Dimanche 23 août – La Paz
Ca y est, le retard est rattrapé ! Et en plus j’ai eu le temps de mettre pas mal de photos en ligne sur Facebook. Je les mets au fur et à mesure, c’est un peu long. C’est ICI. On va complètement changer d’environnement pendant les 4 prochains jours : au milieu des anacondas, des piranhas et des caïmans, dans la moiteur étouffante d’une jungle hostile. Hum. En attendant voici le récit de ces 5 derniers jours, entre l’horreur des mines de Potosi et la sérénité de la ville de Sucre.
Mardi 18 août
La route entre Uyuni et Potosi est en train d’être refaite entièrement en goudron (Evo ?). Après 5h de routes caillouteuses et en lacets entre les montagnes, la dernière heure est donc beaucoup plus rapide. On a juste envie de taper les cons de français qui gueulent pour un rien et qui donnent des bonbons à tous les enfants qui passent en se prenant pour les sauveurs du pays.
A 16h30, taxi pour le centre ville de Potosi à la recherche d’un hôtel pas cher et sympa (comme d’hab). L’hostal Maria Victoria devrait convenir, avec ses chambres entourant un petit patio extérieur bien agréable. Délestés de nos grosses affaires, petite promenade en ville. La ville est, un peu comme La Paz, entièrement en pente, dans tous les sens. On a vite le sentiment d’une ville pleine de contrastes. D’un côté, elle semble grande, peuplée, branchée, moderne, avec des tas d’étudiants sillonnant les rues (dans leurs costumes scolaires ou habillés djeuns), plein de librairies, de cafés, de boutiques ouvertes tard. Et de l’autre côté, on sent une ville indissociable de son histoire, avec son architecture assez coloniale, ses dizaines d’églises catholiques dans tous les sens, et surtout le « cerro rico » visible où que l’on se trouve, la fameuse montagne au pied de laquelle fût érigée la ville pour les inépuisables réserves d’argents et autre minéraux qu’elle contenait. Le spectre de la montagne confère à la ville, qu’on le veuille ou non, une ambiance très spéciale. La population a beau être en grande partie passée à autre chose, la montagne reste là, immense, rougeoyante, forte de ses 5 siècles de travail minier et de ses 8 millions de morts. Etrange présence.
On visite la cathédrale de la plaza 10 de Noviembre, centrale. On est seul, un guide nous accompagne et nous explique les tableaux de l’époque coloniale, les retables, les médaillons à la gloire de Marie, l’orgue (orphelin depuis peu du seul « maitre » savant en jouer !), tout le tralala. Tout en haut d’un des clochers (renfermant 5 cloches immenses), on a un aperçu de toute la ville, qui déborde en grimpant sur toutes les montagnes adjacentes. On voit les très nombreux clochers d’églises, les couvents, les ruelles qui serpentent, les places, vertes et bien entretenues, et bien sûr le cerro rico, toujours, régnant sur les lieux.
On se pose dans le café « La Plata » pour boire un bon lait au miel, et puis on traverse la rue pour s’attabler au resto « El Meson », au cadre romantique et précieux, mais aux plats tue-l’amour et précieux (lire chers). Même la viande de lama y est moins bonne que celle préparée par Edgar ! On va se coucher pas trop tard, après que j’ai réservé un tour à l’intérieur de la mine le lendemain matin. Alice, un peu claustro et n’ayant pas du tout envie de vivre cette expérience, fera la grasse mat !
Mercredi 19 août
Je me lève un peu tôt, laissant Alice à ses rêves, pour prendre le petit déjeuner peinard à l’hôtel. Ni copieux ni bon (café pisseux, pas de jus de fruit, pain réchauffé et sec), mais ça cale quand même un peu. Dans l’entrée, la télé est toujours allumée, que quelqu’un la regarde ou non. Principalement sur le tennis (Masters de Cincinnati). Cette fois c’est les infos boliviennes, pas cadré, aucun reportage et son digne d’un caméscope des années 80. Ca parle de la grippe A bien sûr, et puis d’une manifestation bloquant tout passage de véhicule entre Potosi et Sucre, depuis deux jours. On doit se rendre à Sucre le lendemain…
Je suis le seul inscrit pour aller voir les mines. Une meuf pas très communicative se pointe et me demande de la suivre. Elle trouve quelqu’un d’autre pour partir avec moi, un allemand dreadeux, venant d’un autre hôtel, et elle nous lâche dans un « micro » (petits bus publics qui sillonnent la ville dans tous les sens). On croit d’abord devoir se débrouiller, avant qu’une femme nous dise de sortir un peu plus loin. Petite, trapue, 40 ans environ, elle se présente comme notre guide et nous emmène d’abord au marché pour acheter des sacs de feuilles de coca et des sodas à offrir aux mineurs. Et puis avec Schultz (je me rappelle plus son prénom, mais « Schultz » a un bon potentiel comique), on achète un bâton de dynamite, histoire de voir comment ça marche. Et surtout parce qu’on est des garçons, on aime bien les explosions.
Roberta (c’est vraiment son prénom) nous emmène ensuite dans un garage pour se changer : imper jaune complet, bottes, casque et lampe avec recharge accrochée dans le dos. On se retrouve vite dans un autre minibus, mélangé à un autre groupe, en direction du cerro rico.
Arrivé là-bas, on nous fait la démonstration de plusieurs explosions de dynamite. L’autre groupe en a aussi acheté. C’est les guides qui préparent le tout et qui s’en vont allumer la mèche plus loin, dans le paysage désolé qui s’étend devant nous. Ils reviennent vite, et effectivement ça pète fort. Deux grosses déflagrations qui coupent littéralement le souffle. On grimpe ensuite jusqu’à l’entrée de la mine, et on se retrouve à nouveau trois, avec Schultz et Roberta. Des dizaines de wagonnets plus ou moins rouillés sont disposés là, à côté de tas de pierres, et puis quelques mineurs assis en silence, mâchant de la coca en se reposant. Roberta allume nos lampes, on s’engouffre dans le boyau de la mine.
