22 août 2011

De Manakara à Sainte-Marie...

Lundi 22 août

Déjà la fin ! C'est de l'aéroport de Tana que j'écris ces lignes, au milieu de la salle d'embarquement. Les dix derniers jours ont filé, on ne les a pas vu passer. Mais on en a profité comme rarement, on a pris notre temps. Moins de temps à écrire, plus à vivre l'instant. J'ai quand même réussi à raconter cette fameuse remontée vers le nord en minibus avec Christine et Olivier, nos compagnons de presque tout le voyage. Et, promis, je vais essayer de finir le récit cette fois ci. Surtout que les derniers jours à Sainte-Marie ont vraiment été le clou du spectacle, coin de paradis et rencontres improbables... mais je raconterai ça plus tard. Nous en étions encore à Manakara, beaucoup plus au sud...


Jeudi 11 août

Le minibus est bien devant l’hôtel au petit matin, vers 7h, comme prévu. On a deux chauffeurs pour le prix d’un, un jeune s’est joint pour apprendre le métier. Les sacs sont chargés, on est parti pour cinq jours de totale liberté dans un minibus 12 places. Le plan est de monter jusqu’à Tamatave… pour le reste aucune obligation, on s’arrête où on veut pour dormir ou se balader, no stress.



Avant de filer vers le nord, va faire un tour au Trou du Commissaire, le fameux spot qui nous avait échappé la veille en l’absence de vélo. Le cadre y est plutôt idyllique. Un muret de pierre cercle une zone baignable. Le soleil est déjà haut, l’eau est bonne et il est difficile d’en sortir. Des enfants se baignent avec nous en habit d’Adam, ils jouent avec des mini pirogues confectionnées avec des feuilles de bananiers.



En sortant de l’eau, un gars du coin nous montre trois langoustes dans un seau, dont une énorme, et nous propose d’aller nous les faire griller ! On s’en régale assis à une petite table sous un porche, à deux pas de la plage. En allant commander des cafés au petit bar sur pilotis qui fait face à l’océan, je tombe sur la serveuse en train de se faire tripoter par un gars derrière elle, elle se défait de son étreinte en rigolant, un peu gênée, et part faire chauffer de l’eau. Sans chercher à leur trouver des excuses, il faut avouer que le cadre se prête pas mal aux galipettes. On agrémente le goûter avec des pains malgaches, petits beignets au manioc. Il est n’est que 10h quand on reprend la route.



Le minibus nous conduit en 4h environ à Ranomafana. Plutôt confort, mais les chauffeurs kiffent la vieille daube française et on se tape en boucle Sheila, Mireille Mathieu et autres Garou. Le décor extérieur se transforme à mesure qu’on grimpe dans les montagnes, avec l’apparition forêts denses, vallonnées, tropicales. Bananiers, palmiers, forêts de bambous…

En traversant un petit village, une troupe de gentils poussins piaillent derrière leur maman au milieu de la route. PAF le poussin ! Dans la même lignée, Moï et Linda nous avaient raconté avoir shooté un chien lors de leur venue express de Tana à Miandrivazo

On se pose à La Palmeraie, petit hôtel avec quelques chambres en Rez-de-Chaussée dans un petit havre de paix. Une balade en "ville" nous entraine de manière hasardeuse dans un atelier de tissage. A côté d’un grand terrain de foot, une fête bat son plein, avec un manège et de la techno à burne sur des enceintes pourraves qui saturent.

Le chemin nous entraine vers la rivière, qu’on franchit sur un pont manifestement provisoire, fait de bric et de broc, suite à l’effondrement du gros pont métallique, décimé par un cyclone dévastateur en 2007. Les vestiges métalliques en disent long sur la violence du truc. La côte Est de l’île est régulièrement dévastée par des cyclones, principalement pendant la saison des pluies, de novembre à mars.



Juste après la rivière, une grande piscine accueille une population dense, composée autant de touristes que de malgaches. La piscine est totalement naturelle, avec une eau thermale à 39°C ! La douche obligatoire est presque trop chaude, mais la baignade fait terriblement du bien. Olivier et Catherine font leur apparition. On se casse.

