03 août 2010

Premiers pas Chiliens, premières galères…

Lundi 2 aoûtSantiago de Chile

Une année a encore passé.
Une année à mille à l’heure, intense, course infernale avec le temps, stressante et jubilatoire.
Une année comète, d’ivresses et de désillusions, de tensions et de lâchers prises.
Une année de plus aux côtés d’Alice, une présence à mes côtés si pleine de sens, plus que jamais une évidence.
La dernière année aux côtés de Gripoil, fidèle destriers mort au champ d’honneur (l’autoroute A7) quelques jours avant le grand départ.
Une année de vie, d’amitiés, d'instants, d’envies, de projets, de connections…

Et puis un nouveau départ à deux, une nouvelle échappée belle en Amérique du Sud, ouvrant une parenthèse dans le flot imperturbable du quotidien. Après Bolivie et Pérou, destination le Chili, terre de tous les contrastes naturels, fine bande terrestre s’étendant sur 4300 km du nord au sud, longeant l’océan pacifique à l’Ouest et la cordillère des Andes (frontière naturelle avec l’Argentine) à l’Est.
Un nouveau départ des plus… tumultueux.


Vendredi 30 juillet

Notre vol aller est à direction de Santiago de Chile avec une escale à Madrid, décollage prévu 20h40. Il est 2 heures de moins quand ma mère nous dépose à l’aéroport. Les jours précédents ont été sous haute tension, entre nombreux mails professionnels à traiter, décisions à prendre pour les concerts de l’automne pas encore ou mal bouclés, achats de dernière minute, préparations de sacs et gestion de la carcasse de Gripoil (reposant dans un garage viennois). J’ai du mal à me détendre, les vacances me semblent loin encore !

On apprend par hasard que le vol a été avancé à 20h15. Ouf, on avait trop d’avance, c’était stressant. File d’attente au comptoir B16. L’hôtesse d'Ibéria qui doit checker nos billets électroniques semble rencontrer quelques soucis, sûrement rien de grave.

Il est maintenant 19h45, ça fait pas loin d’une heure que Saloa (on a fini par sympathiser), aidée par ses amies spécialistes de l’obsolète logiciel, s’entête à chercher la faille, la ligne de code magique (genre « BR30JULIB3858FILLION23BRK ») nous donnant le droit d’embarquer. Je me dis que je porte vraiment la poisse. On est bons derniers, un talkie leur demande de fermer le vol et de procéder à l’embarquement. Tiens, Sylvain Charrel (pote de collège) et sa douce nous disent bonjour d’un air agacé, leur vol en direction des Canaries est reporté au lendemain. « Yihiii, ouais ! » Cris de joie soudains de la brune et la blonde, qui semblent avoir remporté le combat. Un gros ouf de notre part aussi, on n’y croyait plus. Les bagages sont envoyés sur la piste, et nous dans la salle d’embarquement via le sas de contrôle sécurité, où le gars nous fait croire que le vol est parti sans nous. Finalement l’avion a raté sa fenêtre d’envol (ah bon ?) et le décollage est reporté !

On est quand même presque à l’heure à Madrid et la correspondance se déroule sans souci. La traversée de l’Atlantique dure une douzaine d’heure. La bouffe n’est pas bonne, les hôtesses pas sympas, mais ça ne nous empêche pas de dormir.


Samedi 31 juillet

7h du matin. L’avion atterrit dans un épais brouillard. Les portes s’ouvrent : plus besoin d’autre preuve, on est en plein hiver ! On s’emmitoufle dans nos manteaux dès la récupération de nos sacs de voyage, et on se fraie un passage entre les taximen. Un bus nous conduit en direction du centre. Il fait froid et gris, on peine à voir autre chose que le bord de route derrière la brume. Un français nous conseille de descendre à Estacion Central, on s’exécute. Premiers pas à Santiago à l’aide du Lonely, toujours bien complice lors d'une arrivée à tâtons. Traversée d’une grande avenue bruyante et de quelques ruelles peu fréquentées dans le barrio Brasil, où on élit domicile dans le repère à voyageurs « Hostelling International ».

