20 août 2009

Desert de sel, lagunes et geysers volcaniques

Jeudi 20 août - Potosi

Ca y est, j’ai pris un peu de retard. On est déjà à Potosi, et à quelques heures de Sucre, la véritable capitale du pays, où nous logerons ce soir. Et voici enfin livrées nos aventures vécues dans le sud-ouest bolivien. Des paysages désertiques et hors-du temps, des rencontres géniales, les quelques jours les plus envoutants de notre voyage pour l’instant ! Lisez plutôt…

Jeudi 13 août.
Le bus de nuit arrive à Uyuni à 6h du matin, au lieu des 7h prévues (pour une fois c’est dans l’autre sens). On est frigorifié, on n’a quasiment pas fermé l’œil. Le bus (semi-cama) n’était pas si inconfortable, mais la route tellement pourrie (surtout la dernière partie avec seulement des pistes terreuses et cahoteuses), l’habitacle tellement froid (les vitres sont complètement givrées à l’arrivée, il doit faire quelques degrés en dessous de 0), et l’odeur tellement immonde (un délicieux parfum de putrescence parfumait le véhicule) qu’on est pas aussi frais que prévu. Il est tôt, tout est fermé, il fait glacial. On cherche un hôtel recommandé par le Lonely, sans grand succès. On finit par rentrer dans un petit hôtel un peu pourri mais ouvert, central et pas cher. La chambre est froide (pas chaleureuse) et froide (pas chaude), ça ne nous empêche pas de nous glisser dans nos sacs de couchage sous les couvertures, et de dormir les quelques heures qui nous manquent pour reprendre pieds.

Au réveil on est encore un peu assommé, on a encore eu froid dans cette chambre humide sans le moindre pet de soleil. Dehors, par contre, c’est le gros beau temps, avec un ciel très bleu et un soleil très jaune (lire qui cogne). Depuis notre arrivée en Bolivie, on n’a quasiment pas vu l’ombre d’un nuage à l’horizon, alors qu’au Pérou on n’a pas eu un jour sans nuages sombres, voire un peu de pluie. Dès le passage de frontière vers Copacabana, les nuages se sont totalement éclipsés !

On commence à avoir faim. On se pose dans l’un des nombreux restos de la place principale, à l’étage, où on commande des plats et des boissons. Les boissons arrivent, les plats non. L’attente se fait pesante, mon estomac crie. La télé est à fond, et la radio aussi, en même temps ! Des infos sur le meurtre d’un policier à la télé, suivi de musique folklorique andine, pendant que la radio diffuse du Nirvana et du Smashing Pumpkins ! Au boût de 45 minutes je demande à la meuf ce qui se passe, elle me répond « La cuenta ? » (l’addition ?). Elle avait oublié notre commande de bouffe. On la reprend, il n’y a plus ce qu’on voulait. On termine avec deux plats de spaghettis bien gras et bien pas bons qu’on s’enfile vite fait, pas bien contents.

Le café en terrasse qui suit est plus sympa. Des chansons en français sont diffusées à fond, aucune idée de ce que ça peut être. Le gars nous assure que c’est du Manu Chao, moi je suis sûr que non. Ca chante avec l’accent gouailleur parigot, des chansons aux refrains bien français : « Les chiens ont soif les pigeons volent », « Dans mon jardin », « La valse à 5 temps » ou encore « Francine et Ginette ». Ma théorie : un touriste faisant des chansons dans sa cave lui a filé son CD, et il doit être loin de se douter que sa musique passe toute la journée (en boucle, à chaque fois qu’on repasse) sur la place d’Uyuni en Bolivie !

On passe ensuite un bon moment à essayer d’organiser notre tour du sud ouest. La petite ville regorge d’agences de voyages, on ne sait pas laquelle choisir. Toutes proposent exactement les mêmes tours (selon le nombre de jours souhaités), aux mêmes prix. Malheureusement, peu de voyageurs partent pour 4 jours (ce qu’on souhaite faire), et on est sûr de partir que si le 4x4 est plein (6 passagers). On demande au hasard à des « backpackers » dans la rue pour organiser un truc ensemble, sans succès.

La ville a un peu une allure de bout du monde, un peu western, avec plusieurs grandes rues qui se croisent perpendiculairement, des petits bâtiments couleur terre et le soleil, toujours le soleil. L’une des rues est transformée en marché. On s’y achète des gants en laine, un collant chaud pour moi… les nuits ici sont assez inhospitalières. Et puis on voit l’église. On a le contact d’un prêtre français qui officie dans la paroisse d’Uyuni ! C’est « padre pedro », un ami d’Ulla (elle-même amie de la famille d’Alice vivant en haute-Savoie), qui nous a filé ce contact. Il a lui-même officié en temps que prêtre à Potosi pendant 20 ans. A la réception de la paroisse, on demande Jacques Chenal. Il nous accueille dans un petit salon, très sympa, 45 ans environ, pas trop l’air d’un prêtre (ça aide). On boit une tisane en parlant de la Bolivie, de notre voyage, de son travail ici. Ils sont trois prêtres à vivre dans la paroisse, il nous raconte les différences avec la France, les journées cool, l’absence d’agenda nécessaire, les approximations dans les horaires des transports publics,… il a l’air bien tranquille ici. Il nous parle aussi des mélanges naturels entre les croyances des boliviens : ils sont tous immergés de traditions andines, vénèrent la terre de Pacha Mama, tout en allant naturellement à l’église et priant le Christ et la vierge Marie (qu’ils confondent avec Pacha Mama du coup). Ils nous parle du mode de vie ici, nous conseille sur le tour qu’on s’apprête à faire. Du coup il va être 18h et on doit prendre une décision, on ressort en direction de Blue Line Service, une agence qui nous tente.

Là-bas on nous dit de laisser tomber, personne ne s’est inscrit pour le circuit de 4 jours. En sortant, on croise un couple d’espagnols (basques) exactement dans notre cas, qui a passé la journée à chercher un tour de quatre jours pour le lendemain ! On s’inscrit ensemble, il ne reste que 2 personnes à trouver avant le lendemain matin 10h, et l’agence semble convaincue d’y parvenir. Soulagé, on retourne voir Jacques dons son salon paroissial.

Cette fois la discussion tourne politique. Je lui pose pas mal de questions sur Evo Morales, si les boliviens continuent de le suivre, qu’est ce que son élection a véritablement changé en Bolivie. Rappelons que Morales est le premier « indigène » à avoir été élu président de Bolivie, avec le soutien de tous les paysans et de toutes les minorités d’origine indienne, qui sont très fiers d’avoir l’un d’entre eux à leur tête. Il dirige le MAS (Movimiento por Socialismo), parti de gauche, très lié à Hugo Chavez au Venezuela. En arrivant ici, j’ai l’image d’un pays progressant grâce à lui, luttant avec tous les pays du « MercoSur » contre la main-mise des Etats-Unis sur l’Amerique latine, donnant des perspectives sociales fortes, ayant nationalisé les hydrocarbures, poussant le syndicalisme, luttant contre les corruptions des régimes précédant, proche du peuple. Bref, j’idéalise un peu le personnage et sa politique. Jacques nous dépeint un tableau beaucoup plus nuancé de la situation : télé d’état à la seule gloire du président, interdiction d’exercer aux journalistes opposants, corruption avérée de tous ses proches, ratification d’une nouvelle constitution sans aucune discussion, rien qui change dans la vie des boliviens au quotidien, aucune décision sociale forte. Les routes restent en piteux état, l’éducation et la santé n’ont toujours pas de bonnes infrastructures, les familles doivent tout payer. Il a mis en place des « bons », argent distribué aux écoliers, aux vieux, à tel corps de métier, mais sans réelle vision sociale forte, selon lui. En allant plus loin, il va même jusqu’à supposer (des amis à lui en sont persuadé) que le pouvoir en Bolivie reste une lutte de quartels de narcotrafiquants, sachant que la plus grande partie de la maigre richesse bolivienne provient du trafic de drogues. Autre fait avéré : Evo Morales aurait accepté de ne pas nationaliser une entreprise minière à côté d’Uyuni en échange d’actions dans l’entreprise. Si tout ce qu’il raconte est vrai, ce n’est donc qu’un homme politique comme les autres et il tombe du piédestal sur lequel je l’avais élevé. Selon Jacques, le peuple est toujours derrière lui (surtout le monde paysan, très nombreux) et sa réélection en décembre prochain semble certaine, mais les habitants de villes ont de plus en plus de ressentiments contre lui et sa politique. Les gens semblent le considérer comme un dieu vivant ou comme un homme à abattre, pas trop de nuances ici ! En tout cas la discussion est très intéressante, on a de la chance de pouvoir partager avec quelqu’un vivant ici. Pour ceux que ça intéresse Jacques fait lui aussi un blog : http://potosi.over-blog.com/. On finit quand même par aller se coucher en le remerciant pour ce moment passé.

On tombe sur un petit resto sur la place, un truc assez touristique où on mange moyen et cher. On s’en fout un peu, on n’a qu’une envie, c’est dormir.

Vendredi 14 août. Tour du Sud-Ouest - Dia 1

Lever 8h. On a eu moins froid que la veille, et la douche est abondante et chaude. On prend le petit déjeuner à la terrasse de l’hôtel, sur la place, au soleil. On se pointe à « Blue Line Service » vers 10h, les basques (Ibon, 34 ans, et Loréa, 35 ans) sont déjà là, ainsi qu’un français (Marc, 37 ans), qui vient compléter le véhicule. Ce dernier arrive tout juste de La Paz du matin, où il arrivait tout juste de Paris la veille au soir ! Entre le décalage horaire, le froid dans le bus de nuit et l’altitude, il ne semble pas plus frais que ça. On va partir à 5 passagers, et il est prévu qu’on passe en prendre un 6ème (qui ne part que pour trois jours) le lendemain sur le trajet. Le tour a donc bien lieu ! Avant le départ, on discute un moment avec Henri Jose, un jeune guide bien cool (qui part malheureusement avec un autre tour) avec qui le contact passe très vite. Discussion autour d’Evo Morales, il dit lui aussi que les prochaines élections sont faites d’avance, mais que les mécontentements se font sentir dans les villes. En allant plus avant dans la discussion, on apprend qu’il va venir vivre quelques temps chez des amis à Lyon d’ici 3 mois ! On s’échange évidemment nos adresses mail pour s’y croiser et tomar algunos « bières » (en français dans le texte).

Nos « mochillas » sont attachées sur le toit du 4x4 (Toyota Landcruiser, immatriculation « 948 BAG »), chacun est à sa place. Notre conducteur s’appelle Edgar, la quarantaine souriante, il nous salue chaleureusement, nous dit qu’on va passer 4 jours ensemble, qu’il va falloir se supporter mais qu’on devrait y arriver. Il a l’air bien fun, c’est parti.

Première étape, au sud de la ville : le cimetière de trains. Des carcasses de métal datant de la fin du XIXème siècle recouvrent une plaine désertique. Uyuni était à l’époque la ville par laquelle tous les trains passaient, le plus grand croisement ferroviaire de Bolivie. Ils servaient au transfert des minerais (principalement de l’argent) en provenance de Potosi, mais aussi d’autres mines avoisinantes, nombreuses dans le sud-ouest bolivien. Les trains sont laissés depuis 1926 à l’abandon ici, dans cet espèce de musée à ciel ouvert témoignant de cette époque révolue. La Bolivie n’est effectivement plus le pays minier par excellence, comme il a pu l’être. Des morceaux de taule jonchent le sol en vrac, et les nombreuses carcasses de wagons rouillés se suivent sans se ressembler. On peut grimper dedans, s’y accrocher, passer de l’un à l’autre. Endroit singulier.

On repart jusqu’à Colchani, petite ville bordant le Salar (pas encore à portée de vue). C’est ici qu’est installée la plus grande activité de transformation et d’empaquetage du sel provenant du salar. Le sel est amené là très humide, il passe deux jours à sécher au soleil avant d’être déposé au dessus de four chauffés au quiñas (combustible local). Les gros morceaux secs sont ensuite moulinés et mélangés avec de l’iode, puis empaqueté par paquets d’un kilo. Chaque jour, 3000 Kg de sel sont ainsi confectionnés et prêts à être vendus dans toute la Bolivie. A côté de cette petite usine, une autre fabrique des blocs de sel servant à la construction de bâtiments, et un petit marché vend des objets issus de l’artisanat local, à base de sel, bien sûr.

Encore quelques km, et nous foulons enfin le fameux Salar d’Uyuni. Cette majestueuse étendue de sel recouvre une superficie de 3500 km², avec une profondeur de 76m de sel et de 120m en tout (en comptant l’eau souterraine). Pour la petite histoire, le lac Minchin recouvrait tout le sud-ouest bolivien il y à 40000 à 25000 ans. Il s’est évaporé, laissant l’endroit sec pendant 14000 ans avant l’apparition du lac Tauca, qui ne laissa 1000 ans plus tard que 4 souvenirs : les lacs Poopo et Uru, et les concentrations de sel de Uyuni et de Coipasa.

On ne voit bientôt plus que du blanc à l’horizon, à 360°, on se croirait sur une immense étendue de neige. C’est absolument éblouissant, au sens figuré comme au sens propre, avec le soleil se reflétant sur le blanc de toute sa puissance. On s’arrête à côté de poches d’eau thermales, gazeuses, excellente pour lutter contre les rhumatismes selon Edgar.

On déjeune dehors, avec la vue sur le blanc sans fin, à côté d’un petit hôtel de sel, renfermant lui-même des sculptures en sel en forme d’animaux ! Edgar nous prépare de la viande de lama accompagnée de quinoa et de petits légumes : délicieux. On passe un moment à profiter de l’absence de tout élément indicatif de distance dans les environs pour faire des tas de photos irréelles entre des éléments lointains mais semblant au même niveau sur les photos. On commence à bien faire pote avec Loréa, Ibon et Marc. Les basques voyagent depuis 2 mois sur un voyage total de 6 mois, et Marc, plutôt branché montagne, a quelques 3 semaines de vacances qu’il veut passer dans les hauteurs de la cordillère des Andes ! Il a lui-même effectué un tour du monde d’un an entre 2000 et 2001.