De retour à La Palmeraie, Lolo nous découpe un ananas acheté dans la rue… tiède, sucré, juteux… explosion en bouche. On se parle de records pourris, Olivier nous narre l’exploit d’un pote à lui qui a réussit à engloutir 7 camemberts et demi en 3 min 30… on reste français.

La nuit se met à tomber, on part avec le minibus quelques km plus au nord pour tenter d’observer la faune nocturne aux abords du parc naturel, accompagné par un guide du bled. C’est pour ce parc qu’on a décidé de rester dans le coin. En scannant les branchages à l’aide de lampes, on découvre un gros gecko, des grenouilles arboricoles et des minuscules caméléons qui ont vraiment la couleur et la texture de l’écorce d’arbres et des feuilles.



On ne tarde pas à aller se coucher avec quelques écrevisses dans l’estomac. Dans la chambre d’à côté, des malgaches font la fête. Ça chante et ça décapsule de la THB.



Vendredi 12 août

Après un petit déjeuner à La Palmeraie, servi par une famille aux petits soins, ‘est parti pour une balade dans le parc Ranomafana toute la matinée. Un guide local nous accompagne pour nous éclairer sur la faune et la flore, principalement endémique, probablement inconnue. Traversée d’une rivière. Forêt. Pas de la petite forêt de tata, de la bonne vieille forêt bien dense et sauvage, à la végétation tropicale qui agrippe chaotiquement chaque cm² d’un terrain immense et vallonné. Le guide nous explique les applications médicinales de chaque plante, les propriétés de l’arbre du voyageur et des fougères aborigène, nous fait repérer les manguiers, cocotiers, palmiers, bananiers, figuiers, nous fait goûter du poivre sauvage. Les chemins se perdent entre les arbres, ça grimpe. Un pisteur est parti devant nous et crie pour nous faire bifurquer quand il dégotte des bestioles sympas. On voit quatre espèces différentes de lémuriens, des petits insectivores et herbivores en famille, des grands mangeurs de bambou, très près de nous, et d’autres encore. Plutôt rigolotes les bestioles.



Sur un arbre un gecko minuscule trop bizarre, sur un autre un plus gros, couleur mousse, qui se fond à un arbre comme un caméléon. Perdu au milieu de cette jungle, un texto de Thomas m’apprend que Tsonga a encore battu Federer à Montréal. Incroyable.



De retour en ville, petite bouffe dans une gargote du centre, avant de repartir avec Lolo à la piscine d’eau chaude. Plus aucun vasaha dans l’eau, on se dit que le taux d’étranger doit dépendre des jours d’arrivée du train à Manakara. Beaucoup de malgaches en vacances par contre, assurément aisés, prenant des photos et se filmant. Les malgaches sont physiquement vraiment distincts des africains, l’influence asiatique et indonésienne saute aux yeux.

On décide de se faire masser dans une petite case, à côté de la piscine. Un orage éclate en plein massage, des rafales de vent s’engouffrent dans la case ouverte, ça a le mérite de mettre un peu de piment à un massage plutôt fade et manquant cruellement de tonicité. On en ressort pas si détendu, mais la peau nourrie à l’Ylang Ylang (essence naturelle locale) et sentant la citronnelle. C’est déjà ça.

De retour à La Palmeraie, je reviens à un de mes passe-temps préféré : tenter de me connecter à Internet. Le réseau Moov, celui de ma nouvelle clé 3G+ salvatrice, ne passe pas dans le village. Je manque encore de me faire embrocher par un zébu qui s’échappe dans la rue principale. Je finis par me connecter au cyber-café du coin. J’abandonne après avoir téléchargé 15 mails en 30 minutes.

Encore un bon repas bien sympa tous ensemble, que des produits frais, y compris le rhum arrangé.


Samedi 13 août

Lever 6h, on a passé deux nuits ici et il reste de la route. Le trajet sinueux continue entre les montagnes. Petite traversée de village… PAF la poule. Et de deux. Un village plus loin, arrêt devant une maison pour remettre du carburant de contrebande dans le moteur, bouteille après bouteille. C’est long mais significativement moins cher. Le moteur reste allumé, comme d’habitude. C’est leur trip ici. Encore un arrêt, les chauffeurs achètent sur le bord de la route des litres de vin local vendu dans des bouteilles d’eau. Pour être sûr.





