13 août 2005

La délicate traversée du Yunnan vers le Sud

J'arrive de moins en moins a trouver le temps de raconter mes aventures asiatiques, et je trouve ça plutôt bon signe. Je me dis parfois que c'est un exercice un peu pénible et que je préfère vivre a fond les choses plutôt que les ressasser et les décortiquer a chaud sur Internet, mais je pense aussi au suspens insoutenable que j'ai initie pour des milliers de lecteurs fidèles, étant capables de tout pour se procurer les manuscrits en avant-première (a ce propos j'ai entendu dire qu'il circulerait de nombreux faux, prenez garde aux contrefaçons et a ceux qui assurent avoir photocopie des carnets voles). Je ne peux donc pas décernent laisser en plan les ericde-addicts, voila donc la suite. Pour info j'écris d'une station Internet... au Laos ! Mais pour mieux comprendre ce qui m'a progressivement pousse a me rendre dans ce prodigieux pays, continuons d'abord la lente traversée du Yunnan vers le Sud, en direction de mon objectif initial mais toujours lointain, le Vietnam...

Samedi 13 Août 2005 - Bus pour Mendzi / 9h10

Dali est une ville de montagne qui n'a rien perdu de son charme d'antan, voire qui s'efforce de préserver son caractère authentique en reconstruisant des rues et des bâtiments "a l'ancienne". Ce qu'on appelle Dali est en réalité seulement la vieille ville, très touristique et excentrée par rapport au Dali moderne, a une dizaine de km au Sud. Ses principaux attraits : son climat doux, son grand lac (40 Km du Nord au Sud et 5 Km d'Est en Ouest), ses montagnes, ses nombreux villages alentours et leurs marches locaux.

Arrivée de nuit dans cette vieille ville a taille humaine que je traverse a pied sans peine. Installe dans une guest-house modeste (mais sympa) de la rue principale, je ressort pour prendre le pouls du Dali nocturne. Dehors l'ambiance bat son plein, ça fourmille de bars musicaux et tous les magasins sont ouverts. Mon premier contact est avec une vieille femme en costume Bai (l'ethnie du coin) qui vient me proposer de la marijuana ! Elle a du me prendre pour un sale drogue. Quelques pas plus loin, 2 québécoises qui travaillent comme "racoleuses" pour un pub dansant me voient et me sautent dessus en criant... je suis vêtu de mon T-Shirt "Les Cowboys Fringants", tout est normal ! Du coup elles sont surprises que je sois français. Encore un peu plus avant, "Le Café de Jack" avec un Karaoké survolte au Rez-de-chaussée et un resto qui fait toute sorte de bouffe a l'étage. Je commande une tomate-mozzarella, avec une mozzarella qui n'en est pas, mais avec beaucoup de goût, excellente... je ne pensais pas manger de fromage ici, mais bon c'est assez hallucinant. A cote, un panneau lumineux montre un dessin de la tour Eiffel, et l'inscription indique "Bar français" puis son nom, "Le Black Lodge" (référence a Twin Peaks ?) ! Je m'engouffre dans un passage étroit et découvre le dit-bar, qui diffuse du Gainsbourg dans une ambiance feutrée. Ça me plait mais il n'y a pas un chat et l'endroit a quelque chose de terrifiant (je suis sans doute oriente par le nom...). Je continue mon chemin et tombe sur le "Bird Café", rempli de voyageurs de toutes nationalités qui se retrouvent entre 2 verres de bière et une partie de billard. On a du mal a s'imaginer en Chine ! Un jeune français bourre qui reprend du Bob Marley a la guitare s'arrête pour me proposer un joint en disant en substance : "Yes mon pote, t'es français, on va pouvoir grave teufer ensemble". Je prend mes jambes a mon coup ! Je crois que maigre tout le capital sympathie de ce type, il représente a peu près tout ce que je n'ai pas envie de croiser ici ! De retour en direction de ma guest-house, je tombe sur 3 hollandais rencontres dans le bus et on trinque avec une bonne bière (La "Tsin Tao", star locale). Les 2 québécoises qui ont fini de bosser passent par la et se joignent a nous. Le contact est vraiment super facile dans ce nid de voyageurs, et même si c'est très touristique les rencontres sont agréables et la ville respire quelque chose qui me plait. Apres réflexion c'est peut-être le premier endroit auquel je me rend ou il y a plus d'occidentaux que de touristes chinois... merde la je suis encore en train de critiquer les chinois, ferais-je preuve d'un manque d'ouverture d'esprit ? La question me taraude. Bon, en tout cas je me couche pas trop tard et me fais réveiller vers 3h du mat' par 3 gars qui rentrent en fanfare dans le dortoir. J'ai a priori pique le lit d'un anglais sans savoir, et il ne comprend rien, il le réclame... il finit heureusement par s'écrouler sur le lit d'à cote, ivre-mort. Je suis rassure car me faire péter la gueule par un anglais bourre en Chine, ça l'aurait fait assez moyen !

