Mercredi 12 août - La Paz
Jeudi 6 août. On a tout juste le temps de faire pote avec une mamie qui tient un baños publicos (chiottes publiques), d’acheter des biscuits et du Pil (Yop local), et c’est l’heure du départ. Un minibus est censé nous conduire à la frontière péruvienne, où on devra changer pour un bus « semi cama » (semi-couchettes) jusqu’à Puno, où on changera enfin pour un bus « cama » (couchettes) pour dormir peinard jusqu’à Cuzco. Arrivée prévue à 5h, on pourra rester dans le bus jusqu’à 7h si on veut dormir encore un peu. Ca semble cool. Dans le minibus, un certain Max (sans doute un nom d’emprunt facile à retenir pour tous) prend la parole et nous explique le bazar. Arrivée à la frontière bolivienne. On fait tous la queue, ça tamponne les passeports. On revient, Max nous file nos gros bagages et nous dit de foncer au poste de frontière péruvien. Il est un peu speed. Là-bas on ne comprend pas où est la frontière, il n’y en n’a pas en fait. Ah si, sur la droite, un bâtiment pas bien indiqué. On essaye de rentrer dedans… ah non, il faut d’abord passer le poste de dépistage de la grippe H1N1, le bâtiment juste avant ! Là-bas des gars avec des masques nous posent des questions pour savoir si on a des symptômes inquiétants. On répond que non, on passe facile (on omet de dire qu’on a un peu mal à la tête et le souffle court à cause de l’altitude). Si on a des symptômes, on se fait ausculter par des gens qui portent des masques ! Ça fiche les jetons.
Poste de frontière. Les agents me font re-remplir ma fiche d’entrée pour un imbroglio dans les noms et prénoms, mais finissent par me laisser rentrer. Alice s’est aussi trompée (ok c’est moi qui lui ai rempli), mais sans souci pour elle. Dehors, tous le minibus attend Max qui s’est volatilisé. Il revient au bout d’un moment en criant ; « Elic, Alicé, Thomas, Marie ». On est 4 à devoir le suivre. Il nous indique un bus dans lequel rentrer. On demande au gars qui accroche les bagages sur le toit du bus, il nous dit que non, ça n’est pas la bonne compagnie. On n’a aucun billet, rien, et Max est parti. Je dis au type « Max nous a dit que… », et c’est comme un sésame, il nous fait rentrer. Ici, tu connais Max, tu fais ce que tu veux. On se pose. Au final on voit tous les autres du minibus se pointer. On a perdu 2 israéliennes, Max s’énerve un peu, et puis quelques péruviennes dans le bus qui n’ont pas l’air de goûter la présence d’israéliennes dans l’habitacle (?). Le bus est un frigo, peu confortable et pas, mais alors pas du tout « semi-cama ». On est censé prendre le dernier bus à Puno à 21h, et il est 22h15 quand on arrive ! Ah non, il y a une heure de décalage horaire avec la Bolivie, il n’a donc qu’un quart d’heure de retard. Ca semble déjà trop pour Max qui hurle encore nos noms en nous speedant comme jamais. Les trois autres récupèrent rapidement leur gros bagage, et moi je ne trouve pas le mien. Max les entraine vite vers un autre lieu, pendant que je cherche à mettre ma frontale pour retrouver mon sac dans le amas de bagages à côté du bus. C’est un peu la panique. Je finis par le retrouver, cours rejoindre les autres, on nous demande de foncer jusqu’à un croisement, un type fait signe à un bus qui tourne. Il s’arrête pour nous prendre, un autre type saute pour balancer nos sacs en vrac dans la soute et nous fait monter en deux-deux avant de repartir à toute berzingue. Bien sûr le bus n’est pas un « cama » mais seulement un « semi-cama ». On est un peu allongé, mais en diagonale et mal. Juste derrière nous, un bruit horrible, comme si une pièce métallique ricochait contre le moteur toutes les cinq secondes. La lumière reste allumée longtemps, une nénette péruvienne téléphone en gueulant à côté, et n’arrête pas d’appuyer sur les touches de son portables, ça fait bip bip bip, il fait froid (heureusement on a pensé à récupérer nos sacs de couchages), les routes sont pouraves… tous les ingrédients sont réunis pour passer une nuit inoubliable.
Vendredi 7 août. On arrive à Cuzco vers 5h30. On se fait immédiatement virer par le chauffeur qui veut « laver son bus ». Leçon n°1 : ne jamais faire confiance à des agences de voyages. La gare routière est déjà bien agitée. On dénombre des dizaines de comptoirs de différentes compagnies de bus. Rien pour changer la monnaie en Soles (monnaie péruvienne : 1$ = 3S ; 1€ = 4S) en vue. On se fraye un chemin vers la sortie, où je demande un renseignement à deux françaises qui boivent un café. Elles étaient dans le même bus que nous et sont frigorifiées (elles n’avaient pas pris leur sac de couchage). Elles nous font tout de suite bien marrer, à dauber sur les péruviens qui essayent de t’escroquer dès que possible, qui sont fainéants et menteurs. Clémence et Marie (c’est leur prénom) sont en fin de voyage et elles craquent un peu, mais elles sont vraiment marrantes. Elles nous payent un café, puis on partage un taxi pour aller à « l’Albergue municipal », une auberge de jeunsesse bien placée et d’un bon rapport qualité-prix, selon Gloaguen (elles ont le routard).
Dans le taxi, ça continue à bien rigoler, elles se mettent à chanter un tube reggeton qu’elles ont découvert en équateur. En discutant de la journée du lendemain, on décide de demander au taxi dans lequel on se trouve s’il peut nous prendre toute la journée pour nous amener voir différents villages près desquels se cachent de nombreux sites incas, tout le long de la vallée sacrée, en direction du Machu Pichu. Il accepte. On va donc passer un peu de temps avec elles ! Elles habitent à Paris, Marie est instit et Clémence CPE, respectivement 26 et 27 ans. L’hôtel est sympa et sa terrasse offre une superbe vue sur la plaza de armas de Cuzco, magnifique place principale, très verte et très bien entretenue, entourée en partie d’arcades et bordée de nombreuses églises dont la belle et massive cathédrale. On a aussi une vue sur une bonne partie de la ville : le centre, aéré, plutôt riche, au relent colonial omniprésent, et le reste, manifestement plus pauvre, empiétant sur les flancs de collines entourant la ville. Il y a quelques nuages, mais le soleil se lève et perce sur la ville qui se réveille elle aussi.
On décide de gérer quelques trucs en compagnie de nos nouvelles copines : changer des thunes, acheter de la crème solaire, des mouchoirs, des places pour le Machu Pichu, des tickets de train pour le Machu Pichu, des billets de Bus pour le Machu Pichu (!), un guide du Pérou, bref des trucs fun. Et c’est parti pour deux-trois galères, évidemment.
Il faut savoir une chose dès le départ : le Machu Pichu est une des plus grandes « tueries » de toute l’Amérique du sud, et l’industrie touristique en a totalement conscience, en tirant sur la corde pour obliger les voyageurs à dépenser au maximum. On se rend d’abord à la billetterie pour acheter les billets d’entrée au site : 124 S = 42 $ par personne. Ensuite, le train qui va d’Ollantaytamba (à 100 km au Nord Oust de Cuzco) à Aguas Calientes (le village le plus proche du Machu Pichu). PeruRail, la compagnie de train, a été rachetée par l’Orient Express, et depuis les trains coûtent ultra chers au kilomètre. Bien sûr on ne peu accéder au site qu’en train, et bien sûr PeruRail a le monopole absolu. On patiente un bon moment dans une salle d’attente, ambiance assedic, avant que notre numéro n’apparaisse sur un écran louant le luxe des trains 1ère classe. On demande un train pour le lendemain après-midi : « yen a plou !». Ou bien des 2ème classe, à 53 $ l’aller ! Pareil pour le retour, il n’y a quasiment plus que des billets très chers (un aller normal, à 31 $, étant déjà hors de prix pour par rapport aux prix pratiqués habituellement). Bien sûr on n’a plus vraiment le choix dans la date (pour Steph), on ne peut plus changer nos billets d’entrée. On s’arrange comme on peut, en prenant un billet 2ème classe à l’aller le lendemain, et en restant une nuit de plus à Aguas Calientes pour bénéficier d’un « bon » tarif de retour le surlendemain. Les filles décident, elles, de prendre un train « pas cher » un jour après nous aux aurores, et de repartir l’après-midi même jusqu’à Cuzco, en mode « plus cher ». On quand même la désagréable impression de bien s’être fait entubé. Les filles partent à une billetterie de bus pour réserver leur trajet Aguas calientes – Machu Pichu, nous avec Alice on décide de se le faire à pieds, le matin (très tôt) de notre visite, parce qu’on est des warriors.
Toute cette organisation nous a crevé, on a à peine profité de la ville, on va bouffer avec Alice dans un petit resto (trois fois plus cher qu’en Bolivie) sur une jolie petite place, pizza au peperoni et salades d’avocats géants. Pendant le repas, une bonne vingtaine de personnes viennent insister pour nous vendre dessins, bibelots, tissus, etc. On se sent beaucoup plus sollicité ici qu’à La Paz, les gens sont plus agressifs et insistants. Après le repas, on grimpe de longs petits escaliers en pierre pour retourner à l’auberge, où on s’écroule pour une bonne sieste, de midi et demi à 14h.
L’après-midi est dédié à la flânerie dans Cuzco, la déambulation dans les rues de la ville et la traversée de places. La ville est définitivement plus riche et mieux entretenue que La Paz, avec des églises imposantes à tous les coins de rues. On entre visiter la cathédrale donnant sur la place d’armes, érigée sur les fondations d’un ancien temple inca. Plus rien d’inca là-dedans ! C’est une grande et haute cathédrale à la belle couleur de pierre sombre, au plafond chaulé, soutenue par 14 piliers de pierre cruciformes, renfermant des dizaines de retables en or et en argent pur dans les nombreuses chapelles, de peintures à la gloire du Christ et des saints, de pierres précieuses… le lieu est un bon témoignage de l’énergie mise en œuvre pour convertir les « indigènes » au puissant et opulent christianisme. Ça semble avoir marché au vue du nombre de péruviens se signant à tout va dans les rues.
Le site de Qorikancha est moins bling-bling mais plus intéressant : on voit comment d’anciennes ruines inca ont été préservées sur l’emplacement d’une église et d’un couvent actuel (Santo Domingo). Les murs inca ont d’ailleurs survécu à des tremblements de terre alors que tout le reste à du être reconstruit ! On se rend compte de la précision du travail de la pierre par les incas (d’excellents artisans selon Alice), et on a aussi un aperçu de leur astrologie, basée sur les formes d’animaux créées par les éclats et les zones d’ombre de la voie lactée. Le grand jardin a lui aussi son lot de vestiges inca.
