtant déjà plein les yeux, les oreilles, les sens. Les malgaches sont pauvres pour la plupart, mais d’une gentillesse rare. Se connecter à Internet reste la mission la plus ardue du voyage, ça n’aide pas la mise à jour du blog. En voilà encore une tranche. Récit d’une traversée en direction du sud-est malgache.


Samedi 6 août

Lever 9h, première grasse mat’ depuis le début du voyage. Lolo reste au lit. Ma batterie d’appareil photo ne se relève pas non plus, elle a du prendre un pin. On n’a plus que l’appareil d’Alice, moins bien.

A l’entrée du Green Park, Christine et Olivier sont en pleine négo avec Eric "Jamel" qui est descendu de Tana… il leur propose de louer les services d’une voiture et d’un chauffeur pour cinq jours, pour les remonter de Manakara, où ils seront dans quelques jours, jusqu’à Tamatave, beaucoup plus au Nord. On finit par accepter de partager les frais, on est vraiment sur la même longueur d’ondes avec eux. On n’hésite pas longtemps, sauf Lolo qu'on vient de réveiller et qui tente péniblement de surnager au delà des brumes matinales à grands coup de tartines et de cafés. Il finit par grommeler un accord enroué. On se donne donc RV quelques jours plus tard, et ils partent sans attendre, un peu plus au sud.

Moï et Linda sont encore là, on prend le temps de se poser ensemble et de profiter du jardin. A peine sortis de l’hôtel, les pousses-pousses nous alpaguent et nous proposent de nous conduire à un famadihana, fête de retournement des morts. Voyons ce que ça raconte.

Petit pitch préalable : cette cérémonie semble être le point culminant du Culte des Ancêtres qui fidélise la quasi-totalité de la population. Les malgaches partent du principe que la mort n’est qu’une étape de la vie parmi d’autres, sa phase ultime. D’où le proverbe « Ceux qui sont partis n’ont qu’une avance de temps car la route est commune ». Rendre hommage aux morts est une manière pour eux de rendre grâce à la vie dans sa forme la plus aboutie. Le famadihana a lieu plusieurs années après le décès, quand la famille du défunt estime qu’il a besoin d’un nouveau linceul pour se réchauffer.



Nous voilà tous les cinq en route, tirés par des pousses-pousses à travers les routes goudronnées de la ville puis des chemins plus cabossés de la campagne entre les rizières. La fête est à 5 km du centre. On descend de l’habitacle quand la pente est trop forte ou la route trop pourrie, c’est vraiment gênant de rester comme un pacha sur son siège rembourré quand le pousse-poussier contracte ses muscles et transpire à grosses gouttes. On finit par arriver dans un hameau en haut d’une colline. Il y a beaucoup de monde, mais on est les seuls vasahas. On est d’abord présenté à un jeune de la famille organisatrice, puis au doyen. On lui demande si notre présence le dérange. Il nous dit qu’au contraire il en est honoré, qu’il souhaite qu’on passe un bon moment, qu’on danse, qu’on prenne des photos et qu’on lui envoie. Il est tous sourires, ravi. Il faut dire qu’on lui a glissé une bouteille de rhum.



La procession commence, une troupe de musiciens joue des airs guillerets au violon et au tambourin, certains dansent, tout le monde suit. Il y a entre 200 et 300 personnes, de tous âges. Différentes personnes s’approchent pour nous expliquer ce qui se passe. La famille qui organise est manifestement aisée, d’où l’ampleur de la fête. La procession arrive devant un grand caveau familial. Les musiciens redoublent d’entrain et les invités se répartissent tout autour. Puis vient le temps des discours.



Deux "autorités locales" et le responsable de la famille prennent tour à tour la parole en malgache. Un gars à côté nous explique ce qui se passe. Chaque orateur commence par demander au public la permission de s’adresser à lui. Cette demande s’adresse plus particulièrement aux plus âgés d’entre eux. Les autorités locales donnent un cadre formel à la cérémonie en présentant la famille et en lisant le décret signé l’autorisant à ouvrir le tombeau - on apprendra ensuite que de nombreux tombeaux sont pillés et les os humains revendus à des fins médicamenteuses. Le patriarche rappelle ensuite le sens de cette cérémonie : c’est avant tout un temps festif qui vise à rassurer les défunts sur le fait qu’ils sont toujours présents dans les mémoires. Il interpelle tous les enfants présents en leur disant qu’ils seront bientôt à leur tour les gardiens de cette tradition. Moment poignant de transmission de valeurs traditionnelles et populaires d’une génération à une autre.