Vers 11h, arrivée à Amboustr. La ville est en effervescence, en plein marché hebdomadaire. Dans une boutique d’artisanat, je suis à deux doigts d’acheter une bonbonnière trop classe en bois de palissandre. 20 Kg. 500€. Un regard "tendre" d’Alice suffit à me faire lâcher l’affaire. Dans la rue, petit check avec Julien, notre guide d'il y a quelques jours, croisé par hasard.

Pause déjeuner après 2h de route supplémentaire à Antsirabé. Retour au Pousse-Pousse, Christine et Olivier ne connaissaient pas. On se régale entre autre de choux farci et de coteaux du Tricastin. Difficile de résister à une carte de vin français. La Françoise nous raconte que le fromage est en plein essor ici, avec un agriculteur français qui s’est mis au reblochon et au fromage à raclette. Va pas tarder à faire bon y vivre.

Je me rends dans une boutique TELMA, l’opérateur téléphonique de ma clé 3G+. Super difficile de comprendre leur système, je demande une formation minute. Résultat : mon compte a un problème incompréhensible, ça n’arrive jamais. Mais pas de souci à se faire, en envoyant un formulaire de réinitialisation de mot de passe par courrier, je devrais avoir une réponse positive d’ici deux à trois petites semaines. Tout va bien alors. Je suis dans l’obligation de racheter une carte et créer un nouveau compte qui semble fonctionner. Hum.

Depuis le minibus, à l’approche de Tana, on admire le soleil couchant et la pleine lune qui surgit du sommet des collines.

Il fait nuit noire à notre arrivée dans la capitale. Le Saint-Antoine plein, on se rapatrie sur le Jean Laborde. Un Hôtel sordide tenu par un vieux français acariâtre, tenue stricte et cheveux blancs gominés, se plaignant des malgaches, des taxes et nous répondant avec dédain. L’ambiance glauque a quelque chose de l’après-guerre, des relents colonialistes, on se croirait dans un roman de Céline.

Une bonne bouffe au Outcool nous détend avec un fond sonore trusté par Nirvana, Vampire Week-end et Coldplay, avant qu’un expat’ bien entamé ne décide de mettre à fond un vieil album de Thiéfaine, « Soleil cherche futur ». Et d’expliquer bien fort que le soleil, en fait, c’est une planète en fusion. Un champion. Il enchaine ensuite les diatribes à la con du genre « les malgaches sont tous rigides, bornés et abrutis, de toute façon ». J’aimerai savoir pourquoi la majorité des expatriés sont des cons.


Dimanche 14 août

Lever 6h pour prendre un petit déj à la terrasse du Saint-Antoine. Internet gratuit et rapide, ça n’est qu’à la capitale, autant en profiter. Je prends le temps d’écouter de nouvelles versions de titres de Fake Oddity et de répondre à trois mails. La télé diffuse BFM TV : en une, Noah personnalité préférée des français. Il ne se passe donc rien.

Devant le Jean Laborde, ça s’embrouille un peu avec les chauffeurs pour une histoire de pognon, ils n’ont pas récupéré assez de sous de la part d’Eric qui semble injoignable. sa femme finit par arriver en moto, ça s’arrange après une bonne heure d’attente et de blabla.

Le minibus repart, direction Tamatave. Encore un long trajet sur des routes sinueuses mais goudronnées. Pause bouffe dans la ville de Moramanga dans une cantine locale, avec grosse plâtrée de riz accompagnée d’un peu de poisson. Dans la rue, une procession festive débaroule, rythmes et danses endiablées, drapeau agité. Peut-être un retournement aux morts ?



En fin de journée, arrivée à Tamatave, grosse ville portuaire. La ville semble étendue, avec de longues et larges avenues empruntées par d’innombrables véhicules. Les pousses-pousses sont remplacés par des vélos triporteurs. On a du mal à trouver un hôtel n’affichant pas complet, mais on finit par poser nos valises aux Flamboyants, essentiellement fréquenté par la communauté chinoise.

Petite balade longeant de nombreuses "baraques à Rhum" avant de prendre place dans un resto avec vue sur la plage, le port et l’océan indien. On invite les chauffeurs, pas très loquaces, réservés, mais qui semblent ravis de notre attention et nous remercient maintes fois. Spécialités de la mer dans un cadre assez clean, limite glauque, avec plusieurs vieux vasahas sirotant des cocktails accompagnés de jeunes malgaches plantureuses et sexy.