Promenade en ville, encore. Les péruviens, comme les boliviens, mangent de glaces (et autres friandises d’ailleurs) à longueur de journée, en plein hiver. On voit des vendeurs de glaces de partout, même les pharmacies en ont un congélateur remplie (à côté de canettes de red bull) ! Il se fait sombre, on rentre à l’auberge.
Vers 20h, Clémence et Marie toquent à notre chambre et nous proposent d’aller manger un bout. Vamos ! Dans une petite rue pavée en bas des grands escaliers, le menu est annoncé pas cher, l’endroit est cosy, et tout s’avère bien. Je teste notamment un tamal, sorte de pâte à base de maïs fourré à la viande épicée. Clémence et Marie sont définitivement cool et on s’entend de mieux en mieux. Marie est passionnée de Science-fiction, de fantasy et d’ésotérisme fait un mémoire sur Philip K. Dick, la discussion part donc dans tous les sens : Robin Hobb, George Martin, Jodorowsky, Umberto Eco, Rennes-le-château, le mysticisme, les sectes, la religion catholique, l’évangélisation des incas, la langue espagnole dans les différents pays d’Amérique latine... Clémence parle ultra bien espagnol, elle a vécu un an au Chili. Tout cela dans une ambiance fin cool, où on n’arrête pas de se voler la parole, de rebondir, de faire des apartés et de raconter des conneries, bien sûr, en dégustant au passage un bon vin argentin, pour ne rien gâcher. C’est presque à regret qu’on se rend compte qu’il est 23h et qu’on doit essayer de ne pas se coucher trop tard vu la longue journée qui s’annonce le lendemain. On se couche donc vers minuit.
Samedi 8 août. Réveil les yeux grands ouverts à 6h (correspondant à 7h de l’heure bolivienne), je suis maintenant réglé comme une montre ! Il n’y a qu’en voyage que j’ai une telle facilité à me lever tôt. Douche froide, grignotage. Le taxi est bien au coin de la rue à 8h. Il est censé nous faire parcourir toute la « vallée sacrée » des incas, le long du fleuve Urubamba, de Cuzco à Ollantaytambo, en nous arrêtant à tous les sites intéressants (et il y en a). Je passe devant, les trois filles derrière. C’est vite la java dans la voiture, rigolades et tubes de la musique andine à fond. On se sent bien tous ensemble, c’est vraiment une chouette rencontre. Carlos, le chauffeur, est cool aussi et n’hésite pas à nous expliquer des trucs, à chanter, à taper du rythme sur le volant ou à parler football.
Première étape : Chinchero. Altitude : 3762m. Pour y rentrer, on est obligé de payer un billet combiné permettant sur deux jours l’accès à presque tous les sites « secondaires » de la vallée sacrée, et qui coûte 70S = 24$. J’explique à la vendeuse qu’on va faire la moitié ce jour et l’autre moitié le surlendemain (au-delà de la limite de temps), elle accepte de changer la date du tampon et de la mettre au lendemain ! Ils t’entubent, mais avec une certaine gentillesse. Après avoir payé, on rentre tout contents dans le village, et je m’aperçois au bout d’un moment que j’ai oublié mon sac (avec l’ordi, tout) sur le banc de la petite place à l’entrée ! Je cours, il est toujours là. En revenant, je me perds, et mets bien du temps avant de retrouver les filles ! Chinchero, c’est un petit village andin typique (considéré par les incas comme le lieu de naissance de l’arc en ciel), avec trois trucs qui tapent : une petite église bâtie sur une jolie place coloniale, construite sur des fondations incas, une impressionnante suite de terrassements incas bordant le village, et une vue magnifique sur la vallée et les montagnes environnantes se perdant dans les nuages. Les terrassements de pierre sont très bien conservés et très étendus, le long de la colline, on peut y voir de fameuses niches trapézoïdales, et puis des sièges creusés dans la pierre, et puis de fouilles qui se poursuivent. Dans le village, de nombreuses femmes vendent des tissus en alpaca et autres bijoux de leur cru, l’ambiance est sereine. Tout est envoûtant ici, le calme qui règne, la majesté qui émane des ruines, la vue féérique.
Deuxième étape : Moray. On se gare sur une petite place, et on n’a qu’à se pencher quelques mètres plus loin pour admirer des vestiges particulièrement spectaculaires : dans un creux entre les montagnes, des terrassements de pierre en forme de cercles concentriques, d’abord très grands et aux formes assez libres, puis plus petits, en cercles parfaits, s’enfonçant assez profondément. Ça a une allure d’amphithéâtre. C’était en réalité une sorte de laboratoire naturel permettant aux incas de déterminer les conditions optimales pour cultiver différentes denrées, chaque terrassement perdant en température et en ensoleillement. C’est hallucinant. On n’a pas trop le temps, je cours le long du chemin descendant jusqu’au site lui-même, pour atteindre le fond du « labo », avoir d’autres points de vue. Chaque terrasse est séparée de la suivante par environ 2m de hauteur, et des longues pierres plates dépassant du mur par endroits servent de marches et permettent d’atteindre les différents paliers. On dirait un peu un site extra-terrestre. A côté du gigantesque amphithéâtre, deux autres, plus petits et dont les vestiges sont plus abimés, sont construits sur le même principe. La civilisation inca, elle tue. On se demande avec les filles qu’est-ce qu’elle serait devenue si elle avait survécu. Elle était en retard sur beaucoup de choses par rapport à l’Europe, mais en avance sur tellement d’autres.
De retour dans la voiture, il se met à pleuvoir un peu, avant qu’une averse de grêle ne s’abatte sur nous ! Ca ne dure pas longtemps, et ça permet à Carlos de nous expliquer le calendrier de la récolte inca : les 12 premiers jours du mois d’août sont sensés prévenir du temps qu’il fera l’année qui vient. Le 1er jour du mois d’août donne le ton du climat qu’il fera au mois d’Août, le 2ème jour d’août donne un aperçu du temps qu’il fera en septembre, et ainsi de suite jusqu’au 12 août correspondant à juillet de l’année suivante ! Du coup, Carlos nous dit qu’il pleuvra au mois de mars (8ème mois à compter d’août) et que c’est bon signe pour les récoltes. Et pour les giboulées sans doute. Carlos n’a de cesse, par ailleurs, de nous faire remarquer à quel point son pays est beau, les montagnes, les paysages que l’on croise. Ca ne l’empêche pas de jeter par la fenêtre le moindre papier plastique qui lui reste dans les mains ! En fait tous les péruviens que l’on croise font de même, et jettent absolument tout par la fenêtre, en pleine nature. Sympa.
Troisième étape : les Salinas. Dans un autre creux de vallée, des milliers de bassins blancs, passants par toutes les teintes de vert et gris. Une source chaude naturelle très salée se déverse lentement dans ces bassins, et le sel est extrait de leur évaporation. Cette production de sel, qui existe depuis les temps incas, offre un spectacle unique, fait briller la vallée de mille blancs. Vu d’en haut comme d’en bas, en longeant les bassins séparés par des murets de pierre sur certains desquels on peut se promener, la vision est fascinante, et on ne peut pas s’empêcher de prendre des photos, encore et encore. Cette vallée sacrée est un peu une vallée des merveilles.
Après toutes ces étapes, Carlos fait chauffer le moteur sans arrêt jusqu’à Ollantaytambo, où on doit prendre le train en direction d’Aguas calientes et du Machu Pichu. Pendant cette dernière étape, je file des flyers Mediatone à Marie et Clémence (ya pas de petite promo), et cette dernière me dit qu’elle est amie d’enfance avec Guillaume, le chanteur de Danakil, qu’on fait passer à la rentrée ! Comme souvent, le monde est petit. Autre truc marrant : les filles font régulièrement des blagues liées à la voix de la SNCF. En fait elles la connaissent personnellement ! la meuf s’appelle Simone, elle n’est plus toute jeune, elle fait ce job à Paris depuis des dizaines d’années ! Maintenant on pourra l’appeler par son prénom, génial.
On a un peu d’avance, on s’achète des sandwiches qu’on grignote ensemble sur la petite place, avant de prendre la route jusqu’à la gare et de dire au revoir aux filles. Bien sûr, on s’est échangé les adresses mails, téléphones, et on ne pense pas se mentir en se disant qu’on se reverra, en tout cas on l’espère sincèrement. On attend un peu, avec un petit café sur le quai du train, que je me renverse à moitié dessus en tombant en arrière, le cul par terre.
On finit par monter dans un wagon (le train n’en comporte que deux), après qu’un gars a bien vérifié qu’on soit en règle (billets & passeports). Ce train (plus cher) possède des fenêtres sur tous les angles du toit afin qu’on puisse admirer les paysages de montagnes et les sommets enneigées qui jouxtent la vallée dans laquelle le train se fraye un chemin. Et oui, c’est joli. Et puis on se fait offrir un snack, petit sandwich, petite boisson. Bien sûr, on choisit le fameux « Inca Kola », soda jaunâtre duquel ils font la pub sans discontinuer à Cuzco. Et oui, c’est étrange.
Aguas Calientes fait penser à un village de montagne du Yunnan en Chine, l’architecture en moins. La rivière coule tout le long du village, qui est assez en pente, et 5 ou 6 ponts permettent de joindre les rives. On sent que c’est très touristique, avec d’innombrables hôtels et restos à l’occidental, mais c’est quand même mignon, et vraiment perdu dans la vallée. On fait laver des fringues dans une « lavanderia » qui nous les ramène deux heures plus tard à l’hôtel « El Inca » (où on s’est posé), repassés et tout. On s’avale des espèces d’hamburgers dans un snack en face, avec jambon recomposé, steak avec au moins 20% de bœuf, œuf huileux et frites réchauffées au micro-onde, le tout pour cher. On ne reviendra pas. La douche est froide, vraiment froide… je pensais qu’à Aguas Calientes (« Eaux chaudes ») on n’aurait pas de problème de ce genre ! On s’endort vers 22h.