L’ouverture du caveau est ensuite descellée à l’aide de différents instruments contondants et de marteaux. Tout le monde se recule de quelques pas, pour ne pas se prendre les gaz s’échappant du tombeau dans le pif. Les personnes de la famille rentrent à l’intérieur et ressortent à tour de rôle avec les corps exhumés de leurs parents, frères ou enfants, enroulés dans des linceuls de soie, transportés en procession au milieu de la foule. Tout le village se bouscule pour assister au renouvellement du linceul, enroulé par dessus le précédent. L’ambiance est à la surexcitation, et l’alcool que les convives ne manquent pas de consommer en abondance donne une certaine garantie de longévité à la teuf. Même si un peu de chaque verre est versé par terre, pour les morts. Pas de raison qu’ils picolent pas, eux aussi. Les deux représentants de l’autorité locale nous permettent d’aller visiter l’intérieur du tombeau, avant de nous réclamer une petite THB "en signe de respect".

On nous prend par la main pour nous inciter à danser prêt des musiciens, à deux pas de la dizaine de corps exhumés. Sentiment étrange et ambivalent, mais on a vraiment l’impression de participer à une communion populaire forte de la vie malgache, de se fondre temporairement dans une culture méconnue.



On finit par se faire reconduire par nos potes les pousses-pousses. L’un d’eux a crevé, différentes théories sont avancées, qui vont du caillou pointu au sabotage. Bon, un pousse-pousse crevé, ça roule, même pas mal. Je demande à Stéphane, mon "chauffeur", pourquoi il est pieds-nu. Pas assez d’argent pour acheter des chaussures. J’ai l’air con.



Le soir, après quelques heures de reconnexion au cybermonde et un petit rhum avec Hari "Tahiti Bob", Moï et Linda, direction le resto Le Pousse-Pousse, tenu par une française, histoire de parfaire cette journée à thème. Cadre cosy de super bon goût, Carpaccio de zébu au citron et aux herbes, steak de zébu rossini avec un foie gras local excellent… une adresse "surfaite" selon les relous.


Dimanche 7 août

J’ai écris jusqu’à tard dans la nuit. 2h. Ensuite, plus moyen de fermer l’œil. Insomnie. Conscience insubmersible, même au travers de rêveries absurdes. 5h. Les cloches de la Cathédrale font un boucan d’enfer. Dimanche. En plus d’être impénétrables, les voies du Seigneur font du boucan. 5h30. Lolo va aux chiottes, fume une clope dehors et se rallonge pour lire. 6h. Nouveaux tintements de cloches bien sonores. Pourquoi tant de haine ? 8h. Je me lève. Du retard sur le blog, il faut que je poste.

Je demande à un Pousse-Pousse de me mener à un café Internet… après une demi-heure de vas-et-viens dans toute la ville, je me rends à l’évidence : Internet n’existe pas dans cette ville le dimanche. Il disparait pour mieux laisser la population se connecter au Seigneur. Des centaines de malgaches endimanchés se pressent devant la cathédrale. L’occasion pour certains de faire démonstration de leur richesse, avec des tenues des grands jours rivalisant de classe. D’autres portent des habits raccommodés, dépareillés, trop longs, trop courts… mais tout le monde semble faire le max.

Retour au Green Park. Je commande un petit déj et discute avec Hari de mes cyber-préoccupations. Il me conseille tout simplement d’acheter une clé 3G+ ! Ça marche partout et c’est accessible en terme de prix… va falloir que j’y songe, sérieux.

Une fois tout le monde levé et rassasié, direction la gare routière en pousse-pousse… On cherche à aller à Ambositra (prononcer "Amboustr"). Je commence à être bien pote avec Stéphane le pousse-poussier. Quand je fais des blagues, il explose de rire. Quand je suis sérieux, il se tord de rire aussi, persuadé que je blague.

Un peu avant la gare routière, un rasta quinquagénaire nous incite à descendre des pousses-pousses pour nous vendre des places, expliquant que le taxi-brousse passera nous prendre ici dans les dix minutes. Après 40 minutes d’attente dans un boui-boui glauque diffusant en boucle des clips de Justin Bieber, le rasta réapparait. Pas de problème le taxi-brousse arrive. Encore 15 minutes. Il revient et nous demande si on ne préfère pas y aller en voiture pour le même prix, un particulier cherche à partager les coûts d’essence. Ok. On se retrouve tous les trois à l’arrière d’une vieille Merco des années 70.