C’est reparti pour une longue traversée du salar, tout bonnement irréelle. On roule sur la glace, sur les nuages, en n’apercevant au loin que des sommets montagneux qui surgissent d’on ne sait où. On a beaucoup de mal à évaluer les distances et Edgar nous assure que certains d’entre eux sont séparé par plus de 100 Km. Il nous dit aussi que tomber en panne au milieu du salar peut être mortel : aucune route n’est dessinée, chaque m² du salar étant carrossable, et il se peut qu’aucune voiture ne passe par le même chemin pour porter assistance à un véhicule, qui peut être extrêmement loin d’une quelconque sortie ou d’une quelconque habitation. Tous les chauffeurs ont le devoir de faire un crochet s’ils voient un véhicule est à l’arrêt. Ici le soleil règne en maître absolu, il est omniprésent. Il est presque impossible d’enlever ses lunettes de soleil, avec lesquelles le blanc immaculé prend par instant des teintes tour à tour grises ou vertes. En s’arrêtant au milieu du rien, on peut voir les formes hexagonales des milliers de plaques de sel, comme des alvéoles blanches s’étreignant à l’infini. Quand il pleut, Edgar nous explique que l’eau peut dépasser les 70 cm de hauteur sur tout le salar, le transformant en formidable étendue d’eau sur lesquels se reflètent les nuages, on a alors l’impression de rouler dans le ciel. Edgar n’arrête pas de faire des blagues pourries, du genre il a oublié la bouffe et on ne pourra pas manger pendant 4 jours, ou encore il fait semblant de tomber en panne en faisant cahoter et s’arrêter la voiture au milieu du désert. Puis il prend un fou rire et repart. Quand il nous parle il se retourne en lâchant le volant et en continuant de rouler à fond… il s’en fout, peu de chance qu’il sorte de la route ! Il se repère seulement aux sommets environnants pour garder le cap souhaité.

On sort du salar par le nord, au pied du volcan Tunupa. La zone est d’abord un peu marécageuse, avec des dizaines de flamands roses y ayant élu domicile. Un peu plus loin, un pâturage de lamas et derrière, un chemin menant à un petit village en pierre. On s’y installe dans un bâtiment de sel très accueillant, sorte d’auberge pour voyageur à la déco un peu kitsch dont la salle à manger donne une vue splendide sur le salar en contrebas. Au dîner, une bonne soupe de légumes et un plat bien costaud mélangeant pommes de terre, viande, œufs, tomates et oignons. Dehors, les étoiles sont magnifiques. On tombe sur Marco, pote d’Edgar et maître des lieux, à qui on pose des questions sur le ciel. Il nous propose carrément de le suivre pour observer le ciel avec son télescope, installé un peu plus loin à côté du village !

Là bas, plus aucune lumière ne vient gêner l’observation. La voie lactée est hallucinante. Je connais ma propension à exagérer, mais là je suis formel : je n’ai JAMAIS vu autant d’étoiles de toute ma vie. On observe Vénus au télescope et ses anneaux rouges. Et puis on reste béats devant la majesté du ciel. D’autant plus que c’est un ciel parfaitement inconnu pour moi : l’hémisphère sud ne donne pas à voir les mêmes étoiles que l’hémisphère nord ! Du coup je me sens un peu perdu. Marco nous montre « La croix du Sud », « La Queue du Dragon », nous parle des « Trois Vierges », pas encore levées. Génial. Pendant ce temps, Edgar tourne le tourne le télescope et se met à crier : « Un missile, un missile arrive droit sur nous ! ». Sacré Edgar.

C’est la tête pleine d’étoile qu’on va tous se coucher dans l’auberge, après une journée remplie de tant de belles images qu’on a du mal a croire que ça n’a été le fruit que d’une seule journée. Il en reste trois.

Samedi 15 août. Tour du Sud-Ouest - Dia 2

A 6h, ça frappe à la porte. C’est Marco qui nous réveille à cette heure là pour qu’on s’habille aussi vite que possible pour venir admirer la lune ! Elle est décroissante, on n’en voit plus qu’un petit tiers. Elle se lève vers 3h du matin, elle n’était donc pas là lors de la session d’observation nocturne. On sort tous aussi vite que possible. L’aube se lève doucement, mais il reste suffisamment d’obscurité pour pouvoir admirer les cratères de l’astre lunaire. A côté, Jupiter s’est levé aussi, et Vénus a changé de sens. On a vraiment de la chance d’avoir posé des questions sur le ciel, Edgar lui-même ne savait pas que son pote possédait un télescope !

On petit déjeune avec des beignets bien gras trempés dans du Nescafé. On est fin prêt pour l’ascension du volcan Tunupa.

Edgar nous dépose quelques 3 km plus haut et nous ouvre une grotte (l’entrée est protégée par un cadenas) dans laquelle on découvre plusieurs momies, deux adultes et deux ou trois enfants, extrêmement bien conservées dans la sèche obscurité du lieu. En sortant, l’ascension peut commencer. Il est 8h et Edgar nous donne RV à l’auberge vers 11h30. Si on se perd, il nous conseille d’écrire notre problème sur un papier et de le lancer le plus loin possible avec une pierre, en attendant que quelqu’un le trouve et vienne nous chercher. Rassurant.

On commence à 4000m d’altitude. On suit un chemin de crête pas trop raide mais qui grimpe bien quand même, le long de petits murets de pierre servant probablement à délimiter les terrains de culture de quinoa, qui recouvrent les flancs bas du volcan. On arrive au premier mirador après une heure de marche, à 4360m d’altitude. La vue sur le salar commence à être complètement magique. Les montagnes environnantes grignotant sur l’étendue de sel, on a l’impression qu’elles surgissent d’un océan de nuages. La robe du volcan passe du rouge au blanc en passant par le rose, des couleurs qui n’existent pas sinon dans les contes. On a l’impression de gravir un paysage de légendes. On aperçoit quelques « Viscachas » courir entre les pierres, des espèces de lapins avec une tête de kangourou ! On continue l’ascension, ça devient plus raide et demande plus de concentration, avec des pierres de plus en plus bringuebalantes. Alice est crevée, elle nous attend à mi-chemin, sur la crête. Marc a carrément pris un autre chemin, celui-ci semblant un peu facile pour un alpiniste ! On n’a pas vraiment le droit de gravir le volcan et d’arriver jusqu’au cratère, mais juste de grimper en haut d’un petit sommet attenant. Mars semble s’en balancer. On est donc trois avec Ibon et Loréa à se retrouver au sommet du second mirador. On est à 4800m. 800m d dénivelé en 2h, avec cette altitude, ça n’est pas rien, et on est à bout de souffle. Le point de vue est encore plus féérique que le précédent, on voit le désert de sel qui s’étend dans toutes les directions, à perte de vue, au pied du volcan. Sublime.

La redescente est un peu longue et nécessite une bonne concentration pour ne pas se fouler la cheville sur un caillou branlant. On récupère Alice en chemin, mais aucune trace de Marc. On arrive jusqu’en bas, là où nous a déposé Edgar, et il nous reste encore 3 km de sentier pour arriver à l’auberge. Les basques ont pris une longueur d’avance, mais on parvient à faire du stop avec Alice et on leur fait des grands signes en passant à côté d’eux dans un 4x4… eux tirent un peu la gueule. A midi tout le monde est là, sauf… Marc. On parle à Edgar du fait qu’on l’a perdu dans la montagne, il prend une tête très sérieuse : « Donde esta Marc ? » (où est Marc ?), ne cesse-t-il de répéter. A chaque fois qu’il passe devant moi, il fait mine de pleurer sur mon épaule : « Donde esta Maaaaaaaarc ??? ». Puis il me regarde et explose de rire. Vers midi et demi, une heure après le RV, on a finit de manger (une bonne purée maison avec un plat de saucisses en rondelles et en sauce), toujours pas de nouvelle, on commence à s’inquiéter. Il finit par arriver à 12h35, sur le toit d’une voiture… il a bien gravit le volcan jusqu’à son cratère, et il avait mal compris le lieu et l’heure de RV, vu qu’il ne comprend pas tout en espagnol ! J’essayerai de bien tout traduire par la suite.

Marc ne prend pas même le temps de manger et on est reparti ! Après avoir à nouveau emprunté le salar en direction du sud sur une cinquantaine de km, la jeep s’arrête à côté de l’isla Incahuasi. Outre le fait qu’elle soit la seule bande de terre sur des km à la ronde, cette « île » vallonnée au milieu du sel est aussi recouverte de centaines de cactus géants ! On grimpe sur ses petites collines envahies de cactus, avec une vue à 360° sur le salar, on la sillonne de part en part. Encore un lieu bien pittoresque et envoutant. C’est ici qu’on doit récupérer celui qu’on appelle tous « le 6ème passager ». Très mystérieux. D’après la première note parvenue à Edgar, il devait être australien et s’appeler Rodrigo Ramirez ! Puis une seconde note stipule une certaine Andrew d’Angleterre. Andrew s’avère être un homme, évidemment, un bon vieux londonien, roux, évidemment. Pas évident d’arriver dans un groupe qui commence à se connaitre et à rigoler à longueur de temps sur des « running gags ». Il a l’air assez calme, ne parle ni espagnol (ou très peu) ni français (ces deux langues étant les plus parlé dans l’habitacle), et lit « Le labyrinthe de la solitude ». Pas gagné.

On repart un peu plus serré, cette fois en direction de la sortie sud du salar. Sur notre droite, la cordillère des Andes crée une frontière naturelle avec le Chili, regorgeant de volcans (pas en activité). On fait une pause au milieu du désert pour faire une dernière série de « photos débiles », tout le monde mettant du sien pour trouver des idées plus débiles que les précédentes (et on s’en sort bien). On finit par dire au revoir à l’étendue blanche, non sans regret.

Le chemin est maintenant en terre. Après quelques km de route bien pourave, à croiser des troupeaux de « bicuñas » sauvages (plus petits, moins poilus et plus rapides que les lamas, mais de la même famille), on arrive à St Juan, un petit hameau perdu, habitation esseulée au milieu de rien. Alentours, un paysage de far west « tibétain » : des montagnes bien rêches, des sentiers allant nulle part, du sable et des cailloux.

L’ambiance n’est pas bien à la rigolade ici, on se fait accueillir de manière assez austère par les hôtes des lieux, qui ne laissent pas échapper le moindre sourire malgré des tentatives de dialogues polies et drôles (hum) de note part. Un autre groupe débarque dans les lieux, eux non plus n’ont pas l’air de bien rigoler, on est vraiment bien tombé. On s’efforce quand même de discuter un peu en anglais avec Andrew. On doit payer pour avoir de l’eau chaude, et une fois allumée il faut la laisser couler… du coup on fait tous la queue devant la douche et dès que l’un sort l’autre fonce tête baissée sous le jet. On se dépêche, on n’est pas sûr qu’il y en ait pour tout le monde. Ca fait un bien fou. Dehors il fait en dessous de 0°. Une bonne soupe, un bon plat mélangeant tous les féculents possible (pâtes, riz et frites) et sources de protéines (viande et œufs…), et puis on achète des bières pour faire glisser le tout dans la bonne humeur, avant d’aller se coucher dans une chambre rien que pour nous avec Alice, dans le No man’s land de St Juan.

Dimanche 16 août. Tour du Sud-Ouest - Dia 3

Réveil à 7h, petit déj rapide, on décolle à 7h30 de St Juan. On a encore une longue journée de route vers le sud, jusqu’à la laguna colorada, autre merveille promise de ce tour du sud-ouest. En fait c’est une journée presque entièrement sous le signe des lagunas. Une lagune, c’est un lac, mais en moins profond. Enfin je crois.

Le paysage est semi-désertique, toujours très far west. Notre première sortie de voiture a pour objectif d’admirer le colossal volcan Tapacilcha, qui s’élève à 5800m d’altitude à quelques km de nous. En semi-activité, ce volcan dégage quelques fumerolles qui se dispersent au gré du vent. Un vent qui souffle de plus en plus fort. La lune, presque imperceptible, se cache dans le ciel, juste au dessus.

Je prends une photo d’Egar en train de pisser un peu plus loin. Très solennel, il me conte la malédiction du pipi : « celui qui prendra en photo Edgar urinant verra sa carte mémoire de photos reformatée ». Et merde. De mon côté, je lui fais croire qu’avec Alice, on fait partie d’une secte dont le but est de découvrir le corps momifié d’Elvis Presley dans le désert. On porte tous les deux le même T-shirt « Dig Up Elvis » (le groupe rock de Julien Doré), avec Elvis dessiné en squelette dessus. Connerie sur connerie.

On papote sans arrêt dans le véhicule, l’ambiance est top. Edgar nous raconte qu’un pote à lui a fait un tour du salar avec Leonardo Di Caprio. Délire. Et puis on parle un peu politique bolivienne : pour lui, Evo Morales n’a pas eu assez de temps pour faire ce qu’il voulait, et son prochain mandat risque d’aller plus loin dans les réformes. Tout en ayant pas mal de recul, il souhaite le voir reconduire, et trouve que beaucoup d’efforts ont déjà été faits en terme de construction de routes, d’électrification des villages reculés (c’est notamment le cas dans le sud-ouest que nous traversons), de prémice de système de retraites, d’augmentation du salaire de base (passé de 450 Bs = 45 € à 800 Bs = 80 € environ, ça reste très bas), de représentativité des classes pauvres, etc. Un autre témoignage qui me redonne un brun d’espoir.

Nouvelle pause. On est au bord de la Laguna Cañapa, à 4105m d’altitude. On est complètement seuls, pas une seule autre jeep à l’horizon (c’est loin d’être toujours le cas). Cette lagune est habitée par une centaine de flamands roses à la robe pimpante. Derrière, des montagnes aux couleurs terre, vert et ocre. Au dessus, le ciel, d’un bleu allant du clair au très profond en regardant à la verticale. Le mélange entre paysage désertique, désolation et magnificence de toutes ces couleurs qui se superposent est saisissant. On croise même des perdrix !

Nouvel arrêt, nouvelle lagune : la Laguna Onda. Edgar se demande où peut bien se trouver la laguna Toyota (haha). Il nous dépose pour qu’on profite de la promenade à pied le long de l’eau, et part plus loin nous faire à manger. Le spectacle est sensiblement le même qu’à la lagune précédente, mais on ne s’en lasse pas. Des flamands roses par centaines qui filtrent l’eau, volètent, animent ce paysage du bout du monde.

On rejoint Edgar, qui a dressé une table dehors. Le vent souffle encore plus fort, on se sert de pierres pour empêcher la nappe de voler. Milanesa de pollo (filet de poulet pané), pâtes ET patates (comme d’hab). Un renard l’air tout perdu et claudiquant sur trois pates pointe son nez, on lui file nos restes, il vient manger juste à côté de nous, pendant que des mouettes (Alice pense que ce ne sont pas des mouettes, mais appelons-les comme ça) essayent de piquer aussi quelques bequetées.

La route est de plus en plus cahoteuse et terreuse, le paysage de plus en plus désertique. On s’arrête devant un nouveau spectacle naturel : des pierres volcaniques disséminées dans le désert (ça y est, on est entouré de sable) et prenant des formes incongrues avec leur érosion millénaire. On y trouve notamment le fameux « arbre de pierre », qui ressemble plus selon moi à une girolle de pierre. On se promène un moment entre ces formes érodées mystérieuses, dans un décor sujet à de grandes bourrasques de vent qui nous aveugle régulièrement les yeux de sable tournoyant. Un vent de plus en plus glacial.

