Après un début sérieux, j’ai finis par prendre du retard. Le voyage commençant à approcher de son terme, l’écriture se fait plus rare, moins systématique, comme mise à mal par l’intensité de l’instant. El Calafate… El Chalten… ces destinations aux noms étranges résonnent déjà comme lointaines, alors que la sauvage Puerto Natales, au Chili, nous a déjà ouvert ses bras hivernaux il y a deux jours. Tant bien que mal. Mais ceci est une autre histoire, commençons par le commencement. C’était il y a 6 jours. Déjà.
Samedi 14 août
Au terminal de bus d’El Calafate, une nana souriante nous paye le taxi jusqu’à son auberge, l’America del Sur. Le soir, on se retrouve encore avec Elodie et Fanny, avec qui le courant passe vraiment bien. L’ambiance est excellente, tout le monde se trimballe en chaussettes (avec le chauffage au sol), ça joue de la guitare sur une mezzanine chill out, ça cuisine, ça picole, ça discute en toutes les langues. Après trois nuits un peu "compliquées", on se prend une chambre pour nous, avec vue sur le lac en contrebas, coucher de soleil, lit bien confortable. "It’s a new done, it’a a new day, it’s a new life… and I’m feeling good"
Le soir, asados (barbecue) préparé par le personnel fin cool de l’auberge, avec assortiment de légumes et salade (aubergine dorée, courge, tomate, patate douce sautée, lentilles assaisonnées, condiments…), et excellente viande de bœuf à volonté. On se prend un Pinguin de rouge (pichet en forme de pingouin qui dégueule le breuvage dans les verres) pour arroser le tout. Festin. On se sent bien avec nos deux nouvelles copines, avec qui on trinque en faisant déjà des projets pour les jours à venir.
Le soir, asados (barbecue) préparé par le personnel fin cool de l’auberge, avec assortiment de légumes et salade (aubergine dorée, courge, tomate, patate douce sautée, lentilles assaisonnées, condiments…), et excellente viande de bœuf à volonté. On se prend un Pinguin de rouge (pichet en forme de pingouin qui dégueule le breuvage dans les verres) pour arroser le tout. Festin. On se sent bien avec nos deux nouvelles copines, avec qui on trinque en faisant déjà des projets pour les jours à venir.
Dimanche 15 août
La nuit est salvatrice. Pas de réveil programmé, sinon l’envie de profiter du petit déj (offert jusqu’à 9h30). La journée est à nous, on en profite pour se reposer, c’est dimanche, merde. Petit saut à l’extérieur tout de même, pour aller visiter la petite ville d’El Calafate, se promener près du lac partiellement gelé, et dire bonjour aux 200 mouettes, 3 flamands roses et 2 rouge-gorge (martins-pêcheurs ?) squattant la lagune de la réserve naturelle du patelin. Il ne fait pas si froid et le soleil est toujours là. On croise quelques touristes et quelques locaux, mais la petite bourgade qu’on soupçonne de grouiller en haute saison nous montre une face bien apaisée. On sent quand même au nombre d’hôtels, d’agences, de banques et de restos que le bled vit du tourisme, généré par la proximité du glacier Perito Moreno. On se pose dans un petit établissement pour manger, j’en profite pour regarder 3 balles de la finale du tournoi de Toronto opposant Federer à Murray.
Le soir, on se retrouve à l’auberge avec Elodie autour d’une soupe déshydratée, alors que Fanny passe la nuit dans un hôtel 4 étoiles (avec jacuzzi dans la chambre), cadeau d’arrivée de son amoureux qu’elle est allée cherche à l’aéroport. N’en déplaise à nos papilles malmenées, on passe encore un putain de bon moment à trainer, discuter, bouquiner, partager. On se sent vraiment bien avec Alice, dans un lieu si reculé et chaleureux, loin de nos quotidiens, tellement heureux d’être ensemble, ici.
Lundi 16 août
On sort de bonne heure de notre lit douillet : aujourd’hui, on se fait le Pito Moreno. On a réservé une espèce de tour complet d’une journée, avec mini-trekking à même le glacier en point d’orgue. On se retrouve tous dans le bus, avec Elodie, Fanny et Miro (Miroslaw de son nom entier, polonais d’origine). Le courant passe aussi bien avec lui qu’avec les filles.
Premier arrêt en vue du fameux glacier. Même de loin, une tuerie. Une impressionnante avancée de glace dégringolant des montagnes, surgissant de la vallée, et s’arrêtant net à l’embouchure un bras de lac, comme figé, laissant apparaitre un mur de glace de 3km de large et jusqu’à 60m de haut (équivalent à un immeuble entre 15 et 20 étages selon l’endroit). Cette avancée de glace provient de l’immense glacier qui recouvre 300km du nord au sud, entre le Chili et l’Argentine. On se trouve ici dans sa partie la plus méridionale. C’est un des très rares glaciers dans le monde à ne pas être en rémission, il se maintient. En perpétuelle avancée, il est donc alimenté par suffisamment d’eau (de neige se transformant en glace) dans ses hauteurs pour repousser la glace du bas (qui se disloque avec l’érosion) vers une ligne relativement stable. C’est aussi le glacier le moins haut de la planète, peu au dessus du niveau de la mer. Le soleil est encore de la partie et le paysage de carte postale fait son petit effet.