Le gars emprunte la RN7 vers le sud. Il roule comme un taré, tourne toujours au dernier moment sans décélérer, double sans aucune visibilité et appuie sur la pédale à l’entrée de chaque village. Sur le siège passager, une étudiante malgache qui partage aussi le trajet. Elle nous donne son numéro si on veut la contacter à Fianarantsoe, encore un peu plus au sud. Allez Lolo, à toi de jouer.

Arrivée à Ambositra. L’Artisan hôtel, recommandé par le Lonely, a des allures de Club Med. Le fait qu’il soit complet finit de nous convaincre à chercher ailleurs. Le Grand Hôtel est en plein centre, pas cher, et avec des décos de chambre véritablement incroyables. Parfait.

A peine posé, on se fait alpaguer par un certain Julien, qui nous propose de se balader avec lui quelques heures pour nous faire visiter les environs et découvrir les ateliers artisanaux... Ambositra étant considérée comme la Capitale de l’Artisanat. On est parti, on ne reculera devant rien. On s’éloigne rapidement de la ville par des petits chemins bien verts. Ambiance paisible, des gamins jouent au foot, des paysans travaillent dans les toujours omniprésentes rizières. On entend puis on voit un zébu qui nous fonce dessus, on s’écarte du chemin, son propriétaire lui court après juste derrière. Julien nous explique qu’ici il existe une sorte de rodéo avec des zébus, les participants devant resté accroché le plus longtemps possible à leur bosse ! Il nous parle aussi des émeutes qui ont eu lieu en 2009, des morts dans la ville. Et puis des bandits de grands chemins qui s’attaquent aux véhicules dans le sud du pays, autour des mines de saphir, volant et tuant sans vergogne. Je ne sais pas si tout ce qu’il raconte est vrai, mais en tout cas il est bien flippé, le Julien.



A côté de ça il nous amuse avec des devinettes. La balade dure un bon moment, on grimpe en haut d’une colline. Il fait beau. Super panorama sur la petite ville et sur de magnifiques paysages de rizières et autres cultures en terrasse. Petites maisons en bois qui servaient de palais à un ancien roi.



Redescente par des sentiers escarpés. On entre dans une petite maison en terre typique des habitations de campagne. Au rez-de-chaussée, un homme est en train de travailler le bois d’ébène pour faire naitre des figurines fines et élancées. Il nous fait visiter l’habitation, très rustique. Posters de joueurs de foot au dessus de son lit. Dehors, des enfants s’amusent sur des échasses.



On continue à fendre la campagne, les enfants nous suivent. Nouvelle étape dans la cours d’une habitation. Une grande roue à bois y est installée. Un homme actionne le mécanisme pendant qu’un autre travaille le bois à l’autre extrémité. Suite à la démonstration, des étals remplis de sculptures sont découverts et il est difficile de repartir sans rien acheter.



De retour en ville, on rentre dans une autre cours intérieure. Dans un atelier, une femme brode des petits personnages et scénettes sur des draps. Un peu plus loin, Julien nous entraine dans un passage sans aucune forme d’indication. Dans une pièce sombre accessible par une cours intérieure, une vieille femme tisse des écharpes de soie sauvage. Des onomatopées beuglées parviennent de la pièce à côté. Elle continue à sourire en nous faisant calmement comprendre que son mari est ivre mort. Sur le mur de la pièce, un poster de Ronaldo côtoie une image du Christ tendance rococo. Face à tant de bon goût, on lui achète des écharpes.

Retour au Grand Hôtel après 8km de balade. Il fait déjà nuit, on a notre compte. Au resto de l’hôtel, rencontre avec un couple français qui traverse Madagascar en vélo, en demandant l’hospitalité chez les gens dans les villages qu’ils traversent. Bon trip. On leur explique que s’ils vont trop au sud, ils ont de grandes chances de se faire égorger. Mais qu’ils peuvent le tenter, hein.