On tente tant bien que mal de se réchauffer dans la voiture. La route est longue mais on finit par arriver au but de la journée : la fameuse Laguna Colorada. Je dis fameuse mais je ne connaissais pas son existence avant ce voyage. Elle semble pourtant connue, elle fait partie de la liste encore en lice des 7 nouvelles merveilles du monde ! Je dis encore en lice car il y a en ce moment même des élections (!) pour définir ces 7 nouvelles merveilles. On peut voter ici : http://www.new7wonders.com/.

Bon, et franchement on peut voter pour elle. La laguna colorada est une immense lagune, à 4278m d’altitude, dont la profondeur ne dépasse jamais 80 cm et surtout, de couleur disons rouge rouille. Sa coloration provient des algues et du plancton qui prospèrent dans des eaux riches en minéraux. On y voit encore des centaines de flamands roses, de trois espèces différentes. On est vraiment dans un lieu riche en toutes les palettes de couleurs, plus encore que précédemment. De bas en haut, de la terre marron, des touffes de plantes vertes, un dépôt blanc le long de la rive, l’eau bleue, puis l’eau qui devient rouge, les flamands roses, les reflets dorés du soleil, du gel blanc qui recouvre une partie de l’étendue, des montagnes terreuses et ocres au sommet grisonnant et neigeux, et puis le ciel immense passant par tous les bleus. On a l’impression d’une image photoshop absolument pas crédible !

On finit par quitter cette vision folle pour se rendre au lieu de repos, quelques km plus au sud. Tout le monde nous a prévenu : on risque d’être exposé à des températures allant de -20° à -30°, dues aux vents glaciaux qui soufflent la nuit dans cette région hostile ! On est prêt. Le bâtiment est très sommaire. Pas d’eau chaude, pas d’électricité, et on dort à 6 dans le même dortoir (ça, c’est plutôt sympa). Pour se réchauffer, on achète 3 bouteilles de vin (bolivien et chilien) qu’on se partage en trinquant avec force conviction, à l’instar des autres tablées alentours (on est assez nombreux ici) qui n’y vont pas de main morte non plus. C’est notre dernier soir ensemble, et l’alcool tente de refouler la pensée du départ. Les langues se délient bien et les discussions partent dans tous les sens, et surtout dans tous les pays. On parle de voyages, de façon de voyager, de tous les continents, de la difficulté de revenir au monde « normal » après une coupure d’un an à parcourir le monde. Marc, qui est consultant financier, nous raconte à quel point il était difficile pour lui de comprendre l’intérêt de « tout optimiser », à la moindre virgule, au retour de son périple. Andrew vient de voyager 6 mois, il repart dans 10 jours et déprime déjà. Les basques parlent de leur itinéraire prévu pour les 4 prochains mois… moi ça me fait complètement rêver, cette discussion est presque dangereuse !

On finit par tous s’emmitoufler dans des couches et des couches pour lutter au mieux contre la rudesse du climat, et on s’endort encore plein d’images dans la tête, qui continue à voyager.

Lundi 17 août. Tour du Sud-Ouest - Dia 4

Ibon nous réveille tous à 5h. La nuit n’a pas été aussi froide qu’on nous l’avait prédit et on se réveille presque transpirant sous nos multiples couches. On se dépêche d’empaqueter nos affaires, un petit pipi, et hop dans le « 948 BAG ». Il fait encore nuit noire, on a des millions d’étoiles pour seule compagnie, et puis la lune, qui se lève juste, petite virgule reprenant son cycle de croissance.

Le calme relatif règne quand même dans le landcruiser, je somnole un peu en regardant le spectacle à travers la fenêtre. Réveil soudain. On est arrêté juste à côté d’un grand geyser de fumée qui sort puissamment du sol à la verticale. On sort, il fait glacial. L’aube commence à pointer au loin. Tout autour de nous, il n’y a que désolation volcanique et fumée sortant du sol, et puis ce geyser d’où surgit une vapeur chaude (on met les mains devant pour se réchauffer) qui empeste le souffre. Au réveil, ça fait bizarre, on a l’impression d’être dans un film post apocalyptique à la John Carpenter. On rentre dans la voiture aussi vite qu’on en est sorti, il fait vraiment trop froid. Dix minutes plus tard à peine, rebelote, il faut ressortir. Cette fois plus de gros geyser, mais des dizaines de fumerolles chargées d’odeur sulfureuse, sortant d’autant de petits cratères bouillonnants d’un liquide saumâtre. Je me perds entre les cavités fumantes, je ne me sens définitivement plus sur terre. Le « Sol de Mañana » (c’est le nom de ce lieu) est à 4850m d’altitude, et il y fait pas loin de -30°, ce qui rajoute encore à la fascinante inhospitalité de ce paysage de science-fiction. De retour dans le 4x4, impossible de se réchauffer, on a tous les orteils gelés. Ca recommence quand même à déconner avec Edgar.

Il n’est pas loin de 9h quand on s’arrête à nouveau, et le soleil a déjà pris un poil de hauteur. On est cette fois stationné à côté d’une source thermale d’eaux chaudes ! Le soleil a commencé à réchauffer l’atmosphère et il ne doit plus faire très loin de 0°, pour autant l’envie de se dépoiler dehors n’a absolument rien de naturel. Le bassin est fumant et 2 ou 3 personnes baignent déjà dedans en nous disant de venir les rejoindre, que c’est le bonheur. Crédules, on se change tous en quelques instants (et en criant) et on saute dans le bassin. L’eau doit être autour de 30-35°, c’est effectivement le bonheur. Dedans, on est tellement entouré de vapeurs que même la température extérieure parait agréable. Mes pieds me brûlent, passer de l’état congelé à très chaud leur fait tout bizarre. Certaines personnes ont même du mal à entrer dans l’eau, ils y vont cm par cm, comme si l’eau était glacée ! Malheureusement Alice n’a pas prévu de maillot de bain ni de vêtements de rechange (dans le sac, sur le toit de la voiture) et préfère ne pas se baigner. Moi je suis aux anges. Le soleil continue de monter, éclairant les montagnes et les volcans alentours, alors que je me prélasse dans cette baignoire extérieure naturelle en profitant du spectacle. Au bout d’une vingtaine de minutes, Edgar nous convie pour le petit déj, et sortir de l’eau s’avère plus difficile encore que d’y rentrer ! On se change à toute allure, mes cheveux gèlent immédiatement, ainsi que l’eau des serviettes et des maillots dès qu’on les pose pour les faire sécher.

Après un bon petit déjeuner en intérieur à base de gâteau bourre-bourre et de « smacks » locaux au yaourt liquide, on est bien ragaillardi, l’eau thermale nous donne l’impression d’être réchauffé pour la journée. On continue notre route vers la pointe sud-est du pays, dans un environnement toujours très désertique. On aperçoit bientôt les trois volcans bordant la frontière chilienne, dont le Licancabur, haut de 5960 m et dont le sommet abriterait une ancienne crypte inca. A ses pieds, le magnifique lac à la robe verte, appelé « Laguna Verde ». En vérité trop profond pour être une lagune, on ne va pas chipoter, on est quand même dans le pays des lagunes, merde. C’est une importante concentration de carbonates de plomb, de souffre, d’arsenic et de calcium qui donne cette coloration à l’eau du lac, en plus du vent glacé fouettant en permanence sa surface, mettant en valeur sa brillante écume. Autant dire qu’il n’y a aucun signe de vie dans ce lac toxique, et qu’on n’a pas intérêt à s’y baigner. Mais c’est beau, et avec le volcan au sommet rouge et blanc derrière, il se dégage une fois de plus un florilège de couleurs.

Encore quelques kilomètres au sud, et nous voilà à la frontière chilienne. C’est ici qu’on dit au revoir à Loréa, Ibon et Andrew, qui se rendent tous trois à San Pedro de Atacama au Chili. Beaucoup de voyageurs choisissent cette option pour quitter la Bolivie et continuer sur les hauteurs chiliennes. Bien sûr on s’échange nos mails, bien sûr on se dit au revoir chaleureusement, bien sûr on s’invite les uns les autres à l’occasion. C’est donc amputée d’une moitié que la joyeuse compagnie repart vers le nord. Et à peine quelques km plus loin, c’est Marc qu’on va déposer à son tour au pied du volcan. Il va lui aussi partir en direction du Chili, mais ne voulait pas s’y rendre avant d’avoir gravi le Licancabur. Accolades renouvelées.

L’habitacle est maintenant bien triste, on n’est plus qu’Alice, Edgar et moi pour le long chemin du retour jusqu’à Uyuni. Un bon point, on est beaucoup plus confortable. Alice se pose sur la banquette arrière et moi devant avec Edgar, alors qu’on était jusque là toujours coincés tout derrière, au niveau des roues, sans grande place pour les jambes. Les 6 ou 7 heures de route (de chemin) pour rentrer n’ont pas un intérêt immense, sinon le loisir de se reposer pour Alice et de discuter avec Edgar pour moi, tout en chiquant des feuilles de coca. Je lui pose plein de questions sur sa vie, il me raconte qu’il a trois enfants de 12 (Edgar junior), 16 et 18 ans (deux filles ainées), que sa femme les a quitté il y a 5 ans pour un jeune chilien, qu’il gagne 1300 Bs par mois avec ce boulot qu’il adore (ça se voit), qu’il compte continuer encore 18 ans (jusqu’à ses 58 ans) à arpenter les routes du sud-ouest bolivien, qu’il est en train de racheter l’agence existante « Nueva Aventura » (courrez-y tous), qu’il aimerait partir en vacances au lac Titicaca ou au Mexique avec ses enfants… De son côté il me pose plein de questions sur la France, sur moi. Bien sûr une phrase sur deux est une connerie, dite très sérieusement et suivie d’un éclat de rire. On a un peu le même humour, avec Edgar, on se comprend bien et on rigole comme des cons. On chante aussi beaucoup, on invente des paroles en espagnol. Depuis le début du voyage, Edgar chante « Perdonala, perdonala, Dios moi, perdonala, na sabe lo que hace !!!! » (Pardonne la, pardonne la mon Dieu, pardonne la, elle ne sait pas ce qu’elle fait). Une chanson qu’il a inventée et qu’il ne cesse d’entonner super fort, dès qu’un petit silence s’est installé. On peut le dire, je suis le premier fan d’Edgar. On arrive en fin de journée à Uyuni. On n’a fait qu’une pause pour déjeuner une frugale platée de riz, tomate et thon mayo arrosé de Coca, le voyage a été bien épuisant, avec des routes bien pourries. Accolade à nouveau, avec Edgar cette fois. On lui file quelques 200 Bs supplémentaires pour le remercier de ces 4 jours incroyables, en lui promettant de recommander son agence autant que possible. Il nous dépose à l’hostal « Marith ». Ca y est, on est seuls.

Alice va se doucher pendant que je vais me promener dans le marché couvert du coin. J’achète un bouquet de fleur à une jeune fille qui s’applique à faire un truc bien joli, et puis plus loin un chapeau melon. Des vieilles marchandes me demandent pour qui sot les fleurs, je leur répond pour ma copine, elles sont toutes émeus, me disent que c’est très gentil de ma part et me couvrent de sourires et d’encouragement ! Vous inquiétez pas, je gère l’image des français.

Le soir, on traverse la ville pour manger un bon cheeseburger et une bonne crêpe fourrée au resto « La Loco », tenu par un français, à l’ambiance tamisée, feu de bois central, verre de vin, crêpe à la pomme caramélisée, Pink Floyd en fond sonore. Sur le chemin du retour, toute la population est encore en train de danser sur de la musique locale diffusée à fond par de multiples enceintes tournées vers la rue, femmes et filles d’un côté, hommes et garçons de l’autre. On s’emmitoufle dans le lit et on s’enfile deux épisodes de « Damages » (génial) avant de dormir d’un sommeil de plomb.

Mardi 18 août. Lever vers 7h30, et douche à peine chaude et sans pression. Vers 8h30, Edgar surgit dans notre chambre pour nous donner la carte de son agence, nous souhaiter une bonne suite de voyage et nous faire une dernière accolade amicale. Un Edgar au réveil, ça fait toujours du bien. On va reprendre des forces avec un petit déj bien complet avant de filer dans le bus qui doit nous emmener jusqu’à Potosi. Dans le bus, une famille française insupportable qui commente tout avec une espèce d’insupportable suffisance nous oblige à monter le son de nos écouteurs.

Jeudi 20 aoûtPotosi / 10h50

13 août 2009

5 jours dans la vallée sacrée des Incas

Mercredi 12 août - La Paz
Justifier
De retour à La Paz, il est temps de raconter nos incroyables aventures dans la vertigineuse vallée sacrée des Incas. Cinq jours au Pérou. Le pire et le meilleur...

Jeudi 6 août. On a tout juste le temps de faire pote avec une mamie qui tient un baños publicos (chiottes publiques), d’acheter des biscuits et du Pil (Yop local), et c’est l’heure du départ. Un minibus est censé nous conduire à la frontière péruvienne, où on devra changer pour un bus « semi cama » (semi-couchettes) jusqu’à Puno, où on changera enfin pour un bus « cama » (couchettes) pour dormir peinard jusqu’à Cuzco. Arrivée prévue à 5h, on pourra rester dans le bus jusqu’à 7h si on veut dormir encore un peu. Ca semble cool. Dans le minibus, un certain Max (sans doute un nom d’emprunt facile à retenir pour tous) prend la parole et nous explique le bazar. Arrivée à la frontière bolivienne. On fait tous la queue, ça tamponne les passeports. On revient, Max nous file nos gros bagages et nous dit de foncer au poste de frontière péruvien. Il est un peu speed. Là-bas on ne comprend pas où est la frontière, il n’y en n’a pas en fait. Ah si, sur la droite, un bâtiment pas bien indiqué. On essaye de rentrer dedans… ah non, il faut d’abord passer le poste de dépistage de la grippe H1N1, le bâtiment juste avant ! Là-bas des gars avec des masques nous posent des questions pour savoir si on a des symptômes inquiétants. On répond que non, on passe facile (on omet de dire qu’on a un peu mal à la tête et le souffle court à cause de l’altitude). Si on a des symptômes, on se fait ausculter par des gens qui portent des masques ! Ça fiche les jetons.