On marche dans une vingtaine de cm de flotte boueuse, et le boyau se rétrécit rapidement, surtout en hauteur. Soudain Roberta a l’air paniquée et repart en arrière en courant ! Grosse peur. En fait elle cherche un endroit ou le tunnel est un peu plus large pour qu’on puisse se coller contre la paroi et laisser un charriot rempli de minerais continuer son chemin sans avoir à freiner à notre approche. Les wagonnets remplis pèsent jusqu’à 2 tonnes et sont extrêmement difficiles à arrêter, surtout en descente. Cette mine, assez « moderne », est sillonnée de rails permettant le transport des minerais. D’autres mines plus petites ne sont équipées que de brouettes. Roberta nous explique que le principal est de ne pas déranger les mineurs en plein travail, de les respecter autant que possible et de les laisser travailler à leur rythme. Le principal sport dans la mine est donc d’être à l’écoute des bruits qui l’animent, et d’être prêt à se plaquer contre la paroi, voire de rebrousser chemin en courant jusqu’à l’embranchement précédant si un charriot se pointe. Ca a un côté assez stressant, sachant que les tunnels sont souvent très étroits, qu’on y marche souvent la tête baissée, voire presque à quatre pattes. Pas très rassurant. Il fait d’abord très froid, mais l’atmosphère se réchauffe a fur et à mesure qu’on s’enfonce dans la mine. Et devient vite irrespirable. De la poussière, des vapeurs de produits plus ou moins toxiques. Heureusement des tuyaux d’air comprimé parcourent la mine et des aérations sont régulièrement ouvertes pour permettre aux tunnels d’être un peu plus respirables.
On arrive devant « El Tio ». El Tio, c’est le diable de la mine, qui protège ou tue les mineurs, selon les croyances locales. Les mineurs sont pour la plupart catholiques et prient Dieu à l’extérieur, mais à l’intérieur c’est le Tio qu’ils vénèrent. Ils font des offrandes régulières aux nombreuses statues à son effigie. Ils disposent des feuilles de coca tout autour, des guirlandes, des clops dans sa bouche, versent de l’alcool (à 96°) sur lui en prononçant son nom et celui de Pacha Mama. Chaque Tio a un gros sexe en érection, les mineurs pensant que s’il copule avec la Pacha Mama (la terre), les mines seront beaucoup plus fertiles en minéraux. Il y a un tas de superstitions ici, il faut faire attention à ne pas froisser les travailleurs (pour certains par exemple, les flash d’appareils photo détruisent les minerais). El Tio décide de tuer les mineurs qui ne l’auraient pas assez adoré, en faisant exploser une dynamite en retard par exemple, au moment ou le mineur revient pour voir le résultat de l’explosion. Faut pas faire le con avec le Tio.
De nombreux charriots remplis passent à côté de nous, poussés et tirés par de jeunes travailleurs. On s’enfonce encore un peu plus bas. On arrive rapidement à des températures avoisinant 35°, on transpire dans nos imper et dans nos casques. On se faufile dans un trou par une vieille échelle branlante, puis en rampant dans un conduit jusqu’à arriver à un cul de sac ou un mineur est en train de faire un trou dans la roche avec une longue tige en fer et un marteau. Il travaille ici depuis 10 ans. Il nous explique que le gros de son travail est de faire des trous de 20 à 30 cm de long, du diamètre d’un bâton de dynamite, pour faire exploser la paroi comme il faut. Il nous montre la roche à sa droite : de la simple pierre. A sa gauche, on voit nettement un filon de minerais brillant (argent et zinc, nous dit-il). Le mineur doit provoquer une explosion faisant s’écrouler la partie gauche mais pas la droite, sinon c’est une journée entière de perdue à nettoyer l’éboulement foireux, et pas de salaire. Ici tous les travailleurs sont payés au résultat, quel que soit la pénibilité de leur travail quotidien. Et la mine n’est plus la source immense de richesse qu’elle était (et qui a abreuvé l’Espagne pendant plusieurs centaines d’années).
Les mineurs travaillent seuls ou à plusieurs, jusqu’à 25 en même temps selon la taille des tunnels et des filons. On passe dans des boyaux qui empestent la poussière d’arsenic (selon Roberta), ça pue et ça fait tousser. Et surtout ça tue à terme ! Les mineurs meurent tous en moyenne après 15 ans passés dans la mine, à cause de ce qu’ils y respirent. Gaz nocifs (dangereuses poches de monoxydes de carbone), produits chimiques… les décès sont principalement dus à la silicose, ou à d’autres problèmes respiratoires. S’ils ne surviennent pas accidentellement auparavant.
A partir du moment où un mineur descend en dessous de 50% de sa capacité respiratoire (certificat médical à l’appui), il a le droit d’arrêter de travailler et touche une pension de 15$ par mois. S’il meure, cette somme continue à être distribuée à sa famille. Ils sont tous au courant du danger, mais pour la plupart ils estiment ne pas avoir le choix de travailler ici, et sont fiers d’être mineurs, de faire ça pour nourrir leur famille. Les conditions de travail sont affreuses. En sortant de la mine après 2h30 à l’intérieur, j’ai déjà l’impression d’être un survivant et d’avoir fait un exploit. Eux y sont pour 20 ans, 8 à 10h par jour. L’un des mineurs m’a dit être déjà resté 32h là dedans, car le travail ne pouvait attendre.
Je rentre tout chamboulé de cette expérience. Les images du travail dans l’antre du diable resteront gravées longtemps dans ma tête. Il est un peu plus de 13h, je retrouve Alice et on va manger un bout en ville. A défaut d’être cher, l’almuerzo du midi (soupe de maïs bien grasse, morceaux de poulet baignant dans le gras et salade de fruit en boîte) dans n’est pas bon non plus. On dépose du linge sale à l’unique laverie de la ville, avant de rentrer dans la Casa de la Moneda, musée sur l’histoire de Potosi, notamment lié à l’histoire de la monnaie frappée ici avec l’argent des mines.
La visite guidée (obligatoire), en français, se fait en compagnie d’une famille de Longueuil (banlieue de Montréal au Québec) et de deux… lyonnais ! Bien sûr je fais la pub pour les concerts Mediatone de la rentrée, je ne peux pas m’empêcher. On traverse des tas de salles dans ce grand bâtiment colonial bien entretenu. Pinacothèque exposant de nombreux tableaux anonymes de l’époque coloniale, montrant notamment les conquistadors s’installant devant le cerro rico et commençant à faire exploiter la mine. On découvre surtout les différents instruments et techniques permettant de frapper la monnaie au cours du temps : à la main, par le travail de chevaux mettant en branle d’immenses mécanismes de bois sur plusieurs étages, puis par le truchement de machines à vapeur, et enfin électriques. Le comble, c’est qu’après avoir été l’un des centres mondiaux de confection de monnaie, Potosi a stoppé toute sa production en 1956, pour faire frapper sa monnaie en France (à Rennes), et imprimer ses billets au Chili (moins cher) ! On voit aussi des momies découvertes dans des églises, et puis des sculptures en argent et des objets de l’époque coloniale. Intéressant.