Je me lève tôt (comme presque tous les jours ici !) pour profiter de la journée. J'hésite à aller au musée de la ville, mais comme j'y suis déjà allé à Figueiras, sa ville natale, je me dis que ça ne vaut pas le coup (Ok elle est nulle, mais si j'avais pas fait de blague pourrie j'aurais eu de nombreuses remontrances...). Je me motive finalement pour faire une bonne balade autour du lac, surtout qu'on est Lundi et que c'est le jour du grand marche de Shapping, a 30 Km au Nord. Apres un bon petit dej a l'anglaise avec des œufs brouilles et des toasts bien gras et bien sales, je saute dans un bus local (pas cher mais qui part quand il est plein) qui m'emmené dans ce fameux village. Le marche couvre la totalité de ce dernier et on y trouve à peu prêt tout : du manger (des tas d'odeurs inédites provenant de denrées inconnues se mélangent dans les narines), des objets "utiles" (affaires de toilette, outils, casseroles et appareils ménagers), de l'artisanat local (colliers, sacs, bracelets, ceintures, pipes...), des témoins du passe (photos de familles, cartes du parti maoïste, petits livres rouges...). C'est un régal de se promener dans ce labyrinthe d'étals en tout genre et j'y passe plusieurs heures, en rentrant dans des négociations sans fin. Ici tout le monde sait compter anglais, évidement. J'arrive a tirer des prix corrects pour les conneries que j'achète (je pense) mais non sans mal et souvent après plusieurs passages. On est ici au point le + au Nord du lac Ersai et je demande a un triporteur (avant a une roue avec guidon de moto et espace arrière 4 passager soutenu par 2 roues) de m'emmener dans un autre village sur le versant Est de la rive, mon but étant d'y prendre un bateau pour me balader sur le lac (d'après Gloaguen c'est possible). Je négocie la course a 2 Y mais il m'en demande 7 a l'arrivée... comprends pas. En fait j'ignore que les chiffres se montrent d'une manière très particulière avec la main. De 1 a 5 c'est ok si tu n'utilises pas le pouce (a part pour le 5), et ensuite ça devient le bordel. Genre le 7 c'est le pouce + l'index pointes vers le haut, et le 8 c'est la même chose mais pointes vers le bas... après le 9 c'est u truc arrondi bizarre avec les phalanges, le 10 c'est une croix... bref c'est la merde, et a chaque fois que je négocie quelque chose a 2 Y avec les doigts on m'en demande 7, je me dit qu'ils se foutent vraiment de ma gueule et on m'explique tout ça seulement quelques jours + tard ! Du coup j'apprend aussi a compter a haute voix et ça facilite un peu les négos. Je sais aussi dire : "c'est trop cher", "c'est très bon", "c'est très beau", merci beaucoup", "bonjour", "l'addition s'il vous plait", "je ne comprends pas", "je suis perdu", "je suis français"... bref quelques trucs utiles !