Dimanche 9 août. Le réveil sonne à 3h50… de pire en pire. Mais c’est le seul moyen d’avoir une chance de grimper en haut du Wayne Pichu, le sommet à côté du Machu Pichu, et qui donne une vue splendide sur tout le site. Pour cause de « trop de monde sur la montagne », l’UNESCO a restreint son accès à 400 personnes par jour, seuls les premiers ont donc la chance d’y grimper (étonnamment, ça n’est pas plus cher). On s’enfile des biscuits et du yaourt à boire en guise de petit déj… et un Red bull pour moi, faut bien ça pour me réveiller, et c’est parti dans la nuit. On traverse tout le village en descendant le long du fleuve Urubamba, et on continue à le longer sur une demi-heure de marche. Il fait frais, on éclaire la route à la frontale, c’est assez excitant. On croise quelques personnes qui se sont levé en suivant le même objectif. Et puis on arrive en bas de la montagne, et là commence une heure de montée d’escaliers en zigzag, au milieu des arbres de la forêt qui en recouvrent le flanc. On est essoufflé beaucoup moins rapidement, on sent qu’on est vraiment descendu en altitude (Aguas Calientes n’est qu’à 2300m) et la montée est presque agréable. Au fur et à mesure, l’obscurité se fait moins dense, les oiseaux se mettent à chanter, et on n’a plus besoin de nos frontales sur la fin de la grimpette.
On arrive à l’entrée du site à 5h55, cinq minutes avant l’ouverture. Deux bus sont déjà arrivés et la queue est déjà longue. On passe l’entrée vers 6h30. Une fois à l’intérieur, on se rend vaguement compte qu’on est dans un lieu magnifique, mais le plaisir est gâché par tous les gens qui courent de l’autre côté, tout au bout, pour espérer gagner leur place sur le Wayne Pichu. C’est super stressant et désagréable, tout le monde bouscule tout le monde et fait des coudes dans les allées pour passer devant. Par principe on ne court pas, mais on avance vite, en insultant ceux qui nous doublent. On finit par se retrouver dans la queue pour le Wayne Pichu. Des guides font la queue seuls et se font rejoindre par des dizaines de personnes qui passent devant nous, on l’a mauvaise. Et on attend un bon moment. Au final 200 personnes ont le droit de grimper à 7h, et 200 à 10h. Vers 7h, on nous informe qu’il ne reste plus de place pour 10h, les 200 tickets sont déjà réservés. Puis on nous compte : on est les 153 et 154ème dans la file pour 7h, on aura donc droit à notre sésame.
En avançant, il se passe deux choses : d’abord on se met à tchatcher avec un couple de français à la cool, Nathan et Isabelle. Ensuite Alice se met à avoir vraiment peur de monter, et décide tout finalement de ne pas nous suivre. Alice, elle a le vertige, et c’est pas pour rigoler (les vertiges d’Alice… de Lewis Caroll). J’ai connu des gens qui disaient avoir le vertige, mais jamais comme ça, provoquant crise de tétanie, tremblements, transpiration… du coup on se donne RV en bas de la montagne une heure et demi plus tard.
Ca descend d’abord, avant de remonter, et ça ne fait pas semblant. Un petit sentier qui grimpe raide, avec des marches étroites, souvent une corde à laquelle s’aider, et rapidement des vues effectivement vertigineuses. Plus on arrive vers le sommet, et plus la vue est splendide et flippante. En empruntant un petit escalier de pierres dépassant d’un muret donnant sur une terrasse avec vue, je me rends compte que « si je glisse je meurs » et je me mets à trembler moi aussi ! C’est la première fois je crois que je ressens ce que peut être le vertige, et je suis vraiment soulagé qu’Alice ai pris la décision de ne pas venir, elle n’aurait pas tenu longtemps. De tout en haut, on a une vision à 360° sur toute la vallée, les montagnes environnantes, la route qui permet de monter au Machu Pichu, et bien sûr le site entier, une étendue immense de vestiges inca, posés sur la montagne, en contrebas. On est ici à 2800m d’altitude et on domine tout. Le vide, la grandeur, la beauté, je me sens tout petit, à la fois dans cette nature imposante et dans l’histoire. Je reste là un moment, partagé avec Nathan et Isabelle, à profiter de la hauteur, à prendre des photos. Et puis je m’aperçois que le Rendez-vous est dans 20 minutes avec Alice, j’entame donc une redescente rapide. La descente est pire que la montée, avec des passages sur des marches extrêmement étroites et donnant directement sur le vide ! Bien sûr, je suis à deux doigts de tomber plusieurs fois, mais je m’accroche et survis.
En bas, je cherche Alice des yeux, et tombe sur une bonne vieille tête de rouquine qui dépasse d’une pierre : c’est Clémence (ah oui, elle est rousse) ! En la rejoignant, je vois qu’elle est avec Marie et Alice, qui les a retrouvées il y a peu de temps. On se fait un peu de lecture sur l’histoire des incas, les légendes, l’origine du Machu Pichu, sa « découverte » en 1915, alors que seuls quelques paysans du coin connaissaient son existence (et faisaient même pousser des tomates sur les terrassements !). En fait on ne sait pas grand-chose de cet endroit fabuleux, sinon qu’il fût abandonné par l’un des derniers fils du dirigeant Inca par peur de se le faire prendre par les espagnols, et que personne n’en a jamais retrouvé la trace avant cette redécouverte hasardeuse au début du 20ème siècle. Des recherches ont été faites pour définir les rôles des différents vestiges de bâtiments, les habitations des paysans, les temples, les logements de l’élite, les croyances liées au soleil et à la lune, les sanitaires, l’architecture… mais au final ce ne sont que des théories plus ou moins fondées, et des questions subsistent. A côté, on entend un guide parlant à un groupe d’américains, embarqué dans des explications totalement spectaculaires en insistant sur les mots « poignards sacrificiels », « rituels magiques » etc. A priori il compose avec les clichés du genre pour rendre son histoire plus intéressante (et loin de moi de lui jeter la pierre ;-). En fait de sacrifices, il n’y en avait à priori que lorsqu’un danger climatique se dessinait ou avait eu lieu (violents orages, tremblements de terre…) pour apaiser la colère des dieux. Et oui, c’est vrai, c’était souvent des fillettes de 8 ans qui y passaient. Mais bon fallait bien que quelqu’un prenne.
On fait tout le tour du site : nombreux terrassements, vestiges d’habitats, rocs taillés, gravures de condor, escaliers en parfait état, morceaux de temples… c’est fascinant. Je me surprends quand même à regretter de ne pas avoir un audio-guide avec la voix du type qui parlait dans les reportages à la fin des Cités d’Or ! Là, c’aurait été chanmé.
Il est bientôt 14h et Clémence et Marie ne doivent pas tarder à redescendre prendre le train. On va manger un bout en dehors du site (pas le droit dedans), on a amené un Pic-Nic. On fait juste l’erreur d’acheter un petit sandwiche en rabe, sec et cher (22S = plus de 7$), et puis un café pas bon à 7S. On retourne ensemble sur le site pour la forme, et on se dit au revoir, cette fois pour de vrai. On s’est vraiment marré avec ces filles, drôles et intéressantes, une rencontre géniale.
Elles parties, on part avec Lilice vers les sommets du site. Mais la rebelote, elle se retrouve tétanisée en empruntant des escaliers avec vue plongeante sur les environs. Du coup elle va se balader plus bas pendant que je côtoie le ciel d’Inti (le soleil) et Kya (la lune). J’atteins notamment l’endroit d’où toutes les photos de cartes postales sont prises, avec une vue plongeante sur l’intégralité du site et le Wayne Pichu derrière. J’emprunte ensuite un chemin assez long mais exigu, longeant la montagne par derrière jusqu’au « Puente del Inca », un pont de rondins de bois assez spartiate, auquel on n’a plus accès que par la vue depuis la mort de touristes. La vue sur la vallée de derrière est là aussi vertigineuse. Je reviens en courant, par peur qu’Alice s’inquiète, et je la retrouve tout sourire, avec un petit chiot dans les bras ! Il est tout mignon, blanc avec un œil bleu et un rouge, et elle refuse de s’en séparer. On l’appelle Machu, en se disant que si on le ramène chez les parents d’Alice on pourra appeler « Machu ! Pitchoune », leur chien s’appelant Pitchoune. Blague à part, le chien s’est endormi sur elle et elle ne semble pas prête à le laisser. Je dois user de beaucoup de tact pour arriver à partir de là sans Machu el perro.
On redescend en bus cette fois, épuisé d’une rude journée de marche qui a commencé tôt dans la nuit. De retour à « El Inca », toujours pas d’eau chaude ! On fait chier le gars de l’hôtel (très gentil par ailleurs, toujours en train de s’occuper de sa petite de 10 mois), il nous explique la technique : faire d’abord couler l’eau de la douche, puis, les pieds dans l’eau, remonter le fusible qui pendouille à des fils électriques pas accrochés et dénudés, juste à côté de la douche, puis baisser la pression de l’eau au strict minimum, afin d’obtenir un mince filet d’eau tiède tendant vers le chaud. Merci mec.
C’est donc propre qu’on retourne faire un tour dans Aguas Calientes, à la recherche d’une « lavanderia » pour faire laver nos polaires et pantalons (qu’on met tous les jours). On galère (c’est Dimanche) mais on trouve. Et puis c’est le gros creux. Les filles nous on dit que le « rourou » (c’est comme ça qu’elles appellent le Gloaguen) conseillait un seul bon resto, « l’Indio Feliz ». On a tellement mal mangé depuis la veille qu’on a envie de se faire plaisir… et c’est au-delà de nos attentes. C’est un français qui a monté ce resto, super chaleureux, tout en bois et en décorations de bon goût. Tout est déjà réservé (!) mais il est 18h45 et la serveuse nous propose de manger à une table où la réservation est pour 20h. Pour moi, ça commence par une jardinière de légumes frais avec délicieux avocat, tranches d’orange et de citron vert, petits champignons dans une sauce piquante à l’ail, basilic frais... et pour Alice des petites boules de melon trempées dans de la liqueur de sureau, présenté dans un melon entier. Ensuite, on se partage un plat de tagliatelle avec un plateau entier d’ingrédients à rajouter (sauce au pesto, petits poivrons marinés, champignons persillés à l’ail, parmesan,…) et une truite saumonée au vin blanc, accompagnée d’une sauce « al Macho » (piment et citron vert), avec à côté quelques tranches de patate douce et une tomate à la provençale (genre). Le tout arrosé d’un bon vin chilien. On termine par une tarte à l’orange avec crème anglaise et boule de glace, et mousse au chocolat du coin. En deux jours, on aura fait notre pire et notre meilleur repas, et de loin. C’est totalement explosés mais repus qu’on se couche vers 21h.