Lundi 8 août

Julien nous a organisé un ramassage par un Taxi-Brousse devant l’hôtel à 8h30, direction Fianarantsoa. On a réservé une banquette entière de 4 places pour ne pas être trop collé. Une banquette est pourtant composée de trois sièges, mais la coutume est de s’y tasser à quatre. Un Taxi-Brousse n’est autre qu’un minibus, mais blindé de monde, avec des horaires approximatifs, et sujet à des arrêts intempestifs et qui peuvent sembler irrationnels. Le notre ne déroge pas à la règle. Il s’arrête une bonne demi-heure devant un marché… je finis par sortir pisser en me frayant un chemin jusqu’aux toilettes publics. Au retour une petite vieille édentée me souris. Elle est vêtue d’un sweat capuche Pantera… L’image va rester gravée. Le minibus est parti. Je le retrouve une dizaine de mètres plus loin, Alice et Lolo ont fini par lui faire comprendre mon absence.

Après quelques pauses et autres remplissage de réservoir, le taxi-brousse part vers 10h. Il roule lui aussi comme un malade, et il a probablement passé son permis en Angleterre. Arrivée dans la gare routière de "Fianar" vers 13h30. C’est une grande ville, la troisième du pays, qui donne une impression de modernité comparé à Antsirabé. 150 000 habitants. Une 4L (en fin de vie depuis au moins 20 ans), nous dépose au Soratel, à deux pas de la gare ferroviaire. Prix cool et grand standing comparé à ce qu’on a eu depuis le début : grande salle de bain avec baignoire, télé, wifi… je revis.

Le temps incertain aidant, on décide que cette ville n’a pas un intérêt énorme. Petite bouffe dans le coin, repos, internet, deux trois bricoles. Alice a son oncle Jean-Pierre au téléphone, ça risque d’être malheureusement compliqué d’aller le voir à Antalaha où il habite, vers la pointe nord-est de l’île, difficile d’accès. On a réussi à organiser un Rendez-Vous dans un petit resto avec Moï, Linda, Christine et Olivier, grâce à nos portables malgaches respectifs.

Linda et Moï vont finalement déclarer forfait. Dîner super sympa, échange de petites anecdotes issues des deux derniers jours écoulés. Olivier nous raconte le match de foot qu’il est allé voir au stade de la ville, Fianar-Antsirabé, l’ambiance de fou, les joueurs qui se changent au cul du camion en l’absence de loges et qui repartent serrés comme des sardines dans un petit minibus. Il nous parle aussi du réceptionniste de leur hôtel qui est obligé d’aller passer le BAC ces jours-ci car il n’a pas les moyens de se l’acheter ! Enfin, un gros titre du journal du jour aperçu dans un kiosque : « Résultats du BEPC à Madagascar : 4 blessés ». Le resto nous attend pour fermer… à 20h30.

Retour à pieds sous une pluie battante. Au milieu du trajet, extinction des feux. Il n’y a plus personne dans les rues, on se repaire tant bien que mal à la frontale pour éviter les grosses flaques d’eau. On est pourtant dans l’hyper-centre de la troisième ville de Madagascar, et il n’est pas 21h.

De retour à l’hôtel, Alice essaye de regarder l’une des trois chaînes reçues par intermittence sur la télé en bougeant les antennes. Début de nanar avec Jennifer Lopez avant que toutes les chaines ne sautent. Je profite de la soirée pour boucler le long deuxième post de ce blog.


Mardi 9 août

Réveil en douceur à 5h. Je n’ai pas dormi bien longtemps. On va prendre aujourd’hui le petit train qui relie Fianar à Manakara en 7 ou 8h, plus au sud sur la côte Est. La gare est en ébullitions. Files d’attente désordonnées pour les classes les moins chères, amas de voyageurs attendant à côté de leur bagages, guides à l’affût de vasahas désorientés, ventes de petits pains et de café chaud…



On retrouve nos « compagnons de l’ouest ». Moï et Linda ont assuré en réservant et en avançant nos billets. On finit par prendre place. La 1ère classe dans laquelle on est installé est d’un confort tout relatif, je n’ose pas imaginer les autres wagons. Catherine et Olivier en ligne de mire, on essaye de les éviter. Le train finit par partir à 8h30, après 1h30 de retard syndical.