On passe le reste de la journée à baguenauder dans les rues, dans les marchés, à la recherche d’objet d’art (non, je n’achèterai pas de bijoux !) et de tissus notamment. On a beaucoup de mal à respirer ici, beaucoup plus que dans le sud-ouest où on a été pourtant à des altitudes plus élevées. On s’arrête au Café 4060 (l’altitude de la ville), un établissement décoré, super contemporain, agréable, Andres Calamaro en fond sonore. On en profite pour se manger une bonne pizza au chorizo, et puis des ravioles à la crème, fromage et noix. Top. Je crois qu’on en avait un peu un ras-le-bol de la cuisine locale, du coup on se régale.
Encore une petite promenade pré-nocturne, avant de retourner au Maria Victoria. Le gars de la réception a capté que je m’intéressai au tennis, il m’informe que Federer a gagné son match. Merci.
Jeudi 20 août
Lever vers 9h suivi d’un petit déj peinard. On passe toute la matinée à se balader dans Potosi, à profiter du grand soleil. Retour au Café « La Plata » (l’argent) pour boire un vrai bon double expresso. A côté de nous, un couple de français qui étaient dans le même bus que nous en provenance d’Uyuni, puis déjà dans ce même café la veille, puis dans le même resto que nous plus tard… on finit quand même par se parler. Ils ont le même plan que nous : partir pour Sucre dans l’après-midi. Je leur propose donc de partager un taxi, à peine plus cher et deux fois plus rapide selon le Lonely. Ils sont ok, on grignote un petit en cas, et puis on se donne RV vers notre hôtel. De là on part ensemble prendre un micro jusqu’à la gare routière d’où les taxis partent aussi. Et là on s’aperçoit que les 2 français sont un poil neuneus : ils sont tout excité de prendre un bus local pour la première fois de leur voyage, parlent tout gentiment, tout doucement, avec une bienveillance qui frise le désagréable. On a un peu envie de leur botter le cul. Mais bon ils sont gentils, hein. On trouve tout de suite un taxi, le prix est bien celui prévu, tout roule, c’est parti. Le trajet dure 2h30, pour 200 km environ ! La route de montagne est totalement refaite et le chauffeur trace comme un fou, à 120 km/h en prenant les virages à fond. On a perdu l’habitude de tant de vitesse. Après avoir papoté un peu voyage avec nos compagnons de route culs-bénis, on n’a vite plus rien à se dire et l’ambiance tombe vite dans la contemplation des paysages et l’écoute passionnée de la Lara Fabian bolivienne qui hurle dans le poste.
Le taxi nous laisse sur la Plaza 25 de Mayo, on part vite de notre côté avec Lilice. Rappelons que Sucre est la capitale de la Bolivie (même si le gouvernement est actuellement installé à La Paz). Son nom vient du général d’armée qui a libéré la ville en 1825 sous les ordres de Simon Bolivar, le grand libérateur du joug espagnol, et qui a lui donné son nom au pays. La Bolivie n’a donc pas encore 200 ans. Bolivar n’a en réalité pas libéré que la Bolivie, mais aussi le Vénézuela, la Colombie, le Pérou… il est adulé par toute l’Amérique du Sud pour avoir rendu leur indépendance à de nombreuses populations. Etrangement, il est pourtant mort seul, abandonné de tous, son rêve d’unification de tous les pays libérés (La « Grande Colombie ») ayant réveillé les dissensions internes et s’étant fait écarté de tout type de pouvoir. Il est aujourd’hui porté aux nues, au même titre que Che Gevarra, qui n’a lui non plus eu que très peu de soutien local quand il tenté de monter une guerilla pour renverser le pouvoir ici, comme il l’avait fait à Cuba. C’est d’ailleurs en Bolivie que le Che s’est fait fusillé, près de Santa Cruz, après des mois de vaines luttes armées avec ses quelques compagnons d’infortune.
Sucre est une grande ville qui semble tout de suite très sereine. Le centre ville ne renferme quasiment que de beaux bâtiments coloniaux chaulés, aux jolis toits de tuiles rouges. On croise plein de jeunes branchés dans les rues et les jolies places super bien entretenues. Des rues remplies de bars, de restos, de magasins de fringues ouverts tard la nuit. C’est super agréable de se promener. On voit au loin des sommets, tout autour de la ville. La ville est en fait posée sur de nombreuses petites collines, les rues grimpent et descendent à tour de rôle. De très nombreuses églises là aussi. Et puis des centaines de cabinets dentaires et de cabinets d’avocats !! On ne voit que ça. Il y a certaines rues avec 5 dentistes et 5 bureaux de conseils judiciaires côte à côte ! A priori les avocats s’occupent en particulier de problèmes du genre « qui a découvert le bon filon en premier dans la mine », et les dentistes… ben c’est vrai qu’à ce niveau là ya du boulot, ils ont quand même tous les ratiches bien pourries. Il y a plus de personnes habillés à l’occidentale ici, même si on continue à croiser très régulièrement des femmes en habit traditionnel avec leurs tresses et leur tissu multicolore dans le dos, contenant babioles, légumes ou enfants, c’est selon.
On se trouve un petit hôtel sympa, le « Veracruz », avec une chambre avec télé (je pourrai mater le tennis discrètement). On passe la fin d’aprèm à gérer la suite du voyage : on s’achète deux allers-retour La Paz-Rurrenabaque, on a décidé de terminer le trip par une touche de forêt amazonienne, et le bus est fortement déconseillé pour s’y rendre (la route est connue pour être « la plus périlleuse du monde » !). L’avion a un prix super raisonnable par ailleurs. Et puis on va s’acheter notre ticket de bus Sucre-La Paz, deux jours plus tard. On peut maintenant se la jouer tranquille à Sucre, profiter de la sérénité de la capitale. On se pose au « Joy Ride café », près de la place principale. Ambiance pub branché, musique rock ‘n roll, grosses platées de viandes et de frites à la sauce piquante, cannellonis et bonne bière. Royal.
De retour à l’hôtel, Nadal mettre sa pâtée à Mathieu, et puis on s’enfile plusieurs épisodes de « Damages » dans le lit. Est-on encore en Bolivie ?