Lundi 10 août. Encore un réveil nocturne, à 4h30, pour prendre le train. Dans la salle d’attente, on retrouve Nathan et Isabelle. On est cette fois en 3ème classe, appelée « backpacker », pas moins confortable que la 2ème, mais avec les fenêtres au plafond en moins. On se retrouve au petit matin à Ollantaytambo, où on va manger un petit déj avec Nathan et Isabelle, avec des œufs et tout. Ils vont directement à Cuzco, alors qu’on a prévu de visiter encore quelques ruines au passage, nos routes se séparent donc ici. On laisse nos « mochillas » (gros sacs à dos) dans l’établissement où on s’est revigoré et on part voir le site d’Ollantaytambo.
C’est une sorte d’ancienne forteresse inca entourée de terrassements assez abruptes, et de laquelle Manco Inca (le dernier chef inca) a réussi à repousser l’envahisseur Pizarro lors d’une bataille historique, à coup de pluies de flêches et de lances. Bien sûr la victoire n’a été que de courte durée, les espagnols revenant à la charge avec une quadruple force de cavalerie et reprenant cette place forte. Même si après le Machu Pichu, ces vestiges font pâle figure, ils restent impressionnant de part leur étendue, leur conservation, notamment celle des systèmes d’évacuation d’eau, et la force historique de ce qui s’y est passé.
On décide de prendre un taxi jusqu’à la ville d’Urubamba, d’où on pourra prendre un bus collectif (très peu coûteux) jusqu’aux ruines de Pisac, en empruntant une autre route qu’à l’aller. Juan, le chauffeur de taxi, sourire et catogan, nous fait du charme pour nous amener jusqu’à Cuzco en passant par Pisac, en nous faisant un prix et en nous embrouillant un peu quand même… et ça marche, évidemment. Comme ça on se prend pas la tête, il faut dire qu’on est vraiment crevé, qu’on commence à avoir besoin d’un break. Juan fait une bonne pause à Urubamba (des papiers à régler…) avant de nous emmener à Pisac.
Pisac est (encore) un site immense, composé d’un petit village (avec un joli marché), niché au pied d’une grande montagne totalement recouverte de terrassements, d’escaliers, de vestiges de tours, d’habitations, et d’une forteresse inca, tout en haut. Juan nous dépose presque tout en haut, pour nous récupérer un peu plus bas, après avoir profité des ruines en parcourant un long sentier, parfois à flanc de montagne, et passant même parfois à l’intérieur par des passages étroits. Le sentier donne une vue incroyable sur toute cette montagne, encore un témoignage poignant de cette immense civilisation malheureusement éteinte. A chaque tournant, on s’aperçoit que les vestiges continuent à se répandre, jusqu’au village tout en bas. Le site n’est pas loin d’être aussi grand que le Machu ! Cette « vallée sacrée » regorge de souvenirs du passé. Alice n’a une fois de plus pas pu me suivre bien loin à cause du vertige (vraiment handicapant pour elle), et je fais le trajet avec une française bien sympa, travaillant à Washington. Une Marie, encore.
De retour au taxi, on ne fait plus d’arrêt jusqu’à Cuzco. On croise encore deux ou trois sites incas, mais on en profite du véhicule… il faut dire qu’on a fait le plus gros. Juan nous dépose devant l’Albergue Municipal, qu’on avait réservée (orga de ouf). On a à peine le temps de poser nos affaires dans la chambre 203 qu’on dort déjà.
Une bonne sieste de plus de deux heures ! On se relève vers 17h40, la nuit tombe déjà. On retourne au petit resto sympa dans lequel on était allé avec les filles, et on s’enfile un menu italien à base de pizza et de cannellonis, sympa. On se couche vers 22h, sans aucun mal à se rendormir.
Mardi 11 août. Réveil à 4h45… décidément. Et c’est parti pour une journée entière de voyage retour jusqu’à La Paz. On paye la chambre (il y a toujours quelqu’un à l’accueil) et on se casse. Le Pérou, c’est bien sympa, mais ça coûte cher… en quatre jours ici, on aura dépensé 3 à 4 fois plus qu’en Bolivie ! Et puis on a beau avoir rencontré des péruviens sympas (surtout ceux qui ont intérêt à l’être, comme les chauffeurs de taxi), on se sent quand même beaucoup plus sollicité ici qu’en Bolivie, on a hâte d’y retourner. Le truc c’est qu’on est allé à l’endroit le plus touristique du Pérou, on a donc vu le pire et le meilleur. A priori, il y a beaucoup d’endroits beaucoup plus paisibles, notamment dans le nord… mais ça sera pour un autre voyage ;-)
Taxi jusqu’à la gare routière. Le guichet où on a acheté nos places est fermé, alors qu’on a RV avec la meuf pour échanger la preuve d’achat contre un vrai billet. Elle se pointe au dernier moment, nous demande de payer une taxe d’ « utilisation du terminal de bus » (encore une), et puis nous aide à prendre place dans le bon bus, après qu’on se soit fait jeter par un chauffeur pas tout à fait détendu. Le bus est 100% local, on est les seuls « gringos ». Des femmes transportent d’énormes quantités d’aliments et autre bazar, accrochés et enroulés dans leur dos avec des gros draps aux motifs péruviens et aux couleurs vives. Elles traversent tout le bus en vendant des sacs de pains et autres friandises avant de s’assoir à leur tour. Un peu plus tard, un homme habillé de cuir et portant un attaché-case monte dans le bus et prend la parole sur un ton persuasif et solennel, en prenant à partie les passagers. Il passe une demi-heure de trajet à venter les mérites du Ginseng, en montrant toutes les maladies et désagréments contre lesquels il lutte, atroces photos à l’appui : calculs rénaux, hypertrophie de la prostate (il montre des images d’opérations), éjaculation précoce (on voit une belle femme dans un lit, et un homme assis sur le côté, les mains sur la tête), varices, etc. A la fin, beaucoup de passagers lui achètent un gros bocal de gélules au ginseng, visiblement soulagés d’avoir enfin trouvé la solution à tous ces maux ! De mon côté je ne fais pas le malin, les biscuits péruviens du petit déj me font roter de l’œuf pourri et je suis en proie à une véritable crise de flatulences, doublée d’un inconfort intestinal croissant. J’aurai peut-être dû, moi aussi, acheter du Ginseng…
Arrivée à Puno à 13h30, avec une heure et demie de retard. On cherche une compagnie proposant des allers direct pour La Paz, en vain. La seule ligne qui s’y rend dans l’après-midi (départ 14h) passe par Copacabana, par la route plus longue, avec traversée de détroit en bateau et tout le bazar. Pas le choix, on prend. Je paye en dollars (on est à court de Soles) et met tous les dollars qui nous reste dans la petite sacoche en bandoulière achetée à la Paz, et dans laquelle je mets mon appareil photo, les papiers, la thune. On achète à la volée 2-3 trucs à manger (yaourt à boire, chips et beignets aux pommes), et puis on paye la taxe de terminal pour avoir le droit de prendre le bus. Au moment de montrer nos billets, je me rends compte…. Qu’il n’y a plus aucun dollar dans la sacoche !! Pourtant je l’ai toujours gardée sur moi, rien d’autre ne manque… mais avec le speed des achats, le fait de porter tous les bagages, quelqu’un a dû me voler ça en deux-deux. Je suis dégouté. Je demande bien sûr de partout, tout le monde me dit qu’il y a énormément de pickpocket dans cette station. Ah ok merci. Ces enfoirés de Péruviens, ils nous auront tout ratissé, jusqu’au bout ! Il n’y avait pas loin de 300 $.
Le bus est lui blindé de touristes, français (décidément nombreux), espagnols (décidément bruyants), israéliens (décidément pètent-couilles), et autres italiens. La meuf de l’agence nous fait tous changer de places pour concorder avec ce qu’il y a écrit sur les billets, alors que tout le monde s’en fout. Nos sièges sont pétés, bien inconfortables. On sommeille un peu, avec difficulté. Passage de frontière sans grande difficulté, ça tamponne à tout va. On est de retour en Bolivie ! Le bus s’arrête à Copacabana, on doit en changer. J’en profite au passage pour insulter la meuf de l’agence qui nous avait vendu les places pour l’aller en nous mentant sur le confort. Elle s’excuse mais, étrangement, ne rembourse rien. On aurait dû se plaindre le jour même ! Haha, elle est marrante. Le nouveau bus est un peu plus calme. La nuit tombe. On arrive bientôt au fameux détroit, où on doit traverser de notre côté pendant que des immenses planches flottantes à moteur font traverser les bus. Le chauffeur n’explique rien à personne, c’est nous qui nous retrouvons à expliquer aux passagers la procédure. De l’autre côté, on retrouve le bus, qui se rend cette fois d’une traite au terminal de La Paz. Arrivée à 23h (encore une heure et demie de retard). On file en taxi jusqu’à hôtel Sagarnaga, celui de notre arrivée. Le gars est en train de fermer la grille d’entrée, il reste une chambre, on s’y jette littéralement. Je retrouve au passage la clé de la chambre 203 de l’Albergue Municipal de Cuzco dans ma poche ! Quel con. Si quelqu’un va au Pérou et lit ce blog, ne cherchez plus, c’est moi qui l’ai.
Mercredi 12 août. Enfin une vraie grasse mat ! On a dormi de minuit et demi à 9h30, on est complètement reposé, on en avait vraiment besoin. On décide de se faire une vraie journée farniente, d’arrêter de courir et de se reposer. La seule action du jour consiste à se rendre au terminal de bus pour acheter deux billets pour Uyuni, dans le sud ouest du pays. J’utilise les toilettes publiques, des tas de dessins cochons sont dessinés sur la porte. Je pense maintenant pouvoir affirmer que dessiner des zizis dans les chiottes est une occupation internationale.
On mange dans le même bon resto que la première fois (le Pot Colonial), soupe de petits pois et de tomate, cannellonis aux épinards, tomates farcies au bœuf pimenté, tarte aux pommes et, évidement, « plataño con leche ». Tous les gens nous parlent doucement et gentiment ici, sans jamais insister pour qu’on achète quoi que ce soit, on sent la différence avec les péruviens. Je termine d’écrire dans un café internet tranquille, reposant, en sirotant une limonade avec Alice qui lit en face, peinard. On est vraiment reposé, tout propre, au top, refaits, prêts à repartir pour de nouvelles aventures dans le sud !
Mercredi 12 août – La Paz / 17h55
De retour à La Paz, il est temps de raconter nos incroyables aventures dans la vertigineuse vallée sacrée des Incas. Cinq jours au Pérou. Le pire et le meilleur...