Je me retrouve dans un village de pécheurs très modeste et je comprend vite que peu de touristes se rendent sur cette rive vu le regard des habitants a mon approche. J'essaye de demander ou est l'embarcadère pour les bateaux mais personnes ne me comprend. Je croise finalement 2 canadiens qui font le tout du lac en vélo et qui m'aident a demander aux gens en utilisant un lexique anglais-chinois. A priori il n'y a aucun bateau ici. il faut aller dans un autre village a 10 Km au Sud. Par chance les canadiens ont pris un aller-retour en bateau entre Dali et un des villages de cette rive, et comme ils vont tenter de rentrer a vélo ils me donnent leur retour (50 Y !). C'est vraiment sympa, mais têtu et n'écoutant que trop ma connerie et Gloaguen, je décide quand même de trouver un bateau ici-même. Je trouve une sorte de dock et essaye d'expliquer aux gens ou je veux aller, en anglais, en montrant des idéogrammes sur le lexique du routard, en montrant sur une carte, en faisant des gestes... mais peine perdue, je perd juste du temps et ma patience. Un triporteur m'amené finalement au village suivant ou je trouve un bus local pour continuer le trajet vers le Sud. Les paysages sont magnifiques et baignes de calme, des crustacés sèchent sur des grandes toiles retenues par des pierres tout le long de la route et les paysans et pécheurs, hommes et femmes, s'attèlent a leurs taches dans les champs a cultures variées (Riz, Mais, Tabac,...) et sur le lac, avec les montagnes comme trame de fond. Le bus me pose finalement en plein virage... il y ajuste un portique avec un temple-pagode payant a visiter. Je ne sais pas ou je me trouve et me dis que je me suis fais une fois de + bien entube. Par dépit je visite quand même le temple. Un moine a toge orange me tend de l'encens pour que je prie... et fasse une offrande ! C'est vrai que d'en haut le point de vue sur le lac est joli. En redescendant, je découvre un chemin qui mené a la berge et tombe sur... un embarcadère ! Le bus ne m'avait pas trompe mais c'est une chance que je m'en rende compte, c'est vraiment handicapant de ne pas comprendre ce que disent les gens ! Je tend le ticket a un gars qui m'invite a monter sur un bateau, tout fonctionne, je traverse le lac en largeur et débarque assez près de Dali. Une calèche me ramené a la vieille ville. Je pourrais en rester la car j'ai fait un joli tour et qu'il est déjà 18h. Mais je me dis que le temps ici m'est compte et, pas rassasie, je remonte dans un bus local en direction du Nord pour visiter encore quelques villages ! Je descends en vue d'un petit chemin de terre qui est censé me mener a ????, village connu pour son charme. Je demande à un triporteur de me conduire au centre, mais il me pose chez un de ses potes qui insiste pour que j'assiste à un spectacle traditionnel qui fleure le guet-apens. Je refuse donc de rester et me casse à pieds. Les rues ne sont en effet pas moches mais c'est la fin de journée et l'activité cesse peu a peu. Et puis je ne trouve pas vraiment l'endroit ou les rues sont les plus charmantes, et le village est plus grand que prévu. Du coup je débarque dans un coin carrément crade. Des jeunes filles a qui je demande mon chemin m'indiquent une direction qui me fait sortir de la ville, sympa. Je marche longtemps pour rejoindre la route principale longeant le fleuve et décide d'aller encore plus au Nord, dans un autre village plus avenant dans lequel je n'avais fait que passer en bus le matin. Je vois au loin un bus passer dans la bonne direction : Ok il y en a encore. Arrive au croisement, j'attends un bon moment, avec une famille. Je leur montre avec mon maigre lexique ou je veux aller, ils ont l'air de me dire d'attendre, que c'est ok. Un triporteur s'arrête et me propose de m'emmener, je lui dis non car les bus sont moins chers. Il s'excite et insiste beaucoup, ;l'air de dire qu'il n'y a plus de bus. Je prends ça pour des mensonges afin que j'y aille avec lui et tiens bon. Et puis le temps passe. Et puis la nuit tombe. Et puis je commence a me sentir décourage. Au bout d'un moment, la famille elle-même me montre des mots sur le lexique : "Bus", "II n'y a pas". Je soupçonne le chauffeur de leur avoir dit de me dire ça et persiste a ne rien vouloir entendre... connement bien sur, plus personne ne passe sur cette putain de route ! Je finis donc par céder et me fais emmener a ????, qui est sans doute encore desservie par les bus. Mais arrive là-bas que nenni, le village est plonge dans le calme de la nuit et plus rien ne bouge ! Les chinois se couchent vraiment tôt, surtout dans les petits villages comme ça. Et en plus je ne reconnais pas du tout l'endroit ou j'étais passe plus tôt dans la journée, et les habitants me regardent d'un air méfiant. J'en ai vraiment marre, je demande au triporteur de faire demi-tour et de me ramener a Dali mais il dit que c'est trop loin et refuse ! On est a pas loin de 30 Km effectivement. J'entre dans un magasin encore allume. J'essaye de comprendre ou je suis et dessine sur une feuille de papier la grande allée avec pleins d'arbres dont je me rappelle du matin, et tout le monde rigole, sans comprendre pourquoi je fais des dessins ! Ils sont vite une dizaine autour de moi a essayer de me comprendre en vain. Je leur demande de me ramener a Dali, ils refusent. Dans un autre magasin, une bonne femme parle un anglais très approximatif, mais c'est déjà énorme. Elle me propose de dormir a l'hôtel ici, je lui explique que j'ai déjà une chambre a Dali... il est maintenant 21h et il fait nuit depuis longtemps. Je fais vraiment une tête de déprime (sans vraiment me forcer) et un gars me propose de me ramener en triporteur, a un prix sympa... il est sans doute pris en pitié ! Le voyage est assez inconfortable mais je vis mon retour à la guest-house comme une bénédiction. Je jure que je ne prévoirai plus rien qui me sorte des sentiers battus au delà de 18h ! Dans le dortoir, l'anglais a laisse son lit a un français, Greg, qui va donner des cours de français en Chine a partir de cette année. Il me présente Steph, une fille avec qui il voyage... entre autres, car ils sont 8 français a faire chemin ensemble ! Je leur raconte mes galères du jour et ça me fait un bien fou d'être compris, et puis ils sont très sympas. Dans le dortoir nous rejoignent encore 2 gars, l'un vient du Yemen et l'autre du Népal. Je ne tarde pas a m'endormir après cette prise de contact amicale.