Vendredi 21 août
Enfin une vraie grasse mat. On rouille un peu dans le lit, on prend le temps pour une fois, on est bien. A la télé, Benneteau est en train de battre Murray. J’apprendrai plus tard dans la journée qu’il s’est finalement pris une raclée. On arrive au Joy Ride Café vers 11h30, et on se prend un petit déjeuner 4 étoiles : une grosse de grosse omelette sur pain grillé avec oeufs, jambon, fromage, oignon, tomate. (ils appellent ça des « œufs contre la gueule de bois » !), et puis Alice prend des pancakes au sirop d’érable et un grand bol de cruesli & fruits frais au yaourt. On est calé pour la journée.
Balade dans la ville. On grimpe jusqu’à un point de vue sur toute la ville. On voit bien toutes les collines sur lesquelles s’étend la cité, tous ses bâtiments blancs type coloniaux, et ses clochers qui surgissent de partout. Il fait au moins 25°, gros soleil, on est en t-shirt. Petite bière (la « Huari », dont l’étiquette montre fièrement qu’elle a été médaille d’or en… 1977 !) avachi dans des chaises longues sur une terrasse extérieure, « Radio Gaga » de Queen dans les oreilles. On retrouve un couple de français qui faisait partie du groupe rencontré en début de voyage, sur le bateau nous menant à l’Isla de Sol. Ils ont principalement fait des treks tout autour de La Paz et s’en vont maintenant vers Potosi et Uyuni, on se raconte, ils sont très sympas.
On va ensuite faire un tour au musée de la Recolata, en fait un joli couvent franciscain aux quatre patios fleuris (style andalou), contenant pas mal de tableaux et d’objets d’époque. On y voit aussi un cèdre millénaire, absolument énorme (le tronc doit faire la largeur de 6 hommes costauds côte à côte), et puis une plaque qui commémore l’endroit exact ou Pedro Blanco, troisième président de la Bolivie (et premier bolivien), s’est fait assassiné par un coup de fusil en 1829, alors qu’il se promenait peinard prêt du toit.
En redescendant en direction du centre, on s’arrête visiter le musée des Arts Indigènes. Super intéressant, on y apprend beaucoup sur les traditions artisanales, textiles, musicales et festives de plusieurs minorités indigènes provenant des villages tout autour de Sucre, notamment les Jalq’a et les Tarabuco. Le plus fascinant est l’évolution des motifs (animaux fantastiques entrecroisés en rouge et noir chez les Jalq’a, petites scènes de la vie de tous les jours démultipliées et muticolores chez les Tarabuco) et des techniques de tissage à travers le temps, jusqu’à nos jours. Etonnamment, ces minorités ne cessent de perfectionner leur technique et un progrès énorme a été fait depuis les années 80, notamment grâce au regroupement des meilleurs tisserands en coopératives bien organisées et payant correctement le difficile travail accompli.
On rejoint notre « base » (le Joy Ride café) vers 19h. En montant à l’étage, on rejoint une salle de projection dans laquelle un film est diffusé chaque soir. Ce soir, c’est « The Devil’s Miner », un reportage sur un garçon de 14 ans, sans père, travaillant dans les mines de Potosi depuis 4 ans pour subsister aux besoins de sa famille (un frère et une sœur, plus petits), et tentant de suivre en même temps un cursus scolaire pour se donner une chance d’en sortir un jour. C’est un film très dur évidemment, que j’aurai tendance à conseiller à ceux qui souhaitent s’intéresser de plus près aux conditions de travail dans cette « Mine du Diable ».
On mange deux platées de pâtes avant d’aller se coucher. En demi-finale de Cincinnati, ça sera Federer - Murray et Nadal – Djokovic. Tout est normal. On termine la saison 1 de « Damages ». Totalement chanmé cette série.
Samedi 22 août
Après un petit déjeuner copieux (le même que la veille) au Joy Ride Café (décidément notre QG de Sucre), on repart se balader en ville. Il fait toujours aussi beau, aussi chaud. Par contre tout est fermé, à partir du samedi après-midi c’est vraiment une ambiance week-end. On chemine un peu plus dans l’ouest de la ville, on traverse un grand parc bien vert, avec une sorte de mini tour Eiffel au centre, et puis des petits cours d’eau, et puis un grand parc pour enfants. De très nombreuses familles sont là, à bouffer des glaces et des bonbons (les adultes) et à faire des tours de mille pattes et de grandes roues (les adultes et les enfants). On flâne dans les différentes boutiques d’artisanat (après le musée, on a l’impression de s’y connaitre grave), et puis je me rachète des lunettes de soleil (oui bon, je les ai encore perdues). Des « Diesel » cette fois.
Après ce grand tour, on se repose un moment au Joy Ride Café pour un moment de détente lecture / écriture, avant d’aller rechercher nos « mochillas » à l’hôtel, de prendre un micro jusqu’au « terminal terrestre » et d’embarquer dans le grand bus « El Dorado » en direction de La Paz, une fois de plus. Cette fois on a bien regardé toutes les offres, et on a pris un bus la classe, « cama » pour de vrai, chauffé, tout ça. C’est le top du confort, pour le même prix que les autres compagnies (ça paraitrait presque louche). On a la place, on peut coucher le siège presque en vertical. Et on dort plutôt bien.
Dimanche 23 août
Arrivée à La Paz à 7h du matin, comme prévu, après 12h de trajet sur une route parfaite. On se réveille au niveau del Alto, et on profite une fois de plus d’une vue éblouissante sur la ville en contrebas, avant de s’y engouffrer et de stopper à la gare routière. On marche jusqu’au café Banais, à côté de la place San Fransisco, ou on se pose pour petit déjeuner, lire, écrire. La finale de Cincinnati opposera Federer à Djokovic, qui a battu Nadal. Haha. Discussion msn entre La Paz et Hong Kong avec Claire (avec 12h de décalage horaire !), ça fait trop plaisir d’avoir de ses nouvelles. Alice est en train de finir le deuxième tome du Trône de Fer (à conseiller à tous ceux qui n’ont pas lu), elle est à fond dedans. On profite du temps qui nous reste avant de prendre l’avion cet après-midi en direction de Rurrenabaque, à une heure de vol au nord, en plein bassin amazonien. Retour à La Paz (en avion aussi) prévu le 27 août… suivi assez vite du vrai retour en France. Ca passe vite ces conneries.
Dimanche 23 août – La Paz / 10h02
Ca y est, le retard est rattrapé ! Et en plus j’ai eu le temps de mettre pas mal de photos en ligne sur Facebook. Je les mets au fur et à mesure, c’est un peu long. C’est ICI. On va complètement changer d’environnement pendant les 4 prochains jours : au milieu des anacondas, des piranhas et des caïmans, dans la moiteur étouffante d’une jungle hostile. Hum. En attendant voici le récit de ces 5 derniers jours, entre l’horreur des mines de Potosi et la sérénité de la ville de Sucre.