Poste de frontière. Les agents me font re-remplir ma fiche d’entrée pour un imbroglio dans les noms et prénoms, mais finissent par me laisser rentrer. Alice s’est aussi trompée (ok c’est moi qui lui ai rempli), mais sans souci pour elle. Dehors, tous le minibus attend Max qui s’est volatilisé. Il revient au bout d’un moment en criant ; « Elic, Alicé, Thomas, Marie ». On est 4 à devoir le suivre. Il nous indique un bus dans lequel rentrer. On demande au gars qui accroche les bagages sur le toit du bus, il nous dit que non, ça n’est pas la bonne compagnie. On n’a aucun billet, rien, et Max est parti. Je dis au type « Max nous a dit que… », et c’est comme un sésame, il nous fait rentrer. Ici, tu connais Max, tu fais ce que tu veux. On se pose. Au final on voit tous les autres du minibus se pointer. On a perdu 2 israéliennes, Max s’énerve un peu, et puis quelques péruviennes dans le bus qui n’ont pas l’air de goûter la présence d’israéliennes dans l’habitacle (?). Le bus est un frigo, peu confortable et pas, mais alors pas du tout « semi-cama ». On est censé prendre le dernier bus à Puno à 21h, et il est 22h15 quand on arrive ! Ah non, il y a une heure de décalage horaire avec la Bolivie, il n’a donc qu’un quart d’heure de retard. Ca semble déjà trop pour Max qui hurle encore nos noms en nous speedant comme jamais. Les trois autres récupèrent rapidement leur gros bagage, et moi je ne trouve pas le mien. Max les entraine vite vers un autre lieu, pendant que je cherche à mettre ma frontale pour retrouver mon sac dans le amas de bagages à côté du bus. C’est un peu la panique. Je finis par le retrouver, cours rejoindre les autres, on nous demande de foncer jusqu’à un croisement, un type fait signe à un bus qui tourne. Il s’arrête pour nous prendre, un autre type saute pour balancer nos sacs en vrac dans la soute et nous fait monter en deux-deux avant de repartir à toute berzingue. Bien sûr le bus n’est pas un « cama » mais seulement un « semi-cama ». On est un peu allongé, mais en diagonale et mal. Juste derrière nous, un bruit horrible, comme si une pièce métallique ricochait contre le moteur toutes les cinq secondes. La lumière reste allumée longtemps, une nénette péruvienne téléphone en gueulant à côté, et n’arrête pas d’appuyer sur les touches de son portables, ça fait bip bip bip, il fait froid (heureusement on a pensé à récupérer nos sacs de couchages), les routes sont pouraves… tous les ingrédients sont réunis pour passer une nuit inoubliable.

Vendredi 7 août. On arrive à Cuzco vers 5h30. On se fait immédiatement virer par le chauffeur qui veut « laver son bus ». Leçon n°1 : ne jamais faire confiance à des agences de voyages. La gare routière est déjà bien agitée. On dénombre des dizaines de comptoirs de différentes compagnies de bus. Rien pour changer la monnaie en Soles (monnaie péruvienne : 1$ = 3S ; 1€ = 4S) en vue. On se fraye un chemin vers la sortie, où je demande un renseignement à deux françaises qui boivent un café. Elles étaient dans le même bus que nous et sont frigorifiées (elles n’avaient pas pris leur sac de couchage). Elles nous font tout de suite bien marrer, à dauber sur les péruviens qui essayent de t’escroquer dès que possible, qui sont fainéants et menteurs. Clémence et Marie (c’est leur prénom) sont en fin de voyage et elles craquent un peu, mais elles sont vraiment marrantes. Elles nous payent un café, puis on partage un taxi pour aller à « l’Albergue municipal », une auberge de jeunsesse bien placée et d’un bon rapport qualité-prix, selon Gloaguen (elles ont le routard).

Dans le taxi, ça continue à bien rigoler, elles se mettent à chanter un tube reggeton qu’elles ont découvert en équateur. En discutant de la journée du lendemain, on décide de demander au taxi dans lequel on se trouve s’il peut nous prendre toute la journée pour nous amener voir différents villages près desquels se cachent de nombreux sites incas, tout le long de la vallée sacrée, en direction du Machu Pichu. Il accepte. On va donc passer un peu de temps avec elles ! Elles habitent à Paris, Marie est instit et Clémence CPE, respectivement 26 et 27 ans. L’hôtel est sympa et sa terrasse offre une superbe vue sur la plaza de armas de Cuzco, magnifique place principale, très verte et très bien entretenue, entourée en partie d’arcades et bordée de nombreuses églises dont la belle et massive cathédrale. On a aussi une vue sur une bonne partie de la ville : le centre, aéré, plutôt riche, au relent colonial omniprésent, et le reste, manifestement plus pauvre, empiétant sur les flancs de collines entourant la ville. Il y a quelques nuages, mais le soleil se lève et perce sur la ville qui se réveille elle aussi.

On décide de gérer quelques trucs en compagnie de nos nouvelles copines : changer des thunes, acheter de la crème solaire, des mouchoirs, des places pour le Machu Pichu, des tickets de train pour le Machu Pichu, des billets de Bus pour le Machu Pichu (!), un guide du Pérou, bref des trucs fun. Et c’est parti pour deux-trois galères, évidemment.

Il faut savoir une chose dès le départ : le Machu Pichu est une des plus grandes « tueries » de toute l’Amérique du sud, et l’industrie touristique en a totalement conscience, en tirant sur la corde pour obliger les voyageurs à dépenser au maximum. On se rend d’abord à la billetterie pour acheter les billets d’entrée au site : 124 S = 42 $ par personne. Ensuite, le train qui va d’Ollantaytamba (à 100 km au Nord Oust de Cuzco) à Aguas Calientes (le village le plus proche du Machu Pichu). PeruRail, la compagnie de train, a été rachetée par l’Orient Express, et depuis les trains coûtent ultra chers au kilomètre. Bien sûr on ne peu accéder au site qu’en train, et bien sûr PeruRail a le monopole absolu. On patiente un bon moment dans une salle d’attente, ambiance assedic, avant que notre numéro n’apparaisse sur un écran louant le luxe des trains 1ère classe. On demande un train pour le lendemain après-midi : « yen a plou !». Ou bien des 2ème classe, à 53 $ l’aller ! Pareil pour le retour, il n’y a quasiment plus que des billets très chers (un aller normal, à 31 $, étant déjà hors de prix pour par rapport aux prix pratiqués habituellement). Bien sûr on n’a plus vraiment le choix dans la date (pour Steph), on ne peut plus changer nos billets d’entrée. On s’arrange comme on peut, en prenant un billet 2ème classe à l’aller le lendemain, et en restant une nuit de plus à Aguas Calientes pour bénéficier d’un « bon » tarif de retour le surlendemain. Les filles décident, elles, de prendre un train « pas cher » un jour après nous aux aurores, et de repartir l’après-midi même jusqu’à Cuzco, en mode « plus cher ». On quand même la désagréable impression de bien s’être fait entubé. Les filles partent à une billetterie de bus pour réserver leur trajet Aguas calientes – Machu Pichu, nous avec Alice on décide de se le faire à pieds, le matin (très tôt) de notre visite, parce qu’on est des warriors.

Toute cette organisation nous a crevé, on a à peine profité de la ville, on va bouffer avec Alice dans un petit resto (trois fois plus cher qu’en Bolivie) sur une jolie petite place, pizza au peperoni et salades d’avocats géants. Pendant le repas, une bonne vingtaine de personnes viennent insister pour nous vendre dessins, bibelots, tissus, etc. On se sent beaucoup plus sollicité ici qu’à La Paz, les gens sont plus agressifs et insistants. Après le repas, on grimpe de longs petits escaliers en pierre pour retourner à l’auberge, où on s’écroule pour une bonne sieste, de midi et demi à 14h.

L’après-midi est dédié à la flânerie dans Cuzco, la déambulation dans les rues de la ville et la traversée de places. La ville est définitivement plus riche et mieux entretenue que La Paz, avec des églises imposantes à tous les coins de rues. On entre visiter la cathédrale donnant sur la place d’armes, érigée sur les fondations d’un ancien temple inca. Plus rien d’inca là-dedans ! C’est une grande et haute cathédrale à la belle couleur de pierre sombre, au plafond chaulé, soutenue par 14 piliers de pierre cruciformes, renfermant des dizaines de retables en or et en argent pur dans les nombreuses chapelles, de peintures à la gloire du Christ et des saints, de pierres précieuses… le lieu est un bon témoignage de l’énergie mise en œuvre pour convertir les « indigènes » au puissant et opulent christianisme. Ça semble avoir marché au vue du nombre de péruviens se signant à tout va dans les rues.

Le site de Qorikancha est moins bling-bling mais plus intéressant : on voit comment d’anciennes ruines inca ont été préservées sur l’emplacement d’une église et d’un couvent actuel (Santo Domingo). Les murs inca ont d’ailleurs survécu à des tremblements de terre alors que tout le reste à du être reconstruit ! On se rend compte de la précision du travail de la pierre par les incas (d’excellents artisans selon Alice), et on a aussi un aperçu de leur astrologie, basée sur les formes d’animaux créées par les éclats et les zones d’ombre de la voie lactée. Le grand jardin a lui aussi son lot de vestiges inca.

Promenade en ville, encore. Les péruviens, comme les boliviens, mangent de glaces (et autres friandises d’ailleurs) à longueur de journée, en plein hiver. On voit des vendeurs de glaces de partout, même les pharmacies en ont un congélateur remplie (à côté de canettes de red bull) ! Il se fait sombre, on rentre à l’auberge.

Vers 20h, Clémence et Marie toquent à notre chambre et nous proposent d’aller manger un bout. Vamos ! Dans une petite rue pavée en bas des grands escaliers, le menu est annoncé pas cher, l’endroit est cosy, et tout s’avère bien. Je teste notamment un tamal, sorte de pâte à base de maïs fourré à la viande épicée. Clémence et Marie sont définitivement cool et on s’entend de mieux en mieux. Marie est passionnée de Science-fiction, de fantasy et d’ésotérisme fait un mémoire sur Philip K. Dick, la discussion part donc dans tous les sens : Robin Hobb, George Martin, Jodorowsky, Umberto Eco, Rennes-le-château, le mysticisme, les sectes, la religion catholique, l’évangélisation des incas, la langue espagnole dans les différents pays d’Amérique latine... Clémence parle ultra bien espagnol, elle a vécu un an au Chili. Tout cela dans une ambiance fin cool, où on n’arrête pas de se voler la parole, de rebondir, de faire des apartés et de raconter des conneries, bien sûr, en dégustant au passage un bon vin argentin, pour ne rien gâcher. C’est presque à regret qu’on se rend compte qu’il est 23h et qu’on doit essayer de ne pas se coucher trop tard vu la longue journée qui s’annonce le lendemain. On se couche donc vers minuit.

Samedi 8 août. Réveil les yeux grands ouverts à 6h (correspondant à 7h de l’heure bolivienne), je suis maintenant réglé comme une montre ! Il n’y a qu’en voyage que j’ai une telle facilité à me lever tôt. Douche froide, grignotage. Le taxi est bien au coin de la rue à 8h. Il est censé nous faire parcourir toute la « vallée sacrée » des incas, le long du fleuve Urubamba, de Cuzco à Ollantaytambo, en nous arrêtant à tous les sites intéressants (et il y en a). Je passe devant, les trois filles derrière. C’est vite la java dans la voiture, rigolades et tubes de la musique andine à fond. On se sent bien tous ensemble, c’est vraiment une chouette rencontre. Carlos, le chauffeur, est cool aussi et n’hésite pas à nous expliquer des trucs, à chanter, à taper du rythme sur le volant ou à parler football.

Première étape : Chinchero. Altitude : 3762m. Pour y rentrer, on est obligé de payer un billet combiné permettant sur deux jours l’accès à presque tous les sites « secondaires » de la vallée sacrée, et qui coûte 70S = 24$. J’explique à la vendeuse qu’on va faire la moitié ce jour et l’autre moitié le surlendemain (au-delà de la limite de temps), elle accepte de changer la date du tampon et de la mettre au lendemain ! Ils t’entubent, mais avec une certaine gentillesse. Après avoir payé, on rentre tout contents dans le village, et je m’aperçois au bout d’un moment que j’ai oublié mon sac (avec l’ordi, tout) sur le banc de la petite place à l’entrée ! Je cours, il est toujours là. En revenant, je me perds, et mets bien du temps avant de retrouver les filles ! Chinchero, c’est un petit village andin typique (considéré par les incas comme le lieu de naissance de l’arc en ciel), avec trois trucs qui tapent : une petite église bâtie sur une jolie place coloniale, construite sur des fondations incas, une impressionnante suite de terrassements incas bordant le village, et une vue magnifique sur la vallée et les montagnes environnantes se perdant dans les nuages. Les terrassements de pierre sont très bien conservés et très étendus, le long de la colline, on peut y voir de fameuses niches trapézoïdales, et puis des sièges creusés dans la pierre, et puis de fouilles qui se poursuivent. Dans le village, de nombreuses femmes vendent des tissus en alpaca et autres bijoux de leur cru, l’ambiance est sereine. Tout est envoûtant ici, le calme qui règne, la majesté qui émane des ruines, la vue féérique.

Deuxième étape : Moray. On se gare sur une petite place, et on n’a qu’à se pencher quelques mètres plus loin pour admirer des vestiges particulièrement spectaculaires : dans un creux entre les montagnes, des terrassements de pierre en forme de cercles concentriques, d’abord très grands et aux formes assez libres, puis plus petits, en cercles parfaits, s’enfonçant assez profondément. Ça a une allure d’amphithéâtre. C’était en réalité une sorte de laboratoire naturel permettant aux incas de déterminer les conditions optimales pour cultiver différentes denrées, chaque terrassement perdant en température et en ensoleillement. C’est hallucinant. On n’a pas trop le temps, je cours le long du chemin descendant jusqu’au site lui-même, pour atteindre le fond du « labo », avoir d’autres points de vue. Chaque terrasse est séparée de la suivante par environ 2m de hauteur, et des longues pierres plates dépassant du mur par endroits servent de marches et permettent d’atteindre les différents paliers. On dirait un peu un site extra-terrestre. A côté du gigantesque amphithéâtre, deux autres, plus petits et dont les vestiges sont plus abimés, sont construits sur le même principe. La civilisation inca, elle tue. On se demande avec les filles qu’est-ce qu’elle serait devenue si elle avait survécu. Elle était en retard sur beaucoup de choses par rapport à l’Europe, mais en avance sur tellement d’autres.