Jeudi 6 août. On a tout juste le temps de faire pote avec une mamie qui tient un baños publicos (chiottes publiques), d’acheter des biscuits et du Pil (Yop local), et c’est l’heure du départ. Un minibus est censé nous conduire à la frontière péruvienne, où on devra changer pour un bus « semi cama » (semi-couchettes) jusqu’à Puno, où on changera enfin pour un bus « cama » (couchettes) pour dormir peinard jusqu’à Cuzco. Arrivée prévue à 5h, on pourra rester dans le bus jusqu’à 7h si on veut dormir encore un peu. Ca semble cool. Dans le minibus, un certain Max (sans doute un nom d’emprunt facile à retenir pour tous) prend la parole et nous explique le bazar. Arrivée à la frontière bolivienne. On fait tous la queue, ça tamponne les passeports. On revient, Max nous file nos gros bagages et nous dit de foncer au poste de frontière péruvien. Il est un peu speed. Là-bas on ne comprend pas où est la frontière, il n’y en n’a pas en fait. Ah si, sur la droite, un bâtiment pas bien indiqué. On essaye de rentrer dedans… ah non, il faut d’abord passer le poste de dépistage de la grippe H1N1, le bâtiment juste avant ! Là-bas des gars avec des masques nous posent des questions pour savoir si on a des symptômes inquiétants. On répond que non, on passe facile (on omet de dire qu’on a un peu mal à la tête et le souffle court à cause de l’altitude). Si on a des symptômes, on se fait ausculter par des gens qui portent des masques ! Ça fiche les jetons.
Poste de frontière. Les agents me font re-remplir ma fiche d’entrée pour un imbroglio dans les noms et prénoms, mais finissent par me laisser rentrer. Alice s’est aussi trompée (ok c’est moi qui lui ai rempli), mais sans souci pour elle. Dehors, tous le minibus attend Max qui s’est volatilisé. Il revient au bout d’un moment en criant ; « Elic, Alicé, Thomas, Marie ». On est 4 à devoir le suivre. Il nous indique un bus dans lequel rentrer. On demande au gars qui accroche les bagages sur le toit du bus, il nous dit que non, ça n’est pas la bonne compagnie. On n’a aucun billet, rien, et Max est parti. Je dis au type « Max nous a dit que… », et c’est comme un sésame, il nous fait rentrer. Ici, tu connais Max, tu fais ce que tu veux. On se pose. Au final on voit tous les autres du minibus se pointer. On a perdu 2 israéliennes, Max s’énerve un peu, et puis quelques péruviennes dans le bus qui n’ont pas l’air de goûter la présence d’israéliennes dans l’habitacle (?). Le bus est un frigo, peu confortable et pas, mais alors pas du tout « semi-cama ». On est censé prendre le dernier bus à Puno à 21h, et il est 22h15 quand on arrive ! Ah non, il y a une heure de décalage horaire avec la Bolivie, il n’a donc qu’un quart d’heure de retard. Ca semble déjà trop pour Max qui hurle encore nos noms en nous speedant comme jamais. Les trois autres récupèrent rapidement leur gros bagage, et moi je ne trouve pas le mien. Max les entraine vite vers un autre lieu, pendant que je cherche à mettre ma frontale pour retrouver mon sac dans le amas de bagages à côté du bus. C’est un peu la panique. Je finis par le retrouver, cours rejoindre les autres, on nous demande de foncer jusqu’à un croisement, un type fait signe à un bus qui tourne. Il s’arrête pour nous prendre, un autre type saute pour balancer nos sacs en vrac dans la soute et nous fait monter en deux-deux avant de repartir à toute berzingue. Bien sûr le bus n’est pas un « cama » mais seulement un « semi-cama ». On est un peu allongé, mais en diagonale et mal. Juste derrière nous, un bruit horrible, comme si une pièce métallique ricochait contre le moteur toutes les cinq secondes. La lumière reste allumée longtemps, une nénette péruvienne téléphone en gueulant à côté, et n’arrête pas d’appuyer sur les touches de son portables, ça fait bip bip bip, il fait froid (heureusement on a pensé à récupérer nos sacs de couchages), les routes sont pouraves… tous les ingrédients sont réunis pour passer une nuit inoubliable.
Vendredi 7 août. On arrive à Cuzco vers 5h30. On se fait immédiatement virer par le chauffeur qui veut « laver son bus ». Leçon n°1 : ne jamais faire confiance à des agences de voyages. La gare routière est déjà bien agitée. On dénombre des dizaines de comptoirs de différentes compagnies de bus. Rien pour changer la monnaie en Soles (monnaie péruvienne : 1$ = 3S ; 1€ = 4S) en vue. On se fraye un chemin vers la sortie, où je demande un renseignement à deux françaises qui boivent un café. Elles étaient dans le même bus que nous et sont frigorifiées (elles n’avaient pas pris leur sac de couchage). Elles nous font tout de suite bien marrer, à dauber sur les péruviens qui essayent de t’escroquer dès que possible, qui sont fainéants et menteurs. Clémence et Marie (c’est leur prénom) sont en fin de voyage et elles craquent un peu, mais elles sont vraiment marrantes. Elles nous payent un café, puis on partage un taxi pour aller à « l’Albergue municipal », une auberge de jeunsesse bien placée et d’un bon rapport qualité-prix, selon Gloaguen (elles ont le routard).
Dans le taxi, ça continue à bien rigoler, elles se mettent à chanter un tube reggeton qu’elles ont découvert en équateur. En discutant de la journée du lendemain, on décide de demander au taxi dans lequel on se trouve s’il peut nous prendre toute la journée pour nous amener voir différents villages près desquels se cachent de nombreux sites incas, tout le long de la vallée sacrée, en direction du Machu Pichu. Il accepte. On va donc passer un peu de temps avec elles ! Elles habitent à Paris, Marie est instit et Clémence CPE, respectivement 26 et 27 ans. L’hôtel est sympa et sa terrasse offre une superbe vue sur la plaza de armas de Cuzco, magnifique place principale, très verte et très bien entretenue, entourée en partie d’arcades et bordée de nombreuses églises dont la belle et massive cathédrale. On a aussi une vue sur une bonne partie de la ville : le centre, aéré, plutôt riche, au relent colonial omniprésent, et le reste, manifestement plus pauvre, empiétant sur les flancs de collines entourant la ville. Il y a quelques nuages, mais le soleil se lève et perce sur la ville qui se réveille elle aussi.
On décide de gérer quelques trucs en compagnie de nos nouvelles copines : changer des thunes, acheter de la crème solaire, des mouchoirs, des places pour le Machu Pichu, des tickets de train pour le Machu Pichu, des billets de Bus pour le Machu Pichu (!), un guide du Pérou, bref des trucs fun. Et c’est parti pour deux-trois galères, évidemment.
Il faut savoir une chose dès le départ : le Machu Pichu est une des plus grandes « tueries » de toute l’Amérique du sud, et l’industrie touristique en a totalement conscience, en tirant sur la corde pour obliger les voyageurs à dépenser au maximum. On se rend d’abord à la billetterie pour acheter les billets d’entrée au site : 124 S = 42 $ par personne. Ensuite, le train qui va d’Ollantaytamba (à 100 km au Nord Oust de Cuzco) à Aguas Calientes (le village le plus proche du Machu Pichu). PeruRail, la compagnie de train, a été rachetée par l’Orient Express, et depuis les trains coûtent ultra chers au kilomètre. Bien sûr on ne peu accéder au site qu’en train, et bien sûr PeruRail a le monopole absolu. On patiente un bon moment dans une salle d’attente, ambiance assedic, avant que notre numéro n’apparaisse sur un écran louant le luxe des trains 1ère classe. On demande un train pour le lendemain après-midi : « yen a plou !». Ou bien des 2ème classe, à 53 $ l’aller ! Pareil pour le retour, il n’y a quasiment plus que des billets très chers (un aller normal, à 31 $, étant déjà hors de prix pour par rapport aux prix pratiqués habituellement). Bien sûr on n’a plus vraiment le choix dans la date (pour Steph), on ne peut plus changer nos billets d’entrée. On s’arrange comme on peut, en prenant un billet 2ème classe à l’aller le lendemain, et en restant une nuit de plus à Aguas Calientes pour bénéficier d’un « bon » tarif de retour le surlendemain. Les filles décident, elles, de prendre un train « pas cher » un jour après nous aux aurores, et de repartir l’après-midi même jusqu’à Cuzco, en mode « plus cher ». On quand même la désagréable impression de bien s’être fait entubé. Les filles partent à une billetterie de bus pour réserver leur trajet Aguas calientes – Machu Pichu, nous avec Alice on décide de se le faire à pieds, le matin (très tôt) de notre visite, parce qu’on est des warriors.
Toute cette organisation nous a crevé, on a à peine profité de la ville, on va bouffer avec Alice dans un petit resto (trois fois plus cher qu’en Bolivie) sur une jolie petite place, pizza au peperoni et salades d’avocats géants. Pendant le repas, une bonne vingtaine de personnes viennent insister pour nous vendre dessins, bibelots, tissus, etc. On se sent beaucoup plus sollicité ici qu’à La Paz, les gens sont plus agressifs et insistants. Après le repas, on grimpe de longs petits escaliers en pierre pour retourner à l’auberge, où on s’écroule pour une bonne sieste, de midi et demi à 14h.
L’après-midi est dédié à la flânerie dans Cuzco, la déambulation dans les rues de la ville et la traversée de places. La ville est définitivement plus riche et mieux entretenue que La Paz, avec des églises imposantes à tous les coins de rues. On entre visiter la cathédrale donnant sur la place d’armes, érigée sur les fondations d’un ancien temple inca. Plus rien d’inca là-dedans ! C’est une grande et haute cathédrale à la belle couleur de pierre sombre, au plafond chaulé, soutenue par 14 piliers de pierre cruciformes, renfermant des dizaines de retables en or et en argent pur dans les nombreuses chapelles, de peintures à la gloire du Christ et des saints, de pierres précieuses… le lieu est un bon témoignage de l’énergie mise en œuvre pour convertir les « indigènes » au puissant et opulent christianisme. Ça semble avoir marché au vue du nombre de péruviens se signant à tout va dans les rues.
Le site de Qorikancha est moins bling-bling mais plus intéressant : on voit comment d’anciennes ruines inca ont été préservées sur l’emplacement d’une église et d’un couvent actuel (Santo Domingo). Les murs inca ont d’ailleurs survécu à des tremblements de terre alors que tout le reste à du être reconstruit ! On se rend compte de la précision du travail de la pierre par les incas (d’excellents artisans selon Alice), et on a aussi un aperçu de leur astrologie, basée sur les formes d’animaux créées par les éclats et les zones d’ombre de la voie lactée. Le grand jardin a lui aussi son lot de vestiges inca.