Le Mardi, j'ai un peu plus de mal avec le réveil et ma tête dans le cul du matin me pousse a prendre mon temps ainsi qu'une bonne douche a l'eau froide. Je recroise Greg et Steph qui me présentent "les autres" : Pascal. Caro, encore Pascal, Anne-Ce... et puis Rémi et Marie, un autre couple qu'ils ont rencontre a Pékin et qui les a rejoins ici. On décide de faire tous ensemble une randonnée sur les crêtes des montagnes surplombant le lac. Un télésiège nous hisse en haut ou nous partons tranquillement sur un chemin aménage de 15 Km après avoir jeté un œil a un joli temple a l'arrivée. C'est en fait plus a flanc de montagne que sur des crêtes et le chemin est large, plat et dallé. Mais les points de vue sont effectivement a tomber. Heureusement il y a une rambarde (hum). On admire en alternance le lac et Dali de haut, et puis des belles cascades aux creux de la falaise. On est loin des klaxons. Et surtout les personnes avec qui je marche sont vraiment excellentes, je me sens super bien avec ce groupe de potes avec qui on rigole beaucoup sans oublier d'avoir des discussions super intéressantes. Bouquins, religions, recul sur le voyage, rôle de l'éducation, brassage des cultures... ils se posent des vrais questions, ce qui en fait des gens intéressants. Rémi est instit a Paris et fait partie d'une association qui propose une pédagogie alternative pour les enfants, Pascal est déjà prof de français en Chine, Steph est prof d'anglais a Avignon. Marie kiné. Anne-Cé s'apprête a rentrer dans un IUP Gestion d'entreprise culturelle (!). Bref des gens qui me plaisent. On croise pas mal de plantations de cannabis, a priori les gens du coin se servent dans la nature ! Au bout du chemin, après 15 Km sinueux, on arrive a une sorte de mini-circuit touristique avec un jeux d'échecs chinoises géant, des ponts suspendus, des dresseurs de singes et des vendeurs de Mais bouillants (super bons). On cherche pendant une heure le moyen de redescendre la montagne a pied mais on ne trouve pas... tout nous pousse a utiliser (et payer) des télécabines modernes pour redescendre. C'est assez énervant car on sait qu'il existe un chemin ! Dans les cabines on a la chance d'entendre des reprises de Titanic et d'Yves Montant au synthé... ok on n'aura pas fait ça pour rien. En bas, on monte a 8 dans un minibus taxi qui nous ramené a Dali. A peine sur place, je loue un vélo (pour 2 Y !) et pars jeter un œil aux "3 pagodes", une des grandes curiosités du coin. C'est vrai qu'elles sont impressionnantes, surtout la plus haute, mais le parc les abritant est très cher d'accès, je reste donc a les admirer de l'extérieur avant de repédaler jusqu'à la ville (2 petits km). J'ai juste le temps de faire mes affaires et de manger un bout en compagnie des français pour leur dire au revoir, et me voila dans un bus local en direction de Dali la nouvelle ville, un billet de train de nuit pour Kunming en poche. Je me retrouve encore le seul occidental dans le bus et montre le mot "gare" au conducteur et a d'autres chinois, pour qu'ils me disent quand sortir. Le véhicule est blinde et je fais chier tout le monde avec mon gros sac. Mais les gens me parlent, je suppose qu'on fait potes. Au bout de quelques arrêts l'un des gars a qui j'ai montre ma destination me fait signe de sortir du bus, et je me retrouve... devant l'hôpital de la ville ! Je suis oblige de reprendre un taxi pour me rendre à la gare, encore assez éloignée. Décidément je dois avoir du mal a communiquer. Le train de nuit dans lequel je rentre est gigantissime, avec 2 étages, des rames a perte de vue et un flot humain qui se déverse sur le quai de manière ininterrompue a son arrivée en gare. Il faut se faire une raison, y a du monde dans le coin. Dans ma rame, je rencontre Laurence, une française qui voyage elle aussi seule, et 3 espagnols, la quarantaine, qui voyagent entre hommes, et qui étaient a cote de moi le premier resto auquel j'ai mange a Dali ! Comme Laurence parle un peu castillan, c'est en espagnol qu'on discute principalement. Les chinois ont une capacité a s'endormir n'importe quand et n' importe où assez impressionnante, du coup on reste très rapidement les seuls éveilles dans le train, a raconter des conneries. C'est encore un moment très sympa qu'on passe dans cette rame, a la croisée des voyages. Je dors plutôt bien dans ma couchette, et le train arrive a Kunming a 6h.