De retour dans la voiture, il se met à pleuvoir un peu, avant qu’une averse de grêle ne s’abatte sur nous ! Ca ne dure pas longtemps, et ça permet à Carlos de nous expliquer le calendrier de la récolte inca : les 12 premiers jours du mois d’août sont sensés prévenir du temps qu’il fera l’année qui vient. Le 1er jour du mois d’août donne le ton du climat qu’il fera au mois d’Août, le 2ème jour d’août donne un aperçu du temps qu’il fera en septembre, et ainsi de suite jusqu’au 12 août correspondant à juillet de l’année suivante ! Du coup, Carlos nous dit qu’il pleuvra au mois de mars (8ème mois à compter d’août) et que c’est bon signe pour les récoltes. Et pour les giboulées sans doute. Carlos n’a de cesse, par ailleurs, de nous faire remarquer à quel point son pays est beau, les montagnes, les paysages que l’on croise. Ca ne l’empêche pas de jeter par la fenêtre le moindre papier plastique qui lui reste dans les mains ! En fait tous les péruviens que l’on croise font de même, et jettent absolument tout par la fenêtre, en pleine nature. Sympa.

Troisième étape : les Salinas. Dans un autre creux de vallée, des milliers de bassins blancs, passants par toutes les teintes de vert et gris. Une source chaude naturelle très salée se déverse lentement dans ces bassins, et le sel est extrait de leur évaporation. Cette production de sel, qui existe depuis les temps incas, offre un spectacle unique, fait briller la vallée de mille blancs. Vu d’en haut comme d’en bas, en longeant les bassins séparés par des murets de pierre sur certains desquels on peut se promener, la vision est fascinante, et on ne peut pas s’empêcher de prendre des photos, encore et encore. Cette vallée sacrée est un peu une vallée des merveilles.

Après toutes ces étapes, Carlos fait chauffer le moteur sans arrêt jusqu’à Ollantaytambo, où on doit prendre le train en direction d’Aguas calientes et du Machu Pichu. Pendant cette dernière étape, je file des flyers Mediatone à Marie et Clémence (ya pas de petite promo), et cette dernière me dit qu’elle est amie d’enfance avec Guillaume, le chanteur de Danakil, qu’on fait passer à la rentrée ! Comme souvent, le monde est petit. Autre truc marrant : les filles font régulièrement des blagues liées à la voix de la SNCF. En fait elles la connaissent personnellement ! la meuf s’appelle Simone, elle n’est plus toute jeune, elle fait ce job à Paris depuis des dizaines d’années ! Maintenant on pourra l’appeler par son prénom, génial.

On a un peu d’avance, on s’achète des sandwiches qu’on grignote ensemble sur la petite place, avant de prendre la route jusqu’à la gare et de dire au revoir aux filles. Bien sûr, on s’est échangé les adresses mails, téléphones, et on ne pense pas se mentir en se disant qu’on se reverra, en tout cas on l’espère sincèrement. On attend un peu, avec un petit café sur le quai du train, que je me renverse à moitié dessus en tombant en arrière, le cul par terre.

On finit par monter dans un wagon (le train n’en comporte que deux), après qu’un gars a bien vérifié qu’on soit en règle (billets & passeports). Ce train (plus cher) possède des fenêtres sur tous les angles du toit afin qu’on puisse admirer les paysages de montagnes et les sommets enneigées qui jouxtent la vallée dans laquelle le train se fraye un chemin. Et oui, c’est joli. Et puis on se fait offrir un snack, petit sandwich, petite boisson. Bien sûr, on choisit le fameux « Inca Kola », soda jaunâtre duquel ils font la pub sans discontinuer à Cuzco. Et oui, c’est étrange.

Aguas Calientes fait penser à un village de montagne du Yunnan en Chine, l’architecture en moins. La rivière coule tout le long du village, qui est assez en pente, et 5 ou 6 ponts permettent de joindre les rives. On sent que c’est très touristique, avec d’innombrables hôtels et restos à l’occidental, mais c’est quand même mignon, et vraiment perdu dans la vallée. On fait laver des fringues dans une « lavanderia » qui nous les ramène deux heures plus tard à l’hôtel « El Inca » (où on s’est posé), repassés et tout. On s’avale des espèces d’hamburgers dans un snack en face, avec jambon recomposé, steak avec au moins 20% de bœuf, œuf huileux et frites réchauffées au micro-onde, le tout pour cher. On ne reviendra pas. La douche est froide, vraiment froide… je pensais qu’à Aguas Calientes (« Eaux chaudes ») on n’aurait pas de problème de ce genre ! On s’endort vers 22h.

Dimanche 9 août. Le réveil sonne à 3h50… de pire en pire. Mais c’est le seul moyen d’avoir une chance de grimper en haut du Wayne Pichu, le sommet à côté du Machu Pichu, et qui donne une vue splendide sur tout le site. Pour cause de « trop de monde sur la montagne », l’UNESCO a restreint son accès à 400 personnes par jour, seuls les premiers ont donc la chance d’y grimper (étonnamment, ça n’est pas plus cher). On s’enfile des biscuits et du yaourt à boire en guise de petit déj… et un Red bull pour moi, faut bien ça pour me réveiller, et c’est parti dans la nuit. On traverse tout le village en descendant le long du fleuve Urubamba, et on continue à le longer sur une demi-heure de marche. Il fait frais, on éclaire la route à la frontale, c’est assez excitant. On croise quelques personnes qui se sont levé en suivant le même objectif. Et puis on arrive en bas de la montagne, et là commence une heure de montée d’escaliers en zigzag, au milieu des arbres de la forêt qui en recouvrent le flanc. On est essoufflé beaucoup moins rapidement, on sent qu’on est vraiment descendu en altitude (Aguas Calientes n’est qu’à 2300m) et la montée est presque agréable. Au fur et à mesure, l’obscurité se fait moins dense, les oiseaux se mettent à chanter, et on n’a plus besoin de nos frontales sur la fin de la grimpette.

On arrive à l’entrée du site à 5h55, cinq minutes avant l’ouverture. Deux bus sont déjà arrivés et la queue est déjà longue. On passe l’entrée vers 6h30. Une fois à l’intérieur, on se rend vaguement compte qu’on est dans un lieu magnifique, mais le plaisir est gâché par tous les gens qui courent de l’autre côté, tout au bout, pour espérer gagner leur place sur le Wayne Pichu. C’est super stressant et désagréable, tout le monde bouscule tout le monde et fait des coudes dans les allées pour passer devant. Par principe on ne court pas, mais on avance vite, en insultant ceux qui nous doublent. On finit par se retrouver dans la queue pour le Wayne Pichu. Des guides font la queue seuls et se font rejoindre par des dizaines de personnes qui passent devant nous, on l’a mauvaise. Et on attend un bon moment. Au final 200 personnes ont le droit de grimper à 7h, et 200 à 10h. Vers 7h, on nous informe qu’il ne reste plus de place pour 10h, les 200 tickets sont déjà réservés. Puis on nous compte : on est les 153 et 154ème dans la file pour 7h, on aura donc droit à notre sésame.

En avançant, il se passe deux choses : d’abord on se met à tchatcher avec un couple de français à la cool, Nathan et Isabelle. Ensuite Alice se met à avoir vraiment peur de monter, et décide tout finalement de ne pas nous suivre. Alice, elle a le vertige, et c’est pas pour rigoler (les vertiges d’Alice… de Lewis Caroll). J’ai connu des gens qui disaient avoir le vertige, mais jamais comme ça, provoquant crise de tétanie, tremblements, transpiration… du coup on se donne RV en bas de la montagne une heure et demi plus tard.

Ca descend d’abord, avant de remonter, et ça ne fait pas semblant. Un petit sentier qui grimpe raide, avec des marches étroites, souvent une corde à laquelle s’aider, et rapidement des vues effectivement vertigineuses. Plus on arrive vers le sommet, et plus la vue est splendide et flippante. En empruntant un petit escalier de pierres dépassant d’un muret donnant sur une terrasse avec vue, je me rends compte que « si je glisse je meurs » et je me mets à trembler moi aussi ! C’est la première fois je crois que je ressens ce que peut être le vertige, et je suis vraiment soulagé qu’Alice ai pris la décision de ne pas venir, elle n’aurait pas tenu longtemps. De tout en haut, on a une vision à 360° sur toute la vallée, les montagnes environnantes, la route qui permet de monter au Machu Pichu, et bien sûr le site entier, une étendue immense de vestiges inca, posés sur la montagne, en contrebas. On est ici à 2800m d’altitude et on domine tout. Le vide, la grandeur, la beauté, je me sens tout petit, à la fois dans cette nature imposante et dans l’histoire. Je reste là un moment, partagé avec Nathan et Isabelle, à profiter de la hauteur, à prendre des photos. Et puis je m’aperçois que le Rendez-vous est dans 20 minutes avec Alice, j’entame donc une redescente rapide. La descente est pire que la montée, avec des passages sur des marches extrêmement étroites et donnant directement sur le vide ! Bien sûr, je suis à deux doigts de tomber plusieurs fois, mais je m’accroche et survis.

En bas, je cherche Alice des yeux, et tombe sur une bonne vieille tête de rouquine qui dépasse d’une pierre : c’est Clémence (ah oui, elle est rousse) ! En la rejoignant, je vois qu’elle est avec Marie et Alice, qui les a retrouvées il y a peu de temps. On se fait un peu de lecture sur l’histoire des incas, les légendes, l’origine du Machu Pichu, sa « découverte » en 1915, alors que seuls quelques paysans du coin connaissaient son existence (et faisaient même pousser des tomates sur les terrassements !). En fait on ne sait pas grand-chose de cet endroit fabuleux, sinon qu’il fût abandonné par l’un des derniers fils du dirigeant Inca par peur de se le faire prendre par les espagnols, et que personne n’en a jamais retrouvé la trace avant cette redécouverte hasardeuse au début du 20ème siècle. Des recherches ont été faites pour définir les rôles des différents vestiges de bâtiments, les habitations des paysans, les temples, les logements de l’élite, les croyances liées au soleil et à la lune, les sanitaires, l’architecture… mais au final ce ne sont que des théories plus ou moins fondées, et des questions subsistent. A côté, on entend un guide parlant à un groupe d’américains, embarqué dans des explications totalement spectaculaires en insistant sur les mots « poignards sacrificiels », « rituels magiques » etc. A priori il compose avec les clichés du genre pour rendre son histoire plus intéressante (et loin de moi de lui jeter la pierre ;-). En fait de sacrifices, il n’y en avait à priori que lorsqu’un danger climatique se dessinait ou avait eu lieu (violents orages, tremblements de terre…) pour apaiser la colère des dieux. Et oui, c’est vrai, c’était souvent des fillettes de 8 ans qui y passaient. Mais bon fallait bien que quelqu’un prenne.

On fait tout le tour du site : nombreux terrassements, vestiges d’habitats, rocs taillés, gravures de condor, escaliers en parfait état, morceaux de temples… c’est fascinant. Je me surprends quand même à regretter de ne pas avoir un audio-guide avec la voix du type qui parlait dans les reportages à la fin des Cités d’Or ! Là, c’aurait été chanmé.

Il est bientôt 14h et Clémence et Marie ne doivent pas tarder à redescendre prendre le train. On va manger un bout en dehors du site (pas le droit dedans), on a amené un Pic-Nic. On fait juste l’erreur d’acheter un petit sandwiche en rabe, sec et cher (22S = plus de 7$), et puis un café pas bon à 7S. On retourne ensemble sur le site pour la forme, et on se dit au revoir, cette fois pour de vrai. On s’est vraiment marré avec ces filles, drôles et intéressantes, une rencontre géniale.

Elles parties, on part avec Lilice vers les sommets du site. Mais la rebelote, elle se retrouve tétanisée en empruntant des escaliers avec vue plongeante sur les environs. Du coup elle va se balader plus bas pendant que je côtoie le ciel d’Inti (le soleil) et Kya (la lune). J’atteins notamment l’endroit d’où toutes les photos de cartes postales sont prises, avec une vue plongeante sur l’intégralité du site et le Wayne Pichu derrière. J’emprunte ensuite un chemin assez long mais exigu, longeant la montagne par derrière jusqu’au « Puente del Inca », un pont de rondins de bois assez spartiate, auquel on n’a plus accès que par la vue depuis la mort de touristes. La vue sur la vallée de derrière est là aussi vertigineuse. Je reviens en courant, par peur qu’Alice s’inquiète, et je la retrouve tout sourire, avec un petit chiot dans les bras ! Il est tout mignon, blanc avec un œil bleu et un rouge, et elle refuse de s’en séparer. On l’appelle Machu, en se disant que si on le ramène chez les parents d’Alice on pourra appeler « Machu ! Pitchoune », leur chien s’appelant Pitchoune. Blague à part, le chien s’est endormi sur elle et elle ne semble pas prête à le laisser. Je dois user de beaucoup de tact pour arriver à partir de là sans Machu el perro.

On redescend en bus cette fois, épuisé d’une rude journée de marche qui a commencé tôt dans la nuit. De retour à « El Inca », toujours pas d’eau chaude ! On fait chier le gars de l’hôtel (très gentil par ailleurs, toujours en train de s’occuper de sa petite de 10 mois), il nous explique la technique : faire d’abord couler l’eau de la douche, puis, les pieds dans l’eau, remonter le fusible qui pendouille à des fils électriques pas accrochés et dénudés, juste à côté de la douche, puis baisser la pression de l’eau au strict minimum, afin d’obtenir un mince filet d’eau tiède tendant vers le chaud. Merci mec.

C’est donc propre qu’on retourne faire un tour dans Aguas Calientes, à la recherche d’une « lavanderia » pour faire laver nos polaires et pantalons (qu’on met tous les jours). On galère (c’est Dimanche) mais on trouve. Et puis c’est le gros creux. Les filles nous on dit que le « rourou » (c’est comme ça qu’elles appellent le Gloaguen) conseillait un seul bon resto, « l’Indio Feliz ». On a tellement mal mangé depuis la veille qu’on a envie de se faire plaisir… et c’est au-delà de nos attentes. C’est un français qui a monté ce resto, super chaleureux, tout en bois et en décorations de bon goût. Tout est déjà réservé (!) mais il est 18h45 et la serveuse nous propose de manger à une table où la réservation est pour 20h. Pour moi, ça commence par une jardinière de légumes frais avec délicieux avocat, tranches d’orange et de citron vert, petits champignons dans une sauce piquante à l’ail, basilic frais... et pour Alice des petites boules de melon trempées dans de la liqueur de sureau, présenté dans un melon entier. Ensuite, on se partage un plat de tagliatelle avec un plateau entier d’ingrédients à rajouter (sauce au pesto, petits poivrons marinés, champignons persillés à l’ail, parmesan,…) et une truite saumonée au vin blanc, accompagnée d’une sauce « al Macho » (piment et citron vert), avec à côté quelques tranches de patate douce et une tomate à la provençale (genre). Le tout arrosé d’un bon vin chilien. On termine par une tarte à l’orange avec crème anglaise et boule de glace, et mousse au chocolat du coin. En deux jours, on aura fait notre pire et notre meilleur repas, et de loin. C’est totalement explosés mais repus qu’on se couche vers 21h.