Promenade en ville, encore. Les péruviens, comme les boliviens, mangent de glaces (et autres friandises d’ailleurs) à longueur de journée, en plein hiver. On voit des vendeurs de glaces de partout, même les pharmacies en ont un congélateur remplie (à côté de canettes de red bull) ! Il se fait sombre, on rentre à l’auberge.
Vers 20h, Clémence et Marie toquent à notre chambre et nous proposent d’aller manger un bout. Vamos ! Dans une petite rue pavée en bas des grands escaliers, le menu est annoncé pas cher, l’endroit est cosy, et tout s’avère bien. Je teste notamment un tamal, sorte de pâte à base de maïs fourré à la viande épicée. Clémence et Marie sont définitivement cool et on s’entend de mieux en mieux. Marie est passionnée de Science-fiction, de fantasy et d’ésotérisme fait un mémoire sur Philip K. Dick, la discussion part donc dans tous les sens : Robin Hobb, George Martin, Jodorowsky, Umberto Eco, Rennes-le-château, le mysticisme, les sectes, la religion catholique, l’évangélisation des incas, la langue espagnole dans les différents pays d’Amérique latine... Clémence parle ultra bien espagnol, elle a vécu un an au Chili. Tout cela dans une ambiance fin cool, où on n’arrête pas de se voler la parole, de rebondir, de faire des apartés et de raconter des conneries, bien sûr, en dégustant au passage un bon vin argentin, pour ne rien gâcher. C’est presque à regret qu’on se rend compte qu’il est 23h et qu’on doit essayer de ne pas se coucher trop tard vu la longue journée qui s’annonce le lendemain. On se couche donc vers minuit.
Samedi 8 août. Réveil les yeux grands ouverts à 6h (correspondant à 7h de l’heure bolivienne), je suis maintenant réglé comme une montre ! Il n’y a qu’en voyage que j’ai une telle facilité à me lever tôt. Douche froide, grignotage. Le taxi est bien au coin de la rue à 8h. Il est censé nous faire parcourir toute la « vallée sacrée » des incas, le long du fleuve Urubamba, de Cuzco à Ollantaytambo, en nous arrêtant à tous les sites intéressants (et il y en a). Je passe devant, les trois filles derrière. C’est vite la java dans la voiture, rigolades et tubes de la musique andine à fond. On se sent bien tous ensemble, c’est vraiment une chouette rencontre. Carlos, le chauffeur, est cool aussi et n’hésite pas à nous expliquer des trucs, à chanter, à taper du rythme sur le volant ou à parler football.
Première étape : Chinchero. Altitude : 3762m. Pour y rentrer, on est obligé de payer un billet combiné permettant sur deux jours l’accès à presque tous les sites « secondaires » de la vallée sacrée, et qui coûte 70S = 24$. J’explique à la vendeuse qu’on va faire la moitié ce jour et l’autre moitié le surlendemain (au-delà de la limite de temps), elle accepte de changer la date du tampon et de la mettre au lendemain ! Ils t’entubent, mais avec une certaine gentillesse. Après avoir payé, on rentre tout contents dans le village, et je m’aperçois au bout d’un moment que j’ai oublié mon sac (avec l’ordi, tout) sur le banc de la petite place à l’entrée ! Je cours, il est toujours là. En revenant, je me perds, et mets bien du temps avant de retrouver les filles ! Chinchero, c’est un petit village andin typique (considéré par les incas comme le lieu de naissance de l’arc en ciel), avec trois trucs qui tapent : une petite église bâtie sur une jolie place coloniale, construite sur des fondations incas, une impressionnante suite de terrassements incas bordant le village, et une vue magnifique sur la vallée et les montagnes environnantes se perdant dans les nuages. Les terrassements de pierre sont très bien conservés et très étendus, le long de la colline, on peut y voir de fameuses niches trapézoïdales, et puis des sièges creusés dans la pierre, et puis de fouilles qui se poursuivent. Dans le village, de nombreuses femmes vendent des tissus en alpaca et autres bijoux de leur cru, l’ambiance est sereine. Tout est envoûtant ici, le calme qui règne, la majesté qui émane des ruines, la vue féérique.
Deuxième étape : Moray. On se gare sur une petite place, et on n’a qu’à se pencher quelques mètres plus loin pour admirer des vestiges particulièrement spectaculaires : dans un creux entre les montagnes, des terrassements de pierre en forme de cercles concentriques, d’abord très grands et aux formes assez libres, puis plus petits, en cercles parfaits, s’enfonçant assez profondément. Ça a une allure d’amphithéâtre. C’était en réalité une sorte de laboratoire naturel permettant aux incas de déterminer les conditions optimales pour cultiver différentes denrées, chaque terrassement perdant en température et en ensoleillement. C’est hallucinant. On n’a pas trop le temps, je cours le long du chemin descendant jusqu’au site lui-même, pour atteindre le fond du « labo », avoir d’autres points de vue. Chaque terrasse est séparée de la suivante par environ 2m de hauteur, et des longues pierres plates dépassant du mur par endroits servent de marches et permettent d’atteindre les différents paliers. On dirait un peu un site extra-terrestre. A côté du gigantesque amphithéâtre, deux autres, plus petits et dont les vestiges sont plus abimés, sont construits sur le même principe. La civilisation inca, elle tue. On se demande avec les filles qu’est-ce qu’elle serait devenue si elle avait survécu. Elle était en retard sur beaucoup de choses par rapport à l’Europe, mais en avance sur tellement d’autres.
De retour dans la voiture, il se met à pleuvoir un peu, avant qu’une averse de grêle ne s’abatte sur nous ! Ca ne dure pas longtemps, et ça permet à Carlos de nous expliquer le calendrier de la récolte inca : les 12 premiers jours du mois d’août sont sensés prévenir du temps qu’il fera l’année qui vient. Le 1er jour du mois d’août donne le ton du climat qu’il fera au mois d’Août, le 2ème jour d’août donne un aperçu du temps qu’il fera en septembre, et ainsi de suite jusqu’au 12 août correspondant à juillet de l’année suivante ! Du coup, Carlos nous dit qu’il pleuvra au mois de mars (8ème mois à compter d’août) et que c’est bon signe pour les récoltes. Et pour les giboulées sans doute. Carlos n’a de cesse, par ailleurs, de nous faire remarquer à quel point son pays est beau, les montagnes, les paysages que l’on croise. Ca ne l’empêche pas de jeter par la fenêtre le moindre papier plastique qui lui reste dans les mains ! En fait tous les péruviens que l’on croise font de même, et jettent absolument tout par la fenêtre, en pleine nature. Sympa.
Troisième étape : les Salinas. Dans un autre creux de vallée, des milliers de bassins blancs, passants par toutes les teintes de vert et gris. Une source chaude naturelle très salée se déverse lentement dans ces bassins, et le sel est extrait de leur évaporation. Cette production de sel, qui existe depuis les temps incas, offre un spectacle unique, fait briller la vallée de mille blancs. Vu d’en haut comme d’en bas, en longeant les bassins séparés par des murets de pierre sur certains desquels on peut se promener, la vision est fascinante, et on ne peut pas s’empêcher de prendre des photos, encore et encore. Cette vallée sacrée est un peu une vallée des merveilles.
Après toutes ces étapes, Carlos fait chauffer le moteur sans arrêt jusqu’à Ollantaytambo, où on doit prendre le train en direction d’Aguas calientes et du Machu Pichu. Pendant cette dernière étape, je file des flyers Mediatone à Marie et Clémence (ya pas de petite promo), et cette dernière me dit qu’elle est amie d’enfance avec Guillaume, le chanteur de Danakil, qu’on fait passer à la rentrée ! Comme souvent, le monde est petit. Autre truc marrant : les filles font régulièrement des blagues liées à la voix de la SNCF. En fait elles la connaissent personnellement ! la meuf s’appelle Simone, elle n’est plus toute jeune, elle fait ce job à Paris depuis des dizaines d’années ! Maintenant on pourra l’appeler par son prénom, génial.
On a un peu d’avance, on s’achète des sandwiches qu’on grignote ensemble sur la petite place, avant de prendre la route jusqu’à la gare et de dire au revoir aux filles. Bien sûr, on s’est échangé les adresses mails, téléphones, et on ne pense pas se mentir en se disant qu’on se reverra, en tout cas on l’espère sincèrement. On attend un peu, avec un petit café sur le quai du train, que je me renverse à moitié dessus en tombant en arrière, le cul par terre.
On finit par monter dans un wagon (le train n’en comporte que deux), après qu’un gars a bien vérifié qu’on soit en règle (billets & passeports). Ce train (plus cher) possède des fenêtres sur tous les angles du toit afin qu’on puisse admirer les paysages de montagnes et les sommets enneigées qui jouxtent la vallée dans laquelle le train se fraye un chemin. Et oui, c’est joli. Et puis on se fait offrir un snack, petit sandwich, petite boisson. Bien sûr, on choisit le fameux « Inca Kola », soda jaunâtre duquel ils font la pub sans discontinuer à Cuzco. Et oui, c’est étrange.
Aguas Calientes fait penser à un village de montagne du Yunnan en Chine, l’architecture en moins. La rivière coule tout le long du village, qui est assez en pente, et 5 ou 6 ponts permettent de joindre les rives. On sent que c’est très touristique, avec d’innombrables hôtels et restos à l’occidental, mais c’est quand même mignon, et vraiment perdu dans la vallée. On fait laver des fringues dans une « lavanderia » qui nous les ramène deux heures plus tard à l’hôtel « El Inca » (où on s’est posé), repassés et tout. On s’avale des espèces d’hamburgers dans un snack en face, avec jambon recomposé, steak avec au moins 20% de bœuf, œuf huileux et frites réchauffées au micro-onde, le tout pour cher. On ne reviendra pas. La douche est froide, vraiment froide… je pensais qu’à Aguas Calientes (« Eaux chaudes ») on n’aurait pas de problème de ce genre ! On s’endort vers 22h.