Une fois arrimés et délestés de nos fardeaux, on part à pieds à la découverte de Santiago de Chile, pour une balade qui va durer toute la journée. Le soleil a fini par se lever et scintille par delà la persistante couche de pollution qui enveloppe la ville. Une ville qui ne brille pas , elle, par une incommensurable beauté : successions de grandes avenues et de bâtiments sans aucune cohérence, du très ancien au très moderne, dans tous les styles, pour le meilleur et pour le pire. Quelques rares quartiers conservent un certain charme, avec des bâtiments bas aux couleurs changeantes et vives, mais les enfilades de façades ne sont généralement pas très heureuses, allant jusqu’à jouxter une petite demeure en pierre de type moyenâgeuse à un immense building couleur crème dans le plus pur style « modern art » des années 70 ! De ça de là, on voit quelques bâtiments délabrés, souvenir du séisme de 8,2° sur l’échelle de Richter qui avait sévi ici même il y a 5 mois. Mais le tremblement ne semble pas avoir détruit de quartier entier de la ville et ses conséquences restent étonnement discrètes.

Il y a plus de vie dans les quelques rues pavées et commerçantes du centre. La Plaza de Armas, entourée d’une grande cathédrale et autres bâtiments officiels et musée, est le théâtre d’une manifestation contre une nouvelle loi anti-terroriste visant les « Mapuches », seule véritable minorité au Chili. Les chiliens ont globalement un style assez latin, assez peu typé comparé aux Boliviens de l’Altiplano. Ils sont habillés plutôt normalement, sans trop en faire. Je remarque pour ma part une bonne proportion de bons vieux métalleux barbus aux T-shirts Helloween et Iron Maiden. Tiens, une affiche de Depeche Mode, ils jouent à Santiago ce soir… ça va pas la tête, hors de question d’aller voir ce groupe faisandé.

On croise un nombre impressionnant de chiens, se promenant dans leur petit pull pour l’hiver. A voir les nombreuses publicités pour compagnons canins et les statues à leur effigie, on comprend la place centrale qu’ils tiennent ici ! Par ailleurs il n'y a pas une rue sans panneau JCDecaux… tout est normal.

Des « étudiants » édentés d'une quarantaine d'années cherchent à nous vendre des poèmes photocopiés de Pablo Neruda à l’entrée du Cerro Santa Lucia, qui s’élève de quelques centaines de mètres au dessus du centre ville. Du haut de ce perchoir, on a une vue sur toute la ville, et on se rend compte que la première impression était la bonne : c’est une grande capitale plutôt dénuée de charme et très polluée. On peine même à voir se dessiner les contours enneigés de la majestueuse cordillère des Andes, trônant bien au dessus des buildings.

Autre promontoire prisé, le Cerro San Cristobal, haute colline très allongée, en haut de laquelle est érigée une statue de la vierge Marie de 14m. On y monte par un funiculaire ultra pentu et flippant. J’allume un cierge en l’honneur de Gripoil. Le nuage de pollution empêche de voir très loin, et les montagnes s’y sont perdues depuis longtemps.

Quartier Lastarria, plutôt huppé, balisé de cafés branchouilles et de bons restos. On est sonné par le décalage horaire. Une grande blonde tenant un micro s’approche de moi avec un caméraman et me demandent si j’accepterai de répondre à une question devant la caméra. « Euh… si, si ». La question : « Comment faite vous pour préparer une nuit de sexe ? ». Bien sûr, je suis à la rue, et bien sûr j’en chie pour baragouiner en espagnol… mais le résultat est ici : www.sexycam.cl !

Dans un bar, on se détend autour d’un verre de délicieux vin chilien qui nous revigore. Diner au resto le Patagonia, truite arc-en-ciel et l’une des meilleures viandes de bœuf qui m'a été donné de gouter, arrosée de… délicieux vin chilien. Merde, on est en vacances. Carla Bruni en fond sonore… on ne va peut-être pas s’éterniser.

Retour à la guest house en metro. On s’endort comme des briques.