Lundi 10 août. Encore un réveil nocturne, à 4h30, pour prendre le train. Dans la salle d’attente, on retrouve Nathan et Isabelle. On est cette fois en 3ème classe, appelée « backpacker », pas moins confortable que la 2ème, mais avec les fenêtres au plafond en moins. On se retrouve au petit matin à Ollantaytambo, où on va manger un petit déj avec Nathan et Isabelle, avec des œufs et tout. Ils vont directement à Cuzco, alors qu’on a prévu de visiter encore quelques ruines au passage, nos routes se séparent donc ici. On laisse nos « mochillas » (gros sacs à dos) dans l’établissement où on s’est revigoré et on part voir le site d’Ollantaytambo.

C’est une sorte d’ancienne forteresse inca entourée de terrassements assez abruptes, et de laquelle Manco Inca (le dernier chef inca) a réussi à repousser l’envahisseur Pizarro lors d’une bataille historique, à coup de pluies de flêches et de lances. Bien sûr la victoire n’a été que de courte durée, les espagnols revenant à la charge avec une quadruple force de cavalerie et reprenant cette place forte. Même si après le Machu Pichu, ces vestiges font pâle figure, ils restent impressionnant de part leur étendue, leur conservation, notamment celle des systèmes d’évacuation d’eau, et la force historique de ce qui s’y est passé.

On décide de prendre un taxi jusqu’à la ville d’Urubamba, d’où on pourra prendre un bus collectif (très peu coûteux) jusqu’aux ruines de Pisac, en empruntant une autre route qu’à l’aller. Juan, le chauffeur de taxi, sourire et catogan, nous fait du charme pour nous amener jusqu’à Cuzco en passant par Pisac, en nous faisant un prix et en nous embrouillant un peu quand même… et ça marche, évidemment. Comme ça on se prend pas la tête, il faut dire qu’on est vraiment crevé, qu’on commence à avoir besoin d’un break. Juan fait une bonne pause à Urubamba (des papiers à régler…) avant de nous emmener à Pisac.

Pisac est (encore) un site immense, composé d’un petit village (avec un joli marché), niché au pied d’une grande montagne totalement recouverte de terrassements, d’escaliers, de vestiges de tours, d’habitations, et d’une forteresse inca, tout en haut. Juan nous dépose presque tout en haut, pour nous récupérer un peu plus bas, après avoir profité des ruines en parcourant un long sentier, parfois à flanc de montagne, et passant même parfois à l’intérieur par des passages étroits. Le sentier donne une vue incroyable sur toute cette montagne, encore un témoignage poignant de cette immense civilisation malheureusement éteinte. A chaque tournant, on s’aperçoit que les vestiges continuent à se répandre, jusqu’au village tout en bas. Le site n’est pas loin d’être aussi grand que le Machu ! Cette « vallée sacrée » regorge de souvenirs du passé. Alice n’a une fois de plus pas pu me suivre bien loin à cause du vertige (vraiment handicapant pour elle), et je fais le trajet avec une française bien sympa, travaillant à Washington. Une Marie, encore.

De retour au taxi, on ne fait plus d’arrêt jusqu’à Cuzco. On croise encore deux ou trois sites incas, mais on en profite du véhicule… il faut dire qu’on a fait le plus gros. Juan nous dépose devant l’Albergue Municipal, qu’on avait réservée (orga de ouf). On a à peine le temps de poser nos affaires dans la chambre 203 qu’on dort déjà.

Une bonne sieste de plus de deux heures ! On se relève vers 17h40, la nuit tombe déjà. On retourne au petit resto sympa dans lequel on était allé avec les filles, et on s’enfile un menu italien à base de pizza et de cannellonis, sympa. On se couche vers 22h, sans aucun mal à se rendormir.

Mardi 11 août. Réveil à 4h45… décidément. Et c’est parti pour une journée entière de voyage retour jusqu’à La Paz. On paye la chambre (il y a toujours quelqu’un à l’accueil) et on se casse. Le Pérou, c’est bien sympa, mais ça coûte cher… en quatre jours ici, on aura dépensé 3 à 4 fois plus qu’en Bolivie ! Et puis on a beau avoir rencontré des péruviens sympas (surtout ceux qui ont intérêt à l’être, comme les chauffeurs de taxi), on se sent quand même beaucoup plus sollicité ici qu’en Bolivie, on a hâte d’y retourner. Le truc c’est qu’on est allé à l’endroit le plus touristique du Pérou, on a donc vu le pire et le meilleur. A priori, il y a beaucoup d’endroits beaucoup plus paisibles, notamment dans le nord… mais ça sera pour un autre voyage ;-)

Taxi jusqu’à la gare routière. Le guichet où on a acheté nos places est fermé, alors qu’on a RV avec la meuf pour échanger la preuve d’achat contre un vrai billet. Elle se pointe au dernier moment, nous demande de payer une taxe d’ « utilisation du terminal de bus » (encore une), et puis nous aide à prendre place dans le bon bus, après qu’on se soit fait jeter par un chauffeur pas tout à fait détendu. Le bus est 100% local, on est les seuls « gringos ». Des femmes transportent d’énormes quantités d’aliments et autre bazar, accrochés et enroulés dans leur dos avec des gros draps aux motifs péruviens et aux couleurs vives. Elles traversent tout le bus en vendant des sacs de pains et autres friandises avant de s’assoir à leur tour. Un peu plus tard, un homme habillé de cuir et portant un attaché-case monte dans le bus et prend la parole sur un ton persuasif et solennel, en prenant à partie les passagers. Il passe une demi-heure de trajet à venter les mérites du Ginseng, en montrant toutes les maladies et désagréments contre lesquels il lutte, atroces photos à l’appui : calculs rénaux, hypertrophie de la prostate (il montre des images d’opérations), éjaculation précoce (on voit une belle femme dans un lit, et un homme assis sur le côté, les mains sur la tête), varices, etc. A la fin, beaucoup de passagers lui achètent un gros bocal de gélules au ginseng, visiblement soulagés d’avoir enfin trouvé la solution à tous ces maux ! De mon côté je ne fais pas le malin, les biscuits péruviens du petit déj me font roter de l’œuf pourri et je suis en proie à une véritable crise de flatulences, doublée d’un inconfort intestinal croissant. J’aurai peut-être dû, moi aussi, acheter du Ginseng…

Arrivée à Puno à 13h30, avec une heure et demie de retard. On cherche une compagnie proposant des allers direct pour La Paz, en vain. La seule ligne qui s’y rend dans l’après-midi (départ 14h) passe par Copacabana, par la route plus longue, avec traversée de détroit en bateau et tout le bazar. Pas le choix, on prend. Je paye en dollars (on est à court de Soles) et met tous les dollars qui nous reste dans la petite sacoche en bandoulière achetée à la Paz, et dans laquelle je mets mon appareil photo, les papiers, la thune. On achète à la volée 2-3 trucs à manger (yaourt à boire, chips et beignets aux pommes), et puis on paye la taxe de terminal pour avoir le droit de prendre le bus. Au moment de montrer nos billets, je me rends compte…. Qu’il n’y a plus aucun dollar dans la sacoche !! Pourtant je l’ai toujours gardée sur moi, rien d’autre ne manque… mais avec le speed des achats, le fait de porter tous les bagages, quelqu’un a dû me voler ça en deux-deux. Je suis dégouté. Je demande bien sûr de partout, tout le monde me dit qu’il y a énormément de pickpocket dans cette station. Ah ok merci. Ces enfoirés de Péruviens, ils nous auront tout ratissé, jusqu’au bout ! Il n’y avait pas loin de 300 $.

Le bus est lui blindé de touristes, français (décidément nombreux), espagnols (décidément bruyants), israéliens (décidément pètent-couilles), et autres italiens. La meuf de l’agence nous fait tous changer de places pour concorder avec ce qu’il y a écrit sur les billets, alors que tout le monde s’en fout. Nos sièges sont pétés, bien inconfortables. On sommeille un peu, avec difficulté. Passage de frontière sans grande difficulté, ça tamponne à tout va. On est de retour en Bolivie ! Le bus s’arrête à Copacabana, on doit en changer. J’en profite au passage pour insulter la meuf de l’agence qui nous avait vendu les places pour l’aller en nous mentant sur le confort. Elle s’excuse mais, étrangement, ne rembourse rien. On aurait dû se plaindre le jour même ! Haha, elle est marrante. Le nouveau bus est un peu plus calme. La nuit tombe. On arrive bientôt au fameux détroit, où on doit traverser de notre côté pendant que des immenses planches flottantes à moteur font traverser les bus. Le chauffeur n’explique rien à personne, c’est nous qui nous retrouvons à expliquer aux passagers la procédure. De l’autre côté, on retrouve le bus, qui se rend cette fois d’une traite au terminal de La Paz. Arrivée à 23h (encore une heure et demie de retard). On file en taxi jusqu’à hôtel Sagarnaga, celui de notre arrivée. Le gars est en train de fermer la grille d’entrée, il reste une chambre, on s’y jette littéralement. Je retrouve au passage la clé de la chambre 203 de l’Albergue Municipal de Cuzco dans ma poche ! Quel con. Si quelqu’un va au Pérou et lit ce blog, ne cherchez plus, c’est moi qui l’ai.

Mercredi 12 août. Enfin une vraie grasse mat ! On a dormi de minuit et demi à 9h30, on est complètement reposé, on en avait vraiment besoin. On décide de se faire une vraie journée farniente, d’arrêter de courir et de se reposer. La seule action du jour consiste à se rendre au terminal de bus pour acheter deux billets pour Uyuni, dans le sud ouest du pays. J’utilise les toilettes publiques, des tas de dessins cochons sont dessinés sur la porte. Je pense maintenant pouvoir affirmer que dessiner des zizis dans les chiottes est une occupation internationale.

On mange dans le même bon resto que la première fois (le Pot Colonial), soupe de petits pois et de tomate, cannellonis aux épinards, tomates farcies au bœuf pimenté, tarte aux pommes et, évidement, « plataño con leche ». Tous les gens nous parlent doucement et gentiment ici, sans jamais insister pour qu’on achète quoi que ce soit, on sent la différence avec les péruviens. Je termine d’écrire dans un café internet tranquille, reposant, en sirotant une limonade avec Alice qui lit en face, peinard. On est vraiment reposé, tout propre, au top, refaits, prêts à repartir pour de nouvelles aventures dans le sud !

Mercredi 12 aoûtLa Paz / 17h55

06 août 2009

Fiesta y Serenidad, Sol y Luna

Jeudi 6 aoûtCopacabana
Fiesta de Copacabana, Serenidad de l'isla del sol, Sol de l'isla del sol, Luna de l'isla de la luna, ou l'inverse, ou les cinq... le mieux est encore de lire les lignes qui suivent !

Mardi 4 août. Le réveil sonne à 6h50. Même pas mal. Après une bonne douche revigorante et un mauvais petit déj (le même que la veille), nous voilà dans le bus, direction le lac Titicaca ! On met 3h pour faire 75 km, entre les embouteillages pour sortit de La Paz et les détours sur chemins cahoteux pour cause de manifestations sur les routes principales (les manifestations sont d’ailleurs super courantes en Bolivie, et le syndicalisme ultra développé et solidaire). Ca nous permet de prendre le temps d’admirer de superbes vues sur La Paz, de rouler au rythme des petits villages traversés, de découvrir les paysages assez arides laissant surgir de hauts sommets enneigés au loin. Et puis, bientôt les immenses eaux du lac.

Vers 11h, le car s’arrête au détroit de Tiquina, que les passagers doivent traverser de leur côté, alors que les cars sont transporté eux-mêmes sur des grands flotteurs. Sur la place, un attroupement de population immobile et costumée attire l’attention. Un type fait un discours au micro, qui à l’air de parler de la révolution, et rappelle les grands principes fédérant le peuple bolivien. De la musique retentit, un défilé semble se préparer. Pendant ce temps un petit bateau nous fait traverser le détroit, et on ne tarde pas à remonter dans notre bus de l’autre côté.

On arrive enfin à Copacabana, vers midi. C’est un village mignon, à taille humaine, entouré de petits sommets et bordé par… la seule plage de Bolivie ! L’endroit est bien sûr très touristique, mais n’en est pas moins charmant. Les touristes sont d’ailleurs en grande partie boliviens, ça change un peu. Les rues comme les places sont là aussi remplis d’étales de tous genre. On sent régner une certaine ferveur religieuse, de nombreux fidèles pratiquants faisant la queue devant la grande cathédrale blanche (type coloniale), et s’affairant à de longs rituels à base de bougies et d’eau bénite. L’électricité pieuse et festive qu’on ressent est en fait directement liée à l’approche du 6 août, jour de l’indépendance, et fête nationale de la Bolivie, et qui draine une immense population à Copacabana, et notamment beaucoup de péruviens. Les hôtels en profitent d’ailleurs pour doubler ou tripler leurs tarifs, moins cool. On trouve quand même une chambre sympa, un peu négociée, pas loin du lac, super lumineuse, vue sur un joli sommet (et sur le lac en allant sur la terrasse et en sautant). Installés, on se retrouve rapidement dans une cour extérieure pour manger un bon almuerzo avec de la truite grillée (spécialité du lac) en plat principal, des baby-foot, un hamac et du Bob Marley à fond. Si ça c’est pas cool.

Après une légère sieste syndicale, on se décide à grimper sur le cerro calvario, le sommet tout proche qui surplombe la ville, le lac et les alentours. Le chemin en pierres qui monte est en fait un véritable pèlerinage, emprunté par des centaines de boliviens. Des vieilles femmes vendent des fœtus de lama, des herbes odorantes, mais aussi nombre d’objets insolites comme des petites maison en plastique, des petites voitures (majorette), des billets de monopoly, des assiettes d’offrandes aux couleurs criardes, des pétards… d’ailleurs ça pète de partout, de plus en plus. Ca sent l’encens, les feuilles brûlées, et ça mitraille de toutes part. On est plus dans une ambiance de liesse populaire que de coin de paradis. Arrivé tout en haut (non sans mal et sans jouer des coudes), il y a une longue file d’attente pour faire ses offrandes à des statues de Jésus, le long d’un chemin de croix. Et puis beaucoup de monde qui ouvre des bières en les secouant pour nourrir la terre de Pachamama. Des petits attroupements musicaux se forment, sons d’accordéons, de guitare, cris de joie (« allegia, allegria ! »), notre père récité par un gars en bonnet péruvien à un couple en devenir qui terminent aspergés de bière… l’ambiance est plutôt géniale en fait, et la vue sur les eaux immenses du lac, sur la ville en contrebas et sur les paysages alentours ne gâche rien. On s’assoie là un moment, au milieu de cette joyeuse pagaille. Une ancienne vient me demander en mariage (enfin je crois). Un médecin de La Paz nous serre la main, nous souhaite la bienvenue, nous pose des questions et nous parle de son pays. Une fillette s’amuse à côté. Un musicien nous recommande son hôtel et chante encore plus fort la joie, avec ses compatriotes ivres, à la santé de Pachamama, ou Jésus, ou peu importe, alors que le soleil décline doucement. Un moment bien étrange et bien agréable. Et puis c’est la redescente.