Mon projet est d'aller visiter de plus près la foret de Shilin (que j'avais traverse succinctement en train) dans la journée, puis de rejoindre la ville de Juangshui encore plus au Sud. Je me dégote déjà une place dans un bus pour Shilin, qui fait l'aller-retour dans la journée, en espérant trouver un autre bus de là-bas. Comme j'ai un peu d'attente, je rejoins mes compagnons de la nuit a la gare, et on fout le bordel en fêtant l'anniversaire de Lorenzo, un des 3 espagnols qui fête ses 47 ans ! Je prend ensuite le petit dej' (des pâtisseries très bonnes, avec des pâtes sucrées un peu spéciales) avec Laurence qui m'accompagne jusqu'à mon bus. C'est encore un au revoir touchant (il y en a sensiblement autant que de rencontres agréables). Plus tard, dans le bus, je discute avec un étudiant qui parle un peu anglais. Il me dis que j'ai paye mon ticket 2 fois plus cher que lui ! Je ne sais pas trop si c'est normal, mon avis sur la question n'est pas très clair, mais ce qui est sur c'est que l'impression de m'être fait entuber est bien réelle. Le bus fait une halte "obligatoire" pour visiter un temple a l'intérêt plutôt limite. A Shilin, mon nouveau pote chinois m'aide a chercher un bus pour Juangshui, mais les réponses sont genre : "facile, tu prends un bus jusqu'à un hameau perdu, la tu en arrête un autre qui n'est pas censé s'arrêter...". La je flaire la grosse galère (sans doute un improbable instinct de survie), et je décide de faire le retour a Kunming avec le même bus... et du coup je renégocie le prix du trajet, na. En entrant dans le site même de la foret de Shilin, je peux tout de suite confirmer que c'est ultra-touristique. Des chemins tous traces et assez larges parcourent des territoires entièrement entretenus d'arbres tailles et de gazon vert, sur lequel poussent comme des champignons des rochers biscornus. C'est un peu un Hong Kong ou les buildings seraient remplaces par des rochers ! Tout le monde se rue vers un escalier central qui permet de monter sur l'un des plus hauts rochers pour avoir une vue d'ensemble. Du coup je m'éloigne au maximum du troupeau et me retrouve vite a peu près seul, a une centaine de mètres seulement de l'épicentre ! Je fais attention a ne pas me faire repérer et sors du chemin... ce qui est marrant c'est que des qu'on sort de ce qui est visible depuis le chemin, la nature reprend ses droits en redevenant sauvage, et donc belle. Je me perd entre les pitons rocheux, parvient a grimper sur certains et découvre des points de vue sublimes. Cet endroit a vraiment quelque chose de fantastique : les rochers parsèment l'espace a perte de vue dans une nature majestueuse. Je retrouve un long chemin périphérique qui fait le tour du site touristique et rejoins le point le plus éloigne de l'entrée. Il n'y a plus un chat. Un petit panneau montre un sentier étroit qui s'éloigne au delà du contour officiel, avec une inscription, en substance : "frontière de l'espace aménage, zone a risques". Génial, je fonce ! Je marche encore une bonne demi-heure dans la campagne rocheuse entourée de rivières et de petites forêts. C'est très beau, j'ai du mal à comprendre pourquoi je suis seul ici, mais j'en profite a fond. Et tout au bout du chemin, perdu au milieu de rien, je retrouve... 