Dimanche 1er août

Réveil vers 5h30 du matin… j’arrive finalement à me rendormir de 7h à 10h. Petit déj animé dans la salle à manger, ça parle surtout anglais. Je me connecte sur Internet pour faire un point sur les éventuelles suites à donner au voyage. En me connectant sur le site de LAN (compagnie aérienne Chilienne), et après maintes recherches, je me rends à la triste conclusion qu’il n’y a plus un seul vol disponible pour l’île de Pâques de tout le mois d’août ! On est vraiment dégouté. J’avais entendu dire qu’il n’y avait aucun problème pour trouver des vols, et que c’était moins cher sur place… et non, envolé le beau rêve, on ne tapera pas le carton avec les Moaï cette année. Sic.

Dehors il fait tout gris. Et froid. Dans le Lonely Planet, beaucoup de destinations ne sont pas conseillées l’hiver, plutôt celles du sud, celles où on avait prévu de se rendre hormis l’île de Pâques. L’espace d’un instant, on se demande avec Alice si on n’aurait pas meilleur compte à prendre le premier vol pour le Costa Rica pour rejoindre nos potes Elo et Béni qui y ont ouvert une guest-house bien pépère, sur fond de pêche et de surf ! Ok, je n’aime pas pêcher et ne sais pas surfer.

On se décide quand même à mettre le nez dehors. Centre ville. Dimanche. Pas grand monde dans les rues, il pleut à flots, c’est tristoune. On essaye de positiver, on est en vacances, on est tous les deux ensemble, on va découvrir des endroits merveilleux , on s’aime… mais n’empêche, pas si facile avec cette pluie battante dans cette grande ville sans soleil qu’on ne porte déjà plus dans nos cœurs.

Détour pédestre par le mercado central, grand marché aux poissons qui foisonnent sur les étals de glace. Il y en a de toutes les tailles, toutes les formes, toutes les couleurs, toutes les (fortes) odeurs, sans parler des variétés de coquillages et autres crustacés. Promenade sur les rives du rio mapocho, longeant des cabanons de vente de fleurs et de fruits. La pluie redouble d’intensité et on se réfugie dans un bistro du quartier bellas artes. On y prend un en-cas et un bon expresso, et puis on potasse le guide à la recherche d’une porte de sortie. On ne se laissera pas impressionner, on décide de partir vers le sud, et puis on verra bien ! On se rend en metro jusqu’à une grande gare routière où on achète nos tickets pour Pucòn, à 10h de bus au sud de Santiago.

De retour à la guest house, on décide d’y dîner un « menu du jour » (salade, pâtes, fruit), et un « menu chilien du jour » (la même avec une soupe de fayots - Porotos - à la place des pâtes, 2 fois moins chers). Pour les bons intestins, avaient-ils prévenu. Moi, peur de rien, je m’y suis jeté. Pauvre Alice.


Lundi 2 août

Réveil dans le gaz (hum), vers 6h45, après de nombreux micro réveils à partir de 3h. Encore un matin brumeux. Petit déjeuner dans un petit établissement de la gare routière, et le bus part à l’heure prévue, 8h30. Direction plein sud. Rapidement le soleil fait son apparition, ainsi que la magnifique cordillère des Andes sur notre gauche, les champs verdoyants, les petites maisonnettes jaunes, roses, les troupeaux de chevaux…

La route est bonne, le personnel du bus aux petits soins, et le ciel d’un bleu magnifique. On traverse divers paysages, champs, forêts, collines, avec toujours ces dentelles blanches qui se détachent à l’Est. Grignotage dans les gares routières traversées, beignets de fruits et sandwiches. Et puis de l'excellente musique en bande son pour couvrir le bruit de la télé : Get Well Soon, Arcade Fire, Queens of a Stone Age ou Vampire Week-end subliment les paysages baignés d’un soleil maintenant souverain. Et des regards tendres avec mon amoureuse. On est heureux d’être ensemble dans cette nouvelle aventure, de nouveau certains des bons moments à venir. A l’instant où j’écris, elle vient d’ailleurs de réagir : « Pfoouu, yen a marre ! Ca commence à être vraiment long le bus ! ». Ce que je disais.

Lundi 2 aoûtEntre Santiago de Chile et Pucon / 16h45

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