On se promène un peu sur la plage du lac, fumée d’échappement des bus, maté de coca, jus de poire et coucher de soleil. On a changé tous nos plans pour le lendemain, on fait changer nos billets pour l’Isla del Sol sans problème, en se faisant rembourser ce qu’il faut. Idem pour l’hôtel. Enfin ils nous remboursent une bonne partie de la nuit payée d’avance. Ils en gardent un peu quand même, pas cons. Globalement ils sont quand même arrangeant ces boliviens, et définitivement accueillant. Dîner dans un havre de paix pour touristes, murs en bambous, abat-jours type Ikea aux couleurs de la nation (vert-jaune-rouge), Manu Chao, Alpha Blondy et Bob, encore, en fond sonore. Vert-jaune-rouge ? Allez, encore un petit peu d’écriture avant un bon sommeil.

Mercredi 5 août. On a du mal à dormi, l’un et l’autre. Les fêtes se prolongent toute la nuit, là haut sur la montagne, à grands coups de pétarades, de chants et de cris. On est presque content quand le réveil sonne à 7h, on va pouvoir fuir ! Petit déjeuner dans un petit resto de la rue principale, avec du vrai jus d’oranges pressées (l’hôtel de La Paz servait de l’Oasis) et un vrai expresso (ça change du nescafé).

On embarque dans un petit bateau en direction de l’Isla del Sol. A côté de nous, un groupe de 7 français, 4 gars et 3 filles, la trentaine, qui ont l’air bien de bien se marrer en disant bien des conneries. On se met à discuter avec eux, ils sont vraiment sympas, on tchatche de nos itinéraires, ils nous donnent plein de tuyaux pour profiter au mieux de Cuzco et du Machu Pichu si on souhaite y aller (du coup on y va !). Et puis l’un d’entre eux porte sur lui le T-shirt de la fondation Cowboys Fringants, ça se met à chanter, ça rigole bien.

Arrivée au débarcadère du sud de l’isla del sol. Un escalier interminable conduit au petit village de Yumani, là haut sur la colline. L’escalier s’avère être un escalier inca, de part et d’autre duquel coule la source des incas. Un truc magnifique. Mais on est tellement fatigué de la grimpette qu’on ne capte rien. On croise des dizaines d’ânes remontant des barils d’eau dans les hauteurs de l’ile, et puis un lama, le premier. On s’installe dans le Templo del Sol, un petit hôtel défraichi posé sur une crête, avec une vue imprenable (je n’ai jamais compris cet adjectif) sur les deux versants du lac. Il est tenu par une dame d’une gentillesse qui n’a d’égal que sa douceur, comme toutes les personnes qu’on croise ici d’ailleurs. Plus un bruit, le calme absolu, la sérénidad. Et puis le soleil qui irise les eaux du lac, les petites îles tout autour, les montagnes enneigées à l’horizon. On se repose un petit moment, avant de repartir « faire un tour » de l’île.

Il est midi, Alice commence à avoir faim. Je lui dis : « T’inquiète, j’ai vérifié sur la carte, il y a des restos plus loin sur le chemin qui mène au Nord de l’île, juste après être arrivé en haut de ce sommet ». Elle me crois, bien sûr. Arrivé en haut, crevé, on s’aperçoit que le sentier s’arrête et qu’on est perdu au milieu de secs pâturages (une sorte de maquis). On part dans n’importe quel sens, en essayant de redescendre un peu, parfois en s’accrochant à des pierres. On ne croise personne, à part quelques brebis égarées. On finit par apercevoir un joli chemin bien gros, bien évident, qui passait non pas sur la colline, mais à côté. En le rejoignant, on croise des gars à côté d’une cabane, qui nous demandent de payer un droit d’entrée pour accéder au nord de l’île. On marche déjà depuis 1h30, et on n’a quasiment pas avancé au vue de notre position sur la carte de l’île. On leur demande si on peut manger quelque part, ils nous répondent que non, aucune restauration possible avant le village tout au nord, à part l’achat de biscuit dans des petits cabanons prévus à cet effet. Alice commence à tirer la gueule, je lui explique ce n’est qu’une petite Dead galère, rien d’autre. On achète une petite barre au chocolat, et puis des petites bouteilles d’eau, et puis on repart vers le nord. Le sentier est particulièrement montant et pénible, mais il suit la plupart du temps une crête au centre de l’île et la vue est absolument splendide. Le vent souffle fort mais le soleil cogne, et on n’a ni chapeau ni crème solaire, Alice ayant perdu son « écran total » dans un bus. On est un peu des galériens, là. Après encore 2 bonnes heures de marche harassante, on arrive à la pointe nord de l’île, où on rencontre deux petites filles du coin qui nous expliquent plein de trucs sur les ruines tout autour de nous, à commencer par la table en grosse pierre devant laquelle on s’est assis, qui était une table sacrificielle inca ! Et puis le Titi Khar’ka devant nous, aussi appelé « rocher du Puma », ses yeux, ses oreilles… Un peu plus loin, les ruines de Chincana sont des vestiges archéologiques impressionnant, véritable dédale dans lequelle nous emmène nos deux petites guides ! Elles s’appellent Sandra (9 ans) et Jenina (3 ans !). Pour plus de simplicité, nous l’appellerons Jeannine. Jeannine nous montre un puits dans lequel elle descend un peu pour aller boire à la source, on a peu qu’elle tombe, elle est vraiment petite ! Je fais des photos des deux filles dans les ruines, elles font un peu les belles. On se perd dans les pièces et dans les couloirs à ciel ouvert de ce petit labyrinthe. La vue sur le lac est toujours chanmé, avec le soleil qui fait briller d’avantage l’eau au fur et à mesure qu’il descend. On dit au revoir à Sandra et Jeannine, en leur laissant quelques bolivianos, et puis on repart vers le sud mais plus à l’est, en direction du village Cha’llapampa.

Encore une bonne demi-heure de marche pour y arriver. Il est déjà 16h15, et on commence à être vraiment épuisé, surtout Alice qui a du mal à lever ses jambes à chaque pas. Le retour à pied prendrait encore 2 à 3h de marche jusqu’à l’hôtel, on n’a quasiment rien avalé depuis le petit déj’ et on a pris le soleil en pleine tête toute la journée. On recroise les français du bateau qui se sont installé dans un petit hôtel dans le village, ils nous racontent encore des conneries, ça nous détend. Sur le petit bout de plage, des ânes et des cochons font leur vie. On arrive à l’embarcadère du village, dans l’espoir de prendre un bateau qui nous ramènerait dans le sud par les eaux. Plus de navette publique, par contre il y a déjà trois italiens et une espagnole qui attendent d’être assez nombreux pour partager un bateau privé. A six, ça ne revient plus très cher, on embarque donc tous ensemble. Ouf.

Là-bas, c’est rebelote avec les escaliers. Incas ou pas, ils sont particulièrement longs et pénibles. Arrivé aux premières habitations du village, on cherche immédiatement un petit resto bien mérité, et on se pose sur une terrasse superbe avec une vue sur la petite église du village et la pension tout autour, murs en en pierre et petits clochers en tuile. Le soleil est presque couché derrière nous. Je regarde la petite isla de la luna en face de nous, et lit à Alice ce qu’il en est dit dans le Lonely Planet : « Selon la légende, c’est sur ce paisible îlot entouré d’une eau couleur aigue-marine que Viracocha ordonna à la lune de s’élever dans le ciel ». A ce moment précis, un tout petit éclat blanc sort de derrière une montagne, juste derrière. Puis grossit, forme un demi-cercle, puis rapidement un cercle parfait. C’est bien la pleine lune qui vient de se lever ! J’en profite pour expliquern à Alice que je commande à la lune, je ne suis pas sûr qu’elle me croit. Il fait vite froid, on rentre à l’intérieur pour commander à manger, encore de la soupe au quinoa et petits légumes, et une excellent truite grillée accompagnée de patate, de riz, et de plein d’autres légumes. On mange vers 19h30, alors que j’avais promis à Alice qu’on mangerait avant 13h… pas mal. Ces dîner nous fait un bien fou, mais on est complètement mort, et rouge comme des écrevisses avec ça. Encore un petit effort pour atteindre les hauteurs de l’hôtel, et on se jette au lit. On regarde un petit épisode de Merlin sur l’ordi portable. A la fin de l’épisode, plus de batterie. On s’écroule.

Jeudi 6 août. Mal dormi encore, sans doute l’influence de la pleine lune cette fois ! Mais longtemps. Lever vers 8h, bonne douche (entre froide et tiède, avec une pression pourrie), petit déjeuner à l’hôtel, excellent et très bien servi, avec pain chaud, bonne confiture, œufs, jus d’orange pressé. On est refait. Des français à côté parlent de Cuzco (encore), on discute un peu. Et puis repos. On a décidé d’y aller farniente aujourd’hui, pas de folie. J’écris un peu nos aventures de la veille dans la salle à manger de l’hôtel. Le soleil tape fort sur le lac, comme à son habitude.

On repart nos gros sacs à dos sur les épaules, en direction de la pointe sud de l’île, qui proposerait son lot de ruines incas. C’est à 30 minutes de marche en descendant, rien à voir avec le calvaire de la veille. Par contre on a vraiment ramassé et avec les gros sacs ça n’est pas aussi facile que prévu. A la mi-chemin, je me rends compte que j’ai encore les clés de notre chambre d’hôtel dans la poche ! Alice m’attends un moment pendant que je fais un aller-retour pour les rendre. Encore une connerie.

En bas, au sud, on visite effectivement le Palacio del Inca, un édifice de pierres avec 7 ou 8 pièces, dont la moitié au plafond intact. On a déjà vu plus impressionnant, mais s’imaginer que des incas ont foutus les pieds ici est toujours plutôt cool. On voit un embarcadère, et remonter tout le chemin pour tout redescendre ne nous dit rien. Avec deux autres français de passage, on essaye de négocier qu’un bateau nous transporte jusqu’à Yampupata, sur l’autre rive. Un conducteur de bateau accepte, il nous demande juste d’attendre un moment qu’il ait terminé avec un groupe, qu’ils les emmène à un autre endroit puis qu’il revienne nous chercher tous les quatre. C’est pas donné, mais on négocie un peu le prix et ça roule. Il revient bien nous chercher à l’heure prévue (14h), et on est rapidement de l’autre côté.

Yampupata est un petit village, rien ne s’y passe. On croise un gars, on lui explique qu’on cherche à rejoindre Copacabana, il nous dit de le suivre. Il nous amène à l’autre bout du village, où un pote à lui finalise sa cargaison de farine de poisson dans un pick-up, avec toute sa famille dans la caisse. Pas de problème, on va faire de la place ! Le pote accepte d’enlever deux gros sacs de farines de poissons de derrière pour qu’on ai la place de s’y vautrer. Le pick-up part, on est tous accroché les uns aux autres, et ça pue le poisson. La route est plus une piste terreuse et cahoteuse, on décolle de plusieurs centimètres à chaque bosse et le chauffeur roule comme un malade ! C’est un peu flippant mais les paysages sont top, on a des points de vues énormes sur le lac tout le long du chemin. On fait une quinzaine de km comme ça, et on termine plein de poussière et de terre, mais plutôt content, c'etait bien rigolo.
A Copacabana, c’est la fiesta ! On est en plein 6 août, il y a un monde fou. On zigzague entre les passants avant de tourner dès que possible dans un resto pour manger un bout. Il est déjà 16h. On se régale d’une bonne pizza maison aux poivrons, salami, oignon, et d’un tacos au guacamole avec tout plein de petits légumes croquants dedans. C’est incroyable à quel point tous les produits sont frais ici, on ne mange que des bonnes choses. Même quand la cuisine est simple, les aliments ont tous bon goût. Allez, un petit plataño con leche, ça fait longtemps. Dans une heure et demi, on sera dans un bus couchette pour Cuzco au Pérou ! Ben oui on est comme ça.

Jeudi 6 aoûtCopacabana / 17h11

04 août 2009

Les sorcières de La Paz

Lundi 3 aoûtLa Paz / 19h41

Il est bien le titre non ? Comment ça un effet d’annonce ? Ouais ben on verra. En tout cas, après une journée de plus passée à arpenter dans tous les sens cette ville si singulière, on se connait un peu mieux avec La Paz, on commence à avoir vécu des trucs ensemble... Ca a commencé ce matin, très tôt...Justifier
Lundi 3 aout. 6h. Je me réveille soudainement, une certaine lourdeur dans la tête… Alice est agitée, elle est elle aussi déjà réveillée. Décidément on n’est pas encore bien calé. On arrive à se rendormir sur le coup des 7h et quelques, pour se réveiller vraiment vers 8h30. Le petit déj de l’hôtel est sommaire mais mauvais (il aurait pu être sommaire mais bon). On décide de grimper tout en haut de la ville (le quartier appelé « El Alto ») pour avoir une vue d’ensemble sur le bazar. Bien sûr j’insiste pour y aller à pied. Bien sûr le gars de l’hôtel à qui je demande par où aller me rie au nez, et m’explique comment prendre un taxi. Ok, mais moi je suis sûr qu’on pouvait y aller à pied ! Le taxi a du mal à monter tellement qu’il est vieux et que ça grimpe. Je dois avouer qu’on en aurait bavé. Il nous dépose tout en haut, à côté d’une antenne satellite. Le quartier semble plus pauvre qu’en bas, les nombreux bâtiments en brique rouge sont spartiates, il y a beaucoup de travaux, qui semblent effectués par les habitants eux-mêmes. On ne trouve pas de point de vue génial, on s’enfonce un peu dans le quartier. Les rues sont très peu fréquentées, des chiens nous tournent autour, des gamins s’amusent sur un terrain vague. Des escaliers descendant nous donnent quand même de superbes points de vue sur l’ensemble de la ville, tentaculaire, éblouie de soleil. On voit bien la ligne de buildings créée par Le Prado, l’artère principale qui descend le long d’une vallée entourée de montagnes, recouvertes d’habitations. C’est… éblouissant. On se met à descendre des escaliers plutôt bien entretenus, en direction de la ville. Les personnes qu’on croise ne semblent pas habituées à voir des touristes. Un gars souriant insiste pour que je le prenne en photo, se met à discuter, alors que sa femme insiste pour que je file du pognon (les femmes sont définitivement plus matérialistes que les hommes). En descendant, les chiens se montrent assez inquiétants, montrent leurs crocs à notre passage. Moi, j’ai la malédiction des chiens. Je me suis déjà fait attaquer en Andalousie, en Russie… j’essaye de rester calme et sûr de moi pour rassurer Alice qui n’en mène pas large. Mais un chien s’interpose entre elle et moi, bavant, grognant, il semble prêt à attaquer. Heureusement, une fillette de 4 ans se pointe, lui fout une bonne taloche, l’attrape par la peau du cou et tire de toutes ses forces pour le faire reculer ! Je n’en peux plus de la remercier, elle nous sourie. Sauvés par une gamine.