Mardi 18 août
La route entre Uyuni et Potosi est en train d’être refaite entièrement en goudron (Evo ?). Après 5h de routes caillouteuses et en lacets entre les montagnes, la dernière heure est donc beaucoup plus rapide. On a juste envie de taper les cons de français qui gueulent pour un rien et qui donnent des bonbons à tous les enfants qui passent en se prenant pour les sauveurs du pays.
A 16h30, taxi pour le centre ville de Potosi à la recherche d’un hôtel pas cher et sympa (comme d’hab). L’hostal Maria Victoria devrait convenir, avec ses chambres entourant un petit patio extérieur bien agréable. Délestés de nos grosses affaires, petite promenade en ville. La ville est, un peu comme La Paz, entièrement en pente, dans tous les sens. On a vite le sentiment d’une ville pleine de contrastes. D’un côté, elle semble grande, peuplée, branchée, moderne, avec des tas d’étudiants sillonnant les rues (dans leurs costumes scolaires ou habillés djeuns), plein de librairies, de cafés, de boutiques ouvertes tard. Et de l’autre côté, on sent une ville indissociable de son histoire, avec son architecture assez coloniale, ses dizaines d’églises catholiques dans tous les sens, et surtout le « cerro rico » visible où que l’on se trouve, la fameuse montagne au pied de laquelle fût érigée la ville pour les inépuisables réserves d’argents et autre minéraux qu’elle contenait. Le spectre de la montagne confère à la ville, qu’on le veuille ou non, une ambiance très spéciale. La population a beau être en grande partie passée à autre chose, la montagne reste là, immense, rougeoyante, forte de ses 5 siècles de travail minier et de ses 8 millions de morts. Etrange présence.
On visite la cathédrale de la plaza 10 de Noviembre, centrale. On est seul, un guide nous accompagne et nous explique les tableaux de l’époque coloniale, les retables, les médaillons à la gloire de Marie, l’orgue (orphelin depuis peu du seul « maitre » savant en jouer !), tout le tralala. Tout en haut d’un des clochers (renfermant 5 cloches immenses), on a un aperçu de toute la ville, qui déborde en grimpant sur toutes les montagnes adjacentes. On voit les très nombreux clochers d’églises, les couvents, les ruelles qui serpentent, les places, vertes et bien entretenues, et bien sûr le cerro rico, toujours, régnant sur les lieux.
On se pose dans le café « La Plata » pour boire un bon lait au miel, et puis on traverse la rue pour s’attabler au resto « El Meson », au cadre romantique et précieux, mais aux plats tue-l’amour et précieux (lire chers). Même la viande de lama y est moins bonne que celle préparée par Edgar ! On va se coucher pas trop tard, après que j’ai réservé un tour à l’intérieur de la mine le lendemain matin. Alice, un peu claustro et n’ayant pas du tout envie de vivre cette expérience, fera la grasse mat !
Mercredi 19 août
Je me lève un peu tôt, laissant Alice à ses rêves, pour prendre le petit déjeuner peinard à l’hôtel. Ni copieux ni bon (café pisseux, pas de jus de fruit, pain réchauffé et sec), mais ça cale quand même un peu. Dans l’entrée, la télé est toujours allumée, que quelqu’un la regarde ou non. Principalement sur le tennis (Masters de Cincinnati). Cette fois c’est les infos boliviennes, pas cadré, aucun reportage et son digne d’un caméscope des années 80. Ca parle de la grippe A bien sûr, et puis d’une manifestation bloquant tout passage de véhicule entre Potosi et Sucre, depuis deux jours. On doit se rendre à Sucre le lendemain…
Je suis le seul inscrit pour aller voir les mines. Une meuf pas très communicative se pointe et me demande de la suivre. Elle trouve quelqu’un d’autre pour partir avec moi, un allemand dreadeux, venant d’un autre hôtel, et elle nous lâche dans un « micro » (petits bus publics qui sillonnent la ville dans tous les sens). On croit d’abord devoir se débrouiller, avant qu’une femme nous dise de sortir un peu plus loin. Petite, trapue, 40 ans environ, elle se présente comme notre guide et nous emmène d’abord au marché pour acheter des sacs de feuilles de coca et des sodas à offrir aux mineurs. Et puis avec Schultz (je me rappelle plus son prénom, mais « Schultz » a un bon potentiel comique), on achète un bâton de dynamite, histoire de voir comment ça marche. Et surtout parce qu’on est des garçons, on aime bien les explosions.
Roberta (c’est vraiment son prénom) nous emmène ensuite dans un garage pour se changer : imper jaune complet, bottes, casque et lampe avec recharge accrochée dans le dos. On se retrouve vite dans un autre minibus, mélangé à un autre groupe, en direction du cerro rico.
Arrivé là-bas, on nous fait la démonstration de plusieurs explosions de dynamite. L’autre groupe en a aussi acheté. C’est les guides qui préparent le tout et qui s’en vont allumer la mèche plus loin, dans le paysage désolé qui s’étend devant nous. Ils reviennent vite, et effectivement ça pète fort. Deux grosses déflagrations qui coupent littéralement le souffle. On grimpe ensuite jusqu’à l’entrée de la mine, et on se retrouve à nouveau trois, avec Schultz et Roberta. Des dizaines de wagonnets plus ou moins rouillés sont disposés là, à côté de tas de pierres, et puis quelques mineurs assis en silence, mâchant de la coca en se reposant. Roberta allume nos lampes, on s’engouffre dans le boyau de la mine.
On marche dans une vingtaine de cm de flotte boueuse, et le boyau se rétrécit rapidement, surtout en hauteur. Soudain Roberta a l’air paniquée et repart en arrière en courant ! Grosse peur. En fait elle cherche un endroit ou le tunnel est un peu plus large pour qu’on puisse se coller contre la paroi et laisser un charriot rempli de minerais continuer son chemin sans avoir à freiner à notre approche. Les wagonnets remplis pèsent jusqu’à 2 tonnes et sont extrêmement difficiles à arrêter, surtout en descente. Cette mine, assez « moderne », est sillonnée de rails permettant le transport des minerais. D’autres mines plus petites ne sont équipées que de brouettes. Roberta nous explique que le principal est de ne pas déranger les mineurs en plein travail, de les respecter autant que possible et de les laisser travailler à leur rythme. Le principal sport dans la mine est donc d’être à l’écoute des bruits qui l’animent, et d’être prêt à se plaquer contre la paroi, voire de rebrousser chemin en courant jusqu’à l’embranchement précédant si un charriot se pointe. Ca a un côté assez stressant, sachant que les tunnels sont souvent très étroits, qu’on y marche souvent la tête baissée, voire presque à quatre pattes. Pas très rassurant. Il fait d’abord très froid, mais l’atmosphère se réchauffe a fur et à mesure qu’on s’enfonce dans la mine. Et devient vite irrespirable. De la poussière, des vapeurs de produits plus ou moins toxiques. Heureusement des tuyaux d’air comprimé parcourent la mine et des aérations sont régulièrement ouvertes pour permettre aux tunnels d’être un peu plus respirables.