4 français ! Ils étaient en train de se faire la même réflexion que moi, ne comprenant pas pourquoi personne ne venait jusqu'ici. On monte sur un grand rocher qui surplombe le paysage... C'est dur de trouver les mots, disons que "ça déchire" pourrait faire l'affaire. De nouveau dans la zone "protégée", sur le chemin du retour, je découvre un petit escalier creuse dans la roche... je m'engouffre dans un dédale d'autres escaliers qui montent et qui descendent, de mini-ponts et de tunnels. C'est l'endroit le plus dense de la "foret", ou les rochers se touchent et s'entremêlent, et c'est assez étonnant a parcourir, avec régulièrement des très beaux points de vue. Je me mets a cavaler dans tous les sens et commence a flipper car je suis complètement perdu et le temps presse avant le départ du bus. Je cours au hasard et j'atterri essouffle... en haut du point de vue central du site ! Je dévale l'escalier, cours comme un dératé et monte dans le bus qui n'attendais plus que moi. C'était assez juste. Je mets seulement un quart d'heure a me remettre de ma course car je suis un grand sportif. De retour a Kunming, j'ai trop de chance d'avoir "mon nouveau pote chinois". Il m'avance et me prend mon billet pour Juangshui, m'accompagne en taxi (qu'il paye) a une "Bank of China" pour que je puisse retirer, me remmené a la gare routière, et je dois insister pour qu'il accepte que je lui rembourse mon trajet en bus et le taxi ! C'est incroyable la différence qui peut exister entre ceux qui font tout pour te sucer ton pognon et t'entuber et ceux qui feraient n'importe quoi pour te venir en aide. Il essaye même d'appeler un hôtel (numéro dans le routard) pour me reserver une chambre mais ça ne décroche pas. Je le remercie chaleureusement. Je suis miraculeusement en vie après le voyage en bus (mais je commence a m'habituer a être a deux doigts de mourir a chaque virage !). Il est 23h a Juangshui et j'essaye de me repérer sur la petite carte du routard pour me diriger vers un hôtel pas cher. Il est tard et je suis claque, et bien sur je me plante de cote. J'essaye de demander mon chemin a des gens qui me fuient... on sens que c'est peu touristique par contre. En fait cette destination (ainsi que la suivante) ne sont même pas cites dans le "Lonely Planet" et seules quelques pages y sont consacrées dans le Gloaguen. Je suis en train de tourner en rond quand un homme d'environ 60 ans me vient en aide. Il ne parle pas anglais mais s'efforce de me comprendre avec beaucoup de patience. Il m'emmène a un hôtel, je lui dis que c'est trop cher et lui montre les adresses indiquées sur le guide, en me servant aussi du lexique pour lui montrer des mots. Il prend un taxi avec moi et on se retrouve dans un quartier manifestement plus piéton, quasi-désert a cette heure. Il m'entraine dans un hôtel très typique et charment mais hors de prix. En fait il a compris ce que je cherchais et ne fais que demander des renseignements a la réception. Il m'accompagne finalement jusqu'à la guest-house que je cherchais... située très loin de la ou elle était située sur le plan du routard, c'est pour ça qu'il galérait depuis le début ! Autant dire que sans lui c'était pas gagné. Il m'aide enfin a négocier le prix du lit a la baisse. Avant de s'absenter définitivement, il me laisse sa carte de visite : il travaille dans les assurances-vie ! La en tout cas il a bien assure. En ce qui concerne l'hôtel, il est vraiment miteux au sens propre du terme, avec des cafards de partout dans la chambre et les douches, et les toilettes sont des espèces de box en béton déversant directement les excréments dans une fosse septique a ciel ouvert juste derrière... la cour intérieure menant aux chiottes est déjà zone sinistrée ! Mais j'arrive quand même à dormir convenablement, ce qui est l'essentiel.