On continue à descendre, toujours plus bas. C’est effectivement interminable. On passe par des petits chemins en terre jonchés de détritus, on croise des femmes faisant sécher leurs jupes traditionnelles, des hommes un peu étranges, probablement ivres, pissant peinard au milieu du chemin. La vue est parfois vertigineuse, à flanc de ravin, mais on arrive progressivement sur des routes pavées moins pentues, plus proches du centre ville. On emprunte la rue des garages, avec des tas de bagnoles réparées à même la route et des centaines de magasins d’huile de vidange, de joints et autres outils à usage mécanique. Petite pause dans une gargote, pour goûter un salteñas de pollo (chaussons farcis au poulet, olives, oeuf, patate, oignons, petits pois, carottes, raisins secs et épices) et s’enfiler un maintenant classique jugo de plataño con leche (on est devenu addict, le goût des bananes est vraiment trop bon).

De retour au centre. On a descendu tout La Paz. On décide d’aller déjeuner dans un autre quartier. On arrête un minibus se dirigeant vers le sud, on lui demande de nous poser Zona Sur, quartier San Miguel. Le trajet dure bien 30 minutes, la circulation est dense, le véhicule se faufile comme il peut entre le flot d’autres bus descendant la vallée, en faisant de fréquentes pauses pour laisser sortir ou monter des gens. Un gars gère l’ouverture et la fermeture de la porte, en hurlant la destination du minibus sans s’arrêter, avec un débit qui n’a rien à envier aux commentateurs de foot.

Le calme de la Zona Sur tranche avec le brouhaha du centre ville, le quartier semble plus riche aussi. On croise de nombreux collégiens en uniforme de leur école, parfois encravatés. Ca fout les jetons. On se pose à une terrasse ensoleillée, et on commande un almuerzo (menu du jour), soupe de pâtes, de légumes et de viande, puis du poulet rôti accompagné de salade et pommes de terre… et de la pastèque en dessert. Classique mais bon. On profite un peu du calme, de la vue des montagnes environnantes, on se boit un petit café (Nescafé, pour l’instant on n’a jamais eu droit à un expresso qui va bien), et puis retour en minibus jusqu’à la plaza San Fransisco, en plein centre. On va se reposer un peu à l’hôtel, on a tous les deux mal à la tête, l’altitude nous assomme et on sombre dans une sieste imprévue.

Il est 17h30 quand on ressort nos têtes dehors. On se jette têtes baissées dans les ruelles, et on traverse les marchés les uns après les autres. A commencer par le marché aux sorcières, avec ses fœtus de lama séchés, ses feuilles de coca, ses encens et, bien sûr, ses sorcières. Mais je préfère ne pas trop parler de tout ça, ça ferait un peu peur aux lecteurs. Puis le mercado negro (marché noir), un immense dédale de ruelles, d’escaliers, de routes et d’espaces intérieurs dont le moindre mètre carré n’est dédié qu’à la vente d’absolument tout ce qu’on peut imaginer : cosmétiques, jouets, fringues, aliments, outils, lecteurs de DVD portables, gadgets, épices et autres bottes de majorettes. On se perd complètement, tournant de gauche à droite, de bas en haut, d’intérieur à extérieur. C’est comme un souk géant qui semble s’étendre sur toute une colline. Les klaxons, le monde, les bousculades…. Tout cela commence à nous fatiguer. On fait une halte dans un petit café en terrasse, avec plein de français et du Brassens à fond, l’endroit idéal pour déguster un petit maté à la feuille de coca. C’est meilleur en infusion qu’à mâcher… on en a acheté à une sorcière un peu plus tôt, qui nous a expliqué comment mettre un peu de résine de coca entre les feuilles séchées et chiquer le tout pour guérir de tous les maux du monde. Ca marche peut-être, mais c’est pas très bon. On discute un peu avec une française de son voyage au Pérou. En bas, une fanfare passe avec des enfants qui dansent et des adultes déguisés en ours et autres chats. Je commence à écrire ces lignes, puis on descend à un petit resto. Velouté d’oignon, velouté de tomates… on est devenu des avaleurs de soupes. Et puis une omelette jambon fromage plutôt insipide, qu’on se partage. On est encore complètement vannés, on file au lit comme des vieux. Demain matin, on prend un bus aux aurores pour… Copacabana, sur les rives du lac Titicaca. Ouh yeah.

Lundi 3 aoûtLa Paz / 22h30

03 août 2009

Un long voyage

Dimanche 2 aoûtLa Paz / 18h57 (heure française – 6h)

Un voyage long et épuisant, mais nous sommes bien arrivé à La Paz, la capitale la plus haute du monde ! Retour sur les premiers frémissement d'un périple qui s'annonce de toute évidence véritablement incroyable.

Vendredi 31 juillet. C’est parti pour un long trajet ! 40h en tout, avec premier arrêt à Madrid pour la nuit, puis 9h d’attente à Miami le lendemain avant d’atterrir à La Paz au petit matin du surlendemain ! Chanmé.

Premier vol : Lyon-Madrid. On arrive à l’aéroport en avance (ça me fait un peu stresser, d’être en avance, mais bon, j’arrive à me calmer). Vol tranquille, et on se retrouve vers 23h30 au centre de Madrid. Petit « hostal » pas trop cher, avec une mama à la cool à la réception, des peintures de Jésus sur les murs, un ventilo. Promenade nocturne dans le centre, on s’engouffre une énorme assiette de charcuterie « iberica » (lire grasse et bonne), poussée par une bonne bière. La plaza mayor n’a pas changé, mais on prend quand même le temps d’une sangria bien fraîche en terrasse, pour en être vraiment sûr. Et puis encore un petit tour, et puis dodo. La nuit est courte et douloureuse, il fait une chaleur suffocante, je me relève à 4h du mat’ pour prendre une douche froide.

Samedi 1er août. Réveil vers 9h, métro pour l’aeropuerto. Un peu avant l’embarquement, on entend nos noms au micro, on nous fait passer à un comptoir de sécurité où on nous pose des questions débiles genre : « Avez-vous des penchants terroristes ? ». Embarquement. Cette fois on est dans l’avion pour 8h de vol. American Airlines, équipage moyen cool, bouffe moins cool encore. Vol sans encombre, agrémenté par la vision de deux énormes nanards : « X-Men Origins : Wolverine », et « Star Trek » (le dernier). Convenons que ni l'un ni l'autre ne sert à grand chose. Je me rends compte que j’ai oublié mes jambes de pantalon (qui se dézippent) à Madrid. Et puis mon maillot de bain. Je suis super énervé contre moi. Première étape, première connerie ! Arrivée à Miami vers 14h (heure locale). On fait une bonne heure de queue pour passer la douane, avec des filmes projetés sur des écrans pour te montrer à quel point les Etats-Unis sont grands et forts et accueillants et libres, avec des images de la statue de la liberté, de rappeurs black à chaines en or, de zizi-riders et de familles mixtes qui s’aiment et ont réussi. Le douanier, un imposant latino moustachu, est plutôt agréable. Prise de photo, prise d’empreintes de tous les doigts de chaque main, tout ça, mais agréable malgré tout. On récupère nos gros bagages pour passer une nouvelle inspection avant de les réenregistrer pour La Paz. Compliqué.

Dehors, c’est la canicule, 40°, les palmiers, les obèses, les grosses bagnoles, les hôtels de luxe. Bienvenue à Miami. Et nous, on est en chaussures de montagne montantes ! On a bien l’air con. Un bus nous conduit à Miami Beach en une bonne heure : il y a environ un arrêt tous les 10 mètres ! C’est dingue, on a l’impression qu’on n’arrivera jamais. Et puis là, avec la clim on grelotte. On s’arrête au hasard sur la lagune et on trouve un bout de plage. Tout le monde parle espagnol, des familles d’obèses et de futurs obèses (le bouleau a souvent déjà commencé) se retrouvent ici. Repos, lecture, dodo un peu. Je me fous en caleçon pour me « mouiller les pieds », une vague vient me tremper jusqu’au ventre, et je me retrouve les pieds dans l’eau, à bouquiner pendant une heure pour me faire sécher au soleil. Classe. Un petit panini à la viande « turque » (selon la meuf, ça n’est pas du bœuf, c’est du « turc »…. flippant), et puis on rentre à l’aéroport en bus. Le conducteur est un fou furieux qui ne fait qu’accélérer comme un taré, piler, accélérer, piler. Et ça tous les 10m. On commence à accuser le coup, il est 21h, 3h du mat pour nous. Attente interminable dans la zone d’embarquement, il fait froid, on pique du nez. On finit par décoller pour La Paz, notre « véritable » destination. Le vol dure encore 6h45, on arrive à dormir la plupart du temps, mais mal.

Dimanche 2 août. 6h du matin heure locale : on est enfin à destination. On sort de l’avion par un petit escalier car l’ouverture principale est en panne. Et là je me retrouve en short, par un bon 0° dehors ! C’est un petit aéroport entouré de montagne. Récupération des bagages. En ouvrant mon sac, je retrouve mes jambes de pantalon (qui se dézippent). Et puis mon maillot de bain. Je suis super fier de moi. Dehors, l’air est frais, pur, et on respire un peu plus difficilement, on sent l’altitude. Du minibus qui nous transporte en direction du centre ville, on aperçoit un panneau : « Vous êtes 4061 m plus prêt du ciel ». Le véhicule s’enfonce progressivement dans la cuvette dans laquelle la ville de La Paz a pris racine, une cuvette dont même les rebords les plus escarpés sont remplis de bâtiments ocres s’accrochant à ses flancs. Des bâtiments qui brillent des milles feux d’un soleil imposant qui vient de se lever sur la ville. Waouh. C’est là que je m’aperçois que j’ai oublié mes lunettes de soleil dans l’avion. Waouh. Je suis vraiment le meilleur.

Le minibus nous dépose le long de l’artère principale de la ville, au nom changeant selon la section, mais communément nommé « El Prado ». De part et d’autre, ça grimpe. Du coup on grimpe. On se retrouve rapidement dans le quartier artisanal de la ville, aux nombreuses ruelles plus ou moins pavées. Les boutiques de vêtement en laine et autres objets d’artisanat ouvrent paresseusement. On entre dans une guest-house, le taulier dort encore. On est au cœur de la Bolivie qui se lève tard ! On décide de s’installer en plein cœur de ce quartier, dans l’hôtel Sagarnaga. La chambre est sombre mais propre, et on n’a pas dormi depuis trop longtemps. On s’allonge pour se « reposer un petit peu », on se réveille… 5 bonnes heures plus tard, vers 13h.

On est quand même bien dans le pâté, et le décalage horaire et l’altitude n’arrangent rien. Douche, brossage de dents, on revit. Dehors, la ville est en ébullition comparé au petit matin. De nombreuses vendeuses boliviennes au look typique (chapeau melon posé sur le dessus de la tête, châle multicolore et longue tresses noires parfois rallongées de pompons décoratifs) parsèment les rues. Le réseau de ruelles en pente, empruntées au hasard, donne une allure de marché permanent. Ca foisonne, les étales de fringues et de nourriture se multiplient, les voitures klaxonnent. Régulièrement, une ouverture entre les bâtiments laisse entrevoir les habitations les plus hautes de la ville, accrochées à flanc de paroi à des hauteurs impressionnantes. On mange dans un resto plutôt touristique (Le Pot colonial) mais très bon. Un succulent « Platano con leche » (Milk-shake à la banane), d’excellentes soupes (velouté d’ail à la semoule et velouté de tomates), des plats très sympas (steak accompagné d’Ajao, une espèce de patate douce citronnée et assaisonnée, et tomates farcies à la viande piquante pour Alice), et des desserts classes (salade de – très bons – fruits et tranches de pommes flambées). A la fin on n’a pas assez de monnaie pour payer, le gars nous dit de revenir payer le solde plus tard, à l’occasion !

On se remet à arpenter les venelles, de haut en bas et de bas en haut. L’ambiance qui règne met globalement à l’aise. Beaucoup de sourires, une grande gentillesse de la part de toutes les personnes à qui on est confronté. On se promène sans se faire alpaguer à tout va, les vendeurs laissent les gens regarder leur marchandise sans les importuner. Les vieilles ont souvent des dents en or, ça force le respect. En parlant de dents, on voit des écriteaux de dentistes et de prothésistes dentaires de partout, ce qui amuse bien Alice. Je me rachète une paire de lunettes mille fois plus classes que celles que j’ai perdu (hum), et puis une SD card (pas cher) pour stocker mes photos. On change des dollars en Bolivianos, la monnaie locale. Le climat est trop agréable, avec un soleil qui tape (on se met en T-shirt) mais une atmosphère pure, pas du tout étouffante. Traversée du Prado par un petit pont, nouvelles rues, nouveaux étales. Plaza de Murillo, les bâtiments de l’époque coloniale réfléchissent le soleil qui commence déjà à décliner un peu. Des enfants, des chiens, des pigeons, une statue centrale, de la verdure, des passants aux allures pittoresques, une atmosphère andine… ça y est on se sent vraiment en vacance, vraiment bien, on se rend compte qu’on est dans un endroit incroyable, et pour un bon bout de temps.

Nos pas nous emmènent plutôt bas dans la ville, puis on remonte en direction de notre « quartier ». Petite pause à l’hôtel, où je commence à écrire ces lignes sur mon super Eee PC, mini ordinateur qui me change la vie comparé aux années précédente : je peux écrire d’où je veux, quand je veux, et il me suffit de trouver un réseau Wi-Fi pour la mise en ligne ! On ressort, dégote un petit café, dans lequel on s’enfile un nouveau « Platano con leche », puis un nouveau velouté de délicieux légumes. On discute du voyage, de la suite des événements, on fait des plans sur la Lonely comète. On est bien. Fatigué encore, mais bien. Il est tôt quand on rentre à l’hôtel, bien décidé à plonger dans une nouvelle nuit réparatrice. Alice s’emmitoufle dans des kilos de draps (tout ce qu’elle trouve) et finit par s’endormir alors que je continue à taper ces mots. Je ne vais pas tarder à la suivre.

Dimanche 2 août - La Paz / 22h22