On arrive devant « El Tio ». El Tio, c’est le diable de la mine, qui protège ou tue les mineurs, selon les croyances locales. Les mineurs sont pour la plupart catholiques et prient Dieu à l’extérieur, mais à l’intérieur c’est le Tio qu’ils vénèrent. Ils font des offrandes régulières aux nombreuses statues à son effigie. Ils disposent des feuilles de coca tout autour, des guirlandes, des clops dans sa bouche, versent de l’alcool (à 96°) sur lui en prononçant son nom et celui de Pacha Mama. Chaque Tio a un gros sexe en érection, les mineurs pensant que s’il copule avec la Pacha Mama (la terre), les mines seront beaucoup plus fertiles en minéraux. Il y a un tas de superstitions ici, il faut faire attention à ne pas froisser les travailleurs (pour certains par exemple, les flash d’appareils photo détruisent les minerais). El Tio décide de tuer les mineurs qui ne l’auraient pas assez adoré, en faisant exploser une dynamite en retard par exemple, au moment ou le mineur revient pour voir le résultat de l’explosion. Faut pas faire le con avec le Tio.
De nombreux charriots remplis passent à côté de nous, poussés et tirés par de jeunes travailleurs. On s’enfonce encore un peu plus bas. On arrive rapidement à des températures avoisinant 35°, on transpire dans nos imper et dans nos casques. On se faufile dans un trou par une vieille échelle branlante, puis en rampant dans un conduit jusqu’à arriver à un cul de sac ou un mineur est en train de faire un trou dans la roche avec une longue tige en fer et un marteau. Il travaille ici depuis 10 ans. Il nous explique que le gros de son travail est de faire des trous de 20 à 30 cm de long, du diamètre d’un bâton de dynamite, pour faire exploser la paroi comme il faut. Il nous montre la roche à sa droite : de la simple pierre. A sa gauche, on voit nettement un filon de minerais brillant (argent et zinc, nous dit-il). Le mineur doit provoquer une explosion faisant s’écrouler la partie gauche mais pas la droite, sinon c’est une journée entière de perdue à nettoyer l’éboulement foireux, et pas de salaire. Ici tous les travailleurs sont payés au résultat, quel que soit la pénibilité de leur travail quotidien. Et la mine n’est plus la source immense de richesse qu’elle était (et qui a abreuvé l’Espagne pendant plusieurs centaines d’années).
Les mineurs travaillent seuls ou à plusieurs, jusqu’à 25 en même temps selon la taille des tunnels et des filons. On passe dans des boyaux qui empestent la poussière d’arsenic (selon Roberta), ça pue et ça fait tousser. Et surtout ça tue à terme ! Les mineurs meurent tous en moyenne après 15 ans passés dans la mine, à cause de ce qu’ils y respirent. Gaz nocifs (dangereuses poches de monoxydes de carbone), produits chimiques… les décès sont principalement dus à la silicose, ou à d’autres problèmes respiratoires. S’ils ne surviennent pas accidentellement auparavant.
A partir du moment où un mineur descend en dessous de 50% de sa capacité respiratoire (certificat médical à l’appui), il a le droit d’arrêter de travailler et touche une pension de 15$ par mois. S’il meure, cette somme continue à être distribuée à sa famille. Ils sont tous au courant du danger, mais pour la plupart ils estiment ne pas avoir le choix de travailler ici, et sont fiers d’être mineurs, de faire ça pour nourrir leur famille. Les conditions de travail sont affreuses. En sortant de la mine après 2h30 à l’intérieur, j’ai déjà l’impression d’être un survivant et d’avoir fait un exploit. Eux y sont pour 20 ans, 8 à 10h par jour. L’un des mineurs m’a dit être déjà resté 32h là dedans, car le travail ne pouvait attendre.
Je rentre tout chamboulé de cette expérience. Les images du travail dans l’antre du diable resteront gravées longtemps dans ma tête. Il est un peu plus de 13h, je retrouve Alice et on va manger un bout en ville. A défaut d’être cher, l’almuerzo du midi (soupe de maïs bien grasse, morceaux de poulet baignant dans le gras et salade de fruit en boîte) dans n’est pas bon non plus. On dépose du linge sale à l’unique laverie de la ville, avant de rentrer dans la Casa de la Moneda, musée sur l’histoire de Potosi, notamment lié à l’histoire de la monnaie frappée ici avec l’argent des mines.
La visite guidée (obligatoire), en français, se fait en compagnie d’une famille de Longueuil (banlieue de Montréal au Québec) et de deux… lyonnais ! Bien sûr je fais la pub pour les concerts Mediatone de la rentrée, je ne peux pas m’empêcher. On traverse des tas de salles dans ce grand bâtiment colonial bien entretenu. Pinacothèque exposant de nombreux tableaux anonymes de l’époque coloniale, montrant notamment les conquistadors s’installant devant le cerro rico et commençant à faire exploiter la mine. On découvre surtout les différents instruments et techniques permettant de frapper la monnaie au cours du temps : à la main, par le travail de chevaux mettant en branle d’immenses mécanismes de bois sur plusieurs étages, puis par le truchement de machines à vapeur, et enfin électriques. Le comble, c’est qu’après avoir été l’un des centres mondiaux de confection de monnaie, Potosi a stoppé toute sa production en 1956, pour faire frapper sa monnaie en France (à Rennes), et imprimer ses billets au Chili (moins cher) ! On voit aussi des momies découvertes dans des églises, et puis des sculptures en argent et des objets de l’époque coloniale. Intéressant.