Je me leve tôt et entame de bonne heure une balade a pied dans la ville. Juangshui est somme toute assez "bâtarde". Trop grande pour être charmante, trop petite pour en jeter. Mais, comme partout ici, ça pullule, avec des grandes artères et beaucoup de bruits de klaxon. Par contre aucun touriste, ni chinois ni occidental. C'est en fait assez intéressant de se retrouver dans un lieu comme ça pour observer la "vraie vie", loin des vieilles villes reconstruites pour le tourisme. De nombreux ouvriers en bleu de travail sont de sortie, et des hommes de tous âges se retrouvent sous la "Tour du Soleil" pour jouer (cartes, échecs chinoises, go, majong, des et autres). Je visite une mosquée (très) chinoise, avec des femmes voilées en train de pratiquer dans une salle de classe annexe. Mais la "tuerie" de la ville est sans nul doute son temple de Confucius, rassemblant sur une immense superficie de grandes étendues d'eau avec pleins de nénuphars, des portiques imposants aux sculptures impressionnantes, des patios calmes entoures de verdure ou se réunissent des musiciens, des parcs aères, et puis le temple en lui même, très coquet et entoure d'armes bizarroïdes. On se demande comment un si vaste espace de quiétude a pu être préserve dans une ville si bouillonnante. En fin de matinée, j'arrive a convaincre un taxi de m'emmener a droite a gauche dans la région et de me ramener ensuite en ville, en lui montrant les idéogrammes des lieux qui m'intéressent. Je suis tellement content qu'il me comprenne que j'accepte a un prix un peu élevé ! Le pont du double dragon traverse un petit fleuve et est constitue d'une pagode en son centre. C'est mignon mais pas top, mais son nom racheté tout. Je visite ensuite un petit village pittoresque qui comprenait dans l'ancien temps la grande demeure d'une riche famille bourgeoise. Les petites ruelles étroites y sont vraiment charmantes, avec des ouvertures en cercle dans les murets permettant de passer d'une habitation a une autre. Des poulaillers ont repris vie entre les murs de cette ancienne prestigieuse maison, qui est par ailleurs restée intacte avec des belles fontaines et des sculptures très fines sur les paravents en bois. De retour a Juangshui-ville, je me mets a chercher la gare routière, décide a partir pour Yuangyang dans la journée. Et c'est encore une galère sans nom ! La ou le bus m'avait dépose la veille, il y a un parking de bus mais je ne vois pas de guichet. Je demande a tout le monde en montrant le mot "gare routière", mais personne ne sait. Un taxi me propose de m'y emmener, mais je lui dis que je préfère y aller a pied, alors il m'indique une direction. Je demande ensuite mon chemin, tant bien que mal, tous les 100 m, et les gens disent que c'est toujours plus loin (ou en sens contraire parfois !). Je marche donc super longtemps avant d'atteindre la gare routière, très excentrée. La on me dit juste qu'il y a des bus toutes les demi-heures, pas besoin de réserver. Je retourne dans le centre, cette fois derrière une moto, j'ai vraiment perdu une bonne heure pour rien. Affame, je me pose dans une sorte de cantine pour travailleurs, avec des plats de viande, de légumes et de soupe en self-service (pour 5 Y le repas - 0,5 E !). Je m'installe a une table et tout le monde vient me reluquer et me parler. Bien sur pour moi c'est du chinois. Du coup la marna qui tient ça veut tout me faire goûter et je me retrouve avec des assiettes bien garnies de mélanges légumineux étranges, notamment des sortes de fayots mélanges avec des céréales genre pilpil, des préparations de viande de porc épicées, des soupes... c'est donc le ventre plein que je retourne chercher mes affaires a la guest-house. Un taxi me reconduit a la gare routière ou je rentre dans un bus avec les idéogrammes de Yuangyang dessus. Le trajet est splendide, on passe par une petite route étroite a flanc de montagne faisant apparaitre au détour des virages des panoramas d'une beauté insolente sur les vallées et montagnes voisines, avec des cultures en terrasse (en escalier) a perte de vue. Et puis David Bowie, Pearl Jam et les Smashing Pumpkins m'offrent un bon tremplin pour m'envoler dans ce décor. Le voyage dure 3h, puis je dois encore prendre un minibus pour gravir la montagne et accéder au petit village souhaite. Ce dernier trajet est un vrai fiasco : une demi-heure d'attente a cause de travaux au milieu de la chaussée, puis le véhicule tombe en pane en pleine montée ! Du coup on monte dans un autre bus de passage, plus gros mais déjà blinde, et le conducteur roule comme une bombe, alors qu'une gamine malade est en train de vomir par la fenêtre...