Le train va s’arrêter dans une bonne vingtaine de gares, toute la journée. Certaines dans des villes d’importance moyenne, d’autres au beau milieu de la forêt dans des coins vraiment paumés. Chaque arrêt est un spectacle à part entière : les quais grouillent de monde, voyageurs en transit, enfants qui s’amusent, et surtout marchands et vendeurs de tous poils. Chaque station a son lot de denrées culinaires (à consommer sur place ou à emporter) correspondant aux cultures ou aux spécialités locales. Samossas, nems, beignets de légumes, de pomme de terre ou de manioc, écrevisses, crevettes, salades, pâtes, clous de girofle, poivre vert…
Des fruits aussi, en nombre : oranges, mini-bananes (délicieuses), papaye, corossol, carambole, jaquier… on n’a pas besoin d’une pause à midi pour se nourrir, la tendance lourde est plutôt « on goûte à tout, tout le temps ». Les vendeurs n’hésitent pas à grimper dans les wagons pour tenter de vendre tout ce qu’ils peuvent jusqu’au dernier moment. Ca me fait penser à l’ambiance du Transsibérien, en remplaçant les mamouchkas par des vieilles malgaches édentées, et les gares blockhaus en béton par des forêts primaires… bon, ok, c’est pas la même.



Avant chaque départ, des sifflets retentissent et les enfants des villages s’agrippent à l’arrière du train pour se laisser tomber un peu plus loin, quand la machine a bien pris de la vitesse et qu’il y a bien moyen de se faire mal.



De parcelles de cultures interminables plus ou moins gorgées d’eau et irisées de soleil, on passe à de la forêt plutôt dense et variée, mêlée à des paysages vallonnés et montagneux, avec son lot de rivières et de cascades. Les points de vue du train sont stupéfiants et les passagers se précipitent d’un côté à l’autre pour prendre des photos, systématiquement pourries par un arbre qui vient se mettre entre l’objectif et la vue.



L’ambiance est top dans le wagon, ça se balade, ça discute, ça lit, ça somnole et ça rigole. A côté de nous, un canadien plutôt bon trip qui nous parle de la saison de hockey sur glace. Juste derrière, un jeune français est en train d’avaler le 2ème tome du Trône de Fer, tellement absorbé qu’il ne lève même plus la tête pour voir ce qui se passe dans et en dehors du train. Les dernières heures se font quand même un peu longues… le voyage dure finalement 13h !



Arrivée à 20h passées à Manakara. Pleine nuit. Il pleut et les passagers se bousculent sur le quai. Le vent se lève, la pluie redouble d’intensité, tout le monde essaye de se trouver une place à l’abri, c’est la cohue. Seule une ouverture étroite permet d’entrer dans le hall de la gare. On se perd dans la foule. Traversée du hall, une autre petite porte permet de sortir de la gare. Permettrait, si les gens ne restaient pas plantés sous le porche, bloquant le passage. On force un peu. Dans le merdier devant la gare, un gamin essaye de glisser sa main dans ma poche, je l’arrête à temps. On a perdu les autres. Des dizaines de pousses-pousses essayent de nous alpaguer pour nous emmener à notre hôtel. Lolo prend place dans l’un d’eux, un autre prend Alice par la main et l’installe sans lui demander son avis, et je monte dans un troisième. On essaye de discuter des prix, ils nous disent de ne pas nous inquiéter, que ce sera le prix « normal ». Une bâche un peu trouée est rabattue sur le pousse-pousse pour me protéger de la pluie. Je me retrouve complètement seul dans l’habitacle, l’averse bât son plein, le vent et l’eau s’engouffrent, l’orage retentit, j’ai à peine vu la tête du pousse-poussier, qui m’emmène je ne sais où. Où que ce soit, il doit en chier. La pluie se calme un peu, on est arrivé. Lolo et Alice sont là. Bien sûr, les pousses-pousses qu’on a pris avec Alice nous réclament 4 fois le prix demandé à Lolo. Ça s’engraine un peu, un guide qu’on avait rencontré dans le train nous vient en aide, on paye un prix correct.

Aux Délices, les chambres sont petites et rudimentaires, mais au sec. Un bon et gros filet de poisson grillé me réconcilie avec cette fin de journée. A la fin du repas, Christine et Olivier débarquent, trempés… leur réservation d’hôtel n’ayant pas marché, ils ont fait des km en pousse-pousse sous la pluie avant de trouver de la place dans un hôtel pourri à deux encablures.