On passe le reste de la journée à baguenauder dans les rues, dans les marchés, à la recherche d’objet d’art (non, je n’achèterai pas de bijoux !) et de tissus notamment. On a beaucoup de mal à respirer ici, beaucoup plus que dans le sud-ouest où on a été pourtant à des altitudes plus élevées. On s’arrête au Café 4060 (l’altitude de la ville), un établissement décoré, super contemporain, agréable, Andres Calamaro en fond sonore. On en profite pour se manger une bonne pizza au chorizo, et puis des ravioles à la crème, fromage et noix. Top. Je crois qu’on en avait un peu un ras-le-bol de la cuisine locale, du coup on se régale.
Encore une petite promenade pré-nocturne, avant de retourner au Maria Victoria. Le gars de la réception a capté que je m’intéressai au tennis, il m’informe que Federer a gagné son match. Merci.
Jeudi 20 août
Lever vers 9h suivi d’un petit déj peinard. On passe toute la matinée à se balader dans Potosi, à profiter du grand soleil. Retour au Café « La Plata » (l’argent) pour boire un vrai bon double expresso. A côté de nous, un couple de français qui étaient dans le même bus que nous en provenance d’Uyuni, puis déjà dans ce même café la veille, puis dans le même resto que nous plus tard… on finit quand même par se parler. Ils ont le même plan que nous : partir pour Sucre dans l’après-midi. Je leur propose donc de partager un taxi, à peine plus cher et deux fois plus rapide selon le Lonely. Ils sont ok, on grignote un petit en cas, et puis on se donne RV vers notre hôtel. De là on part ensemble prendre un micro jusqu’à la gare routière d’où les taxis partent aussi. Et là on s’aperçoit que les 2 français sont un poil neuneus : ils sont tout excité de prendre un bus local pour la première fois de leur voyage, parlent tout gentiment, tout doucement, avec une bienveillance qui frise le désagréable. On a un peu envie de leur botter le cul. Mais bon ils sont gentils, hein. On trouve tout de suite un taxi, le prix est bien celui prévu, tout roule, c’est parti. Le trajet dure 2h30, pour 200 km environ ! La route de montagne est totalement refaite et le chauffeur trace comme un fou, à 120 km/h en prenant les virages à fond. On a perdu l’habitude de tant de vitesse. Après avoir papoté un peu voyage avec nos compagnons de route culs-bénis, on n’a vite plus rien à se dire et l’ambiance tombe vite dans la contemplation des paysages et l’écoute passionnée de la Lara Fabian bolivienne qui hurle dans le poste.
Le taxi nous laisse sur la Plaza 25 de Mayo, on part vite de notre côté avec Lilice. Rappelons que Sucre est la capitale de la Bolivie (même si le gouvernement est actuellement installé à La Paz). Son nom vient du général d’armée qui a libéré la ville en 1825 sous les ordres de Simon Bolivar, le grand libérateur du joug espagnol, et qui a lui donné son nom au pays. La Bolivie n’a donc pas encore 200 ans. Bolivar n’a en réalité pas libéré que la Bolivie, mais aussi le Vénézuela, la Colombie, le Pérou… il est adulé par toute l’Amérique du Sud pour avoir rendu leur indépendance à de nombreuses populations. Etrangement, il est pourtant mort seul, abandonné de tous, son rêve d’unification de tous les pays libérés (La « Grande Colombie ») ayant réveillé les dissensions internes et s’étant fait écarté de tout type de pouvoir. Il est aujourd’hui porté aux nues, au même titre que Che Gevarra, qui n’a lui non plus eu que très peu de soutien local quand il tenté de monter une guerilla pour renverser le pouvoir ici, comme il l’avait fait à Cuba. C’est d’ailleurs en Bolivie que le Che s’est fait fusillé, près de Santa Cruz, après des mois de vaines luttes armées avec ses quelques compagnons d’infortune.
Sucre est une grande ville qui semble tout de suite très sereine. Le centre ville ne renferme quasiment que de beaux bâtiments coloniaux chaulés, aux jolis toits de tuiles rouges. On croise plein de jeunes branchés dans les rues et les jolies places super bien entretenues. Des rues remplies de bars, de restos, de magasins de fringues ouverts tard la nuit. C’est super agréable de se promener. On voit au loin des sommets, tout autour de la ville. La ville est en fait posée sur de nombreuses petites collines, les rues grimpent et descendent à tour de rôle. De très nombreuses églises là aussi. Et puis des centaines de cabinets dentaires et de cabinets d’avocats !! On ne voit que ça. Il y a certaines rues avec 5 dentistes et 5 bureaux de conseils judiciaires côte à côte ! A priori les avocats s’occupent en particulier de problèmes du genre « qui a découvert le bon filon en premier dans la mine », et les dentistes… ben c’est vrai qu’à ce niveau là ya du boulot, ils ont quand même tous les ratiches bien pourries. Il y a plus de personnes habillés à l’occidentale ici, même si on continue à croiser très régulièrement des femmes en habit traditionnel avec leurs tresses et leur tissu multicolore dans le dos, contenant babioles, légumes ou enfants, c’est selon.
On se trouve un petit hôtel sympa, le « Veracruz », avec une chambre avec télé (je pourrai mater le tennis discrètement). On passe la fin d’aprèm à gérer la suite du voyage : on s’achète deux allers-retour La Paz-Rurrenabaque, on a décidé de terminer le trip par une touche de forêt amazonienne, et le bus est fortement déconseillé pour s’y rendre (la route est connue pour être « la plus périlleuse du monde » !). L’avion a un prix super raisonnable par ailleurs. Et puis on va s’acheter notre ticket de bus Sucre-La Paz, deux jours plus tard. On peut maintenant se la jouer tranquille à Sucre, profiter de la sérénité de la capitale. On se pose au « Joy Ride café », près de la place principale. Ambiance pub branché, musique rock ‘n roll, grosses platées de viandes et de frites à la sauce piquante, cannellonis et bonne bière. Royal.
De retour à l’hôtel, Nadal mettre sa pâtée à Mathieu, et puis on s’enfile plusieurs épisodes de « Damages » dans le lit. Est-on encore en Bolivie ?
Vendredi 21 août
Enfin une vraie grasse mat. On rouille un peu dans le lit, on prend le temps pour une fois, on est bien. A la télé, Benneteau est en train de battre Murray. J’apprendrai plus tard dans la journée qu’il s’est finalement pris une raclée. On arrive au Joy Ride Café vers 11h30, et on se prend un petit déjeuner 4 étoiles : une grosse de grosse omelette sur pain grillé avec oeufs, jambon, fromage, oignon, tomate. (ils appellent ça des « œufs contre la gueule de bois » !), et puis Alice prend des pancakes au sirop d’érable et un grand bol de cruesli & fruits frais au yaourt. On est calé pour la journée.