Yuangshuo est une petite ville de 15000 habitants, collée a la montagne, qui est réputée pour proposer des vues imprenables sur les environs, et surtout sur les rizières en terrasses. Je me pose dans un petit hôtel pas cher et super confortable et propre, avec une chambre a moi, donnant sur les montagnes. L'hôtelier est aux petits soins. Quand je lui fais comprendre que je veux laver mon linge il demande a sa fille de le faire et il refuse que je le paye ! Une petite balade m'aide a mieux me repérer dans le village. Je m'arrête dans une autre de ces petites cantines rustiques qui donnent dans la rue. On me prépare une omelette a la tomate et une soupe (pas excellente) pour trois fois rien. En m'allongeant assez tôt dans mon lit (après avoir aperçu tous mes habits étendus sur le balcon !), j'allume la télé et tombe sur... Nadal et Moya qui s'affronte pour les masters de tennis de Montréal, commente en chinois ! La situation est assez comique, je suis comme un dingue devant la télé en train d'encourager Moya (parce que pas Nadal) dans une chambre d'hôtel perdue dans une montagne chinoise. Je finis quand même par sombrer, mis a terre par cette journée harassante et par la défaite de Moya.

Je n'ai pas besoin d'attendre la sonnerie de mon réveil (prévu a 7h) pour me réveiller, le ventre tordu de douleur. C'est ici que commence la journée la plus désagréable de mon voyage ! Je passe toute la matinée entre mon lit et les toilettes, et mon corps procède a une purge méthodique et méticuleuse de tout ce qu'il contient. Vers 13h, une accalmie pointe son nez et je tente une sortie en triporteur vers l'un des magnifiques points de vue de la région. C'est vrai que ces rizières en terrasses a perte de vue sont très impressionnantes. Je tente une petite balade et mon intestin ne fait pas trop la gueule. De retour en ville, il se met a pleuvoir des cordes et mon ventre recommence. Je m'enferme toute l'après-midi et la soirée dans le centre Internet, en profitant pour recopier des notes, en faisant des allers-retours aux toilettes ! Avant de me coucher dans ma chambre d'hôtel, je me dis que j'ai de la chance d'être dans ce cadre confortable et sympa, avec l'hôtelier qui me propose d'aller m'acheter des médicaments ! Je m'endors avec le bide toujours en vrac et sans avoir rien avale de la journée.

Le lendemain (Samedi 13), je me levé un peu avant 7h et reprend un minibus pour me descendre de la montagne, après 1 ou 2 passages aux toilettes. La ville dans laquelle j'atterri est construite sur les bords du fleuve rouge, appelé ainsi a cause de sa couleur terreuse, aux reflets ocres au soleil, qui s'écoule en direction du Vietnam. Mon objectif est de rejoindre Fan dans sa ville de Mendzi, entre ici et la frontière. Le bus part a 9h30. Et m'y voila en train d'écrire, longeant le fleuve rouge et sinuant entre les montagnes, en direction de Pocahontas. Je n'ai pu lui envoyer un mail que la veille pour la prévenir de mon arrivée, et je ne sais pas si elle sera au Rendez-vous. J'espère vraiment la revoir surtout qu'elle doit me conseiller dans l'achet de CD de pop chinoise ! J'ai ensuite Rendez-vous avec Anne Laure au Vietnam demain, a Sapa (a 1 heure de route de la frontière). On a gère par textos interposes, et j'ai le nom de l'hôtel ou elle est et son numéro de chambre, donc tout devrait bien se passer a ce niveau. Mon ventre continue a me travailler, surtout avec les secousses intempestives du bus, mais l'état d'alerte semble passe. J'arrive a Mendzi dans quelques instants... retrouverai-je mon indienne de Chine ?

Samedi 13 Août - Mendzi / 12h59

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