Mercredi 10 août

On se retrouve vers 8h pour prendre le petit déj ensemble. On a la surprise de voir débarquer Moï et Linda dans le minibus qu’ils ont loué pour les jours à venir. C’est ici que nos chemins se séparent, ils continuent vers le sud alors qu’on a choisi de remonter. Ils étaient malades de ne pas nous avoir dit au revoir et de s’être quitté en pleine apocalypse la veille au soir. Et j’ai perdu mon chargeur de portable malgache dans le train, je ne suis plus joignable. Ils décollent. Il y a des chances pour qu’on se retrouve à Lyon dans pas si longtemps.



On part se balader vers l’océan. Wouah. L’océan indien. La pluie d’hier a laissé la place à un gros soleil. Mais le climat est clairement plus tropical ici, chaud et humide. Palmiers et cocotiers bordent la plage. On se fait couper une noix de coco pour boire le lait délicieusement frais à la paille. Les vagues sont puissantes, il est vraiment déconseillé de s’y baigner. Un touriste serait mort noyé le mois passé. Ils sont vraiment flippé ces malgaches. On trempe les pieds quand même. Effectivement, le courant semble taquin.



Au loin, des pêcheurs tanguent sur des vieilles pirogues. Promenade le long de la plage. Les vagues explosent sur une digue à l’entrée d’un bras de mer. On fait signe à des pirogues pour leur demander s’ils peuvent nous faire traverser ce dernier. Pas de souci, les jeunes piroguiers viennent nous chercher un à un. Leurs embarcations prennent l’eau, mais on arrive de l’autre côté. Dans des seaux, le résultat de leur pêche matinale : des poissons énormes. Un peu plus loin, un serpent glisse furtivement devant nos pieds, dans le sable.



Sortie de la plage, balade par les chemins. On passe au dessus du Canal des Pangalanes. Séparé de l’océan par une étroite bande de terre, il a été construit en 1901 pour mettre une liaison fluviale entre les 650 km qui séparent Tamatave de Manakara, sur la côte Est de l’île.



De retour à l’hôtel, on a décidé de louer des vélos pour faire les 8 km qui nous séparent d’un spot de mer avec baignade autorisée, plus au sud. A l’hôtel, la patronne nous dit qu’il y en a, mais pas très bons, il vaut mieux les louer ailleurs. Un guide de passage appelle un autre guide spécialisé pour lui dire de venir nous aider. Une demi-heure plus tard, toujours personne. On prend les devants. Tous les lieux qu’on nous indique sont foireux : plus de vélo, adresse inexistante… de retour à l’hôtel, le guide arrive, bourré. Toutes ses indications ont déjà été explorées en vain. Nouvelle tentative à l’hôtel Sidi. Ils nous disent que notre hôtel, Les Délices, a des vélos. Aux Délices, on revient donc leur demander des vélos, si pourris soient-ils. Ok, mais il n’y en a que deux. Ils vont chercher les autres. Attente interminable. Je finis par enfourcher l’une des montures pour aller m’acheter une clé 3G+ à l’autre bout de la ville, sur le chemin de l’océan. La clé en poche, je reste un moment à attendre les autres, qui finissent par arriver… à pied ! L’échec est cuisant. La journée touche à sa fin, on décide de retourner à la plage accessible.



On se mouille à défaut de se baigner, et on ouvre deux noix de coco cette fois, dans lesquelles on verse un peu de rhum en guise d’apéro, face à la mer. Ya pire.



Le soir, on mange tous Chez Elisa. Une coupure de courant vient agrémenter le dîner. Toute la ville est dans le noir et on se retrouve à décortiquer d’excellentes langoustes grillées à la chandelle. Classe.

En se remémorant la galère du jour, Olivier nous en raconte une autre vécu par un voisin du train. Il descendait la Tsiribihina en Chaland, un gros bateau à moteur. L’hélice s’est empêtrée dans le fond et s’est cassée. Après des heures de tentative de rafistolage au marteau, un autre chaland les a récupérés, avec tous leur bagages et matériel. Un jour plus tard, le nouveau chaland est tombé en panne d’essence, ils avaient oublié le bidon dans le bateau en panne. Pas mal non plus.

Dès demain, un minibus avec chauffeur devrait être mis à notre entière disposition à tous les cinq, pour une période de cinq jours. Il devrait passer nous prendre à l’hôtel à 7h. Il devrait…

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Vendredi 12 août - Ranomafana

1 commentaire:

Stéphane a dit…

Pour ta gouverne, au foot, on parle de "vestiaires", pas de "loges" ! Mais j'aime beaucoup imaginer Lloris dans un canap' pourri, avec une kro à la main et un pétard qui tourne.