Les chauffeurs n’ayant pas eu le temps de se trouver une chambre à leur portée, ils dorment dans le minibus, devant l’hôtel.


Lundi 15 août

Lever 5h30. De pire en pire. N’empêche, on s’habitue à ces conneries. On va de suite au bureau de Cap Ste-Marie, l’un des prestataires organisant des traversées en bateau pour joindre la Grande île à la plus petite. Les tickets en poche pour le bateau de 13h, on a le temps de rouler tranquillement vers le nord.

On rejoint donc en 4h de route dégueulasse Soanierana-Ivongo, bled de embarcadère face à l’île Sainte Marie. L’attente est plus longue que prévue, les horaires sont toujours donnés à titre vaguement indicatifs à Madagascar. Pendant ce temps, Olivier gère les formalités obligatoires : paperasse au bureau local de Cap Ste-Marie, paperasse à la gendarmerie, paperasse à la police. On achète des gros fagots de vanille à une petite vieille bien gentille, on bouffe des sandwiches à la Vache qui rit (denrée internationale). On finit par embarquer, il est 15h.



Traversée d’une heure sur une vedette bien rapide, avec de bonnes sensations sur les grosses vagues d’une mer agitée. Au loin, une baleine saute en propulsant un joli geyser.



Le soleil est déjà bas alors qu’on foule la terre ferme du petit port Saint-Marien. Une foule grouillante nous accueille pour proposer taxis, hôtels et autres safaris baleines. On saute dans un taxi-brousse blindé pour rejoindre un hôtel 4 km plus au sud. La route longe l’océan. Le soleil se couche derrière quelques nuages disparates.

La Palourde, constitué de bungalows à même l’océan, est quasi désert. Les bungalows sont disposés à quelques petits mètres de la plage, avec une vue splendide sur l’océan bleu turquoise, dans un calme incroyable. Le sable est fin, des cocotiers se penchent au dessus de l’eau… un petit air de paradis sur terre, tel qu’on le vend dans les magasines.



Joel, malagache au large sourire indécrottable, l’air complètement défoncé, nous accueille. On comprendra vite qu’il est comme ça de manière naturelle. Adorable, il rigole tout le temps et répond à toutes les questions par "Si vous voulez" ou "C'est possible" ! On peut se baigner loin ? Si vous voulez. C’est pas dangereux ? Si vous voulez. Que peut-on manger ici ? C’est possible. Il y a des vélos à louer dans le coin ? Si vous voulez. Sérénité radieuse. Si le malgache est cool, le st-marien le surpasse largement.

On demande à manger du poisson, des calmars, du poulpe. Si vous voulez. Il va demander de la came fraiche à un pêcheur qui passe. Une sauce coco ? C’est possible. Il monte sur un arbre cueillir une noix de coco, la découpe et prépare une sauce si bonne que ça semble invraisemblable. On se régale comme on ne s’est jamais autant régalé de tout le séjour. Et pour info, c'est presque gratuit.



On passe un moment à regarder la lune se lever au dessus de l’eau, puis on s’endort bercé par les vagues. Elles sont si proches, on a l'impression que l'océan va rentrer dans le bungalow. Putain, on est pas mal.

Dimanche 21 août - Entre Tamatave et Tana

2 commentaires:

Unknown a dit…

Excellent ! Fais nous rêver !

Alex Zeman a dit…

Aaaargh !!! Quel est l'enf*** de fils de **** de sa ra*** qui a coupé le récit juste avant la conclusion ? En plein suspense, bordel ! Tout le monde se pose des questions, du coup : vont-ils rentrer en France ou pas ? Vont-ils découper Catherine et Olivier façon écrevisses de Madagascar ? La tourista d'Eric va-t-elle réapparaître sournoisement juste avant l'avion ? Quelles vont être les réactions de nos deux héros à l'aterrissage, quand ils vont se rendre compte que la France, c'est en fait plein d'expat' de retour, donc effectivement une majorité de cons ? D'ailleurs, ne serais-je pas un peu con ? Ca voudrait donc dire que je suis expat ? En plus d'être Belge ?! (...)