Avant d’embarquer dans un bateau, on nous demande de bien retenir son nom pour ne pas se tromper au retour : Alacalufé. Je retiens que c’est un truc qui ressemble à Dieucapeté… j’oublierai pas. On traverse donc le bras de lac. Le Perito est sur notre droite. Plus on s’en rapproche, plus sa présence se fait imposante. Soudain un grand fracas… un gros pendant de glace vient de s’écrouler dans l’eau dans un coup de tonnerre assourdissant. Une vague générée par la chute vient faire tanguer un peu l’embarcation. A couper le souffle.
De l’autre côté de l’eau, la vue est encore splendide. Des condors tournoient au dessus des montagnes derrière nous. On nous sépare en groupes de 20 pour fouler le glacier. On se rend compte qu’on est quand même super nombreux : 60 passagers par bateau, un bateau débarquant toutes les demi-heures… c’est la première fois du voyage qu’on est aussi entouré. Un guide nous explique comment marcher sur la glace : en canard en montant (marchant naturellement en canard, je n’aurai pas de souci), les pieds dans le sens de la pente en descendant. On nous sangle des crampons à nos chaussures. Les premiers pas on se sent un peu patauds, mais on s’habitue. On se retrouve donc vite sur la glace. C’est quand même un peu pète gueule, mais grimper sans glisser sur une surface glacée et pentue a quelque chose de jubilatoire. On se retrouve vite à l’intérieure de petites vallées de glace, en faisant attention aux trous et autres crevasses ponctuant le parcours. Tout est blanc et bleu autour de nous, on traverse des paysages lunaires, aux formes douces et tranchantes à la fois. On grimpe sur un étang gelé dans une cuvette, un guide met des coups de piolets pour faire craquer la surface, qu’on puisse goûter l’eau pure (et glaciale) juste en dessous. Et puis on finit dans une excavation dans laquelle est installée une petite table, et un whisky irlandais nous est servi, baigné dans de la glace ramassée elle aussi à même le flanc de glacier suite à trois petits coups de piolet.
L’expérience est vraiment sympa, si ce n’est la désagréable sensation de faire partie d’une machine touristique bien huilée, avec un groupe juste devant nous, un autre juste derrière. On est loin d’être seuls sur la glace, on ne s’écarte pas trop du bord du glacier, et une pause est organisée toutes les 5 minutes pour prendre des photos, on n’a donc pas la sensation de vraiment vivre une expérience extrême comme le ventait la brochure !
Retour à la terre ferme. Après un casse-croûte partagé, et l’observation de nouveaux morceaux de glace s’écroulant dans l’eau, l’Alacalufe (désolé, ça me fait vraiment rire) nous fait retraverser le bras de lac, puis le bus nous dépose sur la péninsule Magellan, sur laquelle ont été installés des km de passerelles pour pouvoir admirer le Pito Moreno d’un peu plus haut et sous tous les angles, à une distance très proche. On se promène donc une petite heure d’un balcon à l’autre, passant de mirador en mirador. Le ciel s’est couvert, mais le spectacle reste saisissant.
On est de retour en ville vers les 18h. Ça fait quelques jours qu’on n’arrive plus du tout à retirer de l’argent (alors qu’on devrait pouvoir), et on commence à être un peu just. Courses en ville, réservation de bus. Le soir, barbecue qui tue rebelote, avec nos amis dont on ne se sépare plus trop. On se remplit la pense en reprenant moult fois de leur viande excellentissime, leurs accompagnements succulents, et on se ressert des Pinguin de vin sans trop compter.
Mardi 17 août
Le réveil est encore pénible, il sonne un peut trop ces temps-ci. On a tous les deux mal au ventre (qu’on a mis à rude épreuve la veille au soir), et Alice a un peu plus la crève chaque jour. Je suis moi aussi un peu enrhumé. Pas la grande forme donc, mais on se rend aujourd’hui à El Chalten, à 3h de bus au nord dans la région des glaciers, connu pour ses paysages de montagnes, avec la big tête d’affiche qu’est le mont Fitz Roy.
A peine sorti de la chambre, on tombe des nues : il a neigé toute la nuit et la neige continue à tomber sans relâche, tout est blanc dehors. Le taxi qui vient nous prendre pour nous conduire au terminal de bus s’enlise dans la neige devant l’auberge et met du temps à partir. Le chauffeur nous dit qu’il n’a pas neigé depuis plus d’un mois… ah ok. Des fenêtres du bus, les paysages de Patagonie se sont transformés en d’immenses étendues blanches desquelles dépassent quelques touffes gelées. Des guacanos (petits lamas) courent en troupeaux dans ces étendues vides.