Dimanche 9 août. Le réveil sonne à 3h50… de pire en pire. Mais c’est le seul moyen d’avoir une chance de grimper en haut du Wayne Pichu, le sommet à côté du Machu Pichu, et qui donne une vue splendide sur tout le site. Pour cause de « trop de monde sur la montagne », l’UNESCO a restreint son accès à 400 personnes par jour, seuls les premiers ont donc la chance d’y grimper (étonnamment, ça n’est pas plus cher). On s’enfile des biscuits et du yaourt à boire en guise de petit déj… et un Red bull pour moi, faut bien ça pour me réveiller, et c’est parti dans la nuit. On traverse tout le village en descendant le long du fleuve Urubamba, et on continue à le longer sur une demi-heure de marche. Il fait frais, on éclaire la route à la frontale, c’est assez excitant. On croise quelques personnes qui se sont levé en suivant le même objectif. Et puis on arrive en bas de la montagne, et là commence une heure de montée d’escaliers en zigzag, au milieu des arbres de la forêt qui en recouvrent le flanc. On est essoufflé beaucoup moins rapidement, on sent qu’on est vraiment descendu en altitude (Aguas Calientes n’est qu’à 2300m) et la montée est presque agréable. Au fur et à mesure, l’obscurité se fait moins dense, les oiseaux se mettent à chanter, et on n’a plus besoin de nos frontales sur la fin de la grimpette.
On arrive à l’entrée du site à 5h55, cinq minutes avant l’ouverture. Deux bus sont déjà arrivés et la queue est déjà longue. On passe l’entrée vers 6h30. Une fois à l’intérieur, on se rend vaguement compte qu’on est dans un lieu magnifique, mais le plaisir est gâché par tous les gens qui courent de l’autre côté, tout au bout, pour espérer gagner leur place sur le Wayne Pichu. C’est super stressant et désagréable, tout le monde bouscule tout le monde et fait des coudes dans les allées pour passer devant. Par principe on ne court pas, mais on avance vite, en insultant ceux qui nous doublent. On finit par se retrouver dans la queue pour le Wayne Pichu. Des guides font la queue seuls et se font rejoindre par des dizaines de personnes qui passent devant nous, on l’a mauvaise. Et on attend un bon moment. Au final 200 personnes ont le droit de grimper à 7h, et 200 à 10h. Vers 7h, on nous informe qu’il ne reste plus de place pour 10h, les 200 tickets sont déjà réservés. Puis on nous compte : on est les 153 et 154ème dans la file pour 7h, on aura donc droit à notre sésame.
En avançant, il se passe deux choses : d’abord on se met à tchatcher avec un couple de français à la cool, Nathan et Isabelle. Ensuite Alice se met à avoir vraiment peur de monter, et décide tout finalement de ne pas nous suivre. Alice, elle a le vertige, et c’est pas pour rigoler (les vertiges d’Alice… de Lewis Caroll). J’ai connu des gens qui disaient avoir le vertige, mais jamais comme ça, provoquant crise de tétanie, tremblements, transpiration… du coup on se donne RV en bas de la montagne une heure et demi plus tard.
Ca descend d’abord, avant de remonter, et ça ne fait pas semblant. Un petit sentier qui grimpe raide, avec des marches étroites, souvent une corde à laquelle s’aider, et rapidement des vues effectivement vertigineuses. Plus on arrive vers le sommet, et plus la vue est splendide et flippante. En empruntant un petit escalier de pierres dépassant d’un muret donnant sur une terrasse avec vue, je me rends compte que « si je glisse je meurs » et je me mets à trembler moi aussi ! C’est la première fois je crois que je ressens ce que peut être le vertige, et je suis vraiment soulagé qu’Alice ai pris la décision de ne pas venir, elle n’aurait pas tenu longtemps. De tout en haut, on a une vision à 360° sur toute la vallée, les montagnes environnantes, la route qui permet de monter au Machu Pichu, et bien sûr le site entier, une étendue immense de vestiges inca, posés sur la montagne, en contrebas. On est ici à 2800m d’altitude et on domine tout. Le vide, la grandeur, la beauté, je me sens tout petit, à la fois dans cette nature imposante et dans l’histoire. Je reste là un moment, partagé avec Nathan et Isabelle, à profiter de la hauteur, à prendre des photos. Et puis je m’aperçois que le Rendez-vous est dans 20 minutes avec Alice, j’entame donc une redescente rapide. La descente est pire que la montée, avec des passages sur des marches extrêmement étroites et donnant directement sur le vide ! Bien sûr, je suis à deux doigts de tomber plusieurs fois, mais je m’accroche et survis.
En bas, je cherche Alice des yeux, et tombe sur une bonne vieille tête de rouquine qui dépasse d’une pierre : c’est Clémence (ah oui, elle est rousse) ! En la rejoignant, je vois qu’elle est avec Marie et Alice, qui les a retrouvées il y a peu de temps. On se fait un peu de lecture sur l’histoire des incas, les légendes, l’origine du Machu Pichu, sa « découverte » en 1915, alors que seuls quelques paysans du coin connaissaient son existence (et faisaient même pousser des tomates sur les terrassements !). En fait on ne sait pas grand-chose de cet endroit fabuleux, sinon qu’il fût abandonné par l’un des derniers fils du dirigeant Inca par peur de se le faire prendre par les espagnols, et que personne n’en a jamais retrouvé la trace avant cette redécouverte hasardeuse au début du 20ème siècle. Des recherches ont été faites pour définir les rôles des différents vestiges de bâtiments, les habitations des paysans, les temples, les logements de l’élite, les croyances liées au soleil et à la lune, les sanitaires, l’architecture… mais au final ce ne sont que des théories plus ou moins fondées, et des questions subsistent. A côté, on entend un guide parlant à un groupe d’américains, embarqué dans des explications totalement spectaculaires en insistant sur les mots « poignards sacrificiels », « rituels magiques » etc. A priori il compose avec les clichés du genre pour rendre son histoire plus intéressante (et loin de moi de lui jeter la pierre ;-). En fait de sacrifices, il n’y en avait à priori que lorsqu’un danger climatique se dessinait ou avait eu lieu (violents orages, tremblements de terre…) pour apaiser la colère des dieux. Et oui, c’est vrai, c’était souvent des fillettes de 8 ans qui y passaient. Mais bon fallait bien que quelqu’un prenne.
On fait tout le tour du site : nombreux terrassements, vestiges d’habitats, rocs taillés, gravures de condor, escaliers en parfait état, morceaux de temples… c’est fascinant. Je me surprends quand même à regretter de ne pas avoir un audio-guide avec la voix du type qui parlait dans les reportages à la fin des Cités d’Or ! Là, c’aurait été chanmé.
Il est bientôt 14h et Clémence et Marie ne doivent pas tarder à redescendre prendre le train. On va manger un bout en dehors du site (pas le droit dedans), on a amené un Pic-Nic. On fait juste l’erreur d’acheter un petit sandwiche en rabe, sec et cher (22S = plus de 7$), et puis un café pas bon à 7S. On retourne ensemble sur le site pour la forme, et on se dit au revoir, cette fois pour de vrai. On s’est vraiment marré avec ces filles, drôles et intéressantes, une rencontre géniale.
Elles parties, on part avec Lilice vers les sommets du site. Mais la rebelote, elle se retrouve tétanisée en empruntant des escaliers avec vue plongeante sur les environs. Du coup elle va se balader plus bas pendant que je côtoie le ciel d’Inti (le soleil) et Kya (la lune). J’atteins notamment l’endroit d’où toutes les photos de cartes postales sont prises, avec une vue plongeante sur l’intégralité du site et le Wayne Pichu derrière. J’emprunte ensuite un chemin assez long mais exigu, longeant la montagne par derrière jusqu’au « Puente del Inca », un pont de rondins de bois assez spartiate, auquel on n’a plus accès que par la vue depuis la mort de touristes. La vue sur la vallée de derrière est là aussi vertigineuse. Je reviens en courant, par peur qu’Alice s’inquiète, et je la retrouve tout sourire, avec un petit chiot dans les bras ! Il est tout mignon, blanc avec un œil bleu et un rouge, et elle refuse de s’en séparer. On l’appelle Machu, en se disant que si on le ramène chez les parents d’Alice on pourra appeler « Machu ! Pitchoune », leur chien s’appelant Pitchoune. Blague à part, le chien s’est endormi sur elle et elle ne semble pas prête à le laisser. Je dois user de beaucoup de tact pour arriver à partir de là sans Machu el perro.
On redescend en bus cette fois, épuisé d’une rude journée de marche qui a commencé tôt dans la nuit. De retour à « El Inca », toujours pas d’eau chaude ! On fait chier le gars de l’hôtel (très gentil par ailleurs, toujours en train de s’occuper de sa petite de 10 mois), il nous explique la technique : faire d’abord couler l’eau de la douche, puis, les pieds dans l’eau, remonter le fusible qui pendouille à des fils électriques pas accrochés et dénudés, juste à côté de la douche, puis baisser la pression de l’eau au strict minimum, afin d’obtenir un mince filet d’eau tiède tendant vers le chaud. Merci mec.
C’est donc propre qu’on retourne faire un tour dans Aguas Calientes, à la recherche d’une « lavanderia » pour faire laver nos polaires et pantalons (qu’on met tous les jours). On galère (c’est Dimanche) mais on trouve. Et puis c’est le gros creux. Les filles nous on dit que le « rourou » (c’est comme ça qu’elles appellent le Gloaguen) conseillait un seul bon resto, « l’Indio Feliz ». On a tellement mal mangé depuis la veille qu’on a envie de se faire plaisir… et c’est au-delà de nos attentes. C’est un français qui a monté ce resto, super chaleureux, tout en bois et en décorations de bon goût. Tout est déjà réservé (!) mais il est 18h45 et la serveuse nous propose de manger à une table où la réservation est pour 20h. Pour moi, ça commence par une jardinière de légumes frais avec délicieux avocat, tranches d’orange et de citron vert, petits champignons dans une sauce piquante à l’ail, basilic frais... et pour Alice des petites boules de melon trempées dans de la liqueur de sureau, présenté dans un melon entier. Ensuite, on se partage un plat de tagliatelle avec un plateau entier d’ingrédients à rajouter (sauce au pesto, petits poivrons marinés, champignons persillés à l’ail, parmesan,…) et une truite saumonée au vin blanc, accompagnée d’une sauce « al Macho » (piment et citron vert), avec à côté quelques tranches de patate douce et une tomate à la provençale (genre). Le tout arrosé d’un bon vin chilien. On termine par une tarte à l’orange avec crème anglaise et boule de glace, et mousse au chocolat du coin. En deux jours, on aura fait notre pire et notre meilleur repas, et de loin. C’est totalement explosés mais repus qu’on se couche vers 21h.