Balade dans la ville. On grimpe jusqu’à un point de vue sur toute la ville. On voit bien toutes les collines sur lesquelles s’étend la cité, tous ses bâtiments blancs type coloniaux, et ses clochers qui surgissent de partout. Il fait au moins 25°, gros soleil, on est en t-shirt. Petite bière (la « Huari », dont l’étiquette montre fièrement qu’elle a été médaille d’or en… 1977 !) avachi dans des chaises longues sur une terrasse extérieure, « Radio Gaga » de Queen dans les oreilles. On retrouve un couple de français qui faisait partie du groupe rencontré en début de voyage, sur le bateau nous menant à l’Isla de Sol. Ils ont principalement fait des treks tout autour de La Paz et s’en vont maintenant vers Potosi et Uyuni, on se raconte, ils sont très sympas.
On va ensuite faire un tour au musée de la Recolata, en fait un joli couvent franciscain aux quatre patios fleuris (style andalou), contenant pas mal de tableaux et d’objets d’époque. On y voit aussi un cèdre millénaire, absolument énorme (le tronc doit faire la largeur de 6 hommes costauds côte à côte), et puis une plaque qui commémore l’endroit exact ou Pedro Blanco, troisième président de la Bolivie (et premier bolivien), s’est fait assassiné par un coup de fusil en 1829, alors qu’il se promenait peinard prêt du toit.
En redescendant en direction du centre, on s’arrête visiter le musée des Arts Indigènes. Super intéressant, on y apprend beaucoup sur les traditions artisanales, textiles, musicales et festives de plusieurs minorités indigènes provenant des villages tout autour de Sucre, notamment les Jalq’a et les Tarabuco. Le plus fascinant est l’évolution des motifs (animaux fantastiques entrecroisés en rouge et noir chez les Jalq’a, petites scènes de la vie de tous les jours démultipliées et muticolores chez les Tarabuco) et des techniques de tissage à travers le temps, jusqu’à nos jours. Etonnamment, ces minorités ne cessent de perfectionner leur technique et un progrès énorme a été fait depuis les années 80, notamment grâce au regroupement des meilleurs tisserands en coopératives bien organisées et payant correctement le difficile travail accompli.
On rejoint notre « base » (le Joy Ride café) vers 19h. En montant à l’étage, on rejoint une salle de projection dans laquelle un film est diffusé chaque soir. Ce soir, c’est « The Devil’s Miner », un reportage sur un garçon de 14 ans, sans père, travaillant dans les mines de Potosi depuis 4 ans pour subsister aux besoins de sa famille (un frère et une sœur, plus petits), et tentant de suivre en même temps un cursus scolaire pour se donner une chance d’en sortir un jour. C’est un film très dur évidemment, que j’aurai tendance à conseiller à ceux qui souhaitent s’intéresser de plus près aux conditions de travail dans cette « Mine du Diable ».
On mange deux platées de pâtes avant d’aller se coucher. En demi-finale de Cincinnati, ça sera Federer - Murray et Nadal – Djokovic. Tout est normal. On termine la saison 1 de « Damages ». Totalement chanmé cette série.
Samedi 22 août
Après un petit déjeuner copieux (le même que la veille) au Joy Ride Café (décidément notre QG de Sucre), on repart se balader en ville. Il fait toujours aussi beau, aussi chaud. Par contre tout est fermé, à partir du samedi après-midi c’est vraiment une ambiance week-end. On chemine un peu plus dans l’ouest de la ville, on traverse un grand parc bien vert, avec une sorte de mini tour Eiffel au centre, et puis des petits cours d’eau, et puis un grand parc pour enfants. De très nombreuses familles sont là, à bouffer des glaces et des bonbons (les adultes) et à faire des tours de mille pattes et de grandes roues (les adultes et les enfants). On flâne dans les différentes boutiques d’artisanat (après le musée, on a l’impression de s’y connaitre grave), et puis je me rachète des lunettes de soleil (oui bon, je les ai encore perdues). Des « Diesel » cette fois.
Après ce grand tour, on se repose un moment au Joy Ride Café pour un moment de détente lecture / écriture, avant d’aller rechercher nos « mochillas » à l’hôtel, de prendre un micro jusqu’au « terminal terrestre » et d’embarquer dans le grand bus « El Dorado » en direction de La Paz, une fois de plus. Cette fois on a bien regardé toutes les offres, et on a pris un bus la classe, « cama » pour de vrai, chauffé, tout ça. C’est le top du confort, pour le même prix que les autres compagnies (ça paraitrait presque louche). On a la place, on peut coucher le siège presque en vertical. Et on dort plutôt bien.
Dimanche 23 août
Arrivée à La Paz à 7h du matin, comme prévu, après 12h de trajet sur une route parfaite. On se réveille au niveau del Alto, et on profite une fois de plus d’une vue éblouissante sur la ville en contrebas, avant de s’y engouffrer et de stopper à la gare routière. On marche jusqu’au café Banais, à côté de la place San Fransisco, ou on se pose pour petit déjeuner, lire, écrire. La finale de Cincinnati opposera Federer à Djokovic, qui a battu Nadal. Haha. Discussion msn entre La Paz et Hong Kong avec Claire (avec 12h de décalage horaire !), ça fait trop plaisir d’avoir de ses nouvelles. Alice est en train de finir le deuxième tome du Trône de Fer (à conseiller à tous ceux qui n’ont pas lu), elle est à fond dedans. On profite du temps qui nous reste avant de prendre l’avion cet après-midi en direction de Rurrenabaque, à une heure de vol au nord, en plein bassin amazonien. Retour à La Paz (en avion aussi) prévu le 27 août… suivi assez vite du vrai retour en France. Ca passe vite ces conneries.
Dimanche 23 août – La Paz / 10h02
2 commentaires:
Que dire ..... superbe et merci de nous faire voyager avec vous ..... vous nous donnez vraiment envie d'avoir 20 ans de moins.
ERIC il faudra songer à publier un livre.... mémé DENISE est déjà ta première fan.
Peut être qu'une raclette à l'arrivée vous fera plaisir ?????
Mille Bisous à tous les deux
JPL VULBENS
SUPERBE ......
MERCI DE NOUS FAIRE PARTAGER VOTRE VOYAGE ......
ERIC IL FAUT SONGER A PUBLIER UN LIVRE .... MEME DENISE SERA LA PREMIERE FAN .....
GROS BISOUS A TOUS LES DEUX
LOUISETTE - JEAN PAUL
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