Petite pause à mi-parcours dans un établissement perdu au milieu de rien. On apprend que c’est ici que Billy the Kid, sa femme et son pote Butch Cassidy se sont réfugiés pendant un mois en 1894, alors qu’ils étaient recherchés dans tous les Etats-Unis pour leurs nombreux braquages et autres méfaits. Le bout du monde, on a vu pire comme planque.
Il est 11h30 quand on arrive al Chalten. La neige a cessé de tomber mais son manteau recouvre la ville et les montagnes. Passage obligé par la cabane du gardien du parc, où on nous explique les sentiers praticables, l’attitude à avoir si on croise des animaux. Pique-nique dans une auberge où nos trois amis s’installent pour la nuit qui vient, avant de partir tous ensemble sur un sentier partant au nord ouest en direction d’un lac de montagne et d’un spot de luxe sur les sommets starifiés. Le sentier est enneigé mais praticable, la balade grimpe bien sans être trop pénible, et on fait de nombreuses pauses pour profiter de vues plongeantes sur la jolie vallée enneigée. Le sentier contourne un gros rocher à pic trônant sur la montagne, traverse un petit bois. Le soleil fait une apparition au dessus des arbres, une sublime lumière diaphane se taille un chemin entre les branches. Parvenus au fameux mirador, les nuages gris sont revenus et on ne voit absolument plus rien devant nous. Et puis petit à petit, la brume s’estompe, on distingue un pic rocheux dans le brouillard, puis deux, et progressivement le Fitz Roy fait son apparition. Cette montagne aux contours cabossés de hauts pitons rocheux s’élevant vers le ciel a effectivement une putain de classe. Et le voir sortir de la brume de cette manière est juste magique. Elodie prépare un maté bien chaud (tisane locale qui se sirote dans un gobelet en cuir un peu tuné) qu’on se fait tourner, alors que les nuages reprennent progressivement d’assaut tout le ciel, ne laissant plus une miette découverte. On continue la balade jusqu’à l’objectif de notre mission : le lac de montagne. Recouvert de neige, classe. On glisse dessus, bataille de boules de neiges, photos, blagues à la con : parfait. Mais le ciel continue à faire la gueule, et on finit par se casser.
Le retour est tout autre : la neige a énormément fondu en quelques heures, et le sentier est à présent plutôt gadoueux. La vallée est elle aussi transformée, ne laissant que quelques vagues lignes blanches, mais ayant repris de ses teintes originelles, vertes et brunes. De retour à l’auberge, il est temps de se dire au revoir : nos trois amis restent ici pour la nuit, alors qu’on rentre dormir al Calafate pour attraper un bus en direction de Puerto Natales, au Chili, le lendemain. Au revoir chaleureux, échange de mails et de Facebook (tien, ça n’existait pas encore quand j’ai commencé à voyager), on se quitte à regrets.
Je m’endors un peu dans le bus retour, et me réveille un peu de mauvais poil. Fatigué, froid, marre. Le fait de se retrouver seuls peut-être, ou tout simplement une réaction à tant de froid en "plein été" ! Il est déjà tard, il fait nuit depuis longtemps. Les distributeurs refusent toujours de nous donner de l’argent. L’auberge est loin à pieds, on glisse sur la neige, on se mouille dans la gadoue.
Soupe déshydratée et yaourt en guise de repas du soir. Le cuistot (pure touch, bonne gueule, barbe de 3 jours, bonnet stylé retenant des longs cheveux, chantant tout le temps) doit sentir mon humeur et mets la BO d’Into The Wild d’Eddie Vedder à fond. On discute musique pendant un bon moment, il hallucine sur mon boulot, trouve que c’est le plus beau du monde. Je retrouve un peu de jus et de sérénité avant de m’abandonner à la nuit.
Mercredi 18 août
Dans le bus matinal en direction de Puerto Natales, on se retrouve à côté de deux français qu’on avait déjà rencontré le temps d’un petit déj à Chiloé, et qu’on avait croisés le long d’un sentier de montagne la veille au Chalten. Vincent et Anastasia, étudiants en médecine, trekkeurs fous. Ils ont déjà passés 4 jours à parcourir le parc Torres del Paine, aux abords de Puerto Natales, énorme tuerie et raison de notre halte, connu pour être l’un des plus beaux au monde. Ils ont un peu triché en prenant l’avion depuis Puerto Montt pour descendre dans le sud, d’où leur relative avance sur nous. Ils disent être venus à bout du fameux "W"(parcours de 4-5 jours de trek à l’intérieur du parc), qu’il est complètement praticable et qu’ils n’ont jamais rien vu d’aussi beau. On est rassuré. La steppe Patagonienne continue de défiler au son de Ghinzu et de tous nouveaux morceaux de Fake Oddity qu’ils viennent de m’envoyer par mail… l’album en préparation va vraiment être énorme. Nouvelle frontière Argentine-Chili. Nord-Sud cette fois. Sacs fouillés, plein de paperasse, nouveaux tampons sur les passeports… qu’Alice garde jalousement depuis le début du périple, refusant que je les touche en dehors des frontières ! Comprends pas…
Vendredi 20 août - Puerto Natales
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