Lundi 10 août. Encore un réveil nocturne, à 4h30, pour prendre le train. Dans la salle d’attente, on retrouve Nathan et Isabelle. On est cette fois en 3ème classe, appelée « backpacker », pas moins confortable que la 2ème, mais avec les fenêtres au plafond en moins. On se retrouve au petit matin à Ollantaytambo, où on va manger un petit déj avec Nathan et Isabelle, avec des œufs et tout. Ils vont directement à Cuzco, alors qu’on a prévu de visiter encore quelques ruines au passage, nos routes se séparent donc ici. On laisse nos « mochillas » (gros sacs à dos) dans l’établissement où on s’est revigoré et on part voir le site d’Ollantaytambo.
C’est une sorte d’ancienne forteresse inca entourée de terrassements assez abruptes, et de laquelle Manco Inca (le dernier chef inca) a réussi à repousser l’envahisseur Pizarro lors d’une bataille historique, à coup de pluies de flêches et de lances. Bien sûr la victoire n’a été que de courte durée, les espagnols revenant à la charge avec une quadruple force de cavalerie et reprenant cette place forte. Même si après le Machu Pichu, ces vestiges font pâle figure, ils restent impressionnant de part leur étendue, leur conservation, notamment celle des systèmes d’évacuation d’eau, et la force historique de ce qui s’y est passé.
On décide de prendre un taxi jusqu’à la ville d’Urubamba, d’où on pourra prendre un bus collectif (très peu coûteux) jusqu’aux ruines de Pisac, en empruntant une autre route qu’à l’aller. Juan, le chauffeur de taxi, sourire et catogan, nous fait du charme pour nous amener jusqu’à Cuzco en passant par Pisac, en nous faisant un prix et en nous embrouillant un peu quand même… et ça marche, évidemment. Comme ça on se prend pas la tête, il faut dire qu’on est vraiment crevé, qu’on commence à avoir besoin d’un break. Juan fait une bonne pause à Urubamba (des papiers à régler…) avant de nous emmener à Pisac.
Pisac est (encore) un site immense, composé d’un petit village (avec un joli marché), niché au pied d’une grande montagne totalement recouverte de terrassements, d’escaliers, de vestiges de tours, d’habitations, et d’une forteresse inca, tout en haut. Juan nous dépose presque tout en haut, pour nous récupérer un peu plus bas, après avoir profité des ruines en parcourant un long sentier, parfois à flanc de montagne, et passant même parfois à l’intérieur par des passages étroits. Le sentier donne une vue incroyable sur toute cette montagne, encore un témoignage poignant de cette immense civilisation malheureusement éteinte. A chaque tournant, on s’aperçoit que les vestiges continuent à se répandre, jusqu’au village tout en bas. Le site n’est pas loin d’être aussi grand que le Machu ! Cette « vallée sacrée » regorge de souvenirs du passé. Alice n’a une fois de plus pas pu me suivre bien loin à cause du vertige (vraiment handicapant pour elle), et je fais le trajet avec une française bien sympa, travaillant à Washington. Une Marie, encore.
De retour au taxi, on ne fait plus d’arrêt jusqu’à Cuzco. On croise encore deux ou trois sites incas, mais on en profite du véhicule… il faut dire qu’on a fait le plus gros. Juan nous dépose devant l’Albergue Municipal, qu’on avait réservée (orga de ouf). On a à peine le temps de poser nos affaires dans la chambre 203 qu’on dort déjà.
Une bonne sieste de plus de deux heures ! On se relève vers 17h40, la nuit tombe déjà. On retourne au petit resto sympa dans lequel on était allé avec les filles, et on s’enfile un menu italien à base de pizza et de cannellonis, sympa. On se couche vers 22h, sans aucun mal à se rendormir.
Mardi 11 août. Réveil à 4h45… décidément. Et c’est parti pour une journée entière de voyage retour jusqu’à La Paz. On paye la chambre (il y a toujours quelqu’un à l’accueil) et on se casse. Le Pérou, c’est bien sympa, mais ça coûte cher… en quatre jours ici, on aura dépensé 3 à 4 fois plus qu’en Bolivie ! Et puis on a beau avoir rencontré des péruviens sympas (surtout ceux qui ont intérêt à l’être, comme les chauffeurs de taxi), on se sent quand même beaucoup plus sollicité ici qu’en Bolivie, on a hâte d’y retourner. Le truc c’est qu’on est allé à l’endroit le plus touristique du Pérou, on a donc vu le pire et le meilleur. A priori, il y a beaucoup d’endroits beaucoup plus paisibles, notamment dans le nord… mais ça sera pour un autre voyage ;-)
Taxi jusqu’à la gare routière. Le guichet où on a acheté nos places est fermé, alors qu’on a RV avec la meuf pour échanger la preuve d’achat contre un vrai billet. Elle se pointe au dernier moment, nous demande de payer une taxe d’ « utilisation du terminal de bus » (encore une), et puis nous aide à prendre place dans le bon bus, après qu’on se soit fait jeter par un chauffeur pas tout à fait détendu. Le bus est 100% local, on est les seuls « gringos ». Des femmes transportent d’énormes quantités d’aliments et autre bazar, accrochés et enroulés dans leur dos avec des gros draps aux motifs péruviens et aux couleurs vives. Elles traversent tout le bus en vendant des sacs de pains et autres friandises avant de s’assoir à leur tour. Un peu plus tard, un homme habillé de cuir et portant un attaché-case monte dans le bus et prend la parole sur un ton persuasif et solennel, en prenant à partie les passagers. Il passe une demi-heure de trajet à venter les mérites du Ginseng, en montrant toutes les maladies et désagréments contre lesquels il lutte, atroces photos à l’appui : calculs rénaux, hypertrophie de la prostate (il montre des images d’opérations), éjaculation précoce (on voit une belle femme dans un lit, et un homme assis sur le côté, les mains sur la tête), varices, etc. A la fin, beaucoup de passagers lui achètent un gros bocal de gélules au ginseng, visiblement soulagés d’avoir enfin trouvé la solution à tous ces maux ! De mon côté je ne fais pas le malin, les biscuits péruviens du petit déj me font roter de l’œuf pourri et je suis en proie à une véritable crise de flatulences, doublée d’un inconfort intestinal croissant. J’aurai peut-être dû, moi aussi, acheter du Ginseng…
Arrivée à Puno à 13h30, avec une heure et demie de retard. On cherche une compagnie proposant des allers direct pour La Paz, en vain. La seule ligne qui s’y rend dans l’après-midi (départ 14h) passe par Copacabana, par la route plus longue, avec traversée de détroit en bateau et tout le bazar. Pas le choix, on prend. Je paye en dollars (on est à court de Soles) et met tous les dollars qui nous reste dans la petite sacoche en bandoulière achetée à la Paz, et dans laquelle je mets mon appareil photo, les papiers, la thune. On achète à la volée 2-3 trucs à manger (yaourt à boire, chips et beignets aux pommes), et puis on paye la taxe de terminal pour avoir le droit de prendre le bus. Au moment de montrer nos billets, je me rends compte…. Qu’il n’y a plus aucun dollar dans la sacoche !! Pourtant je l’ai toujours gardée sur moi, rien d’autre ne manque… mais avec le speed des achats, le fait de porter tous les bagages, quelqu’un a dû me voler ça en deux-deux. Je suis dégouté. Je demande bien sûr de partout, tout le monde me dit qu’il y a énormément de pickpocket dans cette station. Ah ok merci. Ces enfoirés de Péruviens, ils nous auront tout ratissé, jusqu’au bout ! Il n’y avait pas loin de 300 $.
Le bus est lui blindé de touristes, français (décidément nombreux), espagnols (décidément bruyants), israéliens (décidément pètent-couilles), et autres italiens. La meuf de l’agence nous fait tous changer de places pour concorder avec ce qu’il y a écrit sur les billets, alors que tout le monde s’en fout. Nos sièges sont pétés, bien inconfortables. On sommeille un peu, avec difficulté. Passage de frontière sans grande difficulté, ça tamponne à tout va. On est de retour en Bolivie ! Le bus s’arrête à Copacabana, on doit en changer. J’en profite au passage pour insulter la meuf de l’agence qui nous avait vendu les places pour l’aller en nous mentant sur le confort. Elle s’excuse mais, étrangement, ne rembourse rien. On aurait dû se plaindre le jour même ! Haha, elle est marrante. Le nouveau bus est un peu plus calme. La nuit tombe. On arrive bientôt au fameux détroit, où on doit traverser de notre côté pendant que des immenses planches flottantes à moteur font traverser les bus. Le chauffeur n’explique rien à personne, c’est nous qui nous retrouvons à expliquer aux passagers la procédure. De l’autre côté, on retrouve le bus, qui se rend cette fois d’une traite au terminal de La Paz. Arrivée à 23h (encore une heure et demie de retard). On file en taxi jusqu’à hôtel Sagarnaga, celui de notre arrivée. Le gars est en train de fermer la grille d’entrée, il reste une chambre, on s’y jette littéralement. Je retrouve au passage la clé de la chambre 203 de l’Albergue Municipal de Cuzco dans ma poche ! Quel con. Si quelqu’un va au Pérou et lit ce blog, ne cherchez plus, c’est moi qui l’ai.
Mercredi 12 août. Enfin une vraie grasse mat ! On a dormi de minuit et demi à 9h30, on est complètement reposé, on en avait vraiment besoin. On décide de se faire une vraie journée farniente, d’arrêter de courir et de se reposer. La seule action du jour consiste à se rendre au terminal de bus pour acheter deux billets pour Uyuni, dans le sud ouest du pays. J’utilise les toilettes publiques, des tas de dessins cochons sont dessinés sur la porte. Je pense maintenant pouvoir affirmer que dessiner des zizis dans les chiottes est une occupation internationale.
On mange dans le même bon resto que la première fois (le Pot Colonial), soupe de petits pois et de tomate, cannellonis aux épinards, tomates farcies au bœuf pimenté, tarte aux pommes et, évidement, « plataño con leche ». Tous les gens nous parlent doucement et gentiment ici, sans jamais insister pour qu’on achète quoi que ce soit, on sent la différence avec les péruviens. Je termine d’écrire dans un café internet tranquille, reposant, en sirotant une limonade avec Alice qui lit en face, peinard. On est vraiment reposé, tout propre, au top, refaits, prêts à repartir pour de nouvelles aventures dans le sud !
Mercredi 12 août – La Paz / 17h55
2 commentaires:
Génial, on se croirait dans les cités d'or... manque plus que le condor et les olmeks.
Dessiner des zizis c'est international, mais se le mettre dans l'aspirateur pour se le faire gonfler ? (c'est le dernière trouvaille de ton neveu ce matin).
Trop fort les flyers mediatone au fin fond du Pérou...! Bon bah sinon ça m'a donné faim tout ça...Biz